Comment l’Arabie saoudite a relevé le défi de l’Expo 2030 avec un engagement total

La volonté du Royaume à accueillir l’Expo 2030 va de pair avec l’initiative Vision 2030 lancée en 2016. Photo fournie.
La volonté du Royaume à accueillir l’Expo 2030 va de pair avec l’initiative Vision 2030 lancée en 2016. Photo fournie.
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Publié le Vendredi 23 septembre 2022

Comment l’Arabie saoudite a relevé le défi de l’Expo 2030 avec un engagement total

  • La volonté du Royaume à accueillir l’Expo 2030 va de pair avec l’initiative Vision 2030 lancée en 2016
  • Dans le cadre de sa candidature à l’Exposition universelle de 2030, Riyad a l’intention de construire «l’un des plus grands réseaux de transport public au monde»

DUBAÏ: Vers la fin du mois de mars de cette année, alors que les grandes portes qui servaient d'entrée à l'Expo 2020 de Dubaï se fermaient pour la dernière fois, ceux qui avaient travaillé sans relâche pour créer le pavillon saoudien – qui a remporté de nombreux prix – étaient très conscients du fait que l'Exposition universelle pourrait être accueillie par le Royaume lui-même en 2030.

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S'exprimant le 28 mars lors de la cérémonie de clôture du pavillon saoudien, Fahd al-Rasheed, PDG de la Commission royale pour la ville de Riyad, a touché une corde sensible lorsqu'il a déclaré: «Des millions de personnes qui ont visité le pavillon saoudien primé ont eu un aperçu de l'avenir que le Royaume et sa capitale sont en train de bâtir. Ce que vous voyez aujourd'hui n'est qu’un avant-goût de ce que Riyad est en mesure d’offrir pour l'Expo 2030.»

Une magnifique cérémonie, mettant en vedette des danseurs saoudiens qui ont présenté des programmes traditionnels et contemporains, a clôturé l’impressionnante exposition de six mois du pavillon. «L'Arabie saoudite est un pays jeune, et le renouveau de Riyad est alimenté par l'énergie et l'ambition acharnée de sa jeunesse. Le monde a plus que jamais besoin de ce genre d'optimisme pour l'avenir», a affirmé Al-Rasheed.

L'Arabie saoudite a soumis sa candidature pour accueillir l'Exposition universelle de 2030 en octobre de l'année dernière, dans une lettre envoyée par le prince héritier, Mohammed ben Salmane, au Bureau international des expositions (BIE), l'organisme international qui organise les expositions universelles depuis 1931.

Selon l’Agence de presse saoudienne, la lettre disait: «Nous vivons dans une ère de changements et nous sommes confrontés à un besoin sans précédent d'action collective de l'humanité.»

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Les paroles du prince héritier ont trouvé un écho dans le thème de la candidature du Royaume: «L'ère du changement: conduire la planète vers un avenir de prévoyance.»

Le 7 septembre, une copie du «dossier de candidature» de l’Arabie saoudite pour organiser l’Exposition universelle de 2030 à Riyad a été soumise au Bureau international des expositions dont le siège se trouve à Paris. Le document a été remis officiellement par M. Al-Rasheed à Dimitri Kerkentzes, le secrétaire général dudit bureau.

La volonté de l'Arabie saoudite d'accueillir l'Exposition universelle de 2030 va de pair avec la Vision 2030 de l’Arabie saoudite, qui a été dévoilée par le prince héritier en 2016, et qui vise, entre autres, à diversifier l'économie saoudienne et à développer les secteurs du tourisme et des loisirs du pays. L'Exposition universelle de 2030 devrait commencer le 1er octobre 2030 et se poursuivre jusqu’au 1er avril de l'année suivante.

Comme l'a indiqué le prince héritier dans sa lettre au BIE, «l'Exposition universelle de 2030 à Riyad coïncidera avec l’aboutissement de la Vision 2030 du Royaume».

Si l'Arabie saoudite est sélectionnée pour accueillir cet événement, les autorités prévoient de transformer Riyad et le reste du pays en un lieu de culture, de connectivité et d'action climatique de niveau mondial.

