Présidentielle: ça se joue... maintenant

Sur cette photo prise le 24 mars 2022, une affiche représente le président français meurtri, Emmanuel Macron. (AFP)
Sur cette photo prise le 24 mars 2022, une affiche représente le président français meurtri, Emmanuel Macron. (AFP)
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Publié le Vendredi 25 mars 2022

Présidentielle: ça se joue... maintenant

  • Jamais sans doute sous la Vè République, campagne présidentielle n'aura été aussi atypique dans un contexte de crise sanitaire puis de guerre sur le continent européen, en Ukraine
  • «Marine Le Pen est celle qui est sur la dynamique la plus ascendante, en plus elle bénéficie de la dynamique descendante d’Éric Zemmour», dit une experte

PARIS: L'un fait à peine campagne, l'autre a contracté le Covid et doit la faire "à distance": la journée de jeudi confirme, si besoin était, le caractère atypique de la campagne présidentielle, à un peu plus de deux semaines du scrutin.


Le président-candidat Emmanuel Macron a participé jeudi à Bruxelles à trois sommets successifs de l'Otan, du G7 et de l'UE consacrés à la guerre en Ukraine. Il y a notamment proposé une "initiative pour la sécurité alimentaire" avec un "plan d'urgence de libération des stocks en cas de crise pour éviter toute pénurie et modérer les hausses de prix".


Cette intense séquence diplomatique l'éloigne de la campagne, à tel point que certains dans son camp s'interrogent sur les conséquences de son absence sur le terrain.


Balayant les accusations disant qu'il veut enjamber le rendez-vous de la présidentielle, la majorité n'a de cesse de répéter qu'il sera président jusqu'au dernier quart d'heure et explique sa présence réduite dans la campagne par un contexte international hors norme.


Pas de déplacements, pas de bains de foule, pas de débat télévisé, des interventions médiatiques passant largement sous les radars : cela ressemble à du service minimum pour le président-candidat, largement en tête dans les sondages, à quelque 30% des intentions de vote au premier tour, même si une légère érosion, logique selon ses soutiens, est constatée après sa conférence de presse de présentation de son programme mi-mars.

Présidentielle: tout pourrait se jouer dans les deux dernières semaines, selon une experte en sondages

"Une campagne à bas bruit" qui semble "n'avoir jamais démarré", "un sentiment de malaise des électeurs": à 15 jours du 1er tour de l'élection présidentielle, Adélaïde Zulfikarpasic, directrice de BVA Opinion, estime que "peut-être tout va se jouer dans les deux prochaines semaines".

QUESTION: Vous dites dans votre dernière étude que les deux dernières semaines de campagne "pourraient compter double". Est-ce inédit ?


REPONSE: "A deux semaines des élections, quatre électeurs sur 10 sûrs d'aller voter -on ne parle pas des abstentionnistes potentiels- sont encore dans l'hésitation.


Soit un +indice de volatilité+ de 39%. A la même échéance en 2017, il était de 38%. Cette hésitation en fin de parcours n'est donc pas propre à 2022, en revanche c'est quelque chose qui monte en puissance. 


Une des raisons, c'est que ce qu'on appelait dans la sociologie politique classique les +déterminants du vote+ ont changé. On a des choix de moins en moins déterminés par des appartenances collectives et plus par des vécus individuels, et puis vous avez aussi un facteur émotionnel de plus en plus fort et une influence des réseaux sociaux, d'une actualité qui bombarde les gens, qui font que de plus en plus les électeurs sont dans une décision tardive.


Là ce qui est plus frappant, c'est que cet indice de volatilité est corrélé pour cette élection à un indicateur de participation et un indicateur d’intérêt pour l’élection plutôt plus faibles que d'habitude. Et surtout fluctuants. Je crois que ça témoigne d'un sentiment de malaise des électeurs par rapport à cette campagne qui est très atypique. C'est comme si elle n'avait jamais démarré."

Q: Diriez-vous qu'il n'y a pas eu de campagne jusqu'ici ?


R: "Ce serait un petit peu radical dans la mesure où on a quand même des candidats qui essaient d'exister, qui font des propositions, qui ont des programmes, des militants qui tractent sur les marchés...

Mais c'est vrai que ça me semble beaucoup plus à bas bruit que pour une campagne normale. Campagne à bas bruit, campagne en sourdine, toute petite campagne.

