L'économie ukrainienne s'effondre, la sécurité alimentaire mondiale en danger, alerte le FMI

"A minima", le PIB ukrainien va se contracter d'environ 10% en 2022 en prenant l'hypothèse d'une "résolution rapide" du conflit et grâce à l'aide internationale "substantielle", selon une première estimation du Fonds monétaire international, qui fait état d'une "énorme" incertitude entourant ces projections (Photo,AFP).
"A minima", le PIB ukrainien va se contracter d'environ 10% en 2022 en prenant l'hypothèse d'une "résolution rapide" du conflit et grâce à l'aide internationale "substantielle", selon une première estimation du Fonds monétaire international, qui fait état d'une "énorme" incertitude entourant ces projections (Photo,AFP).
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Publié le Mardi 15 mars 2022

L'économie ukrainienne s'effondre, la sécurité alimentaire mondiale en danger, alerte le FMI

  • Le président de la Banque Mondiale David Malpass a exhorté les consommateurs à éviter de stocker farine et essence
  • «La guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique», a déploré Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI

WASHINGTON : Le gouvernement ukrainien reste fonctionnel, le système bancaire stable et la dette viable à court terme, mais la guerre provoquée par la Russie plonge l'Ukraine dans une récession sans précédent. Le conflit met aussi en péril la sécurité alimentaire mondiale, alerte lundi le FMI.

"A minima", le PIB ukrainien va se contracter d'environ 10% en 2022 en prenant l'hypothèse d'une "résolution rapide" du conflit et grâce à l'aide internationale "substantielle", selon une première estimation du Fonds monétaire international, qui fait état d'une "énorme" incertitude entourant ces projections.

Si le conflit s'enlisait, sur la base de l'historique des guerres au Liban, en Irak, en Syrie ou au Yémen, il pourrait plonger de 25% à 35%.

L'an passé, la croissance ukrainienne s'était pourtant élevée à 3,2%, portée par la demande domestique et les exportations.

Mais depuis l'invasion du pays par l'armée russe le 24 février, "l'économie ukrainienne a radicalement changé", a souligné Vladyslav Rashkovan, le directeur exécutif du FMI représentant l'Ukraine dans une déclaration au FMI datée du 9 mars et publiée lundi. 

"Au 6 mars, 202 écoles, 34 hôpitaux, plus de 1.500 habitations dont des immeubles, des dizaines de kilomètres de routes et d'innombrables infrastructures critiques dans plusieurs villes ukrainiennes ont été entièrement ou partiellement détruits par les troupes russes", décrit-il sur la base des informations communiquées par le gouvernement ukrainien. 

Les aéroports et les ports maritimes ont été fermés en raison de "destructions massives".

Et depuis, bien d'autres dégâts sont à déplorer.

Le 10 mars, le conseiller économique du président ukrainien avait donné une première estimation des dégâts: 100 milliards de dollars.

«La guerre en Ukraine, la faim en Afrique»

Malgré les dommages importants, le gouvernement et le pays ont jusqu'alors continué à fonctionner.

"Les banques sont ouvertes, fonctionnant même le week-end", notait ainsi le 9 mars Vladyslav Rashkovan.

A court terme, la viabilité de la dette "ne semble pas menacée", estime par ailleurs le Fonds.

"Les données préliminaires ont montré qu'au 1er mars 2022, les réserves internationales de l'Ukraine s'élevaient à 27,5 milliards de dollars, couvrant 3,8 mois d'importations actuelles, un montant suffisant pour que l'Ukraine respecte ses engagements", a détaillé M. Rashkovan.

Ukraine: contribution record du secteur privé à l'aide d'urgence selon le HCR

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a indiqué lundi que le secteur privé avait fourni un montant record de plus 200 millions de dollars pour aider les Ukrainiens après l'invasion russe.

"En à peine deux semaines, des sociétés, des fondations et des philanthropes ont contribué à hauteur de plus de 200 millions de dollars à la réponse du HCR" à la situation d'urgence en Ukraine, a indiqué l'agence de l'ONU dans un communiqué.

L'agence a lancé un appel pour récolter 510 millions de dollars pour fournir une assistance d'urgence aux déplacés à l'intérieur du pays ainsi qu'aux réfugiés fuyant l'Ukraine, prévenant que le montant des fonds réclamés pour l'aide allait "sans doute augmenter".

Ces dons ont permis de réagir rapidement depuis le début du conflit, par exemple en organisant des acheminements par avions et camions de l'aide.

Le FMI s'inquiète aussi des retombées dans le monde entier. Les prix de l'énergie, des matières premières et agricoles, ont déjà flambé.

