Flou autour du retrait de Vincent Bolloré avant le bicentenaire de son empire

Dans cette photo d'archive prise le 19 avril 2018, le président du conseil de surveillance du groupe de médias français Vivendi Vincent Bolloré assiste à une assemblée générale du groupe Vivendi à Paris. ERIC PIERMONT / AFP
Dans cette photo d'archive prise le 19 avril 2018, le président du conseil de surveillance du groupe de médias français Vivendi Vincent Bolloré assiste à une assemblée générale du groupe Vivendi à Paris. ERIC PIERMONT / AFP
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Publié le Mardi 15 février 2022

Flou autour du retrait de Vincent Bolloré avant le bicentenaire de son empire

  • Vincent Bolloré, retraité le 17 février?
  • Mais la perspective de la passation de pouvoir semble s'éloigner à mesure que l'échéance s'approche

PARIS: Vincent Bolloré, retraité le 17 février? La date, jour du bicentenaire de l'entreprise familiale, devait marquer le retrait des affaires de l'industriel et magnat des médias mais celui-ci semble désormais très hypothétique, tant les dossiers à régler sont encore nombreux.

"Aujourd'hui, je finis de laisser ma place de conseiller, après avoir été dirigeant jusqu'il y a trois ans. Ma famille a accepté de poursuivre cette saga industrielle. Elle va représenter la septième génération", relatait le 19 janvier Vincent Bolloré dans le cadre d'une commission d'enquête sénatoriale sur la concentration des médias.

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Vincent Bolloré (C) pose avec ses fils le PDG du groupe Havas Yannick Bolloré (à droite) et le vice-président du groupe Bolloré Cyrille Bolloré (à gauche) avant d'assister à une assemblée générale de Vivendi le 19 février 2018 à Paris. ERIC PIERMONT / AFP
ÉRIC PIERMONT / AFP

"Je laisserai ma place (...) lorsque nous fêterons le bicentenaire du groupe", ajoutait le milliardaire, 70 ans en avril, à la tête d'un empire avec un pied dans l'industrie (groupe Bolloré dans le transport et la logistique) et l'autre dans les médias (Vivendi).

Or, le bicentenaire sera finalement fêté à deux reprises: la première fois jeudi à Ergué-Gabéric, près de Quimper, où est implanté le siège social de l'entreprise, la Compagnie de l'Odet, puis en juillet, en grande pompe avec plusieurs centaines de personnes.

Mais la perspective de la passation de pouvoir semble s'éloigner à mesure que l'échéance s'approche: elle sera "reportée" en raison de plusieurs dossiers importants à gérer, affirmait la semaine dernière BFM Business.

Un fin connaisseur de l'univers Bolloré rappelle pour sa part à l'AFP que l'homme d'affaires "a bien engagé un processus de transfert des responsabilités" à ses enfants, "qui est en grande partie réalisé mais pas totalement". 

Vincent Bolloré, de patron «trop gentil» à titan des médias

Chouchou des médias lorsqu’il avait repris une papeterie familiale au bord du gouffre, le financier hors pair Vincent Bolloré est devenu leur bête noire en bâtissant un empire tentaculaire, incontournable dans l’édition, l'audiovisuel, la communication et la presse.

Bientôt septuagénaire, la 14e fortune de France, selon Challenges, tient encore fermement les rênes de la holding familiale, mais veut laisser la main à la septième génération, ses fils déjà présidents des groupes Bolloré (logistique internationale et pétrolière) et Vivendi (médias).

Le 17 février, le patron attaché à ses racines bretonnes célèbrera le bicentenaire de la manufacture de papier d'Odet, près de Quimper (Finistère), fondée par Nicolas Le Marié et reprise quelques années plus tard par son aïeul.

L'entreprise familiale aurait tourné court si Vincent Bolloré, jeune banquier d'affaires à Paris, n'avait pas décidé en 1981 de reprendre avec son frère les usines Odet-Cascadec-Bolloré (OCB) au bord du dépôt de bilan.

Il passe alors du papier cigarette au film plastique, puis aux condensateurs électriques. Bolloré Technologies entre en Bourse en 1985.

