Ebrahim Raïssi, un Guide suprême en devenir

Le candidat à la présidence, Ebrahim Raïssi, prend la parole lors d’un rassemblement électoral à Téhéran, en Iran, le 15 juin 2021. (Reuters)
Le candidat à la présidence, Ebrahim Raïssi, prend la parole lors d’un rassemblement électoral à Téhéran, en Iran, le 15 juin 2021. (Reuters)
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Publié le Samedi 23 avril 2022

Ebrahim Raïssi, un Guide suprême en devenir

Ebrahim Raïssi, un Guide suprême en devenir
  • Ebrahim Raïssi a les caractéristiques que la République islamique recherche chez le prochain Guide suprême
  • Il n’hésite pas à utiliser la force brutale et à réprimer ceux qui tentent de braver le régime, alors que ses politiques sont alignées sur celles du Corps des Gardiens de la révolution islamique et de sa branche d’élite, la Force Al-Qods

Le modus operandi du Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, est de tenir ses présidents – de tous les horizons politiques – responsables des problèmes politiques et économiques du pays. En rejetant le tort sur les autres, Ali Khamenei tente d’échapper à l’obligation de rendre des comptes et à la responsabilité. Ce fut le cas avec les anciens présidents, dont le soi-disant modéré, Hassan Rohani; le réformiste, Mohammad Khatami, et le partisan de la ligne dure, Mahmoud Ahmadinejad.

Mais le Guide suprême adopte une approche différente avec M. Raïssi. Dans une démarche surprenante, Ali Khamenei, qui a fréquemment critiqué les négociations nucléaires sous la présidence de M. Rohani, a récemment approuvé la politique de M. Raïssi, lors d’une réunion avec l’administration ultraconservatrice de ce dernier.

Il souligne que les efforts de l’administration d’Ebrahim Raïssi sont «sincères et vaillants» et que les pourparlers sur le nucléaire «vont bon train». Il ajoute: «Jusqu’à présent, nos négociateurs ont résisté aux exigences excessives de l’autre partie et, si Dieu le veut, cette résistance se poursuivra.»

«Il n’y a aucun mal à critiquer et à commenter leurs résultats, tant que ces derniers sont exempts de suspicion et de pessimisme et, comme je l’ai évoqué à plusieurs reprises, n’affaiblissent pas les structures sur le terrain et ne déçoivent pas les gens.»

Outre les pourparlers sur le nucléaire, le Guide suprême de l’Iran a également félicité M. Raïssi dans d’autres domaines. Lors d’une réunion avec le chef du pouvoir judiciaire et d’autres responsables, Ali Khamenei a déclaré: «Ebrahim Raïssi est un exemple marquant du mouvement djihadiste que nous défendons toujours et qui travaille jour et nuit pour obtenir de bons résultats.»

De plus, ajoute M. Khamenei, Ebrahim Raïssi «a ravivé l’espoir du peuple en matière de système judiciaire et cette question est une grande richesse sociale pour le pays... nous devons féliciter Sayyed Ebrahim Raïssi pour ses efforts inlassables au cours des deux années, ou un peu plus, où il a occupé le poste de président de la Cour suprême d’Iran.»

Plusieurs années auparavant, certaines indications ont montré que le régime préparait M. Raïssi à devenir le prochain Guide suprême de l’Iran.

À titre d’exemple, Ebrahim Raïssi s’est présenté à l’élection présidentielle en 2017 et le régime espérait qu’il serait élu. Cependant, le régime théocratique a commis plusieurs erreurs; le Conseil des Gardiens de la Constitution a approuvé certains modérés, pensant probablement que les gens étaient moins susceptibles de voter pour Hassan Rohani une deuxième fois en raison de la mauvaise gestion de l’économie par son administration, ainsi que de l'échec de ce dernier à tenir ses promesses de campagne d’améliorer les libertés sociales, politiques et religieuses du peuple.

Pour de nombreux Iraniens ordinaires, l’élection présidentielle constituait un choix entre le mauvais et le pire. En conséquence, ils ont voté pour le soi-disant modéré, Hassan Rohani, pour empêcher le partisan de la ligne dure, Ebrahim Raïssi, de gagner. M. Rohani a largement été élu, obtenant 57 % des voix contre 38,5 % pour M. Raïssi.

La fois suivante, le régime avait retenu la leçon. Le Conseil des Gardiens a imposé de nombreuses restrictions comme la nécessité pour tous les candidats d’avoir entre 40 et 70 ans, d’être titulaires d’un master au moins ou de son équivalent, d’avoir une expérience professionnelle d’au moins quatre ans dans des postes de direction… et d’avoir un casier judiciaire vierge. Le Conseil des Gardiens a même disqualifié certains candidats très proches du régime, comme Ali Larijani, afin de supprimer tout obstacle à l’élection d’Ebrahim Raïssi.

Il convient de mentionner que M. Raïssi a les caractéristiques que la République islamique recherche chez le prochain Guide suprême.

«Les politiques de M. Raïssi sont alignées sur celles du Corps des Gardiens de la révolution islamique et de sa branche d’élite, la Force Al-Qods. Il permettrait probablement au CGRI d’exercer davantage de pouvoir dans le pays et dans la région.» - Dr Majid Rafizadeh

Premièrement, il n’hésite pas à utiliser la force brutale et à réprimer ceux qui tentent de braver le régime. À titre d’exemple, lorsqu’il était procureur adjoint du tribunal révolutionnaire de Téhéran, il a participé à l’une des plus grandes exécutions de masse au monde.

Une résolution bipartite du Congrès américain a récemment mis en lumière l’ampleur et la nature de ce massacre, au cours duquel des milliers de personnes ont été exécutées, dont des enfants et des femmes enceintes. Selon cette résolution, «pendant quatre mois en 1988, le gouvernement de la République islamique d’Iran a procédé à des exécutions de masse barbares de milliers de prisonniers politiques et de nombreux groupes politiques indépendants. D’après un rapport du Centre de documentation des droits de l’homme en Iran, le massacre a été perpétré en vertu d’une fatwa, ou décret religieux, émis par le Guide suprême de l’époque, l’ayatollah Khomeini», qui visait principalement les membres du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), un groupe d’opposition.

Deuxièmement, les politiques de M. Raïssi sont alignées sur celles du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) et de sa branche d’élite, la Force Al-Qods. Il permettrait probablement au CGRI d’exercer plus de pouvoir dans le pays et dans la région.

En bref, tout porte à croire qu’Ebrahim Raïssi a été trié sur le volet par Ali Khamenei et les cadres supérieurs du CGRI pour être le prochain Guide suprême de l’Iran.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.

Twitter: @Dr_Rafizadeh

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com