Quels enjeux pour les discussions entre Tunis et le FMI?

Siège du Conseil supérieur de la magistrature de Tunisie à Tunis. (AFP).
Siège du Conseil supérieur de la magistrature de Tunisie à Tunis. (AFP).
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Publié le Vendredi 18 février 2022

Quels enjeux pour les discussions entre Tunis et le FMI?

  • La Tunisie a entamé des discussions préliminaires à d'éventuelles négociations avec le Fonds monétaire international dans l'espoir de sauver leur économie
  • Deux précédents prêts du FMI, d'1,7 milliard de dollars en 2013 et de 2,8 mds supplémentaires en 2016, n'ont pas permis de redresser les finances publiques

TUNIS: La Tunisie a entamé des discussions préliminaires à d'éventuelles négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) dans l'espoir d'obtenir plusieurs milliards de dollars pour sauver une économie lourdement endettée, pénalisée par l'inflation et un chômage endémique.

Des représentants du FMI effectuent depuis lundi une "visite virtuelle" qui consiste en des "discussions techniques" avec les ministres concernés sur les "réformes à mettre en œuvre pour sortir le pays de la crise".

Pourquoi la Tunisie a-t-elle besoin d'une nouvelle aide ?

Depuis la révolution qui a renversé le dictateur Zine el Abidine Ben Ali en 2011, les Tunisiens ont enduré une décennie de crise.

En onze ans, le PIB par habitant en dollar a chuté de 20%, le pouvoir d'achat des Tunisiens s'est effondré de 35% sous l'effet aussi d'une dévaluation de 40% du dinar.

Deux précédents prêts du FMI, d'1,7 milliard de dollars en 2013 et de 2,8 mds supplémentaires en 2016, n'ont pas permis de redresser les finances publiques.

Avec la pandémie de Covid-19, l'économie s'est enfoncée dans la crise : le taux de chômage est passé de 15,1% à 18,4% et l'inflation dépasse les 6% annuels.

Pour l'économiste tunisien Ezzedine Saidane, le grand défi du pays est sa dette publique qui a atteint "un niveau sans précédent, plus de 100% du PIB" contre 41% en 2011. Elle pèse sur la crédibilité de la Tunisie à l'étranger en tant qu'emprunteur.

"Passer par le FMI est inévitable pour reconstruire un petit peu la crédibilité de la Tunisie et pouvoir mobiliser des ressources extérieures", a expliqué M. Saidane à l'AFP.

Que pourrait exiger le FMI

Le FMI s'est publiquement inquiété des déficits budgétaires de la Tunisie sous l'effet du poids du secteur public (plus de 16% du PIB). 

"Il y a un besoin de réformes très profondes, structurelles," a déclaré le mois dernier à l'AFP le représentant sortant du FMI en Tunisie, Jérôme Vacher.

Le FMI va vraisemblablement conditionner un prêt à la Tunisie par une réduction de la masse salariale publique, "l'une des plus élevées au monde", selon M. Vacher. Plus de la moitié des dépenses publiques servent à payer les salaires des 650.000 fonctionnaires dans un pays de 12 millions d'habitants.

Selon un diplomate occidental, le gouvernement "s'endette pour couvrir les salaires de la fonction publique".

Le budget sert aussi à tenir à bout de bras les entreprises publiques, souvent monopolistiques (eau, électricité, céréales, transport aérien) et très endettées. Elles emploient au moins 150.000 personnes alors que cet argent pourrait être injecté dans l'éducation, la santé et les infrastructures, a noté M. Vacher auprès de l'AFP.

Le FMI pourrait aussi exiger la fin de certaines subventions sur des produits de base tels que l'essence ou l'énergie, privilégiant des aides directes aux familles les plus pauvres.

Dans l'impasse politique, les Tunisiens malmenés aussi par la crise économique

TUNIS: "Nos clients vivent au jour le jour, le salaire mensuel ne couvre même pas une semaine": dans sa boutique sur un marché de Tunis, Bilel Jani constate l'appauvrissement de la classe moyenne qui craint de devoir se serrer encore plus la ceinture. 

Engluée dans une grave crise économique, la Tunisie a demandé son troisième prêt du Fonds monétaire international (FMI) en 10 ans. 

Des responsables du Fonds effectuent jusqu'au 22 février "une visite virtuelle" en Tunisie avant le lancement éventuel de négociations formelles.

Le FMI a demandé au gouvernement des propositions de réformes susceptibles de comporter des coupes dans la masse salariale de la fonction publique et dans les subventions aux produits de base, faisant craindre à la population de nouveaux sacrifices.

Le pays, plongé dans une crise politique depuis que le président Kais Saied s'est octroyé les pleins pouvoirs en juillet, s'enfonce aussi dans la récession.

