Turquie: Confiance dans l’Otan et l’UE en hausse en pleine nouvelle guerre froide

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et le président du Conseil de l’UE, Charles Michel, à Bruxelles, en Belgique, le 9 mars 2020 (Photo, Reuters).
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et le président du Conseil de l’UE, Charles Michel, à Bruxelles, en Belgique, le 9 mars 2020 (Photo, Reuters).
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Publié le Vendredi 15 avril 2022

Turquie: Confiance dans l’Otan et l’UE en hausse en pleine nouvelle guerre froide

  • Une enquête révèle que l’opinion publique turque exprime une plus grande confiance dans l’alliance militaire
  • Les risques mondiaux autour de la Turquie incitent le public à la prudence, selon un expert

ANKARA: Une nouvelle enquête démontre que l’opinion publique turque est davantage orientée vers les organisations internationales telles que l’Otan, ce qui reflète une position positive sur la candidature du pays à l’Union européenne.
L’enquête, intitulée «Perceptions turques de l’Union européenne», a été menée par le German Marshall Fund of the United States. L’étude sur le terrain a été réalisée en mars par Infakto Research Workshop, basé à Istanbul, dans 29 provinces de Turquie, au moyen d’entretiens en face à face avec 2180 personnes.
L’enquête révèle que 48% des personnes interrogées ont exprimé leur confiance dans l’UE, contre 40% l’année dernière, alors que 39% ont fait part de leur soutien à l’Otan, contre 32% en 2021.
Candidate à l’adhésion à l’UE depuis vingt-trois ans et membre puissant de l’Otan, la Turquie, qui dépend de plus en plus de la Russie sur le plan économique et militaire, tente aujourd’hui de trouver sa place dans les architectures politiques et sécuritaires européennes en mutation.
La position ferme de l’Otan sur le conflit ukrainien a également fait pencher l’opinion publique en faveur de l’alliance, la considérant comme un pilier essentiel de la sécurité de la Turquie.
Ozgur Unluhisarcikli, directeur du bureau d’Ankara du German Marshall Fund, indique que la confiance relativement plus élevée de la jeune génération en Turquie dans les institutions internationales est le reflet de leur mécontentement vis-à-vis de la situation en Turquie.
Les défis économiques tels que l’inflation élevée, l’érosion des revenus réels et le chômage, la baisse de la qualité de l’éducation et l’environnement politique polarisé exaspèrent les jeunes qui se tournent de plus en plus vers l’étranger pour trouver une issue», explique-t-il à Arab News.
Le soutien à l’adhésion de la Turquie à l’UE est élevé (58%) et il l’est encore plus dans la catégorie des 18-24 ans (73%). Toutefois, la confiance dans le fait que la Turquie deviendra membre de l’UE reste faible, les attentes moyennes concernant le délai d’adhésion se situant entre dix et quinze ans.
«En termes de realpolitik, le conflit ukrainien et la crise des réfugiés syriens ont certainement attiré l’attention de nombreux décideurs politiques de l’UE sur l’importance géostratégique de la Turquie», souligne Paul T. Levin, directeur de l’Institut d’études turques de l’université de Stockholm.
«Cependant, cela se produit dans un contexte de profond mécontentement vis-à-vis de la politique étrangère du régime actuel et à son piètre bilan démocratique. Les deux parties sont en quelque sorte réunies par la géographie et les événements et s’efforcent de trouver des moyens de coexister et de collaborer malgré de sérieuses divergences de valeurs et un processus d’adhésion à l’UE défectueux qui met l’accent sur ces divergences.»
L’enquête révèle aussi des tendances concernant d’autres régions et acteurs mondiaux et a montré que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a obligé la Turquie à repenser sa relation avec la Russie et l’Occident.
Parmi les personnes interrogées, 38% souhaitent que la Turquie joue un rôle plus actif au Moyen-Orient, dans les Balkans et en Afrique du Nord, tandis que 59% préfèrent qu’Ankara s’occupe d’abord de ses problèmes intérieurs.