Pour une denrée comme le blé, les effets pourraient être encore plus dramatiques: "les perturbations de la saison agricole de printemps pourraient freiner les exportations, ainsi que la croissance et mettre en péril la sécurité alimentaire" mondiale, notent les auteurs du rapport.

L'Ukraine, "grenier de l'Europe", et la Russie, font partie des plus grands exportateurs de blé au monde. A elles deux, elles détiennent environ un tiers du commerce mondial.

La majeure partie du blé ukrainien est exporté en été et en automne. Plus la guerre dure, plus les exportations vont être compromises, avec un impact pour les réserves actuelles et futures.

Ces perturbations "ont des effets immédiats pour des pays comme l'Égypte, qui dépendent fortement des importations de céréales en provenance de Russie et d'Ukraine", a souligné le Programme alimentaire mondial (PAM) dans un rapport publié vendredi.

Au-delà, les pays "dépendant plus largement des importations de céréales sont en première ligne", car les prix alimentaires y grimpent, conséquence de la hausse des prix sur les marchés mondiaux des céréales, ajoute l'organisme d'aide alimentaire des Nations Unies. 

L'impact va être fort en Afghanistan, Éthiopie, Syrie, au Yémen, des pays dépendants du blé, prévient-il.

"La guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique", a déploré Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, sur CBS News dimanche.

«Ouragan de famines»

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a aussi alerté lundi sur les risques d'"un ouragan de famines et un effondrement du système alimentaire mondial".

 

Aide à l'Ukraine: La France transfère à l'Assemblée générale de l'ONU son projet de résolution

La France, renonçant à mettre au vote au Conseil de sécurité de l'ONU une résolution sur l'aide humanitaire pour l'Ukraine, a annoncé lundi transmettre son projet à l'Assemblée générale de l'Organisation, où la Russie n'a pas de droit de veto.

A ce stade, aucune date n'est avancée pour un vote de l'Assemblée.

"Le plus tôt sera le mieux", a déclaré à des journalistes l'ambassadeur français à l'ONU, Nicolas de Rivière. "

Le 2 mars, l'Assemblée générale de l'ONU avait approuvé massivement une résolution condamnant l'invasion russe avec un record (pour un texte condamnant un de ses membres) de 141 voix en faveur du texte, 5 pays votant contre et 35 s'abstenant.

Si la résolution réclame une "cessation des hostilités", comme semblent le souhaiter Paris, Washington ou Londres, elle risque de détourner des voix favorables vers une abstention, un vote contre ou une non-participation au scrutin, précisent ces mêmes sources.

Le président de la Banque Mondiale David Malpass a exhorté les consommateurs à éviter de stocker farine et essence. Il a estimé, dans une interview vidéo au Washington Post lundi, que les économies avancées comme les États-Unis et le Canada avaient "de quoi potentiellement augmenter de façon importante" l'offre pour "atténuer cette chute" de la production.

La Banque mondiale a annoncé lundi une aide de 200 millions de dollars pour l'Ukraine, s'ajoutant aux 723 millions déjà approuvés.

Un site pour acheminer des bitcoins vers la banque centrale ukrainienne

Le gouvernement ukrainien a lancé lundi un site en partenariat avec les plateformes de cryptomonnaies FTX et Everstake afin d'acheminer vers la banque centrale ukrainienne les bitcoins et autres monnaies virtuelles levés pour soutenir l'Ukraine face à l'invasion russe.

Sur le site de cette initiative intitulée "Aid for Ukraine", les internautes peuvent à l'heure actuelle faire des dons dans 10 cryptomonnaies, dont le bitcoin mais aussi l'ether, le tether ou le dogecoin.

Le site indiquait, vers 23H30 GMT lundi, qu'un peu plus de 49 millions de dollars avaient été levés depuis le début du conflit et affiche un objectif de 200 millions de dollars.

L'argent servira à soutenir les troupes militaires ainsi que les civils "ayant cruellement besoin d'aide humanitaire", indiquent les membres du partenariat dans le communiqué.

Le conflit compromet "la capacité des personnes vulnérables en Ukraine à répondre à leurs besoins fondamentaux", a précisé David Malpass dans un communiqué. "Ce soutien rapide aidera à combler ces lacunes (...) alors que nous travaillons sur un soutien plus large pour l'Ukraine et la région."

Il a fait état d'un ensemble concret de projets qui totalisent 3 milliards de dollars", et pourraient être prêts dans les "six à huit prochaines semaines".