Guerre en Ukraine, absence de débat, sentiment aussi -et les sondages jouent un rôle- que les choses sont jouées, qu'il n'y a pas beaucoup de suspense, tout ça mis bout à bout n'est pas de nature à mobiliser les foules.

Je dis que peut-être tout va se jouer dans les deux prochaines semaines, qu'elle vont compter double, parce que j'ose espérer qu'il va y avoir une accélération, que les hésitants vont se mettre à lire les programmes, les comparer.

Q: Les grands rapports de force dessinés par les sondages pourraient-ils bouger ?

R: "Honnêtement pour qu'Emmanuel Macron ne soit pas qualifié au second tour, il faudrait non pas un, mais deux, trois, une accumulation d’événements de campagne majeurs.

Marine Le Pen est celle qui est sur la dynamique la plus ascendante, en plus elle bénéficie de la dynamique descendante d’Éric Zemmour.

La seule vraie question à mon sens aujourd'hui, c'est de savoir si, oui ou non, Jean-Luc Mélenchon peut créer la surprise. Sur le papier il pourrait. 

Mais Marine Le Pen a aussi encore du potentiel. Il faudrait pour que Jean-Luc Mélenchon arrive au second tour que non seulement lui-même arrive à engranger tous les hésitants de gauche, sur la base du vote utile en particulier, mais qu'en même temps la candidate du Rassemblement national voit elle sa dynamique stoppée. Je ne pense pas que ce soit le plus probable."

Castex en VRP 
Un seul grand meeting est prévu, le 2 avril à La Défense (Hauts-de-Seine). Les autres réunions publiques se font sans lui, comme mercredi soir à Nice où se sont rassemblés des poids lourds de la macronie, tandis que les ministres sillonnent le terrain.
Jeudi matin, le Premier ministre Jean Castex a arpenté les rues de Saint-Saint-Denis pendant trois heures, tracts à la main, pour défendre son candidat.
Cette ligne est-elle tenable jusqu'au premier tour du 10 avril ?
Interrogé par la presse, Jean Castex a joué l'humilité, réaffirmant qu'"une élection n'est jamais gagnée" et que "dans le monde troublé qui est le nôtre l'excès de confiance en rien ne se justifie".
"Le premier message à faire passer, c'est voter d'abord", a-t-il ajouté, alors que le manque de rythme de la campagne fait craindre une abstention record.
"La vérité, c'est qu'Emmanuel Macron est totalement absorbé par la crise internationale. C'est très compliqué d'exister, de faire campagne", estime un proche du chef de l'Etat.

Projectiles et huées: séquence agitée pour Zemmour auprès de toxicomanes et migrants

Le candidat d'extrême droite Eric Zemmour a été visé par une bouteille d'eau, des projectiles et une série d'insultes vendredi lors d'une visite médiatique agitée Porte de la Villette à Paris au milieu de toxicomanes et de migrants.

En direct plus d'une heure sur CNews, avec un bandeau sur l'écran "Eric Zemmour au milieu des toxicomanes", le candidat à la présidentielle a réalisé une visite surprise dans un quartier sinistré par le crack et où il a échangé avec des riverains excédés.

"On est dans une enclave étrangère, c'est une évidence... La plupart des gens n'ont rien à faire ici", a insisté Eric Zemmour, devant un campement de fortune ou à quelques mètres d'un toxicomane installé dans une poubelle.

L'ancien polémiste de CNews a été visé par une bouteille d'eau, perdant ses lunettes au passage. "Mes lunettes, mes lunettes... C'est ça Paris aujourd'hui, c'est ça la France aujourd'hui", a-t-il estimé.

D'autres projectiles l'ont visé, dont un oeuf, ainsi que de nombreux doigts d'honneur et insultes.

Le candidat Reconquête! s'en est pris à "l'immigration folle". "Je vous débarrasserai de ces gens, c'est la seule solution, il n'y en a pas plusieurs", a-t-il dit, avant de préciser parler de l'expulsion des délinquants étrangers.

"C'est apocalyptique, voilà ce que ce sera la France partout dans dix ans", a-t-il dit devant le campement.

Lors d'un échange apaisé avec une toxicomane née en Haïti et arrivée en France avec ses parents, il a souligné qu'elle devait "d'abord se soigner" de son addiction.

Cette femme a expliqué "ne connaître que la France" et a demandé "de ne pas mettre tout le monde dans le même sac".

