La Turquie teste le S-400 russe et confirme les craintes de l'Otan

Les essais concernent les armes antiaériennes achetées l'année dernière à Moscou, pour la somme de 2,5 milliards de dollars. Ils auraient eu lieu la semaine dernière dans la province de Sinop, au nord de la Turquie, séparée du territoire russe par la mer Noire. (AFP / Fichier Photo)
Les essais concernent les armes antiaériennes achetées l'année dernière à Moscou, pour la somme de 2,5 milliards de dollars. Ils auraient eu lieu la semaine dernière dans la province de Sinop, au nord de la Turquie, séparée du territoire russe par la mer Noire. (AFP / Fichier Photo)
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Publié le Vendredi 23 octobre 2020

La Turquie teste le S-400 russe et confirme les craintes de l'Otan

  • La Turquie affirme que le S-400 est un système autonome non connecté au réseau radar de l’OTAN, ce qui ne rassure pas Washington
  • «En testant le système de défense russe, Erdogan indique qu'il veut négocier avec Washington»

ANKARA: La Turquie a officiellement confirmé jeudi les craintes de ses alliés de l'OTAN, en admettant avoir effectué des tests sur son système controversé de défense antimissile S-400, de fabrication russe.

Les essais concernent les armes antiaériennes achetées l'année dernière à Moscou, pour la somme de 2,5 milliards de dollars. Ils auraient eu lieu la semaine dernière dans la province de Sinop, au nord de la Turquie, séparée du territoire russe par la mer Noire.

Dans une interview à Bloomberg, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a déclaré que le S-400 ne serait pas intégré à l'infrastructure de commandement et de contrôle de l'OTAN, mais plutôt «utilisé comme un système autonome similaire au S-300 de fabrication russe détenu par l'OTAN».

Akar fait ainsi référence à Athènes, principal adversaire de la Turquie en ce moment, et qui compte les missiles russes dans son arsenal.

Les experts estiment que la déclaration officielle sur les essais par la Turquie du système de défense aérienne russe pourrait raviver les tensions entre Ankara et Washington. Cette dernière estime que les missiles constituent une menace sérieuse pour l'équipement militaire de l'alliance.

Dans le même temps, les ministres de la Défense de l’OTAN se sont réunis jeudi afin de discuter des questions touchant la sécurité de l’alliance.

Selon Ozgur Unluhisarcikli, directeur du bureau d’Ankara du groupe de réflexion The German Marshall Fund of the US, la Turquie a avancé que le S-400 est un système autonome non connecté au réseau radar de l’OTAN. Cela n’a jamais rassuré les Américains.

La principale préoccupation des alliés de l'OTAN est la possibilité que le S-400 soit utilisé pour recueillir des renseignements sensibles via des systèmes liés au chasseur furtif F-35, l'avion de combat de la nouvelle génération de l'alliance.

Mais Ankara insiste sur le fait que l’acquisition des missiles russes est nécessaire pour assurer sa défense contre les menaces, actuelles et futures, dans la région.

La participation de la Turquie à la coproduction du système F-35 a été suspendue par Washington l’année dernière en guise de sanction pour l’achat du matériel militaire russe. Mais si les États-Unis s’abstiennent d'imposer des sanctions tant que les missiles sont emballés, de sévères mesures économiques seront certainement imposées une fois les armes activées.

Le président du Sénat américain chargé des relations extérieures, Jim Risch, a déclaré cette semaine que de nouvelles sanctions contre la Turquie, dans le cadre de la loi intitulée Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act ([CAATSA], «Contrer les adversaires de l'Amérique par le biais de sanctions»), pour avoir testé le S-400, figurent toujours en tête de son programme après l'élection présidentielle.

Le sénateur du New Jersey, Bob Menendez, a également publié une déclaration la semaine dernière dans laquelle il a déclaré: «La Turquie doit être immédiatement sanctionnée.»

Unluhisarcikli a déclaré à Arab News: «Il est peu probable que l’utilisation de S-400 comme système autonome empêche les sanctions de la CAATSA.»

