Législatives libanaises: Quel impact sur les relations avec les pays arabes?

Un panneau d'affichage électoral sur la façade d'un immeuble à Beyrouth, le 14 mai 2022 (Photo, AFP).
Un panneau d'affichage électoral sur la façade d'un immeuble à Beyrouth, le 14 mai 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 15 mai 2022

Législatives libanaises: Quel impact sur les relations avec les pays arabes?

  • Les élections législatives libanaises dessinent-elles les contours d’un nouveau paysage politique au pays du Cèdre?
  • Hélas, durant les dernières années, le «chaos destructeur» a sans aucun doute profité à l’Iran

PARIS: Les élections législatives libanaises dessinent-elles les contours d’un nouveau paysage politique au pays du Cèdre? Elles sont cruciales pour connaître le rapport de force à l’intérieur du pays, mais aussi pour ouvrir ou perturber le chemin de réformes ainsi que celui du sauvetage financier et économique. Mais, sous un angle plus large, cette échéance décisive aura des conséquences au-delà du Liban, notamment en ce qui concerne l’évolution des liens entre ce pays et son environnement arabe.

Les effets d’une échéance décisive

Depuis 2016, année qui marque le début du mandat de l’actuel président, Michel Aoun, le Liban vit la période la plus critique de son histoire contemporaine. À l’effondrement financier de 2019, a succédé, un an après, la terrible explosion du port de Beyrouth. Plus grave encore, cette crise multidimensionnelle s’accompagne d’un déséquilibre des relations extérieures de Beyrouth. En effet, l’annexion du Liban à l’axe iranien sous le poids de l’armement du Hezbollah l’éloigne de sa profondeur arabe. Elle le prive des soutiens arabes et occidentaux, essentiels à l’allègement de sa quasi-faillite économique.

Dans ce contexte, beaucoup se tournent vers les élections législatives, les identifiant comme le moyen adéquat de modifier l’équation politique en faveur de forces souverainistes et de forces du changement aux dépens de la majorité issue des élections de 2018, dominée par l’axe du Courant patriotique libre (Michel Aoun et Gebran Bassil)-Hezbollah. Toutefois, plusieurs facteurs influencent à différents degrés cette échéance électorale:

- la nature d’une loi électorale façonnée à la mesure de certains clans pour assurer leur prédominance au sein de leurs communautés (loi qui allie la proportionnelle partielle pour les listes et le vote préférentiel pour les candidats);

- les combinaisons élaborées par le Hezbollah pour mener une alliance hétéroclite tout en assurant les intérêts électoraux de ses différents alliés (Nabih Berri-Gebran Bassil, Soleimane Frangié, Talal Arslane, Fayçal Karamé, le Parti social nationaliste syrien…);

- la dispersion de l’ancien camp souverainiste du 14-Mars, à l’exception d’une alliance régionaliste entre les partis de Walid Joumblatt et Samir Geagea;

- le risque de boycott d’une partie de l’électorat sunnite, conformément à l’orientation de Saad Hariri (Courant du futur);

- l’éclatement des listes des forces du changement.

Le poids du contexte régional et le risque de l’abstention sunnite

Historiquement, le Liban a constitué une exception démocratique dans son environnement, malgré les failles qu’il a connues. Hélas, durant les dernières années, le «chaos destructeur» a sans aucun doute profité à l’Iran, qui a réussi à étendre son influence à travers des relais locaux militaires et politiques (soutien iranien, qu’il soit politique, financier ou logistique) et des sous-systèmes parallèles aux États. Cette formule, appliquée et valide au Liban, a connu des effets néfastes. Depuis le début des années 1980, le Liban s’est transformé progressivement en une avant-garde de l’extension de l’influence iranienne au Levant. Ainsi, à l'occasion des prochaines élections législatives au Liban, on pourra se demander si les mécanismes démocratiques représentent la solution souhaitée pour sauver un pays divisé et dominé par une force qui se comporte comme un État dans l’État.