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Le Royaume est en concurrence avec l'Italie, la Corée du Sud et l'Ukraine. La Russie était également en lice mais a volontairement retiré sa candidature en mai. Si l'Arabie saoudite réussit, elle sera le deuxième pays de la région du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Asie du Sud, et la deuxième nation arabe à accueillir une exposition universelle au cours des près de cent-quatre-vingts ans d'histoire de l'événement.

La candidature de l’Arabie saoudite a déjà été largement soutenue par plus de soixante pays et organisations du monde entier, dont la France, la Turquie, la Grèce, l’Arménie, Cuba, des dizaines de pays africains, ainsi que l’Organisation de la coopération islamique.

Lors d'une réunion en juillet entre Emmanuel Macron et le prince héritier saoudien, le président français «a exprimé le soutien de la France à la candidature de Riyad pour accueillir l'Exposition universelle de 2030». 

Il a également mis en relief la longue histoire de coopération entre les deux pays dans les domaines de la culture, de la recherche et du tourisme.

En juin, la Communauté des Caraïbes, qui représente 15 États membres, a annoncé son soutien à la candidature de l’Arabie saoudite pour l’Exposition universelle.

Lors d'une réunion en mai, à Riyad, avec le ministre d'État saoudien aux Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, Vladimir Gonzalez, ambassadeur de Cuba en Arabie saoudite, «a officiellement annoncé le soutien de la République de Cuba à la candidature saoudienne pour accueillir» l'Expo 2030.

Le Bangladesh est le dernier pays à avoir fait part de son soutien en août dernier, lors d’une réunion entre Mohammed Javed Patwary, ambassadeur du Bangladesh en Arabie saoudite, et le ministre saoudien des Affaires étrangères, Faisal ben Farhane.

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Alors que tous les regards sont tournés vers Riyad, la Commission royale de la ville de Riyad – la plus haute autorité de la capitale saoudienne – a mené la transformation de la ville conformément aux aspirations nationales. Une candidature retenue pour l'Expo 2030 devrait accélérer le rythme des mégaprojets touristiques du Royaume et donner un nouvel élan à la construction de la ville dans les années à venir.

Malgré un retard de deux ans en raison de la pandémie de Covid-19, l'Expo 2020 de Dubaï s'est avérée un énorme succès lorsqu'elle a finalement ouvert ses portes l'année dernière, attirant plus de 24 millions de visiteurs sur une période de six mois.

L’exposition comportait trois thèmes, illustrés par trois zones sur le site de l'exposition: mobilité, durabilité et opportunité. Conformément à la volonté du Royaume de mettre en valeur le progrès et la croissance réalisés au cours de cette décennie, le pavillon saoudien était situé dans la zone de l’opportunité. Conçu par Boris Micka Associates, le pavillon du Royaume consistait en une façade déployée semblable à une fenêtre ouverte, symbolisant la vision avant-gardiste de la nation du Golfe et son ouverture grandissante sur le monde.

Le pavillon a reçu de nombreuses distinctions pour sa conception et sa vision architecturale. Deuxième plus grand pavillon après celui du pays hôte, les Émirats arabes unis, le pavillon du Royaume s’étendait sur 13 000 mètres carrés – l'équivalent de deux terrains de football – et comprenait le plus long rideau d'eau interactif, mesurant 23 mètres. Il possédait également le plus grand sol lumineux interactif et le plus grand écran numérique interactif, de 1 240 mètres carrés, pour lesquels il a reçu trois records du monde Guinness.

Exhibitor Magazine a décerné au pavillon saoudien le prix du meilleur pavillon dans la catégorie des grandes suites. Il a également reçu un prix platine du US Green Building Council pour son leadership en matière d’énergie et de conception environnementale, en tant qu’une des structures les plus durables au monde. En effet, le pavillon était composé 650 panneaux solaires, tous fabriqués en Arabie saoudite.

Ce pavillon – l'un des plus appréciés de l'Expo 2020 de Dubaï – avait enregistré un record de 4,6 millions de visiteurs à la fin de l'événement.

