Budget: le couperet du «49.3» attendu dans la journée

Les esprits se sont encore échauffés en fin de séance dans la nuit de mardi à mercredi à l'Assemblée, quand des députés de la Nupes ont reproché au camp présidentiel de «faire semblant» de débattre «en attendant le 49.3» le lendemain. (AFP)
Les esprits se sont encore échauffés en fin de séance dans la nuit de mardi à mercredi à l'Assemblée, quand des députés de la Nupes ont reproché au camp présidentiel de «faire semblant» de débattre «en attendant le 49.3» le lendemain. (AFP)
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Publié le Mercredi 19 octobre 2022

Budget: le couperet du «49.3» attendu dans la journée

  • Il reste près de 2 000 amendements à examiner, et certains sujets sensibles, comme la taxation des «superprofits», n'auront pas été abordés dans l'hémicycle si l'arrêt des débats se confirmait mercredi
  • Les échanges doivent reprendre mercredi à 15H00 par un débat autour du «prélèvement sur recettes au profit de l'UE»

PARIS : Fin du suspense en vue. Le gouvernement devrait appuyer mercredi sur le bouton du 49.3 pour abréger les âpres débats sur la première partie du budget pour 2023, qui ont éprouvé le camp présidentiel et frustré les oppositions.

Après avoir accusé mardi ces dernières de "blocage", la Première ministre Elisabeth Borne devrait y recourir en se rendant dans la journée à l'Assemblée nationale, théâtre de défaites en série pour les macronistes sur des votes d'amendements budgétaires.

Les échanges à l'Assemblée doivent reprendre à 15H00 par un débat autour du "prélèvement sur recettes au profit de l'UE". L'intervention de la cheffe du gouvernement, qui doit être au Sénat en début d'après-midi, ne pourrait avoir lieu qu'après. "Une fenêtre s'ouvre à partir de 17H00", glisse une source gouvernementale.

Ce déclenchement mercredi est "probable", avait indiqué mardi le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, après huit jours de débats parfois houleux. Mercredi, il a annoncé que le Conseil des ministres avait autorisé l'utilisation de ce même outil, si nécessaire, pour le budget de la Sécurité sociale, dont l'examen à l'Assemblée doit commencer jeudi.

L'article 49.3 de la Constitution permet au gouvernement de faire passer un texte sans vote, à moins qu'une motion de censure ne soit adoptée.

Rien de "scandaleux" dans son usage, a tenté de désamorcer sur France Inter le patron du MoDem François Bayrou, estimant que grâce à "ce mécanisme" constitutionnel, "le gouvernement a les moyens de forcer l'adoption d'un texte quand les oppositions en réalité s'en accommodent".

Les esprits se sont encore échauffés dans la nuit de mardi à mercredi au Palais Bourbon, quand des députés de la Nupes ont reproché au camp présidentiel de "faire semblant" de débattre "en attendant le 49.3".

Pour le vice-président RN de l'Assemblée nationale Sébastien Chenu aussi, le gouvernement est "assez hypocrite puisqu'il nous fait débattre" alors que "tout ce que nous votons la nuit à l'Assemblée nationale, il va le déconstruire".

 

49.3 attendu: LFI renvoie le gouvernement à sa «minorité» à l'Assemblée

Deux députées LFI, Mathilde Panot et Danièle Obono, ont renvoyé mercredi le gouvernement à une "minorité" "autoritaire" et "fébrile" quelques heures avant que celui-ci n'actionne le 49.3 pour faire adopter sans vote la première partie du projet de budget.

Citant sur France 2 le ministre des Finances Bruno Le Maire, qui avait estimé à propos de la CGT de TotalEnergie que "dans une démocratie, ce n'est pas une minorité qui dicte sa loi à la majorité", la présidente du groupe LFI Mathilde Panot a déclaré: "C'est exactement ce qu'ils sont en train de faire à l'Assemblée nationale !".

Elle a regretté que "nous votions à la majorité des amendements et qu'à la fin il y ait une brutalisation des débats" avec le recours à l'article 49.3 de la Constitution qui permet au gouvernement de faire adopter un texte sans vote.

Pour Danièle Obono, la "Macronie" a "un problème dans le fait de reconnaître que, sur un certain nombre de votes, elle puisse être mise en minorité".