Ankara a retardé l'activation du système depuis avril, date prévue pour sa mise en œuvre. Le mois dernier, lors d'une visite en Turquie, le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a répété que le système S-400 ne peut être intégré dans le système de défense aérien et antimissile de l'OTAN.

Unluhisarcikli estime pour sa part que l'efficacité du S-400 en tant que système autonome est très douteuse.

Joe Macaron, analyste de la politique étrangère du Moyen-Orient au Centre arabe, a déclaré que les États-Unis ne faisaient pas confiance à la Turquie pour bloquer toute tentative russe d'infiltrer le système F-35.

«Le message turc de ne pas intégrer les missiles S-400 dans le système défensif de l'OTAN suscite des soupçons car la Turquie se balance entre les États-Unis et à la Russie depuis déjà un certain temps en profitant ainsi de leurs tensions bilatérales», a-t-il affirmé.

Il a estimé que la Turquie avait un double objectif. Le premier est lié à la politique intérieure américaine avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui lutte pour attirer l'attention de son homologue américain, Donald Trump, au milieu de sa campagne. Ou alors, Erdogan utilise la saison électorale pour imposer de nouvelles conditions préalables à une éventuelle présidence de Joe Biden.

«Le second objectif est lié au changement de la politique américaine envers la Turquie. En testant le système de défense russe, il indique qu'il veut négocier avec Washington. Mais quelque soit le gagnant entre Trump et Biden, la politique américaine envers la Turquie ne changera pas», a ajouté Joe Macaron.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Un an après la chute d’Assad, les Syriens affichent un fort soutien à al-Chareh

Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
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  • Un sondage révèle un optimisme croissant et un large soutien aux progrès du gouvernement après la chute d’Assad
  • L’Arabie saoudite apparaît comme le pays étranger le plus populaire, Trump reçoit également un soutien marqué

LONDRES : Alors que les Syriens ont célébré cette semaine le premier anniversaire de la chute de Bachar Al-Assad, une enquête menée dans le pays révèle un soutien massif au nouveau président et place l’Arabie saoudite comme principal partenaire international apprécié.

L’ancien président avait fui le pays le 8 décembre 2024, après une offensive éclair de l’opposition jusqu’à Damas, mettant fin à 14 ans de guerre civile.

La campagne était menée par Ahmad al-Chareh, aujourd’hui président du pays, qui s’efforce de stabiliser la Syrie et de rétablir des relations avec ses partenaires internationaux.

Ces efforts ont été salués dans un sondage récemment publié, montrant que 81 % des personnes interrogées ont confiance dans le président et 71 % dans le gouvernement national.

Les institutions clés bénéficient également d’un fort soutien : plus de 70 % pour l’armée et 62 % pour les tribunaux et le système judiciaire.

L’enquête a été menée en octobre et novembre par Arab Barometer, un réseau de recherche américain à but non lucratif.

Plus de 1 200 adultes sélectionnés aléatoirement ont été interrogés en personne à travers le pays sur une large gamme de sujets, notamment la performance du gouvernement, l’économie et la sécurité.

Le large soutien exprimé envers al-Chareh atteint un niveau enviable pour de nombreux gouvernements occidentaux, alors même que la Syrie fait face à de profondes difficultés.

Le coût de la reconstruction dépasse les 200 milliards de dollars selon la Banque mondiale, l’économie est dévastée et le pays connaît encore des épisodes de violence sectaire.

Al-Chareh s’efforce de mettre fin à l’isolement international de la Syrie, cherchant l’appui de pays de la région et obtenant un allègement des sanctions américaines.

Un soutien clé est venu d’Arabie saoudite, qui a offert une aide politique et économique. Le sondage place le Royaume comme le pays étranger le plus populaire, avec 90 % d’opinions favorables.

Le Qatar recueille lui aussi une forte popularité (plus de 80 %), suivi de la Turquie (73 %).

La majorité des personnes interrogées — 66 % — expriment également une opinion favorable envers les États-Unis, saluant la décision du président Donald Trump d’assouplir les sanctions et l’impact attendu sur leur vie quotidienne.

Après sa rencontre avec al-Chareh à Washington le mois dernier, Trump a annoncé une suspension partielle des sanctions, après en avoir déjà assoupli plusieurs volets.

Le sondage montre que 61 % des Syriens ont une opinion positive de Trump — un niveau supérieur à celui observé dans une grande partie du Moyen-Orient.

En revanche, l’enthousiasme est bien moindre concernant les efforts américains pour normaliser les relations entre la Syrie et Israël.

Seuls 14 % soutiennent cette démarche, et à peine 4 % disent avoir une opinion favorable d’Israël.

Lors du chaos provoqué par la chute d’Assad, l’armée israélienne a occupé de nouveaux territoires dans le sud de la Syrie et a mené de fréquentes attaques au cours de l’année écoulée.

Plus de 90 % des Syriens considèrent l’occupation israélienne des territoires palestiniens et les frappes contre l’Iran, le Liban et la Syrie comme des menaces critiques pour leur sécurité.

Dans Foreign Policy, Salma Al-Shami et Michael Robbins (Arab Barometer) écrivent que les résultats de l’enquête donnent des raisons d’être optimiste.

« Nous avons constaté que la population est pleine d’espoir, favorable à la démocratie et ouverte à l’aide étrangère », disent-ils. « Elle approuve et fait confiance à son gouvernement actuel. »

Mais ils notent aussi plusieurs sources d’inquiétude, notamment l’état de l’économie et la sécurité interne.

Le soutien au gouvernement chute nettement dans les régions majoritairement alaouites.

La dynastie Assad, au pouvoir pendant plus de 50 ans, était issue de la minorité alaouite, dont les membres occupaient de nombreux postes clés.

L’économie reste la principale préoccupation : seuls 17 % se disent satisfaits de sa performance, et beaucoup s’inquiètent de l’inflation, du chômage et de la pauvreté.

Quelque 86 % déclarent que leurs revenus ne couvrent pas leurs dépenses, et 65 % affirment avoir eu du mal à acheter de la nourriture le mois précédent.

La sécurité préoccupe aussi : 74 % soutiennent les efforts du gouvernement pour collecter les armes des groupes armés et 63 % considèrent l’enlèvement comme une menace critique.

À l’occasion de l’anniversaire de la chute d’Assad, lundi, al-Chareh a affirmé que le gouvernement œuvrait à construire une Syrie forte, à consolider sa stabilité et à préserver sa souveraineté.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël mène une série de frappes contre le Hezbollah au Liban

Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
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  • Israël a frappé vendredi plusieurs sites du Hezbollah au sud et à l’est du Liban, ciblant notamment un camp d’entraînement de sa force d’élite al-Radwan, malgré le cessez-le-feu conclu en novembre 2024
  • Ces raids interviennent alors que l’armée libanaise doit achever le démantèlement des infrastructures militaires du Hezbollah le long de la frontière israélienne d’ici le 31 décembre

BEYROUTH: Israël a mené une série de frappes aériennes contre le sud et l'est du Liban vendredi matin, selon les médias officiels, l'armée israélienne affirmant viser des objectifs du Hezbollah pro-iranien dont un camp d'entrainement.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024 avec le groupe islamiste libanais, Israël continue de mener des attaques régulières contre le Hezbollah, l'accusant de se réarmer.

Selon l'Agence nationale d'information (Ani), les raids de vendredi, qualifiés en partie de "violents", ont visé une dizaine de lieux, certains situés à une trentaine de km de la frontière avec Israël.

Dans un communiqué, l'armée israélienne a affirmé avoir "frappé un complexe d'entrainement" de la force d'élite du Hezbollah, al-Radwan, où des membres de la formation chiite apprenaient "l'utilisation de différents types d'armes", devant servir dans "des attentats terroristes".

L'armée israélienne a également "frappé des infrastructures militaires supplémentaires du Hezbollah dans plusieurs régions du sud du Liban", a-t-elle ajouté.

L'aviation israélienne avait déjà visé certains des mêmes sites en début de semaine.

Ces frappes interviennent alors que l'armée libanaise doit achever le démantèlement le 31 décembre des infrastructures militaires du Hezbollah entre la frontière israélienne et le fleuve Litani, situé à une trentaine de km plus au nord, conformément à l'accord de cessez-le-feu.

