Migrants: une menace de tir de missiles, dernière violence derrière l'accord UE/Libye

Cette photo publiée le 17 novembre 2021 par Médecins sans frontières (MSF) montre des membres de l'équipage de Geo Barents de MSF participant à une opération de recherche et de sauvetage pour secourir des migrants à environ 30 miles des côtes libyennes. (AFP)
Cette photo publiée le 17 novembre 2021 par Médecins sans frontières (MSF) montre des membres de l'équipage de Geo Barents de MSF participant à une opération de recherche et de sauvetage pour secourir des migrants à environ 30 miles des côtes libyennes. (AFP)
Short Url
Publié le Dimanche 13 novembre 2022

Migrants: une menace de tir de missiles, dernière violence derrière l'accord UE/Libye

  • Les deux pays ont signé un accord parrainé par l'UE pour empêcher les migrants de traverser la Méditerranée centrale, un texte controversé qui refait débat
  • Malgré les appels à annuler l'accord, celui-ci a été automatiquement renouvelé début novembre, quelques jours après l'entrée en fonction du gouvernement d'extrême droite italien de Giorgia Meloni

ROME: Lorsque les gardes-côtes libyens ont récemment menacé d'abattre l'avion de l'ONG Sea-Watch qui surveillait l'assistance à une embarcation de migrants en Méditerranée, la docteure allemande Leona Blankenstein a d'abord cru avoir mal compris.

"Eloignez-vous des (eaux) territoriales libyennes, sinon nous vous tirons dessus avec des missiles SAM (sol-air)", a averti le Fezzan, l'un des patrouilleurs fournis par l'Italie à la Libye pour intercepter les migrants tentant de quitter le pays déchiré par la guerre.

Les deux pays ont signé un accord parrainé par l'UE pour empêcher les migrants de traverser la Méditerranée centrale, un texte controversé qui refait débat alors que Rome a adopté une ligne dure en matière de politique migratoire.

"C'est très bruyant dans l'avion et j'ai pensé que je les avais peut-être mal compris", a déclaré à l'AFP Mme Blankenstein, qui survolait les eaux maltaises, ce 25 octobre, à bord de l'avion de l'organisation humanitaire allemande Sea-Watch.

L'équipage libyen a fait monter les migrants à leur bord avant de retirer le moteur de leur canot pneumatique et de lui tirer dessus jusqu'à ce qu'il prenne feu, selon Mme Blankenstein et des séquences vidéo diffusées par Sea-Watch.

"C'est arrivé en quelques secondes (...) J'étais inquiète. Leur comportement est très imprévisible", a-t-elle confié, expliquant avoir quitté la zone immédiatement après avoir entendu l'avertissement.

«Très efficace»

Selon les associations, quelque 100 000 personnes ont ainsi été interceptées depuis la signature de l'accord avec la Libye en 2017 par l'Italie et l'UE, qui ont accepté de former et d'équiper les gardes-côtes libyens.

Malgré les appels à annuler l'accord, celui-ci a été automatiquement renouvelé début novembre, quelques jours après l'entrée en fonction du gouvernement d'extrême droite italien de Giorgia Meloni.

L'accord est né sous la pression du grand nombre de réfugiés fuyant les conflits en Syrie, en Irak et en Libye pour trouver refuge en Europe, et après une série de naufrages meurtriers, avec un record de 5.000 morts ou disparus en mer Méditerranée en 2016.

L'objectif était "d'empêcher les pertes de vies humaines en Méditerranée et en même temps de réprimer les réseaux de trafic de migrants et de traite des êtres humains", selon la Commission européenne.

Quelque 3.140 personnes ont été signalées mortes ou portées disparues en 2017 contre 2.062 l'an dernier, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

"Travailler avec les autorités des pays tiers pour empêcher les migrants d'arriver en Europe a été l'un des principaux axes de la politique européenne", relève Luigi Scazzieri, du groupe de réflexion Centre for European Reform.

L'accord Italie-Libye s'est avéré "très efficace" pour réduire le nombre d'arrivées, du moins dans un premier temps.

«Far West»

Mais des organisations humanitaires dénoncent un "Far West", avec des milices armées se faisant passer pour des gardes-côtes libyens et des cas documentés d'utilisation de balles réelles contre des embarcations de migrants en haute mer.

Les critiques pointent un manque de responsabilité et de transparence sur les destinataires des subventions en Libye. Entre-temps, bon nombre des personnes interceptées se seraient retrouvées dans des centres de détention libyens, comparés par le pape François à des camps de concentration.

Save the Children, Médecins sans frontières et Amnesty International affirment que les migrants en Libye sont torturés, victimes de violences sexuelles ou d'esclavage.

Mais les autorités libyennes démentent. "Les arrestations sont effectuées conformément aux règles en vigueur", a assuré un responsable des migrations.

Les associations affirment également que l'agence de l'UE Frontex, qui utilise des avions pour repérer les migrants en détresse, aide les Libyens.

Pour Felix Weiss, porte-parole de la branche Seabird de Sea-Watch, "les gardes-côtes libyens ne sont pas professionnels, ils ont besoin de la surveillance aérienne et des conseils de l'UE pour trouver les bateaux de migrants".

L'avocat et défenseur des droits humains Arturo Salerni a déclaré à l'AFP que le "refoulement" des migrants des zones européennes de recherche et de sauvetage vers la Libye était, en vertu du droit de l'UE, "illégal si les États européens sont complices".

Interrogé, le gouvernement italien n'a pas donné suite.

Trafic d'êtres humains 

L'Italie accueille des dizaines de milliers de personnes qui tentent chaque année de traverser la Méditerranée centrale, la route migratoire la plus meurtrière au monde.