Trump impose des restrictions d'entrée à sept autres pays et aux Palestiniens

Des personnes arrivent à l'aéroport international John F. Kennedy de New York, le 9 juin 2025. (AFP)
Des personnes arrivent à l'aéroport international John F. Kennedy de New York, le 9 juin 2025. (AFP)
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  • Donald Trump élargit les interdictions d’entrée aux États-Unis à sept pays supplémentaires, dont la Syrie, et inclut les Palestiniens munis de documents de l’Autorité palestinienne
  • La Maison Blanche invoque la sécurité nationale, tout en prévoyant des exceptions limitées, dans le cadre d’un durcissement général de la politique migratoire

WASHINGTON: Donald Trump a étendu mardi les interdictions d'entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de sept pays, dont la Syrie, ainsi qu'aux Palestiniens.

Le président américain a signé une proclamation "restreignant et limitant davantage l'entrée des ressortissants étrangers afin de protéger la sécurité des Etats-Unis", a indiqué la Maison Blanche.

Les nouveaux pays concernés par cette mesure sont le Burkina Faso, le Niger, le Mali, le Soudan du Sud et la Syrie, tandis que le Laos et la Sierra Leone passent de restrictions partielles à totales.

Les Palestiniens disposant de documents de voyage émis par l'Autorité palestinienne sont également visés.

L'administration Trump avait déjà imposé des restrictions totales visant les ressortissants de douze pays et des dizaines d'autres pays se sont vus imposer des restrictions partielles.

S'agissant de la Syrie, la mesure intervient quelques jours après une attaque meurtrière contre des soldats américains dans le centre de ce pays.

L'administration Trump dit avoir identifié des pays où les vérifications sont "tellement insuffisantes qu'elles justifiaient une suspension totale ou partielle de l'admission des ressortissants de ces pays".

La proclamation prévoit cependant des exceptions pour les résidents permanents légaux, les titulaires de visas existants, certaines catégories de visas comme les athlètes et les diplomates, et les personnes dont "l'entrée sert les intérêts nationaux des Etats-Unis".

Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump mène une vaste campagne contre l'immigration illégale et a considérablement durci les conditions d'entrée aux Etats-Unis et l'octroi de visas, arguant de la protection de la sécurité nationale.

Ces mesures visent ainsi à interdire l'entrée sur le territoire américain aux étrangers qui "ont l'intention de menacer" les Américains, selon la Maison Blanche.

De même, pour les étrangers qui "pourraient nuire à la culture, au gouvernement, aux institutions ou aux principes fondateurs" des Etats-Unis.

Le président américain s'en est récemment pris avec virulence aux Somaliens, disant qu'il "ne voulait pas d'eux chez nous".

En juin, il avait annoncé des interdictions d'entrée sur le territoire américain aux ressortissants de douze pays, principalement en Afrique et au Moyen-Orient (Afghanistan, Birmanie, Tchad, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Erythrée, Haïti, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Yémen).

En revanche, le Turkménistan, pays qui figure parmi les plus reclus au monde, se voit accorder un satisfécit, la Maison Blanche évoquant mardi des "progrès significatifs" dans cet Etat d'Asie centrale.

Du coup, les ressortissants de ce pays pourront à nouveau obtenir des visas américains, mais uniquement en tant que non-immigrants.

Lors de son premier mandat (2017-2021), Donald Trump s'en était pris de façon similaire à certains pays, ciblant principalement des pays musulmans.


Australie: la communauté juive, bouleversée et en colère, enterre «le Rabbin de Bondi»

Dans un pays considéré depuis longtemps comme un refuge, et qui abrite environ 2.500 survivants de la Shoah, le massacre de dimanche a instillé le doute quant à la politique de Canberra contre l'antisémitisme. (AFP)
Dans un pays considéré depuis longtemps comme un refuge, et qui abrite environ 2.500 survivants de la Shoah, le massacre de dimanche a instillé le doute quant à la politique de Canberra contre l'antisémitisme. (AFP)
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  • Celui qui était connu sous le nom de "Rabbin de Bondi" a été abattu dimanche sur la plage du même nom, lors de l'attentat le plus meurtrier en Australie depuis des décennies
  • Les proches et les membres de la communauté ont laissé échapper des sanglots quand le corbillard transportant le corps de M. Schlanger, 41 ans, est arrivé et que son cercueil, recouvert d'un velours noir orné de l'étoile de David, a été déposé

SYDNEY: Dans une synagogue bondée, emplie de cris et de larmes, la communauté juive de Sydney traumatisée a rendu hommage mercredi au rabbin Eli Schlanger, première victime de l'attentat antisémite de la plage de Bondi a être mise en terre.

Celui qui était connu sous le nom de "Rabbin de Bondi" a été abattu dimanche sur la plage du même nom, lors de l'attentat le plus meurtrier en Australie depuis des décennies.