C'est l'immolation par le feu fin 2010 de Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant, qui a déclenché une révolte dans les régions déshéritées avant de gagner la capitale et obliger Ben Ali à s'enfuir, donnant aussi le coup d'envoi du Printemps arabe.

Depuis, plutôt que combattre la corruption et les problèmes structurels, la jeune démocratie tunisienne s'est enlisée dans des querelles idéologiques entre islamistes et laïcs.

Pour garantir la paix sociale, les gouvernements successifs ont massivement recruté au point que les effectifs de la fonction publique ont triplé en 10 ans pour atteindre 650.000 salariés, sans compter les plus de 150.000 salariés des entreprises.

Quels sont les principaux obstacles

Une réduction des salaires des fonctionnaires ou de leur nombre, ainsi que des subventions aux produits essentiels seront des pilules difficiles à faire avaler aux Tunisiens.

"Un accord va forcément avoir un impact sur la population", note le diplomate occidental.

Le président tunisien Kais Saied, qui s'est octroyé les pleins pouvoirs en juillet, a bénéficié d'un large soutien à l'époque, et reste populaire selon les sondages.

Mais "aucun acteur politique ne peut s'en tirer en supprimant les subventions", a prédit Romdhane Ben Amor, responsable au Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux.

Selon lui, de nombreux produits subventionnés sont déjà souvent difficiles à trouver, et les services publics, en particulier la santé et l'éducation, sont en décrépitude.

"Tailler encore plus" dans le budget n'est pas la solution, a-t-il estimé.

La puissante centrale syndicale UGTT, très méfiante vis-à-vis des prêts extérieurs, devrait aussi s'opposer à des mesures d'austérité trop draconiennes.

Pour Monica Marks, spécialiste de la Tunisie à l'Université de New York à Abou Dhabi, le président Saied se retrouve dans un exercice d'équilibriste.

Il doit "calmer l'UGTT en évitant les politiques d'austérité défendues par le FMI" mais en même temps "s'il refuse de jouer le jeu avec le FMI, la Tunisie pourrait ne pas obtenir de prêt et chuter d'une falaise encore plus abrupte que celle dont elle est déjà tombée financièrement".


La coalition arabe met en garde contre toute action militaire compromettant la désescalade au Yémen

Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
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  • Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a indiqué que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite pour prendre des mesures urgentes

DUBAÏ : La coalition arabe soutenant le gouvernement yéménite internationalement reconnu a averti samedi que tout mouvement militaire compromettant les efforts de désescalade serait traité immédiatement afin de protéger les civils, a rapporté l’Agence de presse saoudienne.

Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a déclaré que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite visant à prendre des mesures urgentes pour protéger les civils dans le gouvernorat de Hadramout, face à ce qu’il a qualifié de graves violations humanitaires commises par des groupes affiliés au Conseil de transition du Sud (CTS).

Le communiqué précise que ces mesures s’inscrivent dans le cadre des efforts conjoints et continus de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis pour réduire les tensions, faciliter le retrait des forces, remettre les camps militaires et permettre aux autorités locales d’exercer leurs fonctions.

Al-Maliki a réaffirmé le soutien de la coalition au gouvernement yéménite internationalement reconnu et a appelé toutes les parties à faire preuve de retenue et à privilégier des solutions pacifiques, selon l’agence.

Le CTS a chassé ce mois-ci le gouvernement internationalement reconnu de son siège à Aden, tout en revendiquant un contrôle étendu sur le sud du pays.

L’Arabie saoudite a appelé les forces du CTS à se retirer des zones qu’elles ont prises plus tôt en décembre dans les provinces orientales de Hadramout et d’Al-Mahra.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Les Émirats arabes unis saluent les efforts de l’Arabie saoudite pour soutenir la stabilité au Yémen

Les Émirats arabes unis ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen. (WAM)
Les Émirats arabes unis ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen. (WAM)
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  • Les Émirats arabes unis ont salué le rôle constructif du Royaume dans la promotion des intérêts du peuple yéménite

DUBAÏ : Les Émirats arabes unis ont salué vendredi les efforts de l’Arabie saoudite pour soutenir la sécurité et la stabilité au Yémen, a rapporté l’agence de presse officielle WAM.

Dans un communiqué, les Émirats ont loué le rôle constructif du Royaume dans la promotion des intérêts du peuple yéménite et dans le soutien de leurs aspirations légitimes à la stabilité et à la prospérité.

