Jérusalem devrait être un symbole de paix et non le centre du conflit

La police israélienne tente de disperser des manifestants palestiniens à Cheikh Jarrah, un quartier de Jérusalem-Est annexé par Israël, le 18 février 2022. (AFP)
La police israélienne tente de disperser des manifestants palestiniens à Cheikh Jarrah, un quartier de Jérusalem-Est annexé par Israël, le 18 février 2022. (AFP)
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Publié le Vendredi 25 février 2022

Jérusalem devrait être un symbole de paix et non le centre du conflit

Jérusalem devrait être un symbole de paix et non le centre du conflit
  • Les colons juifs, qui se sont proclamés gardiens, ont forcé de plus en plus de familles palestiniennes à quitter leurs maisons pour les remettre à des familles juives
  • En raison des tensions à Jérusalem, les territoires occupés sont devenus une zone de combat où des colons attaquent régulièrement les Palestiniens qui ne peuvent se défendre qu’en lançant des pierres

Pour comprendre les origines du conflit palestino-israélien, il suffit de visiter Jérusalem-Est. Vous y verrez alors tous les foyers de tension. Après quatre années de recherches minutieuses et exhaustives, Amnesty International a récemment publié un rapport montrant que, dans toutes les zones sous contrôle israélien, deux systèmes très différents existent: l’un qui respecte les droits, l’égalité et la liberté des juifs israéliens; et l’autre qui porte atteinte aux droits, à l’égalité et à la liberté des Arabes palestiniens.

Cette discrimination raciale est évidente à Cheikh Jarrah. Après la guerre de 1948, les réfugiés palestiniens de ce quartier de Jérusalem-Est vivaient dans des tentes sordides jusqu’à ce que l’Organisation des nations unies (ONU), en coopération avec le gouvernement jordanien, accepte de leur construire des maisons. Mais depuis qu’Israël a étendu son emprise à Jérusalem-Est en juin 1967, le pays cherche à répondre aux demandes non documentées des juifs qui revendiquent des parcelles de terrain, affirmant qu’elles appartenaient à leurs ancêtres au XIXe siècle, tout en faisant fi des revendications des Palestiniens pour récupérer les maisons et les terres que leurs parents et grands-parents ont été contraints de fuir en pleine guerre.

Pire encore, les colons juifs, qui se sont proclamés gardiens, ont forcé de plus en plus de familles palestiniennes à quitter leurs maisons pour les remettre à des familles juives. Ces expulsions, effectuées avec l’aide de l’armée israélienne, sont des violations flagrantes du droit international. Lorsque la quatrième Convention de Genève (relative à la protection des civils en temps de guerre) a été rédigée après la Seconde Guerre mondiale, son objectif explicite était précisément d’interdire ce type d’épuration ethnique.

Non loin de Cheikh Jarrah se trouve un autre foyer de crise. En 2014, un accord parrainé par les États-Unis entre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et le roi Abdallah de Jordanie, définit les limites de la troisième mosquée la plus sacrée de l’islam, Al-Aqsa, comme sanctuaire où seuls les musulmans peuvent prier, mais où toutes les autres personnes peuvent se rendre. Désormais, les forces de sécurité israéliennes portent atteinte à l’accord quotidiennement, en autorisant les extrémistes juifs à se rendre à la mosquée pour prier – un acte très tendu qui menace de transformer un conflit politique en guerre de religion.

L’offense est telle que le roi Abdallah – chef de la famille des Hachémites, qui a la garde des Lieux saints musulmans de Jérusalem – n’a pas encore rencontré publiquement l’actuel chef d’État israélien, Isaac Herzog, ou même le Premier ministre, Naftali Bennett (bien qu’il ait rencontré secrètement les deux dirigeants l’année dernière).

Au nord, au sud et à l’est de Cheikh Jarrah, Israël a construit un mur de ciment haut de huit mètres divisant les quartiers palestiniens. Des routes séparées sont mises à la disposition des Israéliens juifs, alors que l’accès aux services de base est interdit aux résidents palestiniens, en particulier ceux qui vivent au-delà du mur, mais sous contrôle israélien. Quelque cent mille habitants de Jérusalem vivent dans des zones où la sécurité et les services israéliens sont absents, mais la police palestinienne n’est pas autorisée à y entrer. Dans ces zones de non-droit, la violence, la drogue et l’anarchie sévissent.

Les politiques discriminatoires d’Israël, qui constituent une violation du droit international, sont également mises en œuvre au moyen de la répression et de l’intimidation. En raison des tensions à Jérusalem, les territoires occupés sont devenus une zone de combat où des colons attaquent régulièrement les Palestiniens qui ne peuvent se défendre qu’en lançant des pierres.

Les politiques discriminatoires d’Israël, qui constituent une violation du droit international, sont également mises en œuvre au moyen de la répression et de l’intimidation

- Daoud Kuttab

Israël empêche fréquemment les Palestiniens de participer à des activités politiques, même pacifiques. Des événements aussi innocents qu’un spectacle de marionnettes peuvent être annulés s’ils sont financés par ou via le semi-gouvernement palestinien basé à Ramallah. En avril dernier, les dirigeants palestiniens ont dû annuler une élection générale parce qu’Israël a interdit aux Palestiniens de Jérusalem-Est d’utiliser les bureaux de poste pour envoyer les votes par procuration – un refus manifeste de Tel-Aviv de tenir ses engagements dans le cadre des accords d’Oslo.

La détérioration de la situation à Jérusalem et les affrontements quotidiens entre les colons illégaux et les Palestiniens dans l’ensemble des territoires occupés reflètent l'absence de tout horizon politique. Le gouvernement palestinien est incapable d’intervenir, car il est trop faible pour affronter les occupants israéliens. Les Palestiniens sont livrés à eux-mêmes pour résister aux colons, sans aucun espoir pour l’avenir.

Toutes les voies vers une résolution pacifique du conflit ont été bloquées par le gouvernement israélien. Israël et ses alliés font précisément ce qu’ils ont reproché au monde arabe de faire après le sommet de la Ligue arabe à Khartoum en 1967, au cours duquel les dirigeants ont émis la politique des «trois non»: pas de paix, pas de négociations et pas de reconnaissance d’Israël. Naftali Bennett vient d’un parti d’extrême droite favorable aux colons et il a clairement indiqué qu’il n’avait aucune intention de tenir des pourparlers avec les Palestiniens. Il se vante de son refus de rencontrer le dirigeant palestinien, Mahmoud Abbas, et il reste farouchement opposé à la solution à deux États.

Jérusalem sera toujours une ville sainte pour les trois principales religions monothéistes et elle restera la patrie des Palestiniens et des Israéliens. Mais elle n’est pas un symbole de paix comme beaucoup l’ont espéré. La ville est plutôt devenue le centre du conflit. Sans de sérieux efforts pour désamorcer la situation à Jérusalem et donner un espoir politique grâce à un processus de paix crédible, la violence pourrait facilement échapper à tout contrôle.

 

Daoud Kuttab est un journaliste palestinien plusieurs fois primé. Il a été professeur de journalisme à l'université de Princeton.

Twitter : @daoudkuttab

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com