Pour Fouad Zmokhol, l’État libanais doit chiffrer sa perte au lieu de jouer l'arbitre

Docteur Fouad Zmokhol, président du Mouvement international des chefs d’entreprise libanais (Midel). (Photo, fournie)
Docteur Fouad Zmokhol, président du Mouvement international des chefs d’entreprise libanais (Midel). (Photo, fournie)
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Publié le Mercredi 01 juin 2022

Pour Fouad Zmokhol, l’État libanais doit chiffrer sa perte au lieu de jouer l'arbitre

Docteur Fouad Zmokhol, président du Mouvement international des chefs d’entreprise libanais (Midel). (Photo, fournie)
  • Le premier objectif de Fouad Zmokhol en tant que président du Conseil économique est de s’attaquer à cette grave crise économique et sociale à laquelle tous les pays francophones font face
  • «Il faut que l’on soit conscient que le monde d’avant la pandémie de Covid-19 et le monde d’après sont deux mondes complètement différents»

BEYROUTH: Sous les bruits des tirs à Beyrouth célébrant la victoire de Nabih Berri comme président du Parlement, le Dr Fouad Zmokhol, président du Mouvement international des chefs d’entreprise libanais (Midel), s’est confié à Arab News en français sur la situation économique du Liban et le rôle que joue la France à cet égard.

Le Dr Fouad Zmokhol, qui a récemment endossé une nouvelle casquette, celle de président du Conseil économique et social de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), dédie son élection à cette nouvelle fonction à son pays, le Liban, qui selon lui passe par une des crises économiques et sociales les plus graves de son histoire. 

Il nous confie qu’il est très heureux d’avoir bénéficié de la confiance des électeurs de cent seize pays. Son premier objectif en tant que président du Conseil économique est de s’attaquer à cette grave crise économique et sociale à laquelle tous les pays francophones font face.

Il résume pour nous les objectifs les plus importants pour le Conseil: 

- Tout d’abord, une communication plus fluide entre le monde des affaires, le monde politique et le monde économique. 

- Enfin, l’emploi des jeunes, qui, selon lui, ne doivent pas seulement chercher des places vacantes pour remplir «des trous», mais plutôt créer des places, avec des idées innovantes, et être des «intrapreneurs» qui aident les entreprises dans leur restructuration et le développement de nouveaux produits, de nouveaux services et de nouveaux marchés.

«Il faut que l’on soit conscient que le monde d’avant la pandémie de Covid-19 et le monde d’après sont deux mondes complètement différents», souligne-t-il, en ajoutant que la restructuration économique et sociale, après l’ère Covid, est équivalente à celle qui succède à une guerre mondiale. Il n’oublie cependant pas de prendre en considération les évolutions des moyens traditionnels vers les outils virtuels qui ont émergé durant la pandémie.

Concernant sa visite au Sénat, Fouad Zmokhol tient à remercier le sénateur Stéphane Demillly ainsi que les autres sénateurs qu’ils l’ont reçu. Bien que le Sénat soit confronté à divers problèmes internes et régionaux, «le Liban est au cœur des discussions des sénateurs français, que ce soit sur le plan économique et ou sur le plan politique», déclare-t-il. 

Depuis une centaine d’années, la France, ajoute-t-il, soutient le Liban et joue un rôle historique, amical et stratégique, d’un point de vue politique, économique, social et sécuritaire. 

Au niveau économique, il rappelle les conférences d’investissement organisées pour le Liban, comme Paris 1, Paris 2, Paris 3, et il souligne que la France a vu venir la crise économique et sociale au Liban en 2018, quand l’ambassadeur Pierre Duquesne a organisé la Conférence économique pour le développement, par les réformes et avec les entreprises (Cedre). 

«Les dirigeants français avaient très bien compris que le principal problème n’est pas un problème de financement mais de réformes», indique le Dr Zmokhol, qui souligne que cette initiative visait à financer des projets, et non pas des personnes ou des partis politiques.