"C'est une minorité présidentielle puisque elle fait montre de sa fébrilité, de sa faiblesse" alors que "les débats ont eu lieu pendant plusieurs heures et ont été de bonne tenue", a-t-elle rappelé sur le plateau de franceinfo.

Quant à la centaine d'amendements votés que le gouvernement pourrait décider de conserver dans le texte final, elle s'est emportée. "Mais attendez, pourquoi alors s'encombrer d'un Parlement ? Pourquoi passer du temps à faire des élections, à élire des personnes si c'est en fait le gouvernement qui choisit de manière complètement arbitraire quelles sont les mesures qu'ils vont garder ?".

A l'autre bout du spectre politique de l'opposition, le député RN Sébastien Chenu a estimé sur RTL que "ce gouvernement, de toute façon, n'a pas de majorité aujourd'hui" et l'a jugé "assez hypocrite puisqu'il nous fait débattre alors qu'il sait très bien que tout ce que nous votons la nuit à l'Assemblée nationale, il va le déconstruire".

"Tout texte difficile ne pouvant pas être adopté par les oppositions en même temps que par la majorité va entraîner ce mécanisme pensé par la Constitution et qui après tout n'est pas scandaleux", a répliqué sur France Inter le patron du Modem François Bayrou.

Grâce au 49.3, selon lui, "le gouvernement a les moyens de forcer l'adoption d'un texte quand les oppositions en réalité s'en accommodent".

2 000 amendements

Il reste près de 2.000 amendements à examiner, et certains sujets sensibles, comme la taxation des "superprofits" n'ont pas encore été abordés.

Les oppositions pointent du doigt une contradiction avec la volonté de "dialogue" affichée par l'exécutif, qui réfute de son côté tout "passage en force", s'estimant contraint par la majorité seulement relative dont il dispose.

Les députés de la Nupes (LFI, PS, EELV, PCF) et du RN sont dans les starting-blocks pour dégainer leurs motions de censure dès que la procédure sera actionnée. Mais elles n'ont quasi aucune chance de faire tomber le gouvernement, les élus RN ayant exclu "a priori" de voter pour un texte de la Nupes, et vice versa.

La motion de la gauche, qui sera présentée par la présidente des députés écolos Cyrielle Chatelain, sera "très ouverte" pour rallier au maximum, a assuré Danièle Obono (LFI).

La première lecture de la partie recettes du projet de budget va s'achever, mais quels amendements le gouvernement va-t-il inclure dans le texte soumis au 49.3 ? Les derniers arbitrages sont en cours, sachant qu'il peut retenir ou écarter à sa guise ceux qui ont été votés ou rejetés, et même ceux qui n'ont pas encore été examinés.

Face aux députés Renaissance, Mme Borne a souligné mardi qu'il y avait eu "des propositions intéressantes dont on tiendra compte dans le texte final".

Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a lui veillé à ne pas susciter trop d'espoirs: "ce sera sans moi" si le texte final devait faire déraper les finances publiques, a-t-il lancé lundi en réunion à Matignon selon un participant.

«Faute politique»

Selon un cadre de la majorité, l'exécutif a donné son feu vert à une centaine d'amendements, émanant de la majorité pour la plupart et des oppositions pour certains, pour un coût entre 700 et 800 millions d'euros.

Il s'agit notamment de renforcer le crédit d'impôt pour garde d'enfants, réduire l'impôt pour les plus petites entreprises ou encore supprimer un avantage fiscal dont bénéficiaient les jets privés.

Mais pas question d'inclure l'amendement MoDem sur la taxation des superdividendes, pourtant adopté avec le soutien de la gauche, du RN et même d'une vingtaine de députés Renaissance. Une "faute politique", a jugé sur LCI le numéro un de la CFDT Laurent Berger.

C'est également non à une proposition PS, adoptée en séance, pour l'instauration d'un crédit d'impôt pour le reste à charge de tous les résidents en Ehpad, jugé trop coûteux.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.


