Le retour de la croissance réduit un peu le poids de la dette française et du déficit en 2021

Le ministre des Comptes Publics Olivier Dussopt a salué une «bonne nouvelle», estimant que ces chiffres «confirment l'efficacité du plan d'urgence et du plan de relance pour notre économie et donc pour les français». (AFP)
Le ministre des Comptes Publics Olivier Dussopt a salué une «bonne nouvelle», estimant que ces chiffres «confirment l'efficacité du plan d'urgence et du plan de relance pour notre économie et donc pour les français». (AFP)
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Publié le Mardi 29 mars 2022

Le retour de la croissance réduit un peu le poids de la dette française et du déficit en 2021

  • Si les finances publiques se sont améliorées, elles sont encore loin de retrouver leur niveau d'avant crise, déjà jugé préoccupant par la Cour des comptes
  • Pour 2022, le gouvernement prévoit de ramener le déficit public à 5% du PIB, notamment grâce à une croissance toujours dynamique de 4%

PARIS: Le rebond de la croissance a permis d'amorcer un recul du ratio de dette française, ramenée à 112,9% du PIB en 2021, et le déficit public s'est un peu résorbé à 6,5%, mais ces niveaux restent élevés, conséquence des dépenses engagées face à la crise sanitaire.


En 2020, la dette s'était envolée à 114,6% et le déficit s'était creusé à 8,9%, des niveaux records, selon des chiffres révisés publiés mardi par l'Institut national de la statistique (Insee). 


Si les comptes publics ont un peu meilleure mine en 2021, c'est essentiellement dû à la reprise économique de 7% enregistrée l'an dernier, après la récession historique de 8% subie en 2020 et la politique du "quoi qu'il en coûte" menée par le gouvernement.


Celle-ci s'est poursuivie une bonne partie de l'année dernière, avant que le déploiement de la vaccination et la levée des restrictions sanitaires ne permettent au gouvernement de réduire progressivement ses soutiens aux entreprises et aux ménages.


Le ministre des Comptes Publics Olivier Dussopt a salué une "bonne nouvelle" mardi sur Twitter, estimant que ces chiffres "confirment l'efficacité du plan d'urgence et du plan de relance pour notre économie et donc pour les français".
A l'automne dernier, le gouvernement était moins optimiste puisqu'il tablait sur un déficit public de 8,4% et une dette de 114% pour 2021.


Mais la reprise économique, l'amélioration sur le front de l'emploi et les aides européennes pour financer le plan de relance ont permis à l'Etat et aux organismes de sécurité sociale d'engranger davantage de recettes qu'escompté: elles s'affichent en hausse de 8,4% en 2021 (+101,8 milliards d'euros), après un plongeon de 4,8% en 2020.


Les dépenses des administrations publiques (Etat, collectivités et Sécurité sociale) ont elles encore bondi de 4% en 2021 (+57,1 milliards d'euros), tirées par le maintien des soutiens d'urgence face à la crise sanitaire, en particulier le fonds de solidarité, qui a coûté plus de 23,3 milliards d'euros à l'Etat après 16,3 milliards en 2020, et les revalorisations salariales à l'hôpital, détaille l'Insee.


Les dépenses représentaient ainsi 59,2% du PIB en 2021, se maintenant "au-delà de leur niveau d'avant crise", note l'Institut national de la statistique.

Trajectoire incertaine 
Dans le détail, le déficit de l'Etat atteint 143,8 milliards d'euros, celui de la sécurité sociale 16,9 milliards d'euros, en nette amélioration, et celui des administrations locales (collectivités, opérateurs publics) s'établit à 600 millions d'euros. Les organismes divers d'administration centrale (Odac) affichent eux un excédent de 300 millions d'euros.


Si les finances publiques se sont améliorées, elles sont encore loin de retrouver leur niveau d'avant crise, déjà jugé préoccupant par la Cour des comptes. En valeur absolue, la dette publique s'est ainsi encore alourdie de près de 165 milliards d'euros, à 2 813,1 milliards d'euros.


En 2019, avant la crise sanitaire, la dette s'affichait à 97,6% du PIB et le déficit à 3,1%.


Pour 2022, le gouvernement prévoit de ramener le déficit public à 5% du PIB, notamment grâce à une croissance toujours dynamique de 4%. 


Dans sa trajectoire d'évolution des finances publiques transmise au printemps 2021 à Bruxelles, le gouvernement compte ramener le déficit public sous les 3% du PIB en 2027 pour commencer à réduire le poids de la dette. Une ambition confirmée par le président-candidat Emmanuel Macron dans son programme dévoilé mi-mars.


La Cour des comptes a pourtant jugé cette trajectoire "incertaine", dans son dernier rapport annuel, soulignant qu'elle nécessiterait d'importantes économies supplémentaires. Le rétablissement des finances publiques passera "inéluctablement par des efforts sans précédent de maîtrise de nos dépenses" et des réformes, avait insisté son premier président Pierre Moscovici.


La plupart des candidats à la présidentielle promettent d'ailleurs de s'attaquer à la dette et au déficit s'ils sont élus.


L'incertitude liée à la guerre en Ukraine et ses répercussions économiques pourraient toutefois peser sur ces ambitions. L'inflation qui accélère depuis plusieurs mois pourrait notamment pousser la Banque centrale européenne à relever plus tôt que prévu ses taux d'intérêts. Cela risquerait de compromettre à la fois la croissance et la capacité de la France à s'endetter à un coût modéré, au moment où il faut investir pour la transition écologique.


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.