Les expériences dans la région ne laissent pas présager que les élections seules sont capables de résoudre les problèmes de faiblesse de l'État et de combler les divisions sociales lorsque les forces extrémistes sont au pouvoir, car elles utilisent cette procédure démocratique pour accéder au pouvoir sans respecter ensuite les normes de la démocratie. L’expérience irakienne du blocage politique après les élections législatives est tout à fait édifiante: le bloc pro-iranien prend l’exemple du Hezbollah au Liban pour perturber le jeu démocratique et empêcher la constitution d’un gouvernent par la majorité sortie des urnes.

Toutefois, malgré les risques de l’entreprise et le possible sabotage postélectoral, les manœuvres de l’ancien chef du gouvernement Saad Hariri et sa décision de repli politique signifient indirectement un appel au boycott de l’électorat sunnite, ce qui bouleverse les équilibres politiques et permet au Hezbollah ainsi qu’à ses alliés une «victoire facile» et ouvre la voie à l’élection d’un président de la république qui appartiendrait à la tendance pro-iranienne. Cela contribuerait à un changement du visage du pays et de son système libéral. Ainsi, le vote du 15 mai sera décisif pour le sort du Liban au cours de cette décennie.

Malgré les prévisions qui soulignent le maintien du statu quo de 2018, il existe un pari sur une percée des forces du changement et sur l’ajustement de la majorité parlementaire. Toutefois, un autre pari consiste à empêcher le Hezbollah et ses alliés d’obtenir les deux tiers des sièges du Parlement, car une telle proportion permet l’élection du prochain président de la république ainsi que le changement de l’identité du système économique et du rôle géopolitique du Liban. Dans le cas contraire, si le peuple libanais décidait d’accorder la majorité au camp opposé au Hezbollah et ses alliés, les perspectives s’ouvriraient pour le sauvetage économique et le retour aux relations saines et normales entre le Liban et ses voisins arabes.

Le récent retour de l’ambassadeur saoudien au Liban et de ses pairs des pays arabes du Golfe intervient après la bonne observation par le gouvernement Mikati de l’initiative koweïtienne et des efforts de la France. Ce développement, intervenu à la veille des élections, représente un élément encourageant. Il pourrait être de nature à inciter les électrices et les électeurs à choisir en toute conscience entre la dimension arabe du Liban et son intégration dans le système-monde – synonyme d’espoir de sauvetage, d’ouverture et de normalisation – et le Liban pris en otage par l’axe iranien – synonyme de destruction de l’État et d’isolement du pays.

 

Aux yeux du monde et de la communauté arabe, tout dépendra du résultat des urnes au suffrage universel. Si c’est la ligne prônée par le Hezbollah qui est choisie, la souveraineté du Liban, son identité et son entité seront remises en question. En revanche, si le verdict répond aux attentes de souverainistes et de Libanais qui œuvrent pour le changement, le pays du Cèdre sera probablement sur la bonne voie pour se libérer de l’emprise iranienne (par Hezbollah interposé) et pour en finir avec les méfaits d’un système politique corrompu qui a dévalisé les Libanais et bafoué leurs droits fondamentaux.


MSF nie les allégations de l’armée israélienne selon lesquelles il existait une «activité terroriste» sur le site d’une attaque meurtrière à Gaza

Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
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  • Deux membres de la famille d’un employé tués et sept autres blessés par l’armée israélienne en février
  • Un obus de char aurait été «tiré directement dans le bâtiment», selon une enquête menée par un organe de presse

DUBAÏ: L’armée israélienne a été accusée d’avoir attaqué intentionnellement et sans provocation un centre d’hébergement de Médecins sans frontières (MSF) qui abritait 64 personnes dans la région d’Al-Mawasi, à Gaza, le 20 février, tuant deux membres de la famille d’un employé et blessant sept autres personnes.

L’attaque a eu lieu malgré le fait que l’armée israélienne a été informée de l’emplacement précis du centre, selon MSF. L’armée a affirmé qu’il existait une «activité terroriste» sur le site, ce que MSF a nié.

Mercredi, Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête».

L’organe de presse a déclaré s’être rendu sur place et avoir utilisé des images prises sur le terrain, des techniques «open source» ainsi que des entretiens avec des témoins et des experts en armement pour comprendre comment l’incident s’est déroulé.