Un tiers des participants pensent que la Turquie devrait coopérer plus étroitement avec les pays de l’UE sur les questions internationales.
Galip Dalay, chercheur au Centre d’études appliquées sur la Turquie de l’Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité, explique à Arab News que le soutien accru de l’opinion publique à la candidature de la Turquie à l’adhésion à l’UE et à l’Otan reflète la poursuite de la démocratisation dans le pays et une plus grande ouverture à l’échelle mondiale.
En ce qui concerne le conflit ukrainien, 44% des personnes interrogées estiment que la Turquie devrait servir de médiateur entre les parties, tandis que 40% jugent qu’Ankara devrait rester neutre.
«L’enquête montre clairement que l’opinion publique turque ne veut pas que son pays soit impliqué dans la guerre que la Russie mène contre l’Ukraine. La politique du gouvernement turc consistant à rester en dehors du conflit et à tenter une médiation bénéficie d’un fort soutien public», selon M. Unluhisarcikli, du German Marshall Fund.
De plus, l’enquête révèle que 58% des personnes interrogées considèrent les États-Unis comme leur plus grande menace, suivis de la Russie (31%, contre 19% l’année dernière) et d’Israël (29%, contre 24% en 2021).
«L’invasion de l’Ukraine par la Russie a considérablement réduit le soutien à la coopération avec la Russie et augmenté les tendances unilatéralistes plutôt que d’augmenter le soutien à la coopération avec les États-Unis ou l’UE, parce que le sentiment pro-russe en Turquie a toujours été une autre manifestation de son opposition à l’Occident», ajoute M. Unluhisarcikli.
Interrogés sur la manière dont le conflit en Syrie devrait être résolu, 50% des participants considèrent que l’intégrité territoriale de la Syrie devrait être maintenue et le régime d’Assad remplacé. En revanche, 21% préfèrent que la Syrie revienne à son statut d’avant la guerre civile, sous la direction d’Assad, et 17% pensent que l’opposition syrienne devrait avoir son propre territoire.
«D’après l’enquête, environ la moitié de l’opinion publique turque pense qu’Assad devrait partir et que l’intégrité territoriale de la Syrie devrait être maintenue. Il s’agit également la politique officielle de la Turquie. Ceux qui soutiennent le retour au statu quo d’avant-guerre sous la direction d’Assad représentent moins de 25%», précise M. Unluhisarcikli.
«Je ne pense donc pas que l’opinion publique turque s’attende à un changement de la politique syrienne. Cependant, on constate une tendance croissante à attendre de la Turquie qu’elle résolve ses propres problèmes plutôt que de jouer un rôle actif dans le voisinage», poursuit-il.
Par ailleurs, 51% des personnes interrogées estiment que la Turquie et l’UE ont des intérêts contradictoires dans la guerre civile syrienne.
Avec les risques mondiaux croissants autour de la Turquie, qui est voisine de plusieurs zones de conflit, M. Dalay indique que le peuple turc sera enclin à adopter une attitude prudente pour minimiser les défis potentiels.
«En dépit de l’approche modérée de l’opinion publique turque à l’égard du conflit syrien, je ne m’attends pas à un processus de normalisation rapide avec le régime d’Assad, hormis quelques engagements bilatéraux au niveau du renseignement et de la sécurité», dit-il.
Pour M. Dalay, la baisse du soutien à la Russie et le renforcement de la confiance dans Bruxelles ne signifient pas que Washington a plus d’influence sur Ankara.
«La raison est simple, affirme-t-il. L’UE est considérée comme une affaire intérieure pour la Turquie, grâce à son rôle dans l’amélioration des normes démocratiques du pays. En revanche, la relation avec les États-Unis est souvent considérée comme une question de politique étrangère et de sécurité, les deux parties ayant connu de graves crises au cours des dernières années. Par conséquent, l’attitude prudente de la Turquie à l’égard de Washington est principalement liée aux conséquences des derniers coups diplomatiques.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Premières discussions directes entre le Liban et Israël en plus de 40 ans