«Il faut faire des réformes, et avant cette initiative, aucune réforme structurelle n’avait été faite.» D’un point de vue politique, le président du Midel n’a aucun doute quant au fait que la France est un acteur historique important et une grande puissance dans la région, en particulier au Liban. Il tient à souligner que les entreprises françaises, comme Total, peuvent investir ailleurs qu’au Liban, mais qu’elles sont là pour soutenir le pays et par amitié avec le Liban, et pas uniquement pour des raisons économiques.

Le Dr Zmokhol explique que les Libanais «ne doivent pas attendre que les autres fassent le travail. Le soutien est une chose mais si on coule, il faut savoir surnager». Il cite en effet l’ex-ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui avait dit aux dirigeants libanais en juillet 2020 : «Aidez-nous à vous aider.»

À propos de la fluctuation monétaire à laquelle le Liban a fait face il y a cinq jours, Fouad Zmokhol explique qu’au Liban il n’y a pas un taux de change réel, mais plutôt plusieurs taux de change. «Nous avons désormais du marché noir sur deux ou trois applications. Nous ne savons même pas qui est derrière cela ou qui manipule. Nous avons un marché noir sur le chèque en dollar, sur le chèque en livre libanaise, sur le cash en livre libanaise, ainsi que le taux des circulaires 151, qui est à 8 000 livres (1 livre = 0,00062 euro), 158, 154 et 161, qui vous permet d’échanger des dollars, etc.» Cependant, il précise que ce qui s’est produit le 27 mai n’est pas une fluctuation réelle mais une fluctuation provoquée pour servir des intérêts politiques. 

«Cette fluctuation sur les applications n’a rien de réel, elle est issue d’une volonté négative d’accroître la pression par ceux qui veulent détruire la stabilité qui était autour de 25 000». Selon lui: «elle est issue d’un accord politique entre le président et les personnes qui tirent les ficelles pour faire passer les élections législatives au Liban, mais elle est très loin d’un équilibre monétaire ou social, preuve en est la situation après les élections».

Pour le Dr Zmokhol, la première étape pour sortir de cette situation, c’est que l’État joue son rôle et chiffre sa perte au lieu de jouer l’arbitre, afin de pouvoir travailler à la solution, tout en ayant un seul taux de change officiel légalisé, même s’il est variable. «Un taux variable qui est légalisé, et suivi par des instances publiques, comme la Banque centrale, le ministère des Finances, et non pas par des applications téléphoniques, qui peuvent être détournées à tout moment comme on le constate aujourd’hui.»

Aussi, en rendant de nouveau ses institutions publiques productives, l’État peut commencer à rembourser ses dettes, que ce soit à la Banque centrale, aux banques privées ou aux dépositaires. Une autre solution, selon le Dr Zmokhol, serait la vente des biens de l’État de façon plus organisée, suivie par des audits spécifiques. «Il y a un attrait international, et le Liban est une plate-forme, un nom, une identité», explique-t-il, tout en donnant des exemples comme celui de la compagnie Siemens qui a proposé un plan pour «L’Électricité du Liban», mais qui a été rejeté pour des raisons politiques.

Le Dr Fouad Zmokhol insiste sur le fait que l’État libanais est très riche. «L’État avait une dette de 100 milliards de dollars (1 dollar = 0, 94 euro) et il a vu sa dette baisser d’un coup jusqu’à 30 milliards. Il ne reste que sa dette en eurobonds», souligne-t-il. «L’État possède encore 50% des terrains. Il est en cessation de paiement et mal géré; mais aujourd’hui, s’il décide de vendre des terrains agricoles ou d’autres parcelles pour renflouer certaines caisses, il peut commencer à rembourser.»

Concernant les chefs d’entreprises libanais, très nombreuses à travers le monde, il précise que, seuls, ils ne pourront pas faire grand-chose pour aider le Liban. «Les entreprises libanaises du secteur privé ont toujours été le point essentiel de toute reprise, surtout durant les années de guerre les plus dures; ce qui a maintenu le Liban et l'économie, c'est le secteur privé libanais.» Il insiste toutefois sur le fait que le secteur privé, bien qu’«allergique» de temps à autre au secteur public, ne peut pas travailler tout seul. En tant que secteur privé, «le défi majeur est de participer à la décision, au chantier de réformes, aux négociations internationales, d’avoir notre mot à dire dans les décisions du Sénat, à la Banque mondiale ou ailleurs».

