Ecologie, pouvoir d'achat, retraites : Macron veut des réformes qui viennent d'en bas

Sur le plan politique, Emmanuel Macron s'en est pris à ses rivaux, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen qui portent selon lui des projets «de désordre et de soumission». (AFP)
Sur le plan politique, Emmanuel Macron s'en est pris à ses rivaux, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen qui portent selon lui des projets «de désordre et de soumission». (AFP)
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Publié le Vendredi 03 juin 2022

Ecologie, pouvoir d'achat, retraites : Macron veut des réformes qui viennent d'en bas

  • Macron veut réunir dès après les législatives les forces politiques, économiques, sociales, associatives du pays mais aussi des citoyens tirés au sort pour lancer ses réformes
  • Ce conseil agira sur les priorités définies en début de mandat : le pouvoir d'achat, la santé, l'éducation et la transition écologique

PARIS: Un "Conseil national de la refondation" pour "agir vite et fort": Emmanuel Macron veut réunir dès après les législatives les forces politiques, économiques, sociales, associatives du pays mais aussi des citoyens tirés au sort pour lancer ses réformes touchant au pouvoir d'achat, à l'écologie, aux institutions et aux retraites.

"Ce conseil, que je lancerai moi-même, sera enclenché dès après les législatives" des 12 et 19 juin, a annoncé le chef de l'Etat dans un entretien à plusieurs quotidiens régionaux diffusé vendredi soir.

Il répondra aux "cinq" objectifs du quinquennat Macron II: "l'indépendance (industrielle, militaire, alimentaire…), le plein emploi, la neutralité carbone, les services publics pour l'égalité des chances et la renaissance démocratique avec la réforme institutionnelle".

Et agira sur les priorités définies en début de mandat : le pouvoir d'achat, la santé, l'éducation et la transition écologique.

Assumant le parallèle avec le Conseil national de la résistance (CNR) durant la Seconde guerre mondiale, le président a estimé que la France vivait dans un "temps comparable", alors que Marine Le Pen a dénoncé un "énième artifice de communication".

"Nous sommes dans une ère historique qui impose de changer profondément de modèle et puis la guerre est là", en Ukraine, a dit M. Macron, déroulant sa "nouvelle méthode" de gouvernance promise durant la campagne présidentielle.

"Les Français sont fatigués des réformes qui viennent d’en haut", a estimé le chef de l'Etat, qui avait déjà évoqué la veille la nécessité d'inverser la "pyramide".

Pour cela, le Conseil national de la refondation associera "les forces politiques, économiques, sociales, associatives, des élus des territoires et de(s) citoyens tirés au sort", a-t-il détaillé.

Après une "première séquence de plusieurs jours", il se réunira dans le cadre de "rendez-vous réguliers" et s'attaquera en premier lieu au pouvoir d'achat, préoccupation numéro un des Français.

"Dès cet été sera voté la loi pouvoir d'achat et un texte de simplification et d'urgence pour les projets d'énergie", a-t-il précisé.

Concernant le chèque alimentaire, "l'idée est plutôt qu'il soit versé en une fois", a-t-il dit, écartant donc a priori des paiements réguliers, sur lesquels il est plus difficile ensuite de revenir.

Des mesures ciblées seront par ailleurs mises en place, notamment sur l'essence avec un "dispositif pour les gros rouleurs dès cet automne". La ristourne de 18 centimes sur les carburants sera prolongée en août, a-t-il aussi confirmé

Pas d'état de grâce 

La réforme des retraites, que l'exécutif a plutôt mise en sourdine à l'approche des législatives, entrera en vigueur "dès l'été 2023", a assuré le président, sans entrer dans les détails.

Sur l'école et la santé, une fois les "objectifs et les moyens" définis, des discussions commenceront "dès septembre" sur le terrain, "dans les 1200 bassins de vie", associant "toutes les parties prenantes".

Et sur l'hôpital, il a promis pour "dès juillet des décisions d'urgence indépendamment du conseil de refondation".

Sur un tout autre sujet, la possible levée du retrait de points pour les excès de vitesse de moins de 5 km/h, il a confirmé par ailleurs qu'un travail est en cours.

Emmanuel Macron a réfuté tout temps mort ou atonie en ce début de quinquennat, alors que les interrogations commençaient à poindre jusque dans la majorité à une semaine des législatives.

"Il faut distinguer agir vite et fort et la précipitation", a-t-il lancé, tout en concédant ne bénéficier d'aucun état de grâce en ce début de second quinquennat.

Le gouvernement Borne a été très vite rattrapé par des accusations de viol contre le nouveau ministre des Solidarités Damien Abad et par le chaos au Stade de France le soir de la finale de la Ligue des Champions qui l'a "indigné".

"La protection de la présomption d’innocence est importante (..) Damien Abad y a droit comme tout citoyen. Je souhaite qu’il puisse mener à bien son travail", a répliqué le chef de l'Etat.

Sur le plan politique, il s'en est pris à ses rivaux, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen qui portent selon lui des projets "de désordre et de soumission".

Alors que le leader insoumis souhaite devenir "Premier ministre" si la Nupes obtient aux législatives la majorité, Emmanuel Macron affirme: "Il est rare de gagner une élection à laquelle on ne se présente pas. Aucun parti politique ne peut imposer un nom au Président."


A Paris, une réunion des droites sous l'égide des médias Bolloré

Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
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  • Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné
  • Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama

PARIS: Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027.

Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné.

Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama. Huées puis rires quand il lance: "On sait quel article ils vont écrire, on l'a rédigé comme ça ils pourront aller au bistrot".