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«Le nombre impressionnant de visiteurs du pavillon saoudien confirme le grand intérêt que porte le monde pour le Royaume et pour la transformation qu'il connaît sous le leadership du roi Salmane ben Abdelaziz et de Son Altesse Royale le prince héritier Mohammed ben Salmane», a affirmé Al-Rasheed dans son discours lors de la cérémonie de clôture.

Auparavant, il avait annoncé que dans le cadre de la candidature du Royaume pour organiser l'Exposition universelle de 2030, Riyad construirait «l'un des plus grands réseaux de transport public au monde, l'un des plus grands parcs urbains, un vaste projet de verdissement urbain, et transformera toute la ville en une galerie d'art à ciel ouvert.»

«Cette première candidature de l'Arabie saoudite représente un défi important et symbolique pour notre nation, défi que nous relèverons avec un engagement total», a-t-il ajouté.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Survivants traumatisés et «conditions indignes»: récit de la première mission de l'ONU à El-Facher

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  • Tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) en octobre après 500 jours de siège, la ville est "le fantôme d'elle-même"
  • A sa demande, elle s'y est rendue sans escorte armée, avec une poignée de collègues

PORT-SOUDAN: Des survivants traumatisés vivant des "conditions indignes", sans eau ni assainissement: pour la première fois depuis le siège par les paramilitaires d'El-Facher dans l'ouest du Soudan, une équipe de l'ONU a pu se rendre sur place.

Tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) en octobre après 500 jours de siège, la ville est "le fantôme d'elle-même", "une scène de crime", a résumé dans un entretien lundi avec l'AFP la coordinatrice humanitaire Denise Brown, qui n'a été autorisée à passer que "quelques heures" sur place.

A sa demande, elle s'y est rendue sans escorte armée, avec une poignée de collègues.

"De larges parties de la ville sont détruites", raconte Mme Brown: El-Facher est devenue "l'un des épicentres de la souffrance humaine" dans la guerre qui oppose depuis avril 2023 l'armée régulière aux paramilitaires.

Accès "âprement négocié" 

Fin octobre, les FSR se sont emparées du dernier bastion de l'armée au Darfour lors d'une offensive sanglante marquée par des exécutions, pillages et viols.

Depuis, ils ont imposé un black-out sur la ville, l'isolant du monde. A l'exception de vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-mêmes, suscitant l'indignation internationale, très peu d'informations ont filtré.

Plus de 107.000 personnes ont fui, selon l'Organisation mondiale pour les migrations (OIM).

Vendredi, l'équipe onusienne a pu pénétrer dans la ville après avoir "négocié âprement", explique la responsable canadienne, chargée pour le Soudan du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha).

Elle décrit des survivants "traumatisés vivant sous bâches plastiques", dans des conditions qu'elle qualifie "d'indignes et dangereuses".

Impossible de donner des chiffres à ce stade sur combien sont restés sur place. "Nous n'avons pas encore assez d'informations", dit-elle, alors que la ville comptait avant la guerre plus d'un million d'habitants.

L'équipe pouvait se déplacer librement vers les sites sélectionnés: l'hôpital saoudien, des abris de déplacés et cinq bureaux abandonnés de l'ONU.

Le complexe hospitalier, l'un des derniers en ville, "tient encore debout" avec du personnel médical sur place, mais il est à court d'antibiotiques et d'équipements, et quasi vide de patients.

"Partie émergée de l'iceberg" 

Privée d'aide humanitaire, El-Facher s'est retrouvée à court de tout pendant les 18 mois de siège.

Pour survivre, les habitants se sont résolus à manger de la nourriture pour animaux. En novembre, l'ONU y a confirmé l'état de famine.

"Un petit marché" subsiste avec de minuscules paquets de riz, des tomates, oignons et patates, quelques biscuits: "les gens n'ont pas les moyens d'acheter davantage", a-t-elle décrypté.

L'équipe "n'a pu voir aucun des détenus, et nous croyons qu'il y en a", a précisé la responsable onusienne.

"Nous n'avons vu que la partie émergée de l'iceberg", a-t-elle admis, "soucieuse" d'éviter les zones jonchées de munitions non explosées et de mines, dans un conflit qui a déjà tué 128 travailleurs humanitaires.

Les analyses d'images satellites et les témoignages recueillis par l'AFP font régulièrement état d'exactions sommaires et de fosses communes dans la ville, mais la responsable a préféré réserver ses observations aux experts des droits humains de l'ONU, qui préparent un rapport sur les atrocités à El-Facher.

La guerre au Soudan a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné 11 millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".

 


Trois morts dans des manifestations des alaouites syriens contre le bombardement d'une mosquée

Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
 Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
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  • Des membres du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils, rapportent les médias d'État
  • Selon les autorités sanitaires, des dizaines de personnes ont été soignées pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres

LATTAKIEH: Trois personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées lors des manifestations des Alaouites de Syrie dans la ville côtière de Lattaquié dimanche.

Les responsables de la sécurité ont déclaré que les restes du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils lors des manifestations, a rapporté l'agence de presse nationale syrienne SANA.

Les autorités sanitaires régionales ont déclaré que 60 personnes avaient été blessées et que les hôpitaux traitaient les victimes pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres.

Deux ambulances ont été attaquées alors qu'elles intervenaient sur les lieux des incidents.

Le colonel Abdulaziz Al-Ahmad, chef de la sécurité intérieure à Lattaquié, a déclaré que des "éléments liés aux vestiges du régime déchu" participant aux manifestations ont attaqué le personnel de la sécurité intérieure, faisant plusieurs blessés et endommageant des véhicules.

Les manifestations ont eu lieu en réponse à l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes dans un quartier alaouite de la ville de Homs deux jours auparavant.

M. Assad a été chassé du pouvoir il y a un an, après qu'une offensive des forces d'opposition a mis fin à la guerre civile qui a décimé le pays.

Le nouveau président, Ahmad Al-Sharaa, s'efforce de stabiliser le pays, mais il y a eu des flambées de violence sectaire.

Les représentants du gouvernement affirment que les groupes restés fidèles au régime d'Assad, qui était dominé par la minorité alaouite, ont tenté d'inciter à la violence en utilisant les manifestations civiles comme couverture pour cibler le personnel de sécurité et endommager les biens publics.

Le colonel Al-Ahmad a déclaré que des individus armés et masqués affiliés à des groupes connus sous le nom de "Saraya Deraa Al-Sahel" et "Saraya Al-Jawad" étaient présents lors des manifestations de dimanche. Ces groupes ont déjà perpétré des assassinats ciblés et posé des explosifs le long d'axes routiers importants.

Des milliers de personnes ont participé aux manifestations de dimanche organisées par une autorité religieuse en réponse à l'attaque de la mosquée, a rapporté l'AFP.

Les forces syriennes ont ensuite été déployées pour disperser les partisans du gouvernement, selon un correspondant de l'AFP.

Les manifestations de dimanche ont été organisées à l'appel du chef spirituel alaouite Ghazal Ghazal, qui a exhorté samedi la population à "montrer au monde que la communauté alaouite ne peut être humiliée ou marginalisée" après l'attentat à la bombe de Homs.

L'attentat de vendredi a été revendiqué par un groupe extrémiste connu sous le nom de Saraya Ansar Al-Sunna.

Il s'agit de la dernière attaque en date contre cette minorité religieuse, qui est la cible de violences depuis la chute, en décembre 2024, de M. Assad, lui-même alaouite.


Le pari israélien sur le Somaliland : quels risques pour la région?

Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
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  • La situation stratégique du Somaliland près du Bab Al-Mandab fait craindre qu'une présence sécuritaire israélienne ne transforme la mer Rouge en poudrière
  • Les critiques soutiennent que la décision ravive la stratégie israélienne de "périphérie", encourageant la fragmentation des États arabes et musulmans pour un avantage stratégique

RIYAD: Les observateurs régionaux chevronnés ne seront peut-être pas surpris d'apprendre qu'Israël est devenu le premier et le seul État membre des Nations unies à reconnaître officiellement la République du Somaliland comme une nation indépendante et souveraine.

Le 26 décembre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar ont signé une déclaration commune de reconnaissance mutuelle avec le président du Somaliland, Abdirahman Mohamed Abdullahi.

Pour une région qui a existé dans un état de flou diplomatique depuis qu'elle a déclaré son indépendance de la Somalie en 1991, ce développement est, comme l'a décrit M. Abdullahi, "un moment historique". Mais sous la surface se cache un pari géopolitique calculé et à fort enjeu.

Si plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l'Éthiopie, la Turquie et les Émirats arabes unis, ont ouvert des bureaux de liaison dans la capitale, Hargeisa, aucun n'a voulu franchir le Rubicon de la reconnaissance officielle de l'État.


Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, assisté du ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar, signe le document reconnaissant officiellement la région séparatiste du Somaliland, le 26 décembre 2025. (AFP)
La décision d'Israël de rompre ce consensus international vieux de plusieurs décennies constitue une rupture délibérée avec le statu quo.

En prenant cette mesure, Israël s'est positionné comme le principal bienfaiteur d'un État qui cherche depuis longtemps à s'asseoir à la table internationale. Comme l'a déclaré à Arab News Dya-Eddine Said Bamakhrama, ambassadeur de Djibouti en Arabie saoudite, une telle décision est profondément perturbatrice.

"Une déclaration unilatérale de séparation n'est ni un acte purement juridique ni un acte politique isolé. Au contraire, elle entraîne de profondes conséquences structurelles, au premier rang desquelles l'aggravation des divisions internes et des rivalités entre les citoyens d'une même nation, l'érosion du tissu social et politique de l'État et l'ouverture de la porte à des conflits prolongés", a-t-il déclaré.

Les critiques affirment qu'Israël fait depuis longtemps pression pour un nouveau découpage de la région sous diverses formes.

La reconnaissance du Somaliland est considérée par beaucoup dans le monde arabe comme la poursuite d'une stratégie visant à affaiblir les États arabes et musulmans centralisés en encourageant les mouvements sécessionnistes périphériques.
Dans le contexte somalien, cette voie est perçue non pas comme un geste humanitaire, mais comme une méthode visant à saper les accords nationaux conclus dans le cadre d'une Somalie fédérale.

Selon l'ambassadeur Bamakhrama, la communauté internationale s'est toujours opposée à de telles initiatives afin de donner la priorité à la stabilité régionale plutôt qu'aux "tendances séparatistes dont l'histoire a maintes fois démontré les dangers et les coûts élevés".

En ignorant ce précédent, Israël est accusé d'utiliser la reconnaissance comme un outil pour fragmenter la cohésion régionale.

Par le passé, Israël a souvent justifié son soutien à des acteurs non étatiques ou à des groupes séparatistes en prétextant la protection de minorités vulnérables, comme les Druzes au Levant ou les Maronites au Liban.

Cette "doctrine de la périphérie" avait un double objectif : elle créait des alliés régionaux et soutenait la revendication d'Israël en tant qu'État juif en validant l'idée d'autodétermination ethnique ou religieuse.

Toutefois, dans le cas du Somaliland, les gants ne sont plus du tout de mise. Il ne s'agit pas ici de protéger une minorité religieuse, puisque le Somaliland est un territoire à forte majorité musulmane. Il s'agit plutôt d'un raisonnement purement géopolitique.

Israël semble rechercher une profondeur stratégique dans une région où il a toujours été isolé. M. Netanyahu a explicitement lié cette initiative à "l'esprit des accords d'Abraham", indiquant que les principaux moteurs sont la sécurité, le contrôle maritime et la collecte de renseignements plutôt que la démographie interne de la Corne de l'Afrique.

La première grande victoire d'Israël dans cette manœuvre est l'élargissement de son orbite diplomatique. On pourrait faire valoir que le refus du gouvernement fédéral de Mogadiscio d'adhérer aux accords d'Abraham constituait une barrière artificielle.


Des habitants brandissent des drapeaux du Somaliland alors qu'ils se rassemblent dans le centre-ville d'Hargeisa le 26 décembre 2025, pour célébrer l'annonce d'Israël reconnaissant le statut d'État du Somaliland. (AFP)
La preuve de cette affirmation, du point de vue israélien, est que le Somaliland - un territoire comptant près de six millions d'habitants et doté de ses propres institutions démocratiques - était désireux d'adhérer à l'accord.

M. Abdullahi a déclaré que le Somaliland rejoindrait les accords d'Abraham en tant que "pas vers la paix régionale et mondiale". Toutefois, cette paix s'accompagne d'une contrepartie évidente : la reconnaissance officielle.

Israël peut désormais affirmer que le "modèle du Somaliland" prouve que de nombreuses autres entités arabes et musulmanes sont disposées à normaliser leurs relations si leurs intérêts politiques ou territoriaux spécifiques sont satisfaits.

Cela remet en question la position unifiée de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique, qui maintiennent que la normalisation doit être liée à la résolution du conflit palestinien.


Le deuxième gain majeur pour Israël est la possibilité d'une présence militaire dans la Corne de l'Afrique. La position stratégique du Somaliland dans le golfe d'Aden, près du détroit de Bab Al-Mandab, en fait un lieu privilégié pour la surveillance du trafic maritime.

Il s'agit d'une bombe à retardement étant donné que de l'autre côté de cette mer étroite se trouve le Yémen, où le mouvement Houthi - dont le slogan est "Mort à Israël" - contrôle un territoire important.

Israël peut prétendre qu'une présence militaire ou de renseignement au Somaliland renforcera la sécurité régionale en contrant les menaces des Houthis sur la navigation. Toutefois, les voisins de la région craignent que cette présence n'attise les tensions.

L'ambassadeur Bamakhrama a prévenu qu'une présence militaire israélienne "transformerait effectivement la région en une poudrière".


"Si Israël décidait d'établir une base militaire dans un endroit géopolitiquement sensible, cela serait perçu à Tel-Aviv comme un gain stratégique dirigé contre les États arabes bordant la mer Rouge, à savoir l'Égypte, l'Arabie saoudite, la Somalie, le Yémen, le Soudan et Djibouti", a-t-il déclaré.

La mer Rouge est un "corridor maritime international vital" et toute modification de son équilibre géopolitique aurait des "répercussions bien au-delà de la région", a-t-il ajouté.

Cette reconnaissance constitue également une violation flagrante du droit international et du principe d'intégrité territoriale inscrit dans la Charte des Nations unies.

Si les partisans de la reconnaissance font état d'exceptions telles que le Sud-Soudan ou le Kosovo, il n'en reste pas moins que ces cas impliquaient des circonstances très différentes, notamment des conflits génocidaires prolongés et de vastes transitions sous l'égide des Nations unies.

En revanche, l'Union africaine a toujours affirmé que le Somaliland faisait partie intégrante de la Somalie.
 

La réaction a été rapide et sévère. La Ligue arabe, le Conseil de coopération du Golfe et l'OCI ont tous décrié cette décision. Même le président américain Donald Trump, qui a pourtant joué un rôle dans les accords d'Abraham, n'a pas approuvé la décision d'Israël.

Lorsqu'on lui a demandé si Washington suivrait le mouvement, M. Trump a répondu par un "non" catégorique, ajoutant : "Est-ce que quelqu'un sait vraiment ce qu'est le Somaliland ?"

Ce manque de soutien de la part de Washington souligne l'isolement de la position d'Israël. L'OCI et les ministres des affaires étrangères de 21 pays ont publié une déclaration commune mettant en garde contre de "graves répercussions" et rejetant tout lien potentiel entre cette reconnaissance et les projets de déplacement des Palestiniens de Gaza vers la région africaine.

La reconnaissance du Somaliland par Israël semble être un pari calculé visant à échanger des normes diplomatiques contre un avantage stratégique.

Alors que Hargeisa célèbre une étape longtemps attendue, le reste du monde y voit un dangereux précédent qui menace de déstabiliser l'un des couloirs les plus instables du monde.

Comme le dit l'ambassadeur Bamakhrama, l'établissement de tels liens "ferait d'Israël le premier et le seul État à rompre avec le consensus international" - une décision qui donne la priorité à des "calculs stratégiques étroits" plutôt qu'à la stabilité du système international.