Le grand âge, victime chronique du manque d'argent et de mobilisation

Sur cette photo d'archive prise le 5 juillet 2018, une résidente âgée est assise dans sa chambre dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à Paris.(AFP)
Sur cette photo d'archive prise le 5 juillet 2018, une résidente âgée est assise dans sa chambre dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à Paris.(AFP)
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Publié le Samedi 29 janvier 2022

Le grand âge, victime chronique du manque d'argent et de mobilisation

  • Dans le livre-enquête « les Fossoyeurs », le journaliste indépendant Victor Castanet décrit un système où les soins d'hygiène, la prise en charge médicale, les repas des résidents d'un Ehpad du groupe Orpea sont "rationnés" pour améliorer la rentabilité
  • Les associations de soutien aux personnes âgées déplorent le manque d'intérêt et de mobilisation du grand public sur le sujet

PARIS : Appareil auditif oublié, toilette incomplète, repas expédié: des voix s'élèvent depuis des années pour dénoncer dysfonctionnements et maltraitance dans les Ehpad, rappellent les acteurs du secteur, qui regrettent un manque de moyens et de mobilisation de la société sur ce sujet.

Dans le livre-enquête "les Fossoyeurs" publié mercredi, le journaliste indépendant Victor Castanet décrit un système où les soins d'hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents d'un Ehpad du groupe Orpea sont "rationnés" pour améliorer la rentabilité. Ces révélations, contestées par le groupe, ont provoqué une onde de choc dans la société française.

Mais Claudette Brialix, présidente de la Fédération nationale des associations et amis de personnes âgées et de leurs familles, n'est, elle, "pas du tout" surprise. "Les problèmes de prise en charge des résidents sont connus depuis longtemps", souligne-t-elle auprès de l'AFP. "Ce qui est inadmissible, c'est qu'on en soit toujours là, qu'on ne mette pas les moyens" pour améliorer la situation.

Le sujet avait déjà été mis en lumière lors de précédentes révélations. Une émission d'Envoyé spécial, en 2018, avait notamment pointé de graves carences dans les soins apportés aux résidents d'Ehpad privés. 

"Les établissements privés, ce sont les arbres qui cachent la forêt des Ehpad publics", estime Sylvie (prénom d'emprunt), présidente d'une association de familles de résidents des Ehpad d'une grande municipalité. Pas de brossage de dents, limitation des changes, gestes rapides qui provoquent des hématomes: elle énumère les négligences, voire les maltraitances, dénoncées par les familles.

Maltraitance « systémique »

Les professionnels du secteur reconnaissent des dysfonctionnements. "Il existe une maltraitance systémique dans tous les établissements car il y a un manque de personnels et de moyens partout en raison d'un sous-financement", affirme Pascal Champvert, président de l'AD-PA, l'association des directeurs d'Ehpad et de services à domicile

La mère de Françoise (prénom d'emprunt) a passé un an dans un Ehpad public, avant son décès, en 2019. "Le personnel ne lui donnait pas son traitement contre le glaucome et elle a perdu la vue d'un oeil", témoigne-t-elle. Elle se souvient d'un manque de personnel permanent et d'une "omerta" face aux maltraitances. 

La France compte un peu plus de 7.500 établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), où vivent 606.400 résidents, selon les chiffres 2020 du service statistique des ministères sociaux (Drees). La moitié sont publics, 30% privés associatifs et 20% privés lucratifs.

A l'heure actuelle, les dépenses liées au grand âge sont estimées à 30 milliards d'euros par an. Elles pourraient exploser avec la génération baby boom de l'après-guerre. 

La loi grand âge, réclamée de longue date par les professionnels, devait donner davantage de moyens au secteur, revaloriser des métiers qui peinent à recruter et préparer la France à affronter la hausse du nombre de seniors en perte d'autonomie. Maintes fois promise et reportée par l'exécutif, elle a finalement été abandonnée.

Pression citoyenne 

"C'est une question d'argent mais aussi de détermination politique pour mettre ce sujet en haut de l'agenda", relève la spécialiste d'éthique Alice Casagrande, qui préside une commission au sein d'instances publiques consultatives sur la lutte contre les maltraitances. Et pour inciter les pouvoirs publics à s'emparer du sujet, "c'est aux citoyens de mettre la pression".

Les associations de soutien aux personnes âgées déplorent justement le manque d'intérêt et de mobilisation du grand public sur le sujet.

"La France est restée sur quelque chose d'ancestral, où la vieillesse n'est pas une affaire d'Etat mais une affaire privée, les familles doivent se débrouiller", avance Bernard Ennuyer, sociologue spécialiste du vieillissement, qui défend le maintien à domicile.

