La Turquie utilise son espace aérien pour faire pression sur la Russie, selon des experts

Dimanche, des fidèles ukrainiens exhibent le drapeau ukrainien pendant qu’ils assistent à la messe de Pâques dans la cour du Patriarcat œcuménique, à Istanbul. (Reuters)
Dimanche, des fidèles ukrainiens exhibent le drapeau ukrainien pendant qu’ils assistent à la messe de Pâques dans la cour du Patriarcat œcuménique, à Istanbul. (Reuters)
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Publié le Lundi 25 avril 2022

La Turquie utilise son espace aérien pour faire pression sur la Russie, selon des experts

  • Le Kremlin et Téhéran ont soutenu le président syrien, Bachar al-Assad, sur les plans politique, logistique et militaire; la Turquie a apporté son aide aux forces rebelles
  • La possibilité que la Russie ferme le poste-frontière de Bab al-Hawa si les tensions s’aggravent entre l’Occident et le Kremlin à propos du conflit ukrainien suscite de vives inquiétudes

ANKARA: La fermeture par la Turquie de son espace aérien aux avions russes à destination de la Syrie est une décision délibérée pour maintenir sa stratégie d’équilibre, déclarent les experts.
Après une réunion qui réunissait de hauts responsables turcs et leurs homologues russes et ukrainiens, la Turquie a fermé son espace aérien aux avions civils et militaires russes qui transportaient des soldats vers la Syrie.
Cette décision s’appliquera pendant trois mois.
Lors d’une visite en Uruguay samedi, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a affirmé aux journalistes que la Turquie donnait à la Russie son consentement au sujet de l’utilisation de son espace aérien par «intervalles de trois mois».
Cependant, la dernière période de consentement a expiré plus tôt au mois d’avril et les vols ont cessé.
La Russie, l’Iran et la Turquie étaient des acteurs clés sur le champ de bataille syrien dans des camps opposés. Le Kremlin et Téhéran ont soutenu le président syrien, Bachar al-Assad, sur les plans politique, logistique et militaire, tandis que la Turquie a apporté son aide aux forces rebelles.
Après la fermeture de l’espace aérien turc, les avions russes pourront uniquement passer par l’Iran et l’Irak pour atteindre la Syrie.

CONTEXTE

La Turquie joue le rôle de médiateur entre la Russie et l’Ukraine depuis le mois de février. La rencontre tant attendue entre les dirigeants russes et ukrainiens devrait avoir lieu en Turquie. La fermeture de l’espace aérien par la Turquie est considérée par certains experts comme une tentative pour persuader la Russie de reprendre les négociations de paix.