Les Émirats ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen, en soulignant leur appui aux efforts contribuant à la sécurité et à la prospérité régionales.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Liban adopte le projet de loi sur le gap financier malgré l’opposition du Hezbollah et des Forces libanaises

Le Premier ministre libanais Nawaf Salam s'exprimant lors d'une conférence de presse après une réunion du Conseil des ministres à Beyrouth, le 26 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre libanais Nawaf Salam s'exprimant lors d'une conférence de presse après une réunion du Conseil des ministres à Beyrouth, le 26 décembre 2025. (AFP)
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  • Le texte vise à trancher le sort de milliards de dollars de dépôts bloqués et devenus inaccessibles pour les citoyens libanais depuis l’effondrement financier du pays

BEYROUTH : Le Conseil des ministres libanais a approuvé vendredi un projet de loi controversé visant à encadrer la relance financière et à restituer les dépôts bancaires gelés aux citoyens. Cette décision est perçue comme une étape clé dans les réformes économiques longtemps retardées et exigées par le Fonds monétaire international (FMI).

Le texte a été adopté par 13 voix pour et neuf contre, à l’issue de discussions marathon autour du projet de loi dit du « gap financier » ou de récupération des dépôts, bloqué depuis des années après l’éclatement de la crise bancaire en 2019. Les ministres de la Culture et des Affaires étrangères étaient absents de la séance.

La législation vise à déterminer le sort de milliards de dollars de dépôts devenus inaccessibles pour les Libanais durant l’effondrement financier du pays.

Le projet a été rejeté par trois ministres des Forces libanaises, trois ministres du Hezbollah et du mouvement Amal, ainsi que par la ministre de la Jeunesse et des Sports, Nora Bayrakdarian, le ministre des Télécommunications, Charles Al-Hajj, et le ministre de la Justice, Adel Nassar.

Le ministre des Finances, Yassin Jaber, a rompu avec ses alliés du Hezbollah et d’Amal en votant en faveur du texte. Il a justifié sa position par « l’intérêt financier suprême du Liban et ses engagements envers le FMI et la communauté internationale ».

Le projet de loi a suscité une vive colère parmi les déposants, qui rejettent toute tentative de leur faire porter la responsabilité de l’effondrement financier. Il a également provoqué de fortes critiques de l’Association des banques et de plusieurs blocs parlementaires, alimentant les craintes d’une bataille politique intense au Parlement, à l’approche des élections prévues dans six mois.

Le Premier ministre Nawaf Salam a confirmé que le Conseil des ministres avait approuvé le texte et l’avait transmis au Parlement pour débat et amendements avant son adoption définitive. Cherchant à apaiser les inquiétudes de l’opinion publique, il a souligné que la loi prévoit des audits judiciaires et des mécanismes de reddition des comptes.

« Les déposants dont les comptes sont inférieurs à 100 000 dollars seront intégralement remboursés, avec intérêts et sans aucune décote », a déclaré Salam. « Les grands déposants percevront également leurs premiers 100 000 dollars en totalité, le reste étant converti en obligations négociables garanties par les actifs de la Banque centrale, estimés à environ 50 milliards de dollars. »

Il a ajouté que les détenteurs d’obligations recevront un premier versement de 2 % après l’achèvement de la première tranche de remboursements.

La loi comprend également une clause de responsabilité pénale. « Toute personne ayant transféré illégalement des fonds à l’étranger ou bénéficié de profits injustifiés sera sanctionnée par une amende de 30 % », a indiqué Salam.

Il a insisté sur le fait que les réserves d’or du Liban resteront intactes. « Une disposition claire réaffirme la loi de 1986 interdisant la vente ou la mise en gage de l’or sans l’approbation du Parlement », a-t-il déclaré, balayant les spéculations sur une utilisation de ces réserves pour couvrir les pertes financières.

Reconnaissant que la loi n’est pas parfaite, Salam l’a néanmoins qualifiée de « pas équitable vers la restitution des droits ».

« La crédibilité du secteur bancaire a été gravement entamée. Cette loi vise à la restaurer en valorisant les actifs, en recapitalisant les banques et en mettant fin à la dépendance dangereuse du Liban à l’économie du cash », a-t-il expliqué. « Chaque jour de retard érode davantage les droits des citoyens. »

Si l’Association des banques n’a pas publié de réaction immédiate après le vote, elle avait auparavant affirmé, lors des discussions, que la loi détruirait les dépôts restants. Les représentants du secteur estiment que les banques auraient du mal à réunir plus de 20 milliards de dollars pour financer la première tranche de remboursements, accusant l’État de se dédouaner de ses responsabilités tout en accordant de facto une amnistie à des décennies de mauvaise gestion financière et de corruption.

Le sort du texte repose désormais sur le Parlement, où les rivalités politiques à l’approche des élections de 2025 pourraient compliquer ou retarder son adoption.

Le secteur bancaire libanais est au cœur de l’effondrement économique du pays, avec des contrôles informels des capitaux privant les déposants de leurs économies et une confiance en chute libre dans les institutions de l’État. Les donateurs internationaux, dont le FMI, conditionnent toute aide financière à des réformes profondes du secteur. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com