"Privé ou public, c'est le même combat. L'Ehpad n'est pas un endroit sympa pour finir sa vie et les Français veulent rester chez eux", souligne-t-il.

Les pouvoirs publics n'ont toutefois guère financé le développement du secteur des services à domicile.

Dans un rapport publié la semaine dernière, la Cour des comptes indiquait que l'offre de soins à domicile restait insuffisante en France et très inférieure à celle en Ehpad. En 2016, elle estimait déjà qu'il était nécessaire d'améliorer l'organisation de la politique de maintien à domicile. 


Macron fustige les «bourgeois des centres-villes» qui financent «parfois» le narcotrafic

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  • Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international"
  • La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic

PARIS: Le président Emmanuel Macron a estimé mercredi lors du Conseil des ministres que ce sont "parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants", selon des propos rapportés par la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon lors de son compte-rendu.

Le chef de l'État a appuyé "l'importance d'une politique de prévention et de sensibilisation puisque, je reprends ses mots, +c'est parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants+", a précisé Maud Bregeon, ajoutant: "on ne peut pas déplorer d'un côté les morts et de l'autre continuer à consommer le soir en rentrant du travail".

Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international". La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic.

 


Amiante dans les écoles: plus de 50 personnes et sept syndicats portent plainte à Marseille

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
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  • "La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu
  • Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent"

MARSEILLE: Ils sont parents d'élèves, enseignants, agents municipaux: une cinquantaine de personnes, toutes exposées à l'amiante dans des écoles des Bouches-du-Rhône, vont déposer mercredi à Marseille une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

Sept syndicats et trois associations de victimes de l'amiante sont aussi plaignants dans ce dossier, qui concerne 12 établissements scolaires, la plupart à Marseille.

"La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu, qui représente ces plaignants d'une douzaine d'établissements scolaires et dont la plainte va être déposée à 14h.

Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent".

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire.

"Une collègue est décédée en avril 2024 des suites d’un cancer lié à l’amiante, reconnu comme maladie professionnelle", a expliqué dans un dossier de presse le collectif stop amiante éducation, dans lequel sont réunis les syndicats et associations plaignants.

Le collectif dénonce "de nombreuses défaillances", notamment une absence d'information sur l'amiante, malgré les obligations réglementaires, ou encore une absence de protection pendant les travaux.

En mars, les syndicats enseignants avaient révélé que plus de 80% des bâtiments scolaires en France étaient potentiellement concernés par la présence d'amiante.

Un rapport du Haut Conseil de la Santé Publique publié en 2014, prévoit que d’ici 2050, 50.000 à 75.000 décès par cancer du poumon dus à l’amiante aient lieu, auxquels s’ajoutent jusqu'à 25.000 décès par mésothéliome (un autre type de cancer).

 


Assassinat de Mehdi Kessaci: «Non, je ne me tairai pas» face au narcotrafic, dit son frère dans une tribune au Monde

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  • "Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic"
  • "On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement"

PARIS: "Non, je ne me tairai pas" face au narcotrafic, a déclaré mercredi dans une tribune publiée dans le journal Le Monde Amine Kessaci, le frère de Mehdi, abattu jeudi à Marseille par deux personnes à moto.

"Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic", a également écrit le militant écologiste de 22 ans, engagé dans la lutte contre le narcobanditisme. En 2020, cette famille de six enfants avait déjà été endeuillée par l'assassinat d'un autre de ses frères, Brahim, 22 ans, dont le corps avait été retrouvé carbonisé dans un véhicule.

"On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement", a encore déclaré Amine Kessaci, qui a enterré mardi son frère Mehdi. "Voici ce que font les trafiquants : ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies", a-t-il ajouté.

La protection policière qui lui a été accordée ne l'a pas été à ses proches, a souligné le militant écologiste de 22 ans. "Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?", s'est-il interrogé.

"Face à un tel ennemi, l’Etat doit prendre la mesure de ce qu'il se passe et comprendre qu'une lutte à mort est engagée", a-t-il encore prévenu.

"Il est temps d’agir, par exemple de faire revenir les services publics dans les quartiers, de lutter contre l’échec scolaire qui fournit aux trafiquants une main-d’œuvre soumise, de doter les enquêteurs et les forces de police des moyens dont ils ont besoin, de renforcer, de soutenir réellement les familles de victimes du narcotrafic. Nous comptons nos morts, mais que fait l’Etat ?"

Medhi Kessaci, 20 ans, a été assassiné jeudi à Marseille près d'une salle de concert par deux hommes à moto, activement recherchées, un "crime d'intimidation" et "un assassinat d'avertissement" pour les autorités.