La Turquie joue le rôle de médiateur entre la Russie et l’Ukraine depuis le mois de février. La rencontre tant attendue entre les dirigeants russes et ukrainiens devrait avoir lieu en Turquie. La fermeture de l’espace aérien par la Turquie est considérée par certains experts comme une tentative pour persuader la Russie de reprendre les négociations de paix.
Samedi, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a rencontré son homologue ukrainien, Oleksiy Reznikov, pour discuter de la guerre.
L’économie turque connaît d’importants flux touristiques et de considérables importations d’énergie en provenance de la Russie qui pourraient être menacés si Ankara décidait de ne pas renouveler l’accord sur l’espace aérien.
Samuel Ramani, chercheur associé au Royal United Service Institute, déclare que la fermeture par la Turquie de son espace aérien aux vols russes vers la Syrie reflète son mécontentement face aux projets de la Russie d’annexer le sud de l’Ukraine et une grande partie de la côte de la mer Noire.
«La Turquie se considère comme une puissance de la mer Noire et considérerait une perturbation aussi importante de l’équilibre géopolitique dans la région comme très problématique», explique-t-il à Arab News.
Dans le cadre de la convention de Montreux concernant le régime des détroits, la Turquie a également limité le passage des navires de guerre russes de la mer Noire vers la Méditerranée au début de la guerre d’Ukraine, mais les vols commerciaux en provenance et à destination de la Russie sont restés inchangés malgré les embargos occidentaux sur les vols russes.
Selon M. Ramani, la Turquie fait face à davantage de pression – à laquelle elle avait, jusqu’à présent, résisté – de la part des États-Unis et de l’Union européenne pour sanctionner la Russie. Il ajoute que la nouvelle décision de la Turquie est «un excellent moyen» de renforcer son engagement envers les efforts fournis par l’Otan pour contrer la Russie.
«On ne sait pas si cette décision va fondamentalement réformer la coopération entre la Turquie et la Russie en Syrie, en particulier à Idlib, où l’on retrouve des patrouilles conjointes. Par ailleurs, la Turquie semble toujours intéressée par le fait de jouer les médiateurs entre la Russie et l’Ukraine. Jusqu’à présent, les médias et les responsables russes gardent le silence sur cette évolution, ce qui laisse entendre qu’ils espèrent que ce problème sera résolu», poursuit-il.
Selon Emre Ersen, expert des relations russo-turques de l’université de Marmara, à Istanbul, si la Turquie a évité d’imposer des sanctions à la Russie, elle a fait part d’une position «très claire» en faveur de l’Ukraine depuis le début de la guerre.
«Cette dernière décision pourrait être interprétée comme un signe du soutien de la Turquie à l’Occident, qui a critiqué la position neutre d’Ankara sur les sanctions antirusses», affirme-t-il lors d’un entretien avec Arab News.
M. Ersen déclare que la décision turque bouleversera la Russie dans la mesure où cette dernière se trouve de plus en plus isolée sur la scène internationale; toutefois, il est peu probable que Moscou repousse Ankara en conséquence.
«La Syrie a déjà été relayée au second plan en matière de politique étrangère russe au cours des derniers mois en raison de la guerre en cours en Ukraine. C’est aussi pour cette raison que la Russie adoptera probablement une politique attentiste devant les répercussions de la dernière décision de la Turquie», déclare-t-il.
Bien que de nombreux analystes aient déjà salué cette décision comme un signe fort de soutien à l’Ukraine, Karol Wasilewski, directeur de l’agence analytique NEOSwiat, affirme que cette décision est davantage liée à la dynamique turco-russe en Syrie.
«La Turquie veut dissuader la Russie d’utiliser les questions humanitaires comme un instrument de politique étrangère et un élément de pression sur la Turquie, notamment avec le fait de bloquer l’utilisation du poste-frontière de Bab al-Hawa pour l’acheminement de l’aide humanitaire. Étant donné que le mandat actuel expire en juillet 2022, je pense qu’il faudrait tenir compte de la décision de fermer l’espace aérien dans ce contexte», indique-t-il à Arab News.
La possibilité que la Russie ferme le poste-frontière de Bab al-Hawa – le dernier point de passage par lequel l’aide humanitaire internationale est acheminée vers la Syrie – si les tensions s’aggravent davantage entre l’Occident et le Kremlin à propos du conflit ukrainien suscite de vives inquiétudes.
Plus de mille camions humanitaires traversent chaque mois la frontière entre la Syrie et la Turquie pour répondre aux besoins de base de 3,4 millions de personnes qui vivent dans la région nord-ouest d’Idlib.
Les restrictions imposées par la Turquie aux navires de guerre russes constituent un message clair à la Russie selon lequel Ankara a l’intention de porter atteinte aux intérêts de Moscou en Syrie, déclare M. Wasilewski.
«Il est vrai que la Russie rencontre des problèmes plus importants en ce moment, mais la Syrie a toujours été considérée par les décideurs russes comme une carte à jouer dans leurs grands compromis avec les États-Unis. Il s’agit d’un processus qui, aux yeux des Russes, vise également à décider du sort de l’Ukraine», ajoute-t-il.
M. Wasilewski rapporte que les messages adressés par la Turquie à la Syrie sont «inquiétants» pour la Russie, puisqu’ils compromettent l’aptitude de Moscou à utiliser la Syrie comme monnaie d’échange avec les États-Unis.
«Non seulement cela sert à distraire les décideurs russes, mais cela les oblige également à repenser leur grande stratégie», conclut-il.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Washington cible l'Autorité palestinienne, en plein débat sur la reconnaissance d'un Etat de Palestine

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
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  • Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine.

L'annonce des sanctions américaines survient en effet au moment où de nombreux Etats, dont la France et le Canada, ont promis de reconnaître un Etat de Palestine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre, provoquant la colère d'Israël et des Etats-Unis qui parlent d'une "récompense" faite au Hamas dans la bande de Gaza.

La France et l'Arabie saoudite ont co-présidé lundi et mardi à l'ONU une conférence internationale, plaidant ainsi pour la solution à deux Etats, israélien et palestinien, seul chemin pour parvenir à la paix au Proche-Orient.

Washington, qui rejette toute reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien, a décrit la conférence comme étant une "insulte" faite aux victimes de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Dans un communiqué jeudi, le département d'Etat américain a fait part de sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'OLP, sans les identifier, accusés notamment d'"internationaliser le conflit avec Israël".

Washington reproche aux deux institutions de "soutenir des actions au sein d'organisations internationales qui sapent et contredisent les engagements antérieurs" notamment à travers la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).

Washington avait sanctionné en juin quatre magistrates de la CPI, estimant que leurs procédures visant l'exécutif israélien étaient "illégitimes" et "politisées".