Des témoins ont affirmé à Sky News qu’ils avaient entendu des bruits forts qui semblaient provenir de chenilles de chars, tandis que d’autres ont également entendu des coups de feu.

Les preuves recueillies laissent penser que l’attaque a été déclenchée par un obus de char qui a pénétré par une fenêtre. «Il est difficile de tirer des conclusions définitives à partir d’images, mais je pense que les dégâts sont dus à un obus de char tiré directement dans le bâtiment», a expliqué Chris Cobb-Smith, ancien officier d’artillerie de l’armée britannique et directeur de Chiron Resources.

Ce dernier a réfuté toute idée selon laquelle il s’agirait d’une attaque du Hamas. Il a affirmé qu’il n’était «pas au courant de l’existence d’armes à tir direct de ce calibre utilisées par le Hamas» et qu’il était «peu probable qu’un obus de cette taille ait pu être déployé et tiré compte tenu de l’activité de l’armée israélienne dans la région».

Des témoins et des membres de MSF ont déclaré avoir entendu des coups de feu avant que le bâtiment ne soit touché.

Meinie Nicolai, directrice générale de l’organisation humanitaire, s’est rendue sur place peu après l’attaque. Elle a indiqué que des balles avaient été tirées sur la façade du centre.

L’enquête a par ailleurs révélé que le jour de l’attaque, l’armée israélienne a écrit sur sa chaîne Telegram que ses forces opéraient dans le nord, le centre et le sud de la bande de Gaza et qu’elles menaient «des opérations intensives dans l’ouest de Khan Younès». Cependant, elle n’a pas mentionné les environs immédiats du centre d’hébergement.

En outre, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a publié le même jour une carte d’évacuation de deux quartiers plus au nord, dans la ville de Gaza et ses environs. Cette carte ne couvrait pas la zone où se trouve le centre.

Selon l’enquête, les services d’urgence sont arrivés sur les lieux au moins deux heures et demie après l’attaque pour des raisons de sécurité.

Les blessés ont été transportés à l’hôpital de campagne de l’International Medical Corps à Rafah, a précisé MSF.

«Nous sommes indignés et profondément attristés par ces meurtres», avait commenté Mme Nicolai au mois de février. «Ces meurtres  témoignent de la triste réalité: aucun endroit à Gaza n’est sûr, les promesses de mise en place de zones sûres n’ont pas été tenues et les mécanismes de “déconfliction” ne sont pas fiables», avait-elle ajouté.

L’armée israélienne, qui mène sa propre enquête, a précisé qu’elle avait «tiré sur un bâtiment identifié comme étant le théâtre d’activités terroristes», mais elle n’a fourni aucune preuve.

Dans un communiqué publié mercredi, MSF «réfute toute allégation d’activité terroriste dans les structures gérées par la MSF».

«Le centre était utilisé par le personnel humanitaire et les membres de leurs familles. Il était identifié par un drapeau MSF et les autorités israéliennes étaient informées de son emplacement.»

«Après l’incident, des informations ont été reçues. Elles font état de la mort de deux civils innocents dans la zone. L’armée regrette tout préjudice causé aux civils et fait tout ce qui est en son pouvoir pour opérer de manière précise et exacte», a ajouté l’armée israélienne dans un communiqué.

En vertu du droit international humanitaire, les installations et les unités médicales doivent être respectées et protégées en toutes circonstances.

Oona Hathaway, professeure de droit international à la faculté de droit de Yale, a expliqué à Sky News que les installations médicales sont «présumées être des biens civils et ne doivent pas être prises pour cibles lors d’un conflit armé».

Elle a souligné que si l’armée israélienne prend intentionnellement pour cible un bien civil, cela constitue «potentiellement un crime de guerre».

La semaine dernière, l’armée a mené une opération à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa, affirmant que de hauts responsables du Hamas étaient basés dans cet immense complexe. Des jours de combats intenses ont suivi. L’armée a signalé qu’environ 170 combattants palestiniens avaient été tués et que des centaines d’autres avaient été arrêtés ou interrogés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Tunisie: quatre accusés condamnés à mort pour l'assassinat de l'opposant Belaïd en 2013

L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
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  • Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha
  • Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité

TUNIS: Quatre accusés jugés en Tunisie pour l'assassinat de l'opposant de gauche Chokri Belaïd en 2013 ont été condamnés à mort, dans le tout premier verdict prononcé mercredi dans cette affaire qui avait secoué le pays et provoqué une grave crise politique.

Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha, à l'époque au pouvoir en Tunisie.

Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité, a annoncé à l'aube sur la télévision nationale Aymen Chtiba, procureur général adjoint du pôle judiciaire antiterroriste.

"Justice a été rendue", a estimé le procureur, expliquant la longueur des délibérés, qui ont duré pendant près de 15 heures, par "la nature et le volume" du dossier.

Entouré de manifestants de gauche réunis comme chaque mercredi au centre de Tunis pour réclamer la vérité sur cette affaire, le frère de Chokri Belaïd, Abdelmajid, a salué auprès de l'AFP "une première bataille gagnée dans cette guerre", tout en promettant de poursuivre "sa lutte", notamment contre "la manipulation du dossier".

Les proches de Chokri Belaïd ont à de nombreuses reprises pointé du doigt Ennahdha, accusant notamment le mouvement de s'être montré "indulgent" envers le discours des islamistes extrémistes qui s'était développé à l'époque.

Quelques heures après le verdict, Zouhaier Ben Abdallah, procureur de la République près du tribunal de première instance de Tunis et responsable à ce titre du pôle judiciaire anti-terroriste, a été démis de ses fonctions, sans qu'aucune explication ne soit donnée, ont rapporté les médias.

Ennahdha a estimé dans un communiqué que les condamnations prononcées mercredi "prouvent (son) innocence". Le parti a dénoncé "une volonté de certains courants idéologiques et partis politiques de l'accuser à tort".

"Dans leur communiqué, ils affirment que les coupables ont été trouvés et que le dossier est clos mais ce n'est pas vrai", a rétorqué Abdelmajid Belaïd, assurant qu'il y aurait "bientôt un autre procès d'autres accusés qui étaient en relation directe avec Rached Ghannouchi", chef d'Ennahdha et principale figure de l'opposition, emprisonné depuis plus d'un an.

Moratoire 

Des peines de 2 à 120 ans d'emprisonnement ont aussi été prononcées contre d'autres inculpés tandis que cinq individus ont bénéficié d'un non-lieu.

Si la justice tunisienne prononce régulièrement des condamnations à la peine capitale, notamment dans des affaires de terrorisme, un moratoire est appliqué de facto depuis les dernières exécutions menées en octobre 1991 lorsque trois membres d'Ennahdha avaient été pendus sous le régime du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.

Des jihadistes ralliés au groupe Etat islamique (EI) avaient revendiqué l'assassinat de Chokri Belaïd ainsi que celui, six mois plus tard, du député Mohamed Brahmi, une autre figure de l'opposition de gauche.

Les autorités tunisiennes avaient annoncé en février 2014 la mort de Kamel Gadhgadhi, considéré comme le principal auteur de l'assassinat de Chokri Belaïd, pendant une opération antiterroriste.

Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi s'opposaient à la politique d'Ennahdha, qui a dominé le Parlement et le gouvernement après la révolution tunisienne de 2011 jusqu'à un coup de force de l'actuel président Kais Saied qui s'est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021.

Les deux assassinats avaient constitué un tournant pour la Tunisie, berceau du Printemps arabe alors en pleine transition démocratique, en provoquant des manifestations et une crise politique au terme de laquelle Ennahdha avait dû céder le pouvoir à un gouvernement de technocrates en 2014.

En juin 2022, le président Kais Saied, qui considère l'assassinat des deux "martyrs" comme une cause nationale, avait ordonné la révocation de dizaines de magistrats soupçonnant certains d'avoir entravé l'enquête, faisant écho aux récriminations des familles et de la défense des deux opposants.

Ennahdha a toujours nié toute implication et après les assassinats, avait classé comme organisation terroriste le mouvement salafiste jihadiste Ansar al-Charia, toléré dans le pays depuis la chute de Ben Ali.

A l'époque, la Tunisie avait également connu un essor des groupes jihadistes avec des milliers d'islamistes partis combattre en Syrie, Irak et Libye.