Cette aventure lui donne d'abord une image de patron sympathique. Souriant, affable, le jeune manager proche de la nouvelle droite - François Léotard, Alain Madelin et Gérard Longuet, dont il est le beau-frère - se décrit lui-même comme "trop gentil" lors d'une apparition chez Thierry Ardisson en 1987.

Il prend au même moment le contrôle de la SCAC (Société commerciale d'affrètement et de combustible), obtient des parts de l'ancien monopole d'État de production de tabac, et se fait introniser à la présidence de la discrète banque Rivaud.

Côté finances, les raids s'enchaînent, ciblant notamment les médias: d'abord Bouygues (maison mère de TF1), Pathé, Havas ou Ubisoft.

"Il est l'un des premiers activistes de France, et c'est un compliment", dit la cofondatrice du fonds CIAM Catherine Berjal, qui partage son goût pour flairer les bonnes affaires.

«Un côté cabot»

"Il a fait très peu de coups perdants et a souvent réussi à faire une plus-value quand il ne prenait pas le contrôle. C'est son côté pile je gagne, face je gagne aussi", appuie Philippe Bailly, du cabinet NPA Conseil.

Au lancement de la TNT en 2005, Vincent Bolloré gagne sa première chaîne de télévision, Direct 8, sur laquelle il n'hésite pas à intervenir en direct.

Malgré des débuts hasardeux, il parvient par un coup d'éclat financier à la revendre à Canal+ contre des parts de sa maison mère Vivendi, dont il prend le contrôle en 2014.

Sa mise au pas brutale de "l'esprit Canal" marque alors les esprits: les cadres sont débarqués, fin du "Zapping", de l'investigation, les "Guignols" sombrent, la rédaction de la chaîne d'infos entame une grève historique.

Vincent Bolloré impose le polémiste Éric Zemmour sur les antennes de CNews, qu'il relance sur le modèle de la très conservatrice chaîne américaine Fox News, et donne le champ libre à Cyril Hanouna sur C8.

Fervent catholique, il développe aussi les émissions chrétiennes, tendance traditionaliste.

"Je ne suis pas un investisseur financier, je suis un investisseur industriel. Je dois donc avoir le contrôle de l'éditorial", disait-il à Télérama en 2007.

Parallèlement, les procédures judiciaires pleuvent sur les journalistes qui enquêtent sur ses activités, notamment en Afrique.

"Il y a un côté cabot chez lui, il s’amuse de tout ça", affirme à l'AFP le journaliste Nicolas Vescovacci, qui a obtenu la condamnation de Vivendi pour "procédure abusive" à son encontre lors de la rédaction du livre "Vincent tout-puissant". 

Croque-mitaine

Aujourd'hui, Vincent Bolloré prévoit de céder la logistique africaine, plombée par des enquêtes pour corruption, tandis que son dernier coup de maître en introduisant Universal Music Group en Bourse lui permet de se renforcer encore dans les médiaset l'édition.

Après avoir racheté les magazines Prisma (Télé-Loisirs, Femme Actuelle, Capital), le patron d'Editis est sur le point d'avaler Lagardère (Hachette, Europe 1, Le JDD, Paris Match).

"Il y a une telle pression, en disant +Vincent Bolloré épouvantable Bogeyman+ (Croque-mitaine, ndlr) épouvantail, (...) c'est naturel qu'ils aient peur", a-t-il lancé en janvier à une commission d'enquête parlementaire sur la concentration des médias, qui l'interrogeait sur les inquiétudes de la rédaction du JDD pour son indépendance.

Le monde politique aussi s'inquiète, à moins de 100 jours de l'élection présidentielle.

"Monsieur Bolloré doit comprendre que ce n'est pas aux patrons de presse de décider qui doit être président de la République", avait lancé en novembre Marine Le Pen, la candidate du Rassemblement national, qui s'estimait mal traitée par rapport à Éric Zemmour.

"Notre intérêt n'est pas politique et n'est pas idéologique: c'est un intérêt purement économique", a assuré l'intéressé aux sénateurs.

