Une nouvelle étape pour les relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

Ce soldat se tient debout sur un rocher dans le Haut-Karabakh, une région contestée de l'Azerbaïdjan (Photo, AFP).
Ce soldat se tient debout sur un rocher dans le Haut-Karabakh, une région contestée de l'Azerbaïdjan (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Jeudi 08 septembre 2022

Une nouvelle étape pour les relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

Une nouvelle étape pour les relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan
  • Avant la guerre de 1988-1994 entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, Latchine était un district de plus de 65 000 habitants, mais pas un seul Arménien n'y vivait
  • Le corridor de Latchine est une zone géographique que les Arméniens utilisaient pour passer de l'Arménie proprement dite au Haut-Karabakh

La semaine dernière, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, a annoncé que le contrôle du corridor de Latchine, entre l'Arménie et le Haut-Karabakh, avait été transféré aux autorités azéries. Étant donné son importance stratégique, ce corridor était la première cible des forces arméniennes lors de la première guerre du Haut-Karabakh, de 1988 à 1994.

Cette nouvelle a coïncidé avec une réunion trilatérale organisée à Bruxelles par Charles Michel, le président du Conseil européen, à laquelle participaient des dirigeants azéris et arméniens. Les deux capitales, Bakou et Erevan, attendaient les résultats de cette entrevue avec un semblant d’optimisme. Rappelons également que la Russie tient absolument à préserver son rôle dans ce domaine. En effet, le président Vladimir Poutine a contacté immédiatement après la réunion de Bruxelles le Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, pour être informé de l'évolution de la situation.

La deuxième guerre entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie a pris fin en novembre 2020, lorsque Poutine a négocié un cessez-le-feu. Selon l'article 6 de l'accord de cessez-le-feu, la république d'Arménie devait rendre à l'Azerbaïdjan le corridor de Latchine (5 km de large) avant le 1er décembre 2020. C’est après un long retard que l’accord a été respecté.

Avant la guerre de 1988-1994 entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, Latchine était un district de plus de 65 000 habitants, mais pas un seul Arménien n'y vivait. Séparé du district de Latchine, le corridor en question est une zone géographique que les Arméniens utilisaient pour passer de l'Arménie proprement dite au Haut-Karabakh. Il était principalement composé du centre-ville de Latchine et de deux villages voisins, Zaboukh et Sous.

Lorsque les Azéris ont été obligés de fuir, en 1988, la région est restée déserte pendant environ vingt ans. Puis des Arméniens venus du Liban et de Syrie s'y sont installés, violant ainsi les dispositions des conventions de Genève.

Cette décision à courte vue pose aujourd’hui des problèmes aux autorités arméniennes. Les colons doivent à nouveau s'installer dans une nouvelle zone, soit dans le Haut-Karabakh, soit en Arménie proprement dite. Certains d’eux ont brûlé les maisons qu'ils occupaient illégalement depuis des années. Les autorités arméniennes ont dû leur offrir une compensation pour qu'ils s’abstiennent de le faire.

Selon l'article 6 de l'accord de cessez-le-feu, la république d'Arménie devait rendre à l'Azerbaïdjan le corridor de Latchine (5 km de large) avant le 1er décembre 2020. C’est après un long retard que l’accord a été respecté.

Yasar Yakis

Si Poutine n'était pas intervenu pour mettre fin à la guerre de quarante-quatre jours qui a opposé l'Azerbaïdjan et l'Arménie en 2020, les forces azéries auraient tenté de s'emparer de Stepanakert, la capitale du Haut-Karabakh. Pashinyan a admis que les défenses arméniennes s'étaient effondrées et que la seule solution était d'accepter un cessez-le-feu.

Poutine est donc intervenu et cet accord a permis à la Russie d'envoyer des soldats en Azerbaïdjan en tant que forces de maintien de la paix, trente ans après leur retrait. L'accord de cessez-le-feu prévoit que les forces de maintien de la paix russes resteront dans le Haut-Karabakh pendant cinq ans automatiquement renouvelables, sauf en cas d'objection. On ne sait pas encore si la Russie voudra un jour retirer ses forces d'Azerbaïdjan.

L'accord de cessez-le-feu prévoyait également qu’une nouvelle route soit construite pour relier le Haut-Karabakh et l'Arménie dans un délai de trois ans et que les forces russes en assureraient la sécurité. La construction de cette route a déjà été achevée par l'Azerbaïdjan avec un an d'avance et les forces de maintien de la paix russes commencent à se mettre en position. La nouvelle route contourne les zones habitées par les Azéris et suit un itinéraire à l'est du corridor de Latchine.

Toutefois, il reste à résoudre une question importante: le Haut-Karabakh et l'Arménie proprement dite ne sont pas adjacents l'un à l'autre. Ils sont séparés par une étroite bande de territoire azéri. Par conséquent, une station frontalière doit être établie à l'endroit où la nouvelle route traverse la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Les forces russes de maintien de la paix feront probablement de leur mieux pour assurer la circulation sans heurts des Arméniens dans les deux sens. Mais les autorités azéries devront effectuer leurs propres contrôles avant ou après les points de contrôle russes. Sinon, elles renonceraient à leur droit souverain de gérer leur propre passage frontalier. Jusqu'à présent, aucune information claire n'a été communiquée pour expliquer le fonctionnement de ce mécanisme.

Enfin, l’accord de cessez-le-feu comprenait une autre disposition. L'article 9 stipulait effectivement ce qui suit: «La république d'Arménie garantit la sécurité des liaisons de transport entre les régions occidentales de la république d'Azerbaïdjan et la république autonome du Nakhitchevan afin d'organiser la circulation sans heurts des personnes, des véhicules et des marchandises dans les deux sens.» Ce corridor – connu sous le nom du «corridor de Meghri» – fait 43 km de long. Des négociations acharnées sont en cours entre l'Arménie, l'Azerbaïdjan et l'Iran; chacun des trois pays envisage une solution différente à cette question.

Il ne reste plus qu’à espérer que les progrès réalisés en ce qui concerne le corridor de Latchine ouvriront la voie à la résolution d'autres questions controversées entre les deux pays voisins.

Yasar Yakis est un ancien ministre des Affaires étrangères de Turquie et un membre fondateur du parti AKP, au pouvoir.

Twitter: @yakis_yasar

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com