Zucman, patrimoine et retraites, "journée majeure" vendredi à l'Assemblée

Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale débat d’une taxation du patrimoine, au cœur d’un bras de fer entre le gouvernement et le PS, qui menace de censure en cas de refus d’imposer les très hauts patrimoines
  • En parallèle, la suspension de la réforme des retraites est examinée en commission, condition posée par le PS pour éviter une crise politique majeure, mais son adoption reste incertaine

PARIS: Deux gros morceaux pour le prix d'un: les députés débattent vendredi dans l'hémicycle de taxation du patrimoine, sur fond d'ultimatum du PS pour davantage de "justice fiscale", et une partie des parlementaires doivent se prononcer en commission sur la suspension de la réforme des retraites, autre clé d'une non-censure.

Dès 9H00, les députés rouvriront les débats sur le projet de budget de l'Etat, avec la question sensible de la fiscalité du patrimoine et la désormais fameuse taxe Zucman, après avoir approuvé ces derniers jours plusieurs taxes sur les grandes entreprises ou les géants des technologies.

Signe de l'importance du moment, le Premier ministre Sébastien Lecornu devrait se rendre à l'Assemblée dans la journée pour participer aux débats, selon son entourage, alors que le PS menace de censurer en cas de refus du gouvernement d'imposer les hauts patrimoines.

"La journée est majeure", souligne un ministre.

Au menu notamment, une taxe proposée par le gouvernement sur certaines holdings, des sociétés qui détiennent des participations dans d'autres entreprises, et qui fait débat dans son propre camp.

Puis viendront des propositions de tous bords. Le Rassemblement national et le MoDem proposeront par exemple leurs versions d'un impôt sur la fortune. La gauche défendra entre autres l'instauration de la taxe de l'économiste Gabriel Zucman, impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros.

- "Troisième voie" -

Les socialistes proposeront en sus leur version de compromis au camp gouvernemental: 3% à partir de 10 millions d'euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales.

Philippe Brun (PS), négociateur pour son groupe sur le budget, estime son rendement à "15 milliards", une estimation nettement rehaussée pour cette Zucman bis par rapport à de précédents calculs.

Mais elle peine à convaincre le reste de la gauche. "On n'a jamais été contre voter des amendements de repli" mais "c'est une taxe passoire", estime Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances.

Et l'horizon paraît bouché face à une levée de boucliers au centre et au RN.

"On est contre toutes les versions", assume Sylvain Maillard (Renaissance). Zucman, c'est "non, ni light ni hard ni rien du tout", a martelé Marine Le Pen, patronne du RN. Quant à Sébastien Lecornu, il a estimé jeudi qu'"il ne faudrait pas que des impôts improvisés créent des faillites certaines" d'entreprises.

De quoi susciter le pessimisme : "Zucman ça passe pas, l'amendement (de repli) non plus", pensent séparément deux députés PS.

Pour autant, certains imaginent en cas d'échec un autre chemin, comme un amendement du gouvernement lors de la séance qui viendrait réconcilier plusieurs camps.

"Si cela rapporte autant que la taxe Zucman, nous le regardons", a affirmé jeudi le patron des députés PS Boris Vallaud. S'il y a une "troisième voie, au gouvernement de la proposer".

- Suspense sur les retraites ? -

Dans l'ombre de l'hémicycle, la commission des Affaires sociales examinera toute la journée le budget de la Sécurité sociale. Les enjeux sont moindres puisque les députés repartiront dans l'hémicycle, la semaine prochaine, de la copie initiale du gouvernement.

Plusieurs points chauds seront abordés: gel des prestations sociales, montant prévu des dépenses de l'Assurance maladie, etc... Mais le vote attendu sera celui sur la suspension de la réforme des retraites, autre condition de la non-censure du PS à laquelle le Premier ministre a consenti.

S'il existe une majorité à l'Assemblée pour abroger purement et simplement la réforme, le sort de cet article en commission est incertain.

LR et Horizons (le parti d'Edouard Philippe) proposeront sa suppression, et pourraient être soutenus par des macronistes. Le RN devrait voter pour selon une source au groupe, tout comme les socialistes.

Mais les Insoumis ne voteront pas l'article en commission, simple "report de la hausse de l'âge légal de départ", argue Hadrien Clouet. Les écologistes l'envisagent aussi et décideront vendredi: "Hélas Macron a raison, c'est un décalage et non pas une suspension, qui quelque part entérine les 64 ans", souligne Danielle Simonnet.