Son fils Yannick, âgé de 42 ans, PDG de Havas depuis 2013, est devenu président du conseil de surveillance de Vivendi en 2018, tandis que son frère cadet Cyrille, 36 ans, a pris les rênes du groupe Bolloré en mars 2019. 

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Le président-directeur général du groupe Havas Yannick Bolloré et la PDG de Radio France Sibyle Veil arrivent pour un dîner d'État offert par le président français à l'Elysée à Paris, le 25 mars 2019, dans le cadre de la visite d'État du président chinois en France. LUDOVIC MARIN / AFP

Tour de contrôle

"Il est impossible de savoir quand il décidera de réaliser complètement (son retrait). De toute façon, même s'il le réalise, il gardera toujours la tour de contrôle de la Compagnie de l'Odet" qu'il préside, croit savoir cette même source. 

Cette holding, pilotée par le seul milliardaire, est à la tête de l'empire Bolloré, façonné en quarante ans à coups d'acquisitions et qui totalise désormais environ 80.000 salariés et 24 milliards d'euros de revenus. 

Vincent Bolloré aime à rappeler qu'au début des années 1980, quand il s'est attelé au redressement de la papeterie familiale alors en difficulté, celle-ci "employait un peu moins de 800 personnes" pour un chiffre d'affaires de 20 millions d'euros.

Depuis, elle s'est développée dans les médias - parfois au prix de remaniements brutaux -, entre audiovisuel (groupe Canal+ et ses chaînes C8 et CNews ou la radio Europe 1), presse (Prisma Media, premier groupe de magazines en France, le JDD, Paris-Match, Prisa en Espagne), publicité/communication (Havas), édition (Editis) ou télécoms (Telecom Italia).

Bolloré et les médias: un empire construit sur les grèves et les conflits

Premier actionnaire de Canal+, des magazines de Prisma, du JDD, Paris-Match et de la radio Europe 1, le milliardaire breton Vincent Bolloré a bâti un empire médiatique colossal, déclenchant des grèves et des hémorragies dans les rédactions au fil de ses acquisitions.

Canal+ ne rit plus

En déclarant en 2007 qu'en tant qu'investisseur industriel, il devait "avoir le contrôle de l'éditorial", le futur magnat des médias, alors patron de la petite chaîne Direct 8, avait donné le ton sur ses ambitions.   

Alors que personne n'y croyait, l'industriel breton parvient à revendre D8 et D17 à Canal+ en 2012, contre des parts de la maison-mère Vivendi. A coups de rachats d'actions, il parvient à en prendre le contrôle deux ans plus tard. 

Premier coup de maître, premier conflit: appréciée pour sa liberté de ton, Canal+ est brutalement mise au pas par l'homme d'affaires à partir de 2015.

Le "Zapping" et le magazine "Spécial Investigation" sont arrêtés, son rédacteur en chef adjoint ayant notamment accusé Canal+ de censure. Les marionnettes satiriques "Les Guignols de l'info" sont d'abord mises en sourdine puis arrêtées, Vincent Bolloré leur reprochant un "abus de dérision".

Dernière victime en date: le célèbre service des sports, secoué par au moins 25 départs depuis le renvoi de l'humoriste Sébastien Thoen, qui avait provoqué une vague de soutien fin 2020.

Grève historique à iTélé

En 2016, les salariés de la chaîne d'information entament aussi un bras de fer avec Canal+, demandant des garanties d'indépendance et protestant contre une réduction drastique des effectifs.

L'arrivée à l'antenne de Jean-Marc Morandini, mis en examen pour "corruption de mineurs aggravée", met aussi le feu aux poudres. 

Les salariés portent une grève très médiatique pendant 31 jours - une durée record - face à des dirigeants inflexibles. 

N'obtenant que de maigres concessions, la quasi-totalité des journalistes quitte la chaîne, rebaptisée CNews, qui prendra un virage à droite dans les années suivantes.

A l'assaut des magazines

En mai dernier, Vivendi boucle l'acquisition du premier groupe de presse magazine en France, Prisma Media. 