Plusieurs riverains ont souligné la dégradation du quartier, listant des "agressions sexuelles", des violences, des vitres de voiture cassées ou la chute du prix de l'immobilier. L'un d'entre eux a indiqué qu'il voterait pour Eric Zemmour

Le "collectif anti-crack 93" a pour sa part dénoncé une visite "à des fins électorales".

Fin septembre, la préfecture de Paris a décidé d'expulser les toxicomanes du quartier des jardins d’Éole, dans le nord-est de la capitale, pour les repousser sur ce site en bordure du périphérique. 

Construit dans la foulée pour obstruer un tunnel et ainsi censé empêcher le passage des usagers du crack vers la banlieue, le mur - baptisé "mur de la honte" par ses détracteurs - reste érigé. Eric Zemmour s'est rendu devant.

«Quelques symptômes»
Déjà à la peine dans les sondages (autour de 11-12%), la candidate LR à la présidentielle Valérie Pécresse a elle contracté le Covid-19, l'obligeant à poursuivre sa campagne "à distance".


"J'ai quelques symptômes mais rien de grave, je vous rassure", a-t-elle déclaré en duplex lors de l'émission "Elysée 2022" sur France 2 jeudi soir, disant vouloir respecter le protocole.


Mais elle a dû adapter son programme annulant par exemple des déplacements vendredi à Bordeaux ou samedi dans les Bouches-du-Rhône.


Mme Pécresse avait présenté jeudi matin un projet de réforme de la Constitution pour "rétablir l'ordre".


A seulement 17 jours du premier tour, des dynamiques semblent se confirmer et des positions se cristalliser désormais.


La candidate du RN Marine Le Pen est bien installée à la deuxième place des intentions de vote, un sondage OpinionWay-Kéa Partners publié jeudi la créditant de 20%, confirmant une dynamique ascendante.


Se disant confiante en ses chances d'accéder au second tour, elle a tendu la main aux électeurs de son rival à l'extrême droite Eric Zemmour, lequel subit une lente érosion dans les sondages passant sous la barre des 10% à 9%, selon l'enquête d'OpinionWay.


"Il ne le souhaite absolument pas" mais "personne n'est propriétaire de ses électeurs" et "je souhaite si je suis au second tour qu'ils nous rejoignent", a-t-elle affirmé sur M6.


Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a jugé dans la soirée sur France 5 que "Marine Le Pen est dangereuse pour le président de la République, elle peut gagner cette élection présidentielle". "Elle a une stratégie qui a l'air de fonctionner, M. Zemmour l'a rendue plus +molle+", a insisté cet ex-LR.


A gauche, le candidat de LFI Jean-Luc Mélenchon, qui se voit lui aussi au second tour, est également sur une pente favorable: certaines études d'opinion le placent à la troisième place, autour de 14%.


Le conflit en Ukraine a par ailleurs poussé les candidats à se positionner, remettant sur le devant de la scène les positions prorusses de Marine Le Pen, Eric Zemmour ou Jean-Luc Mélenchon.


L'écologiste Yannick Jadot, aux alentours de 5-6%, a de nouveau critiqué TotalEnergies jeudi, estimant que le pétrolier voulait le "faire taire en pleine campagne présidentielle" en le poursuivant en diffamation après ses accusations de "complicité de crimes de guerre" en Ukraine.


"Doucement avec les noms d'oiseaux, ce n'est pas le moment", a asséné jeudi soir M. Mélenchon sur France 2.


Les députés s'apprêtent à baisser le rideau sur la partie «recettes» du budget de l'Etat

Les députés bouclent lundi huit jours de débats sur la partie "recettes" du budget de l'Etat, sans espoir de voter sur ce premier volet mardi comme initialement prévu. Mais à l'heure où chacun dresse un premier bilan, il semble peu probable que le texte puisse trouver une majorité dans l'hémicycle. (AFP)
Les députés bouclent lundi huit jours de débats sur la partie "recettes" du budget de l'Etat, sans espoir de voter sur ce premier volet mardi comme initialement prévu. Mais à l'heure où chacun dresse un premier bilan, il semble peu probable que le texte puisse trouver une majorité dans l'hémicycle. (AFP)
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  • Au menu lundi, la poursuite des discussions sur la justice fiscale, avec notamment des amendements sur la taxation des plus-values immobilières, ou les droits de succession
  • La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin devrait dresser un bilan des mesures adoptées jusqu'à présent

PARIS: Les députés bouclent lundi huit jours de débats sur la partie "recettes" du budget de l'Etat, sans espoir de voter sur ce premier volet mardi comme initialement prévu. Mais à l'heure où chacun dresse un premier bilan, il semble peu probable que le texte puisse trouver une majorité dans l'hémicycle.