Washington, principal allié d'Israël, accuse aussi l'OLP et l'Autorité palestinienne de "continuer à soutenir le terrorisme, y compris par l'incitation et la glorification de la violence" dans les livres scolaires, une accusation de longue date.

Les sanctions consistent en un refus de visa pour des membres des deux institutions.

- "Distorsion morale" -

"Il est dans l'intérêt de notre sécurité nationale d'imposer des sanctions et de tenir l'OLP et l'Autorité palestinienne responsables du non-respect de leurs engagements et de la remise en cause des perspectives de paix", a indiqué le département d'Etat.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, s'est aussitôt félicité de cette décision, jugeant que "l'Autorité palestinienne doit payer le prix de sa politique actuelle consistant à verser des indemnités aux terroristes et à leurs familles pour les attentats commis et pour l'incitation à la haine contre Israël dans les écoles, les manuels scolaires, les mosquées et les médias palestiniens".

Il a également relevé, sur X, que cette mesure "met en évidence la distorsion morale de certains pays qui se sont empressés de reconnaître un Etat palestinien virtuel tout en fermant les yeux sur le soutien de l'Autorité palestinienne au terrorisme et à l'incitation à la haine".

L'Autorité palestinienne, dont le président est Mahmoud Abbas, administre la Cisjordanie occupée, tandis que l'OLP, créée en 1964, est le mouvement fondateur représentant les Palestiniens, longtemps dirigée par leur leader historique Yasser Arafat.

L'OLP rassemble la majorité des mouvements politiques palestiniens mais pas le mouvement islamiste Hamas, qui s'est emparé du pouvoir à Gaza en 2007.

Des pays arabes et occidentaux voudraient voir l'Autorité palestinienne, très affaiblie, jouer un rôle dans la gouvernance de la bande de Gaza après la guerre qui y fait rage depuis octobre 2023.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump, qui a accueilli le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu par trois fois à la Maison Blanche, plus qu'aucun autre dirigeant étranger, a apporté un soutien inconditionnel à Israël, tout en oeuvrant sans succès pour un cessez-le-feu à Gaza.

Mais il s'est montré peu disert sur l'Autorité palestinienne, décriée pour le manque de réformes et la corruption.

Parmi ses premiers décrets, le président Trump avait levé des sanctions imposées sous son prédécesseur Joe Biden visant des colons israéliens extrémistes en Cisjordanie, en proie à une recrudescence des violences.


L'envoyé de Trump rencontre Netanyahu, Israël face à des critiques accrues

L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
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  • L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël
  • Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël

Jérusalem, Non défini: L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël.

Après 22 mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par une attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023, la bande de Gaza est menacée d'une "famine généralisée" selon l'ONU et est totalement dépendante de l'aide humanitaire distribuée par camions ou larguée depuis les airs.

Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël, selon la Défense civile locale qui a fait état de 38 Palestiniens tués jeudi.

Plusieurs dizaines de corps gisaient empilés à la morgue de l'hôpital al-Chifa dans le nord de Gaza, dans l'attente d'être collectés par leurs proches, a constaté un correspondant de l'AFP.

"Le moyen le plus rapide de mettre fin à la crise humanitaire à Gaza est que le Hamas CAPITULE ET LIBÈRE LES OTAGES !!!", a déclaré le président américain Donald Trump sur X.

Rien n'a filtré de la rencontre entre MM. Witkoff et Netanyahu mais en début de semaine, M. Trump a semblé se distancer de son allié israélien en évoquant une "vraie famine" à Gaza.

Avant l'arrivée jeudi de l'émissaire de M. Trump, des dizaines de mères et proches d'otages encore aux mains du Hamas ont manifesté devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem, exigeant un "accord global" qui garantirait la libération des 49 otages encore détenus à Gaza, dont 27 ont été déclarés morts par l'armée.

- "Position minoritaire" -

L'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une offensive dévastatrice à Gaza qui a fait au moins 60.249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza jugées fiables par l'ONU. La campagne aérienne et terrestre a dévasté le territoire et provoqué un désastre humanitaire.

Le chef de la diplomatie allemande Johann Wadephul a lui rencontré à Jérusalem son homologue israélien Gideon Saar, avant de rencontrer M. Netanyahu.

Avant de décoller pour Israël, M. Wadephul a estimé qu'Israël était "de plus en plus en position minoritaire", alors qu'un "nombre croissant de pays, y compris européens, sont prêts à reconnaître un Etat palestinien sans processus de négociation préalable".

Ces visites interviennent après la multiplication des alertes d'organisations internationales sur une famine à Gaza et l'échec de négociations indirectes, sous médiation américaine, qatarie et égyptienne, entre Israël et le Hamas en vue d'un cessez-le-feu.