Télé-Loisirs, Femme Actuelle, Capital ou Gala viennent encore diversifier l'empireBolloré. Connaissant ses méthodes, certains journalistes font immédiatement valoir leur clause de cession, prévue en cas de changement d'actionnaire.

Une soixantaine de salariés et pigistes ont depuis quitté le groupe, et devraient être rejoints par 80 autres d'ici la fin de l'année, estime le syndicat SNJ-CGT.

Ces hémorragies sont loin d'inquiéter l'industriel breton, qui a estimé en janvier que les journalistes fonctionnent "comme la mer": quand une vague part, une autre revient.

Main de fer à Europe 1

Après avoir bataillé avec le magnat du luxe Bernard Arnault, Vincent Bolloré impose Vivendi comme actionnaire principal du groupe Lagardère, qui compte dans son giron les stations Europe 1, RFM et Virgin Radio. 

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Les journalistes français Patrick Cohen (à droite) et Anne Sinclair (à gauche) participent à une manifestation, organisée par l'intersyndicale et la société des rédacteurs en chef (SDR) de la radio française Europe 1, pour dénoncer "l'influence grandissante" du groupe de médias Vivendi de Vincent Bolloré et pour faire part de leur inquiétude face au rapprochement avec CNews le 30 juin 2021 devant l'immeuble abritant Europe 1 à Paris. ALAIN JOCARD / AFP

Le milliardaire conservateur décide alors au printemps 2021 de rapprocher Europe 1 avec sa chaîne CNews. Inquiet d'un changement de ligne éditoriale à droite, les salariés de la radio historique entament une grève à leur tour.

Au fil des semaines, des dizaines de journalistes quittent la station contraints ou de leur plein gré.  

Cette première étape préfigure une opération prévue de longue date par l'industriel, qui s'apprête à avaler d'ici mars le groupe Lagardère dans sa totalité (le Journal du Dimanche, Paris Match, Hachette Edition) avec une offre publique d'achat (OPA).

Chaises musicales au JDD

Après cinq ans à la tête du JDD, Hervé Gattegno, directeur général de l'hebdomadaire, est limogé au mois d'octobre. Certains y voient en coulisses l'influence du patron, suite à une couverture du futur candidat d'extrême droite à la présidentielle, Eric Zemmour, ayant fait polémique.  

Remplacé par Jérôme Bellay, ce dernier est aussi congédié à la surprise générale trois mois plus tard, faisant place au chroniqueur régulier de CNews Jérôme Béglé. 

Une nouvelle fois, la société des journalistes fait part de sa "vive préoccupation", à quelques mois d'une échéance électorale déterminante.

"Notre intérêt n'est pas politique et n'est pas idéologique: c'est un intérêt purement économique", a pourtant balayé Vincent Bolloré, lors d'une audition en janvier devant une commission parlementaire. 

Face aux sénateurs, Vincent Bolloré a nié tout objectif politique dans sa stratégie d'acquisitions dans les médias, tandis que ses détracteurs dénoncent notamment une chaîne d'information CNews qui serait devenue la porte-voix de ses opinions conservatrices.

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L'actionnaire majoritaire du groupe Bolloré, Vincent Bolloré, arrive pour une audition devant une commission d'enquête parlementaire sur la concentration des médias, au Sénat français à Paris le 19 janvier 2022. Thomas SAMSON / AFP

Conseiller informel

"Il n'a pas de titre mais on sait qu'il influence les grandes décisions stratégiques", souligne une source proche, pour qui l'homme d'affaires tiendra ce rôle de conseiller informel du groupe "pendant un temps indéfini" qui dépendra de "l'évolution des problèmes". 

Plusieurs dossiers brûlants restent à boucler: acquérir la totalité du capital du groupe Lagardère - une opération dont le début est attendu d'ici début mars -, empêcher le fonds d'investissement américain KKR de prendre pied dans Telecom Italia - dont Vivendi est premier actionnaire - et convaincre le gouvernement espagnol de laisser Vivendi prendre près de 30% du capital du groupe de médias Prisa, propriétaire notamment du quotidien El Pais, contre 9,9% actuellement.