Au menu lundi, la poursuite des discussions sur la justice fiscale, avec notamment des amendements sur la taxation des plus-values immobilières, ou les droits de succession.

La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin devrait dresser un bilan des mesures adoptées jusqu'à présent.

Les députés s'empareront mardi en séance du budget de la Sécurité sociale, rejeté en commission vendredi.

Celui-ci doit faire l'objet d'un vote solennel le 12 novembre, après lequel pourront reprendre les discussions sur le projet de loi de finances, jusqu'au plus tard le 23 novembre à minuit - les délais constitutionnels obligeant alors le gouvernement à transmettre le texte au Sénat. Le gouvernement tablait ces jours-ci sur un vote le 18 novembre pour la partie "recettes" du budget de l'Etat.

Mais d'ores et déjà le rapporteur général du Budget, Philippe Juvin (LR), anticipe son rejet: "Je ne vois pas très bien comment cette partie 1 pourrait être votée, parce qu'en fait elle ne va satisfaire personne", a-t-il dit sur LCI dimanche.

En cas de rejet de cette première partie, le projet de budget partirait au Sénat dans sa version initiale.

"Ecœurement" 

L'adoption du texte nécessiterait l'abstention des socialistes et des écologistes (et le vote positif de la coalition gouvernementale). Or rien ne la laisse présager à ce stade.

Le chef des députés PS, Boris Vallaud, a ainsi fait part dans une interview à La Tribune Dimanche de son "écœurement", après le rejet vendredi de la taxe Zucman sur le patrimoine des ultra-riches, et alors que la gauche peine de manière générale à "mettre de la justice dans ce budget".

"Si on devait nous soumettre le budget aujourd'hui, nous voterions évidemment contre, en sachant tout ce que cela implique, à savoir la chute du gouvernement", a ajouté celui dont le groupe avait décidé de laisser sa chance à Sébastien Lecornu en ne le censurant pas.

Les écologistes se montrent eux aussi sévères, vis-à-vis du gouvernement mais aussi des socialistes, dont ils semblent critiquer une quête du compromis à tout prix: "Je ne comprends plus ce que fait le PS", a déclaré la patronne des députés écolos Cyrielle Chatelain sur franceinfo vendredi soir.

Mais le texte ne fait pas seulement des mécontents à gauche. Le gouvernement a lui aussi marqué ses réticences face à des votes souvent contraires à ses avis, qui ont abouti à alourdir la pression fiscale.

"Je pense qu'il faut qu'on arrête de créer des impôts (...) Aujourd'hui, si je compte les mesures sur l'impôt des multinationales, sur les rachats d'actions, sur la taxe sur les super-dividendes et l'ensemble des amendements qui ont été votés, le taux de prélèvements obligatoires atteindrait au moins (...) 45,1% du PIB, c'est plus qu'en 2013 où il était à 44,8%", a fustigé Amélie de Montchalin vendredi soir.

"Sorcellerie fiscale" 

Le ministre de l'Economie Roland Lescure a lui mis en garde contre la "sorcellerie fiscale" et le vote de mesures "totalement inopérantes". Particulièrement dans son viseur, une "taxe Zucman" sur les multinationales censées rapporter 26 milliards d'euros, selon son initiateur Eric Coquerel, le président LFI de la commission des Finances.

Montré du doigt par la droite pour son soutien à la mesure, le Rassemblement national a assumé son vote: le président du RN Jordan Bardella a défendu sur X un "mécanisme de lutte contre la fraude fiscale des grandes multinationales étrangères".

Sur France Inter dimanche, le vice-président du RN Sébastien Chenu a cependant fustigé un budget "de bric et de broc", qui crée "beaucoup d'impôts" sans s'attaquer "aux dépenses toxiques".

Vendredi, reconnaissant les limites de la discussion budgétaire pour parvenir à une copie d'ensemble cohérente, le Premier ministre a demandé "à l'ensemble des ministres concernés" de réunir les représentants des groupes pour "essayer de se mettre d'accord sur les grands principes de l'atterrissage d'un texte pour la Sécurité sociale et pour le projet de loi de finances".

 


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.