Depuis plusieurs semaines, la presse israélienne multiplie les articles sur la possible imminence d'une nouvelle campagne militaire israélienne contre le Hezbollah au Liban. (AFP)
Depuis plusieurs semaines, la presse israélienne multiplie les articles sur la possible imminence d'une nouvelle campagne militaire israélienne contre le Hezbollah au Liban. (AFP)
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  • Jusqu'à présent, des militaires représentaient le Liban et Israël, qui n'ont pas de relations diplomatiques officielles, aux réunions de l'organisme dirigé par les Etats-Unis et qui comprend également la France et l'ONU
  • La délégation libanaise évitait tout contact direct avec la partie israélienne, selon une source diplomatique qui a requis l'anonymat

BEYROUTH: Des responsables civils libanais et israélien ont participé mercredi à une réunion de l'organisme de surveillance du cessez-le-feu dans le sud du Liban, les premières discussions directes depuis plus de 40 ans entre les deux pays.

Alors que les deux voisins sont toujours techniquement en état de guerre, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a pris soin de souligner qu'il ne s'agissait pas de négociations de paix.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a lui salué "l'atmosphère positive" dans laquelle s'est déroulée la réunion, selon son bureau.

Celle-ci intervient alors qu'Israël menace d'une escalade au Liban, où son armée continue de viser le Hezbollah malgré un cessez-le-feu entré en vigueur il y a un an, accusant le mouvement pro-iranien de se réarmer.

"Pas important" 

Dirigées par des civils, les deux délégations se sont rencontrées au quartier général de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), à Naqoura, près de la frontière avec Israël, en présence de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus, selon l'ambassade américaine à Beyrouth.

Jusqu'à présent, des militaires représentaient le Liban et Israël, qui n'ont pas de relations diplomatiques officielles, aux réunions de l'organisme dirigé par les Etats-Unis et qui comprend également la France et l'ONU.

La délégation libanaise évitait tout contact direct avec la partie israélienne, selon une source diplomatique qui a requis l'anonymat.

L'ambassade des Etats-Unis au Liban a salué mercredi sur X la participation à la réunion de représentants civils: l'ancien diplomate libanais, Simon Karam, et le responsable du Conseil de sécurité nationale d'Israël, Uri Resnick. Elle a parlé d'un "pas important" en vue d'une "paix durable".

"Il a été convenu d'élaborer des idées pour promouvoir une éventuelle coopération économique entre Israël et le Liban", a souligné le bureau de Benjamin Netanyahu.

Le Premier ministre libanais a indiqué pour sa part que ce type de réunions avait pour but de parvenir "à la cessation des hostilités (et) au retrait israélien total" du territoire libanais, où l'armée israélienne conserve des positions dans le sud.

"Les relations économiques viendront à la toute fin du processus de normalisation, qui doit venir après la paix", a expliqué M. Salam. "Elles ne peuvent pas précéder la paix".

Il a souligné que le Liban n'avait pas l'intention de conclure une paix séparée avec Israël.

La rencontre intervient au lendemain de réunions de Mme Ortagus avec Benjamin Netanyahu et son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, qui a affirmé sur X que "le désarmement du Hezbollah était crucial pour l'avenir du Liban et la sécurité d'Israël".

Désarmement "incontournable" 

Le gouvernement israélien a répété mercredi que le désarmement du Hezbollah était "incontournable".

L'émissaire américaine est par la suite attendue au Liban, où le président Joseph Aoun s'était déclaré prêt à des négociations avec Israël, brisant un tabou entre les deux pays.

En 1983, après l'invasion israélienne du Liban, les deux pays avaient mené des contacts directs qui avaient abouti à la signature d'un accord prévoyant l'établissement de relations entre eux, mais il n'a jamais été ratifié.

Depuis plusieurs semaines, la presse israélienne multiplie les articles sur la possible imminence d'une nouvelle campagne militaire israélienne contre le Hezbollah au Liban.

"Israël se prépare à une escalade majeure au Liban à la lumière du renforcement militaire en cours du Hezbollah", a affirmé la radio-télévision publique israélienne mercredi.

Selon M. Salam, le Liban est ouvert à ce que l'ONU, les Etats-Unis et la France "vérifient" le désarmement du mouvement pro-iranien par l'armée libanaise dans le sud du pays.