Sans compter la cession planifiée de la branche logistique du groupe en Afrique, minée par plusieurs poursuites judiciaires, qu'il entend mener à bien. 

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Des ouvriers préparent des articles dans un entrepôt du Groupe Bolloré à l'aéroport international d'Abidjan le 12 mai 2020, où différents produits de consommation sont stockés pour le marché local en Côte d'Ivoire. ISSOUF SANOGO /AFP

"J'ai réalisé que la transmission était moins facile que ce que j'imaginais", avouait-il récemment dans l'ouvrage "Dictionnaire amoureux de l'entreprise et des entrepreneurs". "Il faut transmettre les fonctions de direction et par conséquent les abandonner. A ces moments, on voit le regard des autres qui, évidemment, se détourne pour aller vers le nouveau pouvoir - cela est bien naturel mais toujours un peu douloureux." 


Aéroports parisiens: des milliards d'euros pour répondre à la hausse prévue du trafic

Un passager consulte le tableau des départs au terminal 2 de l'aéroport international Roissy Charles de Gaulle (CDG), dans la banlieue parisienne, le 12 mai 2025. (AFP)
Un passager consulte le tableau des départs au terminal 2 de l'aéroport international Roissy Charles de Gaulle (CDG), dans la banlieue parisienne, le 12 mai 2025. (AFP)
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  • ADP prévoit un plan d’investissements de 8,4 milliards d’euros entre 2027 et 2034 pour moderniser et agrandir les aéroports parisiens
  • Malgré une hausse envisagée des redevances pour les compagnies, le projet vise à renforcer la compétitivité de CDG et Orly, améliorer la fluidité des parcours passagers et développer les connexions ferroviaires

PARIS: Démolition de terminaux, construction ou transformation d'autres bâtiments, gare agrandie: les aéroports parisiens pourraient bientôt entrer dans une période de grands travaux pour s'adapter à la croissance prévue du trafic aérien, selon un plan à 8,4 milliards d'euros divulgué mercredi.

Le gestionnaire de ces installations, le Groupe ADP (ex-Aéroports de Paris) défend des "investissements historiques", nécessaires afin de préserver la compétitivité de Paris-Charles-de-Gaulle (CDG) et Orly face à la concurrence étrangère et la qualité des services rendus aux compagnies aériennes et à leurs clients.

La proposition de contrat de régulation économique (CRE) pour la période 2027-2034 présentée par ADP est un document qui fixe la trajectoire budgétaire des aéroports pour le fonctionnement des activités aéronautiques, et donc le niveau des redevances acquittées par les compagnies.

Si le projet aboutit, celles-ci pourraient tiquer face à l'augmentation proposée des tarifs: en moyenne, 2,6 points de plus que l'inflation chaque année sur huit ans. ADP assure qu'ils resteront dans la fourchette "basse" de ceux des aéroports européens comparables.

Le contrat, qui de par la loi, doit être "tout juste rentable", devra être agréé par l'Autorité de régulation des transports (ART). Il ne concerne pas la partie non régulée des aéroports, par exemple l'exploitation des commerces ou des parkings, ou encore les florissantes activités d'ADP à l'international.

En mai 2020, en plein Covid-19 qui avait torpillé le transport aérien mondial, ADP avait demandé la résiliation du CRE de l'époque, constatant l'impossibilité d'atteindre ses engagements.

Presque six ans après, les installations aéroportuaires franciliennes n'ont toujours pas retrouvé leur fréquentation prépandémie, évoluant sur les dix premiers mois de 2025 à 98,5% du nombre de voyageurs de la même période de 2019. Une tendance lestée par CDG, premier aéroport français.

- Le Terminal 2G démoli -

Passée la crise sanitaire, la trajectoire de croissance des aéroports parisiens s'est aplatie, ADP l'estimant désormais à 1,6% de passagers en plus par an d'ici à 2034 contre 2,3% entre 2005 et 2019, la conséquence aussi d'une montée en puissance de plateformes de correspondance concurrentes, en Turquie ou dans le Golfe.

