Ukraine : les derniers combattants de Marioupol refusent de se rendre, le G7 arrête d'importer du pétrole russe

L'équipe d'urgence s'occupe d'un incendie près de débris en feu, après qu'un bâtiment scolaire a été touché à la suite d'un bombardement, dans le village de Bilohorivka, Luhansk, Ukraine, le 8 mai 2022. (Reuters)
L'équipe d'urgence s'occupe d'un incendie près de débris en feu, après qu'un bâtiment scolaire a été touché à la suite d'un bombardement, dans le village de Bilohorivka, Luhansk, Ukraine, le 8 mai 2022. (Reuters)
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Publié le Dimanche 08 mai 2022

Ukraine : les derniers combattants de Marioupol refusent de se rendre, le G7 arrête d'importer du pétrole russe

L'équipe d'urgence s'occupe d'un incendie près de débris en feu, après qu'un bâtiment scolaire a été touché à la suite d'un bombardement, dans le village de Bilohorivka, Luhansk, Ukraine, le 8 mai 2022. (Reuters)
  • «Le G7 tout entier s'est engagé aujourd'hui à interdire ou supprimer progressivement les importations de pétrole russe», a pour sa part annoncé la Maison Blanche
  • Le président Poutine a assuré dimanche que «comme en 1945, la victoire sera à nous», multipliant les comparaisons entre la Deuxième Guerre mondiale et le conflit en Ukraine dans ses voeux du 8 mai

SEVERODONETSK: Les derniers combattants retranchés à Marioupol refusaient dimanche de se rendre malgré les incessantes frappes russes sur l'est de l'Ukraine, où une soixantaine de personnes étaient portées disparues après le bombardement de leur refuge, tandis que les pays du G7 ont décidé de ne plus importer de pétrole russe.  

Le même jour, la Première dame des Etats-Unis Jill Biden a rencontré son homologue ukrainienne Olena Zelenska dans une école en Ukraine à proximité de la frontière avec la Slovaquie, où elle se trouvait cette semaine. « Je voulais venir pour la fête des mères. Je pensais qu'il était important de montrer au peuple ukrainien que cette guerre doit s'arrêter », a-t-elle lancé devant des journalistes. 

Autres visites surprises, celle du Premier ministre canadien Justin Trudeau, qui est allé à Irpin, une localité de la banlieue de Kiev dévastée par les combats, et de la présidente du Bundestag, la chambre basse du parlement allemand, Bärbel Bas, qui a également été près de la capitale ukrainienne, à Boutcha, théâtre d'atrocités sur des civils. 

« Le G7 tout entier s'est engagé aujourd'hui à interdire ou supprimer progressivement les importations de pétrole russe », a pour sa part annoncé la Maison Blanche dans un communiqué. 

Cette décision « va porter un coup dur à la principale artère irriguant l'économie de (Vladimir) Poutine et le priver des revenus dont il a besoin pour financer sa guerre », ont estimé les Etats-Unis, qui ont d'ores et déjà interdit l'achat d'hydrocarbures russes. 

Soixante morts dans une école bombardée dans l'est de l'Ukraine

Soixante personnes ont été tuées samedi dans le bombardement d'une école dans la région de Lougansk dans l'est de l'Ukraine, a déclaré dimanche le président ukrainien Volodymyr Zelensky.


"Pas plus tard qu'hier, dans le village de Bilogorivka, dans la région de Lougansk, une bombe russe a tué 60 civils", a affirmé M. Zelensky lors d'une intervention en visioconférence à un sommet du G7. 


"Ils essayaient de trouver refuge dans le bâtiment d'une école ordinaire qui a été visée par une frappe aérienne russe", a-t-il ajouté.


"Une bombe aérienne a frappé une école et 60 personnes sont mortes sous les décombres", a indiqué de son côté le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, à la télévision en langue russe Current Time TV. "Il y a toujours des frappes très fortes sur Bilogorivka", a-t-il poursuivi. "J'aimerais vraiment croire que des gens sont encore vivants là-bas", a-t-il toutefois dit, précisant "que dès les bombardements seront terminés, nous pourrons commencer à déblayer les décombres".


Dimanche matin, M. Gaïdaï avait déclaré qu'"il y avait au total 90 personnes" sur place au moment de la frappe. "27 ont été sauvées", avait-il ajouté, précisant que la température avait été très élevée sur le site après l'explosion.