Les proches et les membres de la communauté ont laissé échapper des sanglots quand le corbillard transportant le corps de M. Schlanger, 41 ans, est arrivé et que son cercueil, recouvert d'un velours noir orné de l'étoile de David, a été déposé.

David Deitz, homme d'affaires de 69 ans, qui connaissait M. Schlanger "depuis très, très longtemps", explique à l'AFP que le rabbin a eu "une influence positive sur beaucoup de gens".

"C'est un choc pour l'Australie de voir un tel événement se produire ici. Ce n'est pas dans la nature des Australiens", poursuit-il.

Une forte présence sécuritaire a été mobilisée lors des obsèques, avec des policiers alignés dans la rue fermée au public.

Dans un pays considéré depuis longtemps comme un refuge, et qui abrite environ 2.500 survivants de la Shoah, le massacre de dimanche a instillé le doute quant à la politique de Canberra contre l'antisémitisme.

En 2021, le nombre de juifs australiens était estimé à 117.000.

"Ils auraient pu nous écouter" 

Jillian Segal, la responsable de la lutte contre l'antisémitisme en Australie, a fustigé cette semaine des préjugés antijuifs "qui s’insinuent dans la société depuis de nombreuses années et contre lesquels nous ne nous sommes pas suffisamment élevés".

Mme Segal a été la première nommée à ce poste après une série d'attaques antisémites à Melbourne et à Sydney, au début de la guerre d'Israël dans la bande de Gaza.

Au cours des 12 mois suivant l’attaque du Hamas en Israel du 7 octobre 2023 qui a déclenché cette guerre, les incidents de nature antisémite en Australie ont augmenté de 316%, dépassant les 2.000, dit-elle.

"Nous devrions pouvoir être qui nous sommes sans avoir peur", a déclaré Brett Ackerman, un analyste de données âgé de 37 ans.

La colère gagne certains membres de la communauté qui estiment que leur cri d'alarme face à la montée de l'antisémitisme depuis le 7-Octobre n'a pas été pris en compte.

"Ils auraient pu nous écouter" se désole M. Ackerman. Pour lui, l'attaque n'était "pas une surprise".

A côté de lui, le rabbin Yossi Friedman acquiesce. "Le message était clair depuis un peu plus de deux ans", soutient-il. "Est-ce que nous nous sentons en sécurité? Pour être honnête, pas vraiment."

"Nous pensions être en sécurité. Nos grands-parents et arrière-grands-parents étaient des survivants de la Shoah, et beaucoup d’entre eux sont venus ici pour échapper à la haine et au sang versé, aux pogroms, à la persécution (...) et c'est ce qu'on retrouve ici", observe-t-il.

"Problème de société"

Le Premier ministre Anthony Albanese a dénoncé l'attaque de Bondi comme un acte terroriste antisémite de "pure méchanceté" perpétré par des hommes inspirés par l’idéologie jihadiste du groupe État islamique.

Mais il a rejeté les critiques selon lesquelles son gouvernement n'avait pas réagi suffisamment à l'appel de Mme Segal.

Le Premier ministre a souligné que son gouvernement avait pénalisé les discours de haine et interdit le salut nazi et les symboles haineux, entre autres.

Depuis la fusillade, M. Albanese mène une initiative conjointe entre le gouvernement central et les Etats d'Australie en faveur d’un contrôle plus strict des armes à feu. L'assaillant le plus âgé possédait six armes dûment enregistrées.

Mais pour l'écrivain Danny Gingef, 66 ans, "la réforme des armes à feu est une diversion totale par rapport au vrai problème, qui est la haine, il faut identifier la haine là où elle commence".

Au départ du cercueil, les spectateurs ont entonné des chants en hébreu. Submergés par l’émotion, certains se sont effondrés dans les bras de leurs proches, à peine capables de tenir debout.

"Je sens que ces dernières années, les Juifs ont été en état d’alerte maximale", dit M. Gingef. Il se sent triste et en colère, et fait référence aux "marches de la haine" où il a vu des manifestants porter des drapeaux du Hezbollah.

Pour lui, il n’y a pas "beaucoup plus que nous puissions faire" sans le soutien des autorités et d’autres groupes.