Mais selon leur gestionnaire, les installations, qui ont vu passer 103,4 millions de voyageurs au total en 2024, doivent tout de même "continuer de se développer pour accompagner" cette progression. Le CRE mentionne une augmentation de capacité totale de 18 millions de passagers pour CDG et Orly.

ADP assure avoir entendu les remontées des riverains inquiets des nuisances et parle d'un projet industriel "sobre et progressif", avec des "aménagements proposés (qui) s'inscrivent en grande partie dans l'existant", loin de la philosophie du projet controversé du Terminal 4 à CDG, abandonné en 2021.

Concrètement, l'un des premiers chantiers serait la transformation du Terminal 1, bâtiment circulaire de béton brut inauguré en 1974, et où de nouvelles zones de passage de la frontière seraient aménagées. Le 2E, point de départ de nombreux longs-courriers d'Air France, verrait également une fluidification des parcours des passagers.

A plus long terme, ADP veut notamment créer une "nouvelle salle d'embarquement international de 28.000 m2" dans l'est de CDG, proche de l'actuel Terminal 2G qui sera à terme détruit, tout comme le 3, au nord-ouest.

Avec l'évolution des comportements des voyageurs, de plus en plus nombreux à opter pour le train en France et en Europe, ADP estime que sa clientèle internationale va représenter 56% du total en 2034 contre 51% en 2019, et veut mettre l'accent sur la fluidité, sans que les passagers aient à passer une nouvelle fois les postes de police et d'inspection.

La solution viendrait d'un "nouveau train de correspondance" qui permettrait de relier l'ensemble des salles d'embarquement de la plateforme. Toujours côté ferroviaire, ADP veut créer "un nouveau hall intermodal" à la gare SNCF de CDG2, amenée à voir sa fréquentation doubler à 30 millions de passagers en 2030.

Lundi, ADP avait déjà annoncé un "choc de simplification" à venir dans les noms de ses terminaux de CDG, rebaptisés d'un seul chiffre, de 1 à 7, au lieu de la nomenclature actuelle de chiffres et de lettres qui désorientait certains passagers.

Cette évolution aura lieu en mars 2027, échéance prévue de l'inauguration de la nouvelle ligne "CDG Express" qui va permettre de relier l'aéroport au centre de Paris en 20 minutes sans arrêt.


L’eau et l’environnement au cœur d’un partenariat renouvelé entre la France et les pays arabes

Placée cette année sous le thème « L’eau, l’environnement : au cœur des besoins, des crises et des opportunités dans le monde arabe », cette édition a confirmé la place centrale qu’occupe désormais la transition écologique dans les relations économiques entre la France et le monde arabe. (AFP)
Placée cette année sous le thème « L’eau, l’environnement : au cœur des besoins, des crises et des opportunités dans le monde arabe », cette édition a confirmé la place centrale qu’occupe désormais la transition écologique dans les relations économiques entre la France et le monde arabe. (AFP)
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  • Inauguré par le président de la CCFA, Vincent Reina, dont le retour a été chaleureusement salué par les participants, le sommet a donné lieu à trois grandes tables rondes
  • L’un des moments les plus marquants du sommet a été l’intervention de Wissam Fattouh, secrétaire général de l’Union des banques arabes

PARIS: Le sixième Sommet économique France–Pays arabes, organisé par la Chambre de commerce franco-arabe, s’est ouvert à Paris pour deux journées de débats, de rencontres et d’échanges stratégiques.
Placée cette année sous le thème « L’eau, l’environnement : au cœur des besoins, des crises et des opportunités dans le monde arabe », cette édition a confirmé la place centrale qu’occupe désormais la transition écologique dans les relations économiques entre la France et le monde arabe.

Inauguré par le président de la CCFA, Vincent Reina, dont le retour a été chaleureusement salué par les participants, le sommet a donné lieu à trois grandes tables rondes réunissant responsables gouvernementaux, diplomates, experts économiques, dirigeants d’entreprises et représentants du secteur financier arabe.