Pour atteindre cet objectif, le Liban a besoin d’une paix réelle et non pas d’accords, conclut le Dr Zmokhol, qui précise que «l'accord, c’est très bien quand le canon se tait, mais après l'accord, il y a la paix réelle et là, je pense qu'il faut vraiment la décider entre nous, car personne ne le fera à notre place». 


Liban: quatre morts dans un raid israélien, riposte du Hezbollah et des factions alliées

Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région
  • En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban

BEYROUTH: «Quatre personnes d'une même famille» ont été tuées dans un «raid de l'armée israélienne» sur le village de Mays al-Jabal, a déclaré l'agence officielle d'information libanaise (ANI), actualisant un précédent bilan faisant état de trois victimes.

Il s'agit d'un homme, d'une femme et de leurs enfants âgés de 12 et 21 ans, d'après l'ANI, qui a précisé que deux autres personnes ont été blessées.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah libanais, un allié du Hamas palestinien, échange quasi-quotidiennement avec l'armée israélienne des tirs à la frontière libano-israélienne. Des factions palestiniennes et autres groupes alliés ont aussi revendiqué des attaques depuis le Liban contre Israël.

Blessés transportés 

Selon ANI, des habitants du village inspectaient leurs maisons et magasins endommagés dans de précédents bombardements au moment du raid.

Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région.

Samedi soir, le Hezbollah a revendiqué des tirs sur des positions militaires dans le nord d'Israël.

Le Hezbollah a déclaré dans un communiqué avoir tiré « des dizaines de roquettes de types Katioucha et Falaq » sur Kiryat Shmona, dans le nord d'Israël, «en réponse au crime horrible que l'ennemi israélien a commis à Mays al-Jabal », qui, selon lui, a tué et blessé des civils.

En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban, selon un décompte de l'AFP. Au moins 11 combattants du Hamas ont été tués selon ce même décompte.

Côté israélien, 11 soldats et neuf civils ont été tués, selon un bilan officiel.


Le forum de Riyad examine le rôle de la traduction dans la promotion de l'identité saoudienne

L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
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  • La conférence vise à contribuer à un objectif clé de la Vision 2030 du Royaume, à savoir la promotion des valeurs islamiques et de l'identité nationale, en encourageant les Saoudiens à traduire ces concepts dans d'autres langues et cultures
  • Le rôle de la traduction dans la promotion d'une image positive du Royaume sera également discuté, ainsi que la promotion de la reconnaissance internationale et la mise en évidence de l'impact culturel du Royaume

RIYAD : Le Collège des langues de l'Université Princesse Noura bent Abdelrahman de Riyad accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ».

L'événement, dont le slogan est « Nous traduisons notre identité », aura lieu au département des conférences et des séminaires et est parrainé par le ministre saoudien de l'Éducation, Yousef Al-Benyan.

Il se concentrera sur le partage du patrimoine culturel, historique, littéraire et intellectuel du Royaume avec un public mondial, a rapporté l'agence de presse saoudienne.


L'interminable attente des proches de jeunes migrants tunisiens perdus en mer

El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
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  • Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants
  • Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans

EL HENCHA: La plupart avaient gardé le secret: une quarantaine de migrants tunisiens, très jeunes, ont embarqué clandestinement en janvier en quête du "paradis européen" et depuis plus de quatre mois, leurs proches désespèrent de recevoir des nouvelles des disparus.

Ils sont partis vraisemblablement de Sfax (centre), épicentre en Tunisie de l'émigration irrégulière vers l'Italie, la nuit du 10 au 11 janvier sur une mer démontée, selon les familles.

Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants à 40 kilomètres au nord de Sfax. Une mère et son bébé de quatre mois étaient aussi du voyage.

Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans, qui gagnait sa vie en conduisant la camionnette familiale de "louage" (taxi collectif).