Au niveau de l'Union européenne, des négociations se poursuivront « en début de semaine » entre Etats membres pour lever les obstacles au projet d'embargo européen sur le pétrole russe, freiné par la Hongrie.  

Sur un plan plus symbolique, le chanteur irlandais Bono a donné un concert dans le métro de Kiev, estimant que les Ukrainiens se battaient « pour nous tous qui aimons la liberté ». 

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Carte de la situation en Ukraine au 8 mai à 9h30 GMT. (Graphique, AFP)

Ukraine: des civils évacués d'Azovstal à Marioupol sont arrivés à Zaporijjia

Plus de 170 civils de Marioupol, dont une quarantaine évacués de l'aciérie Azovstal dans ce port du sud-est ukrainien presque entièrement sous contrôle russe, sont arrivés dimanche soir à Zaporijjia, a constaté un journaliste de l'AFP.


Les évacués, certains avec de jeunes enfants, sont descendus des bus blancs qui les ont transportés jusqu'au parking d'un centre commercial de cette grande ville du sud-est de l'Ukraine, devenu un centre d'accueil pour les personnes fuyant les zones occupées par l'armée russe.


Des travailleurs humanitaires escortaient des personnes âgées y compris une vieille dame en fauteuil roulant.


Au total, 174 civils sont arrivés à bord de huit bus "depuis l'enfer de Marioupol", a précisé dans la foulée sur Twitter la coordinatrice humanitaire des Nations unies pour l'Ukraine, Osnat Lubrani.


"Cette nouvelle opération porte à plus de 600 le nombre total de personnes évacuées de la zone", s'est-elle félicitée dans un communiqué du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU.


Vendredi, la vice-Première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk, avait évoqué "50 femmes, enfants et personnes âgées d'Azovstal sortis d'Azovstal".


"Notre travail, cependant, n'est pas terminée", a affirmé Mme Lubrani, assurant que "des dizaines de personnes qui souhaitaient rejoindre le convoi au cours des derniers jours n'ont pas pu le faire".


Samedi, Kiev avait annoncé que toutes les femmes civiles, tous les enfants et personnes âgées avaient été évacuées de l'immense complexe métallurgique Azovstal, dernière poche de résistance des forces ukrainiennes face à l'armée russe dans la ville dévastée de Marioupol.


"Cette partie de la mission humanitaire de Marioupol est accomplie", s'était félicité Mme Verechtchouk sur les réseaux sociaux, tandis que le président Volodymyr Zelensky soulignait qu'il fallait encore évacuer des blessés et du personnel médical.

Une école abritant des réfugiés détruite  

A la veille de la commémoration à Moscou de la victoire contre l'Allemagne nazie, les militaires ukrainiens qui résistent toujours dans l'immense aciérie Azovstal ont annoncé qu'ils excluaient de « capituler ». Car « notre vie n'intéresse pas la Russie. Nous laisser en vie ne lui importe pas », a déclaré Ilya Samoïlenko, un officier du renseignement. 

Dans la région de Lougansk, environ 60 personnes sont portées disparues après qu'une frappe aérienne a « complètement » soufflé l'école du village de Bilogorivka, où elles s'étaient réfugiées, a déclaré dimanche son gouverneur Serguiï Gaïdaï. 

« L'ennemi ne cesse pas ses opérations offensives (...) afin d'établir un contrôle total sur les régions de Donetsk, de Lougansk et de Kherson et de maintenir le couloir terrestre entre ces territoires et la Crimée occupée » depuis 2014, a averti quant à lui l'état-major de l'armée ukrainienne. 

Il a précisé que dans la région de Donetsk, les troupes russes avaient poursuivi leurs attaques autour de Lyman, Popasniansky, Severodonetsk et Avdiivka.  

« Rien qu'à Severodonetsk, il y a eu des dizaines de frappes et un hôpital a aussi été touché », a souligné le gouverneur de la région de Lougansk. 

La ville de Popasna est désormais en ruines et les militaires ukrainiens s'en sont retirés pour occuper de « meilleures positions », a ajouté Serguiï Gaïdaï. 

Côté russe, le ministère de la Défense a revendiqué dimanche la destruction du « poste de commandement d'une brigade mécanisée », dans la région de Kharkiv (nord-est), de même que du « centre de communication de l'aérodrome militaire de Chervonoglinskoye », dans le sud-ouest.   