Apparaît Philippe de Villiers, largement promu par le groupe du milliardaire breton - il est chroniqueur chez Cnews et son dernier livre est publié chez Fayard, également dans la galaxie Bolloré.

Le souverainiste commence par "remercier Jean-Luc Mélenchon" - qui lui aurait inspiré son ouvrage - déclenchant une nouvelle bronca.

Puis, il sert son discours habituel sur une France "au bord de l'abîme", menacée par "un changement de peuplement" encouragé par "un parti sarrasin", et abandonnée par des "élites écartelées entre le wokistan et l'islamistan".

Pour le fondateur du Puy du Fou, la solution est simple: "la remigration ou la françisation". Nouvelle salve d'applaudissements, on entend quelques "Philippe président". L'hypothèse d'une candidature pour 2027 a encore été entretenue en une de Valeurs actuelles la semaine dernière, où l'intéressé affirme être "redescendu dans l'arène".

Il n'est pas le seul. Surgit l'animatrice Christine Kelly de Cnews, pour lancer une discussion sur "notre civilisation judéo-chrétienne" entre Michel Onfray et Eric Zemmour.

Au terme d'un échange théologique parfois confus, le président du parti Reconquête conclut que "la croisade a sauvé l'Occident" et qu'"à partir du moment où nous retrouverons notre identité, tout ira beaucoup mieux". L'ancien polémiste de Cnews, propulsé par l'empire Bolloré dans la course à l'Elysée en 2022, espère déjà rendosser son costume de candidat en 2027. En attendant, il reste lui aussi en tête de gondole chez Fayard.

"Le côté sans filtre" 

D'autres ne bénéficient pas de la même bienveillance. Comme Aurore Bergé, lors d'une tumultueuse séquence "insécurité" face à Claire Géronimi, devenue vice-présidente de l'UDR d'Eric Ciotti après avoir été victime d'un viol par un étranger sous OQTF.

La ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes, conspuée, reste combative: "Je suis venue pour accepter l'idée du débat (...) Ma ligne ne changera pas, quel que soit le public".

Plus en phase avec l'assistance, l'avocat Gilles-William Goldnadel fustige "le racisme anti-blanc" et le "féminisme d'extrême gauche".

Un discours familier aux oreilles de Philippe, 55 ans et sans emploi, qui a déboursé 25 euros pour "voir le côté sans filtre" de ces personnalités médiatiques dont il "partage les idées, sans ambiguïté". Plus intéressé par l'aspect politique, Foucauld, 24 ans, étudiant en école de commerce, reconnaît que l'événement "participe à faire avancer les pions vers l'union des droites".

Pourquoi pas avec David Lisnard? Invité à ouvrir le chapitre du "grand enjeu" des municipales de mars 2026, le maire de Cannes fait florès avec ses leitmotiv: "Vive la liberté" et "Afuera!" la "bureaucratie" et la "technocratie".

Lui succèdent une brochette de candidats plus ou moins déclarés, dont la députée RN Laure Lavalette déplorant qu'il y ait "autant de barbiers et de kebabs" dans sa ville de Toulon.

Signe d'un rapprochement entre le parti à la flamme et la galaxie Bolloré? Après tout, Jordan Bardella en est à son deuxième livre publié chez Fayard.

Mais c'est une autre étoile montante qui est mise à l'honneur mardi soir. Clou du spectacle, l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo vient délivrer un "message d'espérance" face à l'essayiste Eric Neaulleau, dans le rôle du décliniste persuadé que "tout est foutu" car "les lieux de pouvoir sont tous tenus par des gens animés d'une idéologie immigrationniste".

Au contraire, les idées infusent dans la société et "le combat de la lucidité est gagné", réplique la nouvelle coqueluche de la "bollosphère", qui assure "qu'on peut changer les choses, avec méthode, détermination et travail". Et quelques solides appuis.


Pour la présidente de l'Assemblée Braun-Pivet, une majorité absolue n'est plus «souhaitable»

Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
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  • "J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français"
  • Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées"

PARIS: Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi.

"J'ai une conviction personnelle forte qui est que nous n'aurons pas demain à nouveau une majorité absolue mais je pense surtout, et c'est ça ma conviction forte, c'est que ce n'est pas souhaitable pour notre pays", a-t-elle déclaré dans le podcast "Dans l'Hémicycle".

"Je suis convaincue que la délibération collective avec des groupes politiques qui ne partagent pas les mêmes orientations mais qui essayent de trouver des solutions, elle est bénéfique", a-t-elle poursuivi.

Depuis 2022, le camp présidentiel auquel appartient Mme Braun-Pivet ne dispose pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Face à une fragmentation de l'hémicycle encore accentuée depuis la dissolution de juin 2024, de nombreux députés disent espérer le retour d'une majorité absolue après l'élection présidentielle de 2027. Mais pas la présidente de l'Assemblée.

"J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français", a-t-elle déclaré dans cette interview.

Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées, parce qu'autrement, ça ne passe pas", a-t-elle dit.

Cette situation force aussi à "inventer des nouvelles façons de faire", a-t-elle ajouté en donnant l'exemple des semaines dédiées aux textes proposés par les députés, auparavant dévolues à ceux de la majorité. Depuis 2022, ces semaines sont devenues "transpartisanes", avec des propositions soutenues par différents groupes.

Au moment où les débats budgétaires peinent à aboutir, Mme Braun-Pivet a toutefois estimé qu'il fallait encore "adapter" les règles de l'Assemblée à cette nouvelle configuration. Elle a rappelé avoir lancé une réflexion autour d'une modification du règlement de l'institution.


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

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  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.