Les zones visées vendredi se trouvent pour la plupart au nord du fleuve.

Le Hezbollah a été très affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth.

Depuis, les Etats-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe.


Pluies diluviennes et vents puissants ajoutent au chaos qui frappe Gaza

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
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  • A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre
  • Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza

GAZA: Pelle à la main, des Palestiniens portant des sandales en plastique et des pulls fins creusent des tranchées autour de leurs tentes dans le quartier de Zeitoun, à Gaza-ville, rempart dérisoire face aux pluies torrentielles qui s'abattent depuis des heures.

Dès mercredi soir, la tempête Byron a balayé le territoire palestinien, bordé par la mer Méditerranée, inondant les campements de fortune et ajoutant à la détresse de la population, déplacée en masse depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre 2023.

A Zeitoun, le campement planté au milieu des décombres a des allures cauchemardesques, sous un ciel chargé de gros nuages gris et blancs.

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes.

Accroupis sur des briques posées dans la boue, un groupe d'enfants mangent à même des faitouts en métal devant l'ouverture d'un petit abri en plastique, en regardant le ciel s'abattre sur le quartier.

"Nous ne savions pas où aller" 

A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre.

"La nuit dernière a été terrible pour nous et pour nos enfants à cause des fortes pluies et du froid, les enfants ont été trempés, les couvertures et les matelas aussi. Nous ne savions pas où aller", raconte à l'AFP Souad Mouslim, qui vit sous une tente avec sa famille.

"Donnez-nous une tente décente, des couvertures pour nos enfants, des vêtements à porter, je le jure, ils ont les pieds nus, ils n'ont pas de chaussures", implore-t-elle.

"Jusqu'à quand allons-nous rester comme ça? C'est injuste", dit-elle en élevant la voix pour couvrir le bruit des gouttes frappant la toile.

Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza.

Le territoire connait généralement un épisode de fortes pluies en fin d'automne et en hiver, mais la dévastation massive due à la guerre l'a rendu plus vulnérable.

"La situation est désespérée", résume Chourouk Mouslim, une déplacée originaire de Beit Lahia, dans le nord de Gaza, elle aussi sous une tente à al-Zawaida.

"Nous ne pouvons même pas sortir pour allumer un feu" pour cuisiner ou se chauffer, déplore-t-elle, avant d'ajouter qu'elle n'a de toutes les manières ni bois, ni gaz.

Dans ce territoire dont les frontières sont fermées, où l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante selon l'ONU, malgré l'entrée en vigueur d'une trêve le 10 octobre, les pénuries empêchent une population déjà démunie de faire face à ce nouveau problème.

Lointaine reconstruction 

Sous les tentes, les plus chanceux bâchent le sol ou le recouvrent de briques pour empêcher que le sable humide ne détrempe leurs affaires. Dans les zones où le bitume n'a pas été arraché, des bulldozers continuent de déblayer les décombres des bâtiments détruits.

Beaucoup de gens restent debout, à l'entrée des abris, plutôt que de s'asseoir une surface mouillée.

"La tempête a eu un impact grave sur la population, des bâtiments se sont effondrés et une grande partie des infrastructures étant détruite, elles ne permettent plus d'absorber cet important volume de pluie", note Mahmoud Bassal, le porte-parole de la Défense civile de Gaza.

Cette organisation, qui dispense des premiers secours sous l'autorité du Hamas, a affirmé que la tempête avait causé la mort d'une personne, écrasée par un mur ayant cédé. Elle a ajouté que ses équipes étaient intervenues après l'effondrement partiel de trois maisons durant les fortes pluies.

La Défense civile a averti les habitants restés dans des logements partiellement détruits ou fragilisés par les bombardements qu'ils se mettaient en danger.

"Les tentes, c'est inacceptable", estime M. Bassal, "ce qui doit être fourni maintenant, ce sont des abris qu'on peut déplacer, équipés de panneaux solaires, avec deux pièces, une salle de bain et toutes les installations nécessaires pour les habitants. Seulement à ce moment-là, la reconstruction pourra commencer".