Il a confirmé qu'elle devrait achever d'ici la fin de l'année le démantèlement des structures militaires du Hezbollah entre la frontière et le fleuve Litani, à une trentaine de km plus au nord.


Netanyahu annonce l'envoi d'un représentant israélien pour une rencontre avec des responsables au Liban

Cette photographie prise lors d'une visite de presse organisée par l'armée libanaise montre un soldat libanais debout près d'un mur à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban, le 28 novembre 2025. (AFP)
Cette photographie prise lors d'une visite de presse organisée par l'armée libanaise montre un soldat libanais debout près d'un mur à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban, le 28 novembre 2025. (AFP)
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  • M. Netanyahu "a chargé le directeur par intérim du Conseil de sécurité nationale d'envoyer un représentant de sa part à une réunion avec des responsables gouvernementaux et économiques au Liban"
  • Cette annonce survient après le passage d'une émissaire américaine, Morgan Ortagus, à Jérusalem, sur fond de tensions croissantes entre Israël et le Liban

JERUSALEM: Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé mercredi l'envoi d'un représentant pour une rencontre avec des responsables politiques et économiques au Liban, "première tentative pour établir une base de relations et de coopération économique entre Israël et le Liban".

M. Netanyahu "a chargé le directeur par intérim du Conseil de sécurité nationale d'envoyer un représentant de sa part à une réunion avec des responsables gouvernementaux et économiques au Liban", indique un communiqué de son bureau.

Le texte ne précise pas quand cette rencontre doit avoir lieu.

Cette annonce survient après le passage d'une émissaire américaine, Morgan Ortagus, à Jérusalem, sur fond de tensions croissantes entre Israël et le Liban.

Accusant le mouvement islamiste Hezbollah de violer le cessez-le-feu entré en vigueur il y a un an en se réarmant dans le sud du pays, l'armé israélienne a multiplié les frappes sur le sud du Liban la semaine dernière sur ce qu'elle a présenté comme des membres ou des infrastructures du Hezbollah.

Depuis plusieurs semaines, la presse israélienne multiplie les articles sur la possible imminence d'une nouvelle campagne militaire israélienne contre le Hezbollah au Liban.


Le pape appelle à «de nouvelles approches» au Moyen-Orient pour rejeter la violence

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  • Le chef de l'Eglise catholique, qui achève une visite de trois jours au Liban, a également appelé les chrétiens d'Orient, dont la présence diminue du fait des guerres et de l'émigration, à faire preuve de "courage"
  • "Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles approches afin de rejeter la mentalité de vengeance et de violence, de surmonter les divisions politiques, sociales et religieuses, et d'ouvrir de nouveaux chapitres au nom de la réconciliation et de la paix"

BEYROUTH: Le pape Léon XIV a appelé mardi, devant 150.000 personnes réunies pour une messe en plein air à Beyrouth, à "de nouvelles approches au Moyen-Orient" meurtri par les conflits, pour y faire prévaloir la paix.

Le chef de l'Eglise catholique, qui achève une visite de trois jours au Liban, a également appelé les chrétiens d'Orient, dont la présence diminue du fait des guerres et de l'émigration, à faire preuve de "courage".

"Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles approches afin de rejeter la mentalité de vengeance et de violence, de surmonter les divisions politiques, sociales et religieuses, et d'ouvrir de nouveaux chapitres au nom de la réconciliation et de la paix", a déclaré le souverain pontife.

Affirmant "prier spécialement pour le Liban bien-aimé", il a demandé "à la communauté internationale de ne ménager aucun effort pour promouvoir des processus de dialogue et de réconciliation" dans cette région meurtrie par les conflits.

La visite du chef de l'église catholique a donné un souffle d'espoir au Liban, qui a connu une guerre meurtrière avec Israël il y a un an et craint une nouvelle escalade malgré le cessez-le-feu.

Léon XIV a également appelé les dirigeants "dans tous les pays marqués par la guerre et la violence" à "écouter le cri" des "peuples qui appellent à la paix".

S'adressant aux "chrétiens du Levant, citoyens à part entière de ces terres", le pape leur a dit: "ayez du courage. Toute l'Église vous regarde avec affection et admiration".