"L’antisémitisme n’est pas un problème que les Juifs doivent résoudre, c’est un problème de société".

lec-oho/mjw/lgo/alh/pt

 


La BBC va "se défendre" face à la plainte en diffamation à 10 milliards de dollars de Trump

Des personnes empruntent l'entrée des bureaux de la chaîne britannique BBC à Londres en fin d'après-midi, le 11 novembre 2025. (AFP)
Des personnes empruntent l'entrée des bureaux de la chaîne britannique BBC à Londres en fin d'après-midi, le 11 novembre 2025. (AFP)
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  • Donald Trump poursuit la BBC pour diffamation et pratiques trompeuses, réclamant jusqu’à 10 milliards $ après un montage contesté de son discours du 6 janvier 2021
  • L’affaire secoue l’audiovisuel public britannique : démissions à la tête de la BBC, lettre d’excuses envoyée à Trump, et réexamen annoncé de la charte royale

LONDRES: La BBC a assuré mardi qu'elle allait "se défendre" contre la plainte en diffamation du président américain Donald Trump, qui réclame 10 milliards de dollars au groupe audiovisuel public britannique pour un montage vidéo contesté de l'un de ses discours.

La plainte, déposée lundi devant un tribunal fédéral à Miami par le président américain et consultée par l'AFP, demande "des dommages et intérêts d'un montant minimum de 5 milliards de dollars" pour chacun des deux chefs d'accusation: diffamation et violation d'une loi de Floride sur les pratiques commerciales trompeuses et déloyales.

"Ils ont littéralement mis des mots dans ma bouche", s'est plaint le milliardaire de 79 ans, lundi devant la presse.

"Nous allons nous défendre dans cette affaire", a répondu un porte-parole de la BBC mardi matin, sans faire davantage de commentaire sur la procédure.

Le groupe audiovisuel britannique, dont l'audience et la réputation dépassent les frontières du Royaume-Uni, est dans la tourmente depuis des révélations sur son magazine phare d'information "Panorama".

Ce dernier a diffusé, juste avant la présidentielle américaine de 2024, des extraits distincts d'un discours de Donald Trump du 6 janvier 2021, montés de telle façon que le républicain semble appeler explicitement ses partisans à attaquer le Capitole à Washington.

Des centaines de ses partisans, chauffés à blanc par ses accusations sans fondement de fraude électorale, avaient pris d'assaut ce jour-là le sanctuaire de la démocratie américaine, pour tenter d'y empêcher la certification de la victoire de son adversaire démocrate Joe Biden.

"La BBC, autrefois respectée et aujourd'hui discréditée, a diffamé le président Trump en modifiant intentionnellement, malicieusement et de manière trompeuse son discours dans le but flagrant d'interférer dans l'élection présidentielle de 2024", a dénoncé lundi un porte-parole des avocats du républicain contacté par l'AFP.

"La BBC a depuis longtemps l'habitude de tromper son public dans sa couverture du président Trump, au service de son programme politique de gauche", a-t-il ajouté.

- Lettre d'excuses -

Au Royaume-Uni, la controverse a relancé le brûlant débat sur le fonctionnement de l'audiovisuel public et son impartialité, alors que le groupe a déjà été bousculé ces dernières années par plusieurs polémiques et scandales.

L'affaire a poussé à la démission son directeur général Tim Davie et la patronne de BBC News Deborah Turness.

Le président de la BBC Samir Shah a pour sa part envoyé une lettre d'excuses à Donald Trump et la BBC a indiqué "regretter sincèrement la façon dont les images ont été montées" mais contesté "fermement qu'il y ait une base légale pour une plainte en diffamation".

Le groupe audiovisuel a "été très clair sur le fait qu'il n'y a pas matière à répondre à l'accusation de M. Trump en ce qui concerne la diffamation. Je pense qu'il est juste que la BBC reste ferme sur ce point", a soutenu mardi matin le secrétaire d'Etat britannique à la Santé Stephen Kinnock, sur Sky News.

Le gouvernement a également annoncé mardi le début du réexamen de la charte royale de la BBC, un processus qui a lieu tous les dix ans, pour éventuellement faire évoluer sa gouvernance, son financement ou ses obligations envers le public britannique.

La plainte de Donald Trump estime que, malgré ses excuses, la BBC "n'a manifesté ni véritables remords pour ses agissements ni entrepris de réformes institutionnelles significatives afin d'empêcher de futurs abus journalistiques".

Le président américain a lancé ou menacé de lancer des plaintes contre plusieurs groupes de médias aux Etats-Unis, dont certains ont dû verser d'importantes sommes pour mettre fin aux poursuites.

Depuis son retour au pouvoir, il a fait entrer à la Maison Blanche de nombreux créateurs de contenus et influenceurs qui lui sont favorables, tout en multipliant les insultes contre des journalistes issus de médias traditionnels.

L'un de ces nouveaux venus invités par le gouvernement Trump est la chaîne conservatrice britannique GB News, proche du chef du parti anti-immigration Reform UK, Nigel Farage.