Doyen du corps diplomatique arabe en France, l’ambassadeur de Djibouti, Ayeid Yahya, a dressé un panorama lucide des tensions géopolitiques qui traversent encore la région : guerre au Soudan, trêve fragile au Yémen, bombardements persistants au Liban, effets prolongés de la crise syrienne, sans oublier la question centrale du conflit israélo-palestinien, qui continue de mobiliser les efforts diplomatiques et humanitaires.

Pourtant, malgré « un monde arabe ralenti par les conflits », l’ambassadeur a insisté sur la résilience et la capacité d’action collective des pays arabes. Il a salué les progrès diplomatiques des années 2024 et 2025, notamment la reconnaissance accrue de l’État palestinien et le rôle déterminant joué par la France, l’Arabie saoudite, l’Égypte et la Jordanie dans les initiatives de médiation.

L'émergence d’une vision partagée

Son discours a également marqué le retour de la Syrie dans ce cadre multilatéral, un signal politique fort, selon lui, pour l’avenir du partenariat économique.

L’un des moments les plus marquants du sommet a été l’intervention de Wissam Fattouh, secrétaire général de l’Union des banques arabes, qui a rappelé l’ampleur inédite des défis hydriques auxquels fait face le monde arabe.
Selon Fattouh, 60 % de la population arabe souffre déjà d’un stress hydrique sévère et, d’ici à 2030, l’écart entre l’offre et la demande en eau dépassera les 40 %.

Pour faire face à cette situation critique, l’Union des banques arabes s’est engagée auprès de la CESAO à mobiliser 1 000 milliards de dollars de financements dédiés aux Objectifs de développement durable (ODD) d’ici à 2030, une première dans l’histoire bancaire de la région.
Mais les chiffres actuels montrent que les financements réellement orientés vers l’eau, l’agriculture durable, la lutte contre la pauvreté ou le climat restent « encore très faibles ». Fattouh a pourtant rappelé que la région dispose de tous les ingrédients pour se transformer en un acteur clé de la transition, citant notamment les énergies renouvelables, les capitaux, la position géographique stratégique et des ressources humaines jeunes et qualifiées.

Il a appelé à repenser le modèle économique arabe, non plus fondé sur l’exportation brute de ressources, mais sur une intégration active dans la nouvelle économie mondiale, notamment dans l’hydrogène, l’agriculture intelligente et la diversification énergétique.

Pour Khaled Hanafy, secrétaire général de l’Union des chambres arabes, le monde arabe est prêt : « Le secteur privé est pleinement préparé à relever les défis. » Il a exhorté à « faire les choses différemment », afin de construire non seulement des marchés, mais aussi des relations porteuses de valeurs communes entre l’Europe et le monde arabe.
Dans un monde en mutation rapide, il a invité à dépasser les logiques traditionnelles d’échange pour entrer dans une ère de co-construction, fondée sur l’innovation, la compréhension mutuelle et la durabilité.

Intervenant avec force, Samira Sitail, ambassadrice du Maroc en France, a détaillé le rôle clé que joue son pays dans ces dynamiques. Elle a tout d’abord rappelé le soutien « stratégique et essentiel » de la France à la souveraineté marocaine sur ses provinces du Sud, un geste politique qu’elle a qualifié de « justice rendue ».

Mais c’est surtout la dimension économique qu’elle a mise en avant, saluant l’engagement du MEDEF International et des entreprises françaises dans les projets structurants des provinces du Sud, notamment le port de Dakhla, déjà construit à 50 %. Ce futur hub atlantique offrira aux pays enclavés d’Afrique de vastes débouchés, pouvant accroître de 30 à 35 % leurs exportations comme leurs importations.

Elle a plaidé pour un renforcement de la coopération France–Maroc–Afrique, citant l’exemple très concret de la coopération triangulaire Maroc–France–Burkina Faso dans la gestion de l’eau, présentée lors du dernier Sommet mondial de l’eau à Marrakech.

Face à l’impact du changement climatique, particulièrement sévère dans le monde arabe, où les températures augmentent 50 % plus vite qu’ailleurs, elle s’est montrée résolument optimiste.
Elle a salué les « visions à long terme » de pays comme l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar, qui ont engagé des stratégies ambitieuses de transition hydrique et énergétique.