Les autorités ukrainiennes mettent en garde depuis plusieurs jours contre une intensification possible des actions offensives russes à l'approche des célébrations du 9 mai. 

« Le mal est de retour »  

Le « mal est de retour » en Europe, »dans un uniforme différent, sous des slogans différents, mais avec le même objectif », s'est exclamé dimanche le président ukrainien Volodymyr Zelensky, comparant l'invasion de son pays par la Russie à l'agression des Etats européens par l'Allemagne nazie, dans un discours de commémoration de la fin de la Deuxième Guerre mondiale en Europe. 

« Des décennies après (...), les ténèbres sont retombées sur l'Ukraine », a-t-il dit dans un enregistrement vidéo où il est filmé devant des immeubles d'habitation détruits. 

A Marioupol, après moult appels et vaines tentatives ces dernières semaines, « nous avons évacué les civils d'Azovstal », avait lancé la veille au soir M. Zelensky, citant le nombre de 300 personnes exfiltrées. « Nous préparons désormais la seconde phase (...) : les blessés et le personnel médical ». 

Des centaines de personnes avaient trouvé refuge dans les galeries souterraines de l'aciérie d'Azovstal, qui abrite les derniers défenseurs de cette cité portuaire. 

Moscou avait annoncé mercredi un cessez-le feu unilatéral de trois jours à partir de jeudi matin pour permettre aux civils terrés dans ce vaste complexe de pouvoir partir. Mais les autorités ukrainiennes ont maintenu que les Russes ne l'avaient pas respecté. 

Selon Kiev, ces opérations ont permis au total à près de 500 personnes de fuir en une semaine, sous l'égide de l'ONU et du Comité international de la Croix-Rouge. 

Et, « bien sûr, nous œuvrons aussi à évacuer nos militaires. Tous ces héros défendant Marioupol », a souligné le président Zelensky. 

Selon Ievguenia Tytarenko, une infirmière militaire dont le mari, membre du régiment Azov, est toujours l'usine Azovstal, « de nombreux soldats sont dans un état grave. Ils sont blessés et n'ont pas de médicaments ». « La nourriture et l'eau manquent aussi ». 

« Je me battrai jusqu'au bout », lui a écrit son mari Mykhaïlo, dans un SMS que l'AFP a pu consulter. Ils se sont mariés deux jours avant le début des hostilités avec la Russie. 

« Nos unités dans la zone de l'usine d'Azovstal continuent d'être bloquées », a relevé dimanche l'état-major ukrainien, évoquant des « opérations d'assaut russes » avec « le soutien de l'artillerie et des tirs de chars ». 

Marioupol, qui comptait près de 500 000 habitants avant la guerre, a été presque entièrement rayée de la carte par deux mois de bombardements russes. 

« La victoire sera à nous » (Poutine)  

Le président Poutine a assuré dimanche que « comme en 1945, la victoire sera à nous », multipliant les comparaisons entre la Deuxième Guerre mondiale et le conflit en Ukraine dans ses voeux du 8 mai. 

La Russie n'a toutefois jusqu'à présent pu revendiquer le contrôle complet que d'une ville d'importance, Kherson. 

Ses habitants pourront d'ailleurs obtenir des passeports russes dès cette année, a révélé Kirill Stremoussov, le « vice-président de l'administration militaro-civile de la région ». 

Dans le port de commerce de Marioupol, « les travaux battent leur plein », mais »il reste encore beaucoup à faire », a de son côté dit Denis Pouchiline, le chef de la « République de Donetsk » autoproclamée par les séparatistes prorusses. « Nous prévoyons une reconstruction à grande échelle en très peu de temps », a-t-il ajouté. 

Les actions de Vladimir Poutine en Ukraine « couvrent la Russie et les sacrifices historiques de son peuple (pendant la Deuxième Guerre mondiale) de honte », se sont pour leur part indignés dimanche les pays du G7. 

Au cours d'une réunion virtuelle à laquelle a participé le président Zelensky, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Allemagne, du Canada, des Etats-Unis, de la France, de l'Italie, du Japon et du Royaume-Uni lui ont « répété (leur) engagement à prendre de nouvelles mesures pour aider l'Ukraine à s'assurer un avenir libre et démocratique », ainsi qu'à « se défendre et repousser de futurs actes d'agression ». 