"Il est sorti vers 22H00 avec son téléphone, sans rien dire à mes parents, sans vêtements de rechange ni sac, comme s'il allait retrouver ses amis", raconte à l'AFP cette ouvrière de 42 ans, qui souffre d'insomnies depuis.

Yousri, 22 ans, est aussi parti en cachette. "La majorité des jeunes n'ont pas informé leur famille, ils se sont débrouillés pour avoir un peu d'argent", confirme M. Henchi, son oncle instituteur.

Meftah Jalloul, poissonnier de 62 ans, savait lui "depuis un certain temps" que son fils Mohamed, 17 ans, "voulait migrer en Europe" et le lui avait déconseillé "mais c'est devenu une idée fixe".

La nuit fatidique, il a tenté d'empêcher son unique garçon de sortir, l'implorant d'attendre une meilleure météo, mais "il m'a embrassé sur la tête et il est parti", relate M. Jalloul.

«Désespérance»

Le commerçant culpabilise: "chaque jour, il créait des problèmes à la maison, il voulait de l'argent pour migrer. C'est moi qui lui ai donné l'argent, donc je suis responsable".

Les Tunisiens ont représenté la deuxième nationalité des migrants illégaux arrivés en Italie (17.304) en 2023, après les Guinéens, selon des statistiques officielles.

"Cette immigration irrégulière ne s'explique pas seulement par des motifs économiques et sociaux", analyse Romdhane Ben Amor, porte-parole de l'ONG FTDES. Il y a aussi "le facteur politique (le coup de force du président Kais Saied à l'été 2021, NDLR) et le sentiment de désespérance des Tunisiens qui ne croient pas dans l'avenir du pays".

Les disparus d'El Hencha, issus de la classe moyenne, pas particulièrement pauvres, partageaient cette "sensation d'horizon bouché".

Le frère d'Inès avait un travail mais "avec 20 dinars par jour (trois euros environ), une fois payé ses cigarettes, il disait qu'il ne pouvait pas faire de projets, ni construire une maison, ni se marier".

Mohamed l'instituteur pointe du doigt "les jeunes déjà en Italie qui publient sur les réseaux sociaux (...) leur quotidien". Les autres "voient ça et veulent changer leur avenir. Ils imaginent l'Europe comme un paradis", souligne-t-il. C'était, pense-t-il, le cas de Yousri qui travaillait dans un café internet pour 10/15 dinars par jour après avoir quitté le lycée avant le bac.

Meftah Jalloul était lui d'accord pour que son fils, également décrocheur scolaire, émigre, mais légalement et seulement après avoir fait une formation. "Il pouvait apprendre un métier: plombier, menuisier, mécanicien", souligne le père de famille.

Aujourd'hui, M. Jalloul lutte pour garder espoir.

«Temps très mauvais»

"Quatre mois se sont écoulés et je pleure mon fils. Ma famille et moi, nous sommes épuisés", dit-il en fondant en larmes.

Lui et d'autres familles se raccrochent à l'idée que l'embarcation aurait pu dériver vers la Libye voisine. Des contacts ont été pris, des recherches menées, en vain.

Inès Lafi et Mohamed Henchi redoutent le pire. Plus de 1.300 migrants sont morts ou ont disparu dans des naufrages l'an passé près des côtes tunisiennes, selon le FTDES.

"Le temps était très mauvais. Même les pêcheurs qui connaissent la mer sont rentrés, lui est sorti", explique Inès, furieuse contre le passeur, connu de tous pour son activité clandestine, qui n'est pas non plus revenu de cette dernière traversée.

Aux autorités, les familles demandent la poursuite des recherches et davantage d'opportunités à El Hencha.

"Il faut enrichir la zone industrielle avec d'autres unités de production, fournir des emplois aux jeunes", estime M. Henchi.

Il faudrait aussi, dit l'instituteur, "construire un état d'esprit différent" avec des programmes éducatifs pour donner envie de bâtir son avenir en Tunisie. Sinon les jeunes "se contentent d'un tour au café, d'un peu de ping-pong ou volley-ball".