Le pays a signé de nombreux accords au cours des années 2000 avec l'ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi, renversé et tué en 2011, pour freiner les flux migratoires. Ce partenariat a été suspendu à la suite de l'effondrement du gouvernement libyen et de la condamnation de l'Italie en 2012 par la Cour européenne des droits de l'homme pour avoir intercepté et renvoyé de force des migrants en Libye.

Mais en 2017, Paolo Gentiloni, alors Premier ministre italien de centre-gauche, a signé un nouvel accord avec Fayez al-Sarraj, chef du gouvernement libyen d'union nationale soutenu par l'ONU.

Dès lors, les organisations humanitaires, dont la hotline Alarm Phone utilisée par les migrants en détresse, ont reçu l'ordre "d'alerter plutôt les garde-côtes libyens", a déclaré à l'AFP Chiara Denaro, d'Alarm Phone.

L'accord a aussitôt suscité des critiques, l'ONU sanctionnant plusieurs Libyens en 2018 qui seraient étroitement impliqués dans la traite d'êtres humains.

Parmi eux, Ahmad Oumar al-Dabbashi, dont la milice contrôlait des camps et bateaux et exposait les migrants, y compris mineurs, à "des conditions brutales et parfois mortelles sur terre et en mer", selon l'ONU.

En 2019, le journaliste italien Nello Scavo a révélé qu'un autre trafiquant d'êtres humains, Abd Al Rahman Al-Milad - surnommé Bija - avait participé à des pourparlers en Sicile avec des responsables italiens sur l'élaboration de l'accord de 2017 sur les migrants.

M. Bija a été suspendu des gardes-côtes libyens en 2018 mais est resté impliqué l'année suivante dans le "sauvetage de migrants", selon un rapport de l'ONU cité par M. Scavo.

Deux jours après la menace contre l'avion, Sea-Watch a annoncé avoir la preuve que les gardes-côtes libyens collaboraient avec des passeurs.

L'ONG a publié des photographies d'un bateau de migrants en bois, immatriculé 1688, prises par le Seabird début octobre lors d'une interception par les garde-côtes.

Le même bateau a été photographié trois jours plus tard avec différents migrants à bord, suggérant qu'il avait été ramené en Libye et réutilisé, a rapporté Sea-Watch.

Droits humains 

Au total, l'UE a consacré quelque 59 millions d'euros pour augmenter la capacité opérationnelle des gardes-côtes libyens, y compris pour la formation de quelque 500 membres entre 2015 et 2020, date de l'arrêt de l'opération.

Des pourparlers sont en cours avec les Libyens pour reprendre cette formation, "avec un accent substantiel sur les droits de l'homme et le droit international", a déclaré à l'AFP une porte-parole de l'UE.

La Commission européenne a chargé un sous-traitant indépendant en 2019 de surveiller les opérations en Libye, mais ses rapports ne sont pas rendus publics pour des raisons de sécurité, a-t-elle expliqué.

Pour sa part, l'Italie a affecté au moins 32,5 millions d'euros à des missions de soutien aux gardes-côtes libyens depuis 2017, a déclaré l'organisation humanitaire Arci dans un rapport l'année dernière.

En octobre, le journaliste d'investigation Duccio Facchini a révélé que l'Italie avait dépensé 6,65 millions d'euros supplémentaires pour 14 nouveaux bateaux rapides pour les gardes-côtes libyens il y a quelques mois à peine.

Amnesty a déclaré dimanche qu'il était "honteux" que Rome "continue d'aider les autorités libyennes à violer les droits humains de leur peuple".

Sea-Watch est l'une des organisations humanitaires avec des navires de sauvetage en Méditerranée qui se sont retrouvées dans le collimateur du nouveau gouvernement de Mme Meloni.

Le week-end dernier, l'Italie a refusé d'accorder le droit d'accoster à quatre navires, avant d'en autoriser finalement trois à débarquer. Le quatrième s'est rendu en France, déclenchant un conflit diplomatique entre Paris et Rome.

Le Conseil de l'Europe affirme que l'obstruction des activités de sauvetage des ONG et l'absence d'attribution de ports sûrs et proches pour débarquer les personnes secourues en mer, en l'occurrence en Italie, sont des tactiques qui "semblent viser, implicitement ou explicitement, à +ouvrir le champ+ aux interceptions par les garde-côtes libyens (...) malgré les preuves irréfutables de graves violations des droits humains".


Trump et Poutine en Alaska, le moment de vérité

Le président américain Donald Trump monte à bord d'Air Force One le 15 août 2025 à la base conjointe d'Andrews, dans le Maryland. (Getty Images via AFP)
Le président américain Donald Trump monte à bord d'Air Force One le 15 août 2025 à la base conjointe d'Andrews, dans le Maryland. (Getty Images via AFP)
Short Url
  • onald Trump et Vladimir Poutine se retrouvent à Anchorage pour leur premier sommet depuis 2019, avec pour objectif affiché de poser les bases d’un éventuel cessez-le-feu en Ukraine
  • L’inquiétude grandit à Kiev et en Europe, face à la possibilité que Trump accepte des concessions territoriales à Moscou, alors que la Russie exige le contrôle de plusieurs régions ukrainiennes et l’abandon de l’OTAN par Kyiv

Anchorage, États-Unis: Le 15 août 2025 restera-t-il dans l'Histoire comme le jour qui a scellé le sort de l'Ukraine, après trois ans de guerre? Donald Trump et Vladimir Poutine en décident vendredi, à l'autre bout du monde, en Alaska.

Le président américain a décollé pour Anchorage, où il doit rencontrer son homologue russe pour ce sommet capