Israël perd un allié en Trump, les Palestiniens gagnent un espoir en Biden

Les Etats-Unis de Biden vont chercher à s'engager « bien davantage » avec les Palestiniens, pense Sarah Feuer, analyste au Washington Institute for Near East policy (Photo, AFP)
Les Etats-Unis de Biden vont chercher à s'engager « bien davantage » avec les Palestiniens, pense Sarah Feuer, analyste au Washington Institute for Near East policy (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 08 novembre 2020

Israël perd un allié en Trump, les Palestiniens gagnent un espoir en Biden

  • Le président américain Donald Trump a laissé sa marque pour Israël
  • Joe Biden tentera-t-il de remettre sur les rails cet accord fustigé par Israël, dont l'Iran est l'ennemi N.1?

JERUSALEM : Le démocrate américain Joe Biden ne suscite peut-être pas un grand enthousiasme en Israël, qui perdra un allié clé en Donald Trump, mais fait naître un mince espoir chez les Palestiniens qui avaient rompu les liens avec le milliardaire républicain.

Reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l'Etat hébreu, soutien à la colonisation en Cisjordanie occupée, bénédiction à l'annexion du Golan et parrainage de la normalisation des relations entre Israël et des pays arabes: le président américain Donald Trump a laissé sa marque pour Israël. 

Et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui avait qualifié Donald Trump de « meilleur ami qu'Israël n'a jamais eu à la Maison Blanche », espérait, comme la majorité des Israéliens, la victoire du magnat de l'immobilier à la présidentielle américaine.

Selon deux récents sondages, 63% des Israéliens préfèrent M. Trump à M. Biden (17-18%), dont les supporters seraient moins nombreux que les indécis (20%). 

Pourtant, Joe Biden connaît de longue date Israël, pays qu'il a visité pour la première fois en 1973. Et il avait soutenu en 2015 que les Etats-Unis devaient respecter leur « promesse sacrée de protéger le foyer d'origine des Juifs ».

Malgré ses liens profonds et la visite de neuf gouverneurs démocrates contre sept républicains en Israël depuis 2017, selon les données fournies par la diplomatie israélienne, plusieurs en Israël regardent avec méfiance les troupes de Joe Biden.  

Des élus israéliens craignent l'émergence d'une nouvelle génération, jugée moins favorable, sinon hostile, à l'Etat hébreu au sein du parti démocrate, et un adoucissement sous Joe Biden de la politique américaine face à l'Iran.

Plus précisément, le gouvernement israélien avait accusé les démocrates Rashida Tlaib et Ilhan Omar de soutenir le « BDS » (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), campagne de boycott de l'Etat hébreu pour sa politique dans les Territoires palestiniens.

« Il y a une influence croissante d'une branche radicale progressiste au sein du Parti démocrate américain. La plupart d'entre eux sont anti-Israël mais nous ne savons pas quelle influence ils auront (...) dans la prochaine administration », estime Eytan Gilboa, professeur de Sciences politiques à l'université israélienne Bar-Ilan.

Le domino iranien  

Les relations entre démocrates et Israël s'étaient détériorées sous Barack Obama avec en point d'orgue l'accord sur le nucléaire iranien, étrillé par Donald Trump qui a engagé une campagne de « pression maximale » contre Téhéran à coup de sanctions économiques.

Joe Biden tentera-t-il de remettre sur les rails cet accord fustigé par Israël, dont l'Iran est l'ennemi N.1? « La probabilité est très forte », répond Michael Oren, ancien ambassadeur israélien à Washington.

Sur fond d'une « menace » commune de Téhéran, trois pays arabes, dont les Emirats, ont normalisé ces dernières semaines leurs relations avec Israël, sous le parrainage de Washington.

Si Joe Biden engage des discussions avec l'Iran, qu'arrivera-t-il de ces accords phares de l'ère Trump? « Je pense que les Iraniens vont dire la chose suivante: vous ne pouvez pas à la fois négocier avec nous et étendre une coalition qui est contre nous », résume M. Gilboa.

« La grande question est de savoir à quel degré l'administration américaine s'engagera dans ces accords (de normalisation) », note Michael Oren, estimant que ces accords, qualifiés de « trahison » par les Palestiniens, ont moins bonne presse chez les démocrates.

« Victoire » palestinienne

A Ramallah, en Cisjordanie occupée, le leadership palestinien avait les yeux rivés ces derniers jours sur les chaînes d'info pour contempler le sort que réserverait l'Amérique à Donald Trump, qui avait infléchi sa politique en faveur d'Israël au point de pousser les Palestiniens à couper les ponts avec Washington.

Washington avait aussi fermé son consulat à Jérusalem-Est, partie de la Ville sainte revendiquée par les Palestiniens, coupé son aide aux Palestiniens et mis fin à sa contribution à l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa). 

Et Donald Trump avait présenté en janvier dernier son plan pour le Proche-Orient sans avoir au préalable consulté les Palestiniens. 

Les Etats-Unis de Biden vont chercher à s'engager « bien davantage » avec les Palestiniens, pense Sarah Feuer, analyste au Washington Institute for Near East policy. 

Outre la reprise de l'aide, la réouverture possible du consulat de Jérusalem-Est, voire du bureau de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington, peu d'analystes voient Joe Biden forcer de nouveaux pourparlers de paix entre Israéliens et Palestiniens.

Côté palestinien, certains savouraient l'instant samedi soir: « Il n'y a pas eu pire que l'ère Trump! Sa fin est déjà une victoire », a commenté Nabil Shaath, conseiller du président palestinien Mahmoud Abbas. 

Le chef du mouvement islamiste palestinien Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, Ismaïl Haniyeh, a lui appelé Joe Biden à « corriger » les « politiques injustes » des Etats-Unis en « annulant » le « plan Trump » pour le Moyen-Orient.


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.