Cette sixième édition du Sommet économique France–Pays arabes a démontré l’émergence d’une vision partagée : la gestion de l’eau sera le défi stratégique de la région pour les prochaines décennies, et la transition écologique une opportunité majeure de développement.

Le partenariat France–monde arabe doit désormais se construire dans une logique d’intégration, de co-développement et de long terme, à l’heure où la région se prépare à une croissance de 0,7 % en 2026 dans un contexte international incertain.


Tentative de putsch au Bénin: des forces spéciales françaises sont intervenues en appui 

Des forces spéciales françaises sont intervenues dimanche lors de la tentative déjouée de putsch au Bénin en appui de l'armée béninoise qui a "vaillamment" repoussé les mutins, a affirmé mercredi à l'AFP le chef de la Garde républicaine, le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè. (AFP)
Des forces spéciales françaises sont intervenues dimanche lors de la tentative déjouée de putsch au Bénin en appui de l'armée béninoise qui a "vaillamment" repoussé les mutins, a affirmé mercredi à l'AFP le chef de la Garde républicaine, le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè. (AFP)
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  • Mardi, la présidence française avait indiqué avoir appuyé "en termes de surveillance, d'observation et de soutien logistique" le pouvoir béninois, à sa demande, sans confirmer ni démentir la présence de ses forces
  • "L'armée béninoise a été vraiment vaillante et a fait face à l'ennemi toute la journée" dimanche, a expliqué à l'AFP le colonel Tevoédjrè, précisant que des "forces spéciales françaises ont été envoyées depuis Abidjan"

COTONOU: Des forces spéciales françaises sont intervenues dimanche lors de la tentative déjouée de putsch au Bénin en appui de l'armée béninoise qui a "vaillamment" repoussé les mutins, a affirmé mercredi à l'AFP le chef de la Garde républicaine, le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè.

Mardi, la présidence française avait indiqué avoir appuyé "en termes de surveillance, d'observation et de soutien logistique" le pouvoir béninois, à sa demande, sans confirmer ni démentir la présence de ses forces.

"L'armée béninoise a été vraiment vaillante et a fait face à l'ennemi toute la journée" dimanche, a expliqué à l'AFP le colonel Tevoédjrè, précisant que des "forces spéciales françaises ont été envoyées depuis Abidjan, utilisées pour du ratissage après que l'armée béninoise ait fait le travail".

Le colonel Tevoédjrè - qui a personnellement dirigé sur place la riposte contre un assaut sur la résidence du chef de l'Etat Patrice Talon tôt dimanche matin - estime à une centaine le nombre de mutins, "avec beaucoup de moyens, des engins blindés".

Il note toutefois que les putschistes, qui ont compté sur "l'effet de surprise", n'ont pas reçu de soutien d'autres unités, saluant l'attitude "républicaine" de l'armée béninoise.

La Garde républicaine a "eu le soutien spontané d'autres unités qui ont été utilisées toute la journée pour reprendre possession de zones, de points stratégiques de Cotonou", détaille t-il.

C'est en fin de journée, alors que les mutins étaient retranchés dans un camp situé dans une zone résidentielle de la capitale économique, que des frappes aériennes du Nigeria voisin et des forces spéciales françaises ont aidé le Bénin, afin notamment "d'éviter des dommages collatéraux".

Le colonel n'a pas donné de bilan chiffré du nombre de victimes des évènements de dimanche, mais a précisé que les mutins étaient "repartis avec des corps et des blessés" de leur tentative d'assaut sur la résidence présidentielle, après un "rude combat".

Dimanche matin, huit militaires étaient apparus à la télévision béninoise, annonçant qu'ils avaient destitué Patrice Talon.

Après une journée d'incertitude à Cotonou, le chef de l'Etat avait déclaré que la situation était "totalement sous contrôle". Les autorités béninoises ont ensuite fait état de "plusieurs victimes", notamment dans des affrontements opposant mutins et forces loyales.