Des attentats avaient également fait des dizaines de morts, dont près de 60 touristes tués en 2015 au musée du Bardo à Tunis et dans la station balnéaire de Sousse.


Israël: la conscription des ultra-orthodoxes secoue le gouvernement Netanyahu

Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
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  • Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord
  • La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes

JÉRUSALEM: Le gouvernement israélien est engagé jeudi dans une course contre la montre pour trouver un compromis et répondre à la Cour suprême sur la conscription des ultra-orthodoxes, un dossier épineux pour la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes, afin de respecter les lois sur l'égalité entre les citoyens, avait donné jusqu'à mercredi au gouvernement pour formuler une proposition détaillée de projet de loi.

En Israël, le service militaire est obligatoire, mais les juifs ultra-orthodoxes ("haredim" en hébreu) peuvent échapper à la conscription s'ils consacrent leur temps à étudier les textes sacrés du judaïsme, une exemption instaurée à la création de l'Etat d'Israël en 1948 et qui n'a jamais été changée depuis.

Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord en raison de l'opposition des partis ultra-orthodoxes qui ne veulent pas entendre parler de conscription.

La demande du gouvernement de bénéficier de quelques heures supplémentaires, jusqu'à 12H00 GMT jeudi, pour remettre sa réponse à la Cour suprême, semble indiquer que les différentes parties cherchent à trouver un compromis.

La procureure générale Gali Baharav-Miara, dont le rôle est de conseiller le gouvernement sur les questions juridiques et de le représenter devant les juridictions judiciaires, a jeté un pavé dans la mare mercredi soir en annonçant que le gouvernement aurait l'obligation de procéder à la conscription des ultra-orthodoxes à partir du 1er avril en raison d'un vide juridique.

Au moment où Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza depuis bientôt six mois, cette exemption est de plus en plus critiquée au sein de la société, dont une partie estime que les juifs ultra-orthodoxes devraient comme les autres apporter leur contribution à la sécurité du pays et faire leur service militaire.

La coalition gouvernementale de M. Netanyahu repose largement sur l'alliance avec les deux grands partis ultra-orthodoxes, Shass et Judaïsme unifié de la Torah, farouchement opposés à la conscription des haredim. Leur défection ferait tomber la coalition.

Défi d'un ministre 

En mai 2023, le gouvernement a voté pour les écoles talmudiques (yeshivot) un budget sans précédent de près d'un milliard d'euros (3,7 milliards de shekels).

Ces derniers avaient soutenu le projet controversé de réforme judiciaire de Benjamin Netanyahu en échange de son soutien à un projet de loi qui devait être discuté au Parlement avant la guerre sur la poursuite du report de la conscription pour les ultra-orthodoxes.

Mais fin février, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, avait défié son Premier ministre en annonçant une réforme du service militaire visant à inclure les haredim, et exigé que l'ensemble du gouvernement la soutienne.

Le service militaire (32 mois pour les hommes et deux ans pour les femmes) est obligatoire pour les jeunes israéliens mais la quasi-totalité des ultra-orthodoxes y échappe, grâce à un accord offrant aux jeunes hommes étudiant à plein temps dans des écoles talmudiques de reporter chaque année leur service militaire. Les jeunes femmes religieuses en sont elles automatiquement exemptées.

Depuis l'invalidation par la Cour suprême israélienne en 2012 de la loi Tal, permettant la tenue de cet accord, les exonérations se sont poursuivies, régies par des accords entre les gouvernements successifs et les partis ultra-orthodoxes.

Les ultra-orthodoxes représentent environ 14% de la population juive d'Israël, selon l'Institut israélien pour la démocratie (IDI), soit près de 1,3 million de personnes.

Environ 66.000 hommes ultra-orthodoxes en âge de servir bénéficient de ce report, selon un chiffre de l'armée.

En 1948, ce report permettait à une élite de 400 jeunes de préserver le monde des études des textes sacrés en grande partie décimé pendant la Shoah.

La plupart des haredim réclament le maintien de cette exemption pour tous les étudiants, jugeant l'armée incompatible avec leurs valeurs.