Le gouvernement israélien a annoncé dimanche une pause limitée dans l'offensive afin de permettre l'acheminement de l'aide dans le petit territoire pauvre où s'entassent plus de deux millions de Palestiniens.

Mais ces aides sont jugées insuffisantes par les organisations internationales face aux besoins immenses de la population.

- "Pression déformée"

Le Portugal a indiqué jeudi envisager de reconnaître l'Etat de Palestine, après que plusieurs pays dont le Canada, la France et le Royaume-Uni ont annoncé leur intention de faire de même en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre.

Une telle reconnaissance reste néanmoins largement symbolique en raison du refus d'Israël de la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Dans ce contexte, Israël a dénoncé une "campagne de pression internationale déformée" venant "récompenser le Hamas et nuire aux efforts visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza".

Les Etats-Unis, qui ont dénoncé les annonces sur la reconnaissance d'un Etat palestinien, ont imposé des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), accusant les deux organismes d'avoir pris des mesures pour "internationaliser leur conflit avec Israël" et de "continuer à soutenir le terrorisme".

Le gouvernement Netanyahu, qui veut chasser le Hamas de Gaza et a annoncé son intention de contrôler le territoire, semble peiner à trancher sur une solution politique d'après-guerre.

Dans ce contexte, la frange la plus radicale de sa coalition gouvernementale plaide pour un retour des colonies à Gaza, évacuées en 2005 avec le retrait unilatéral israélien du territoire après 38 ans d'occupation.

L'armée israélienne a par ailleurs annoncé le retrait du nord de Gaza de sa 98e Division, composée d'unités parachutistes et de commandos d'élite, qui a "se prépare désormais à de nouvelles missions".


Une experte de l’ONU : « La famine imposée à Gaza est une atteinte grave à la dignité humaine »

Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
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  • Alice Jill Edwards dénonce une privation prolongée de nourriture entraînant malnutrition, défaillances d’organes et décès, notamment chez les nourrissons et femmes enceintes
  • « Des règles changeantes, une distribution militarisée et l’incertitude permanente sur l’accès aux besoins de base provoquent désespoir, stress et traumatismes », alerte-t-elle

NEW YORK: La rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture, Alice Jill Edwards, a exprimé mercredi sa vive inquiétude face à l’augmentation du nombre de décès liés à la famine parmi les Palestiniens de Gaza.

Elle a qualifié la famine infligée aux civils de « meurtrière, inhumaine et dégradante », appelant à une aide humanitaire rapide et sans entrave vers l’enclave dévastée.

« Priver des gens de nourriture, d’eau et de dignité constitue une violation grave et répétée dans ce conflit. Cela doit cesser », a-t-elle déclaré, citant des rapports « choquants » de civils tués en faisant la queue pour se nourrir, et des cas généralisés de faim et de malnutrition.

Elle a alerté sur un risque croissant de famine généralisée à Gaza, soulignant que toutes les parties au conflit ont des obligations juridiques, au regard du droit international, d’assurer un accès à l’eau et à la nourriture pour les civils sous leur contrôle, et de faciliter l’aide humanitaire.

« Ils ne doivent ni voler, ni détourner, ni bloquer délibérément l’acheminement de l’aide », a-t-elle averti.

Elle a décrit les « conséquences physiologiques catastrophiques » de la privation prolongée de calories : malnutrition, défaillance d’organes et décès, touchant particulièrement les groupes vulnérables comme les nourrissons et les femmes enceintes.

« L’impact psychologique d’un tel déni est d’une cruauté intrinsèque », a-t-elle poursuivi.

« Des règles constamment changeantes, des distributions militarisées, et une incertitude quotidienne sur l’accès aux besoins fondamentaux plongent les gens dans un désespoir et une détresse extrêmes. »

Elle a salué l’annonce par Israël de pauses humanitaires permettant au Programme alimentaire mondial d’opérer pendant trois mois, tout en soulignant que « davantage doit être fait » pour mettre fin aux hostilités et établir une paix durable fondée sur la solution à deux États.

« Personne ne devrait subir l’humiliation de devoir mendier pour se nourrir, surtout quand des stocks suffisants sont disponibles », a-t-elle déclaré.

Edwards a également renouvelé son appel à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, à la libération des Palestiniens détenus arbitrairement, et à la mise en place d’enquêtes indépendantes sur les allégations de torture, de mauvais traitements et d’éventuels crimes de guerre, de la part de toutes les parties.

Elle a indiqué avoir exprimé ses préoccupations à plusieurs reprises aux autorités concernées et continuer de réclamer une pleine reddition de comptes.

Les rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ils sont indépendants, ne sont pas membres du personnel des Nations unies et travaillent bénévolement.