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
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  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Après la panne géante, les énergies renouvelables sur le banc des accusés en Espagne

Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
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  • Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne.
  • Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez.

MADRID : L'essor des énergies renouvelables a-t-il fragilisé le réseau électrique espagnol ? Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne, malgré les messages rassurants des autorités.

« Le manque de centrales nucléaires et la multiplication par dix des énergies renouvelables ont mis à terre le réseau électrique », assure en une le quotidien conservateur ABC mercredi matin. « Les alertes sur les renouvelables depuis cinq ans » ont été « ignorées », regrette de son côté El Mundo, également classé à droite.

Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, qui a fait de l'Espagne l'un des champions européens de la transition verte.

Selon le gestionnaire du réseau électrique espagnol REE, le solaire et l'éolien ont représenté en 2024 près de 40 % du mix électrique espagnol. C'est près de deux fois plus qu'en 2014, et près du double également de la part du nucléaire, tombée l'an dernier à 20 %. 

Cette évolution est défendue par l'exécutif, qui s'est engagé à fermer toutes les centrales nucléaires d'ici dix ans, mais elle est source de tensions dans le pays, plusieurs rapports ayant pointé ces derniers mois de possibles risques en l'absence de mesures fortes pour adapter le réseau.

- Une énergie « sûre » ?

Dans son document financier annuel publié fin février, Redeia, la maison-mère de REE, avait ainsi mis en garde contre « la forte pénétration de la production renouvelable sans les capacités techniques nécessaires à un comportement adéquat face aux perturbations ».

Cela pourrait « provoquer des coupures de production », qui « pourraient devenir sévères, allant jusqu'à entraîner un déséquilibre entre la production et la demande, ce qui affecterait significativement l'approvisionnement en électricité » de l'Espagne, avait-elle écrit. 

Un message relayé par l'organisme espagnol de la concurrence (CNMC) dans un rapport de janvier. « À certains moments, les tensions du réseau de transport d'électricité ont atteint des valeurs maximales proches des seuils autorisés, dépassant même ces seuils à certains moments », avait écrit l'organisme.

Après la coupure de lundi, certains experts du secteur se sont interrogés sur un éventuel déséquilibre entre production et demande (difficile à corriger dans un réseau où l'éolien et le solaire ont une place prépondérante) qui aurait pu contribuer à l'effondrement du système électrique espagnol.

Dans un entretien accordé mercredi matin à la radio Cadena Ser, Beatriz Corredor, la présidente de Redeia et REE (l'ex-députée socialiste) a cependant assuré que la production d'énergies renouvelables était « sûre ».

« Relier l'incident si grave de lundi à une pénétration des énergies renouvelables n'est pas vrai, ce n'est pas correct », a-t-elle insisté, en assurant que le rapport de février ne faisait que dresser la liste de risques potentiels, comme l'y oblige la législation. 

- « Ignorance » -

Mardi déjà, Pedro Sánchez avait lui aussi défendu le modèle énergétique mis en œuvre par son gouvernement, rappelant que la cause précise de la panne qui a provoqué le chaos au Portugal et en Espagne durant de longues heures lundi n'était toujours pas connue à ce stade.

« Ceux qui lient cet incident au manque de nucléaire mentent franchement ou démontrent leur ignorance », a assuré le dirigeant socialiste.

« Les centrales nucléaires, loin d'être une solution, ont été un problème » durant la panne, car « il a été nécessaire de rediriger vers elles de grandes quantités d'énergie pour maintenir leurs réacteurs stables », a insisté le chef du gouvernement. 

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la panne depuis deux jours, dont celle d'une cyberattaque. Mardi, la justice espagnole a ouvert une enquête pour déterminer si la panne avait été provoquée par un « sabotage informatique » susceptible d'être qualifié de « délit terroriste ».

REE estime cependant que cette hypothèse est peu crédible. « Au vu des analyses que nous avons pu réaliser avec l'aide notamment du Centre national du renseignement espagnol (CNI), nous pouvons écarter un incident de cybersécurité », a ainsi assuré le gestionnaire.

D'après REE, l'équivalent de 60 % de la consommation électrique de l'Espagne, soit 15 gigawatts, a disparu en l'espace de cinq secondes seulement lors de la panne survenue lundi à 12 h 33 (11 h 33 GMT), un phénomène qualifié d'« inédit » et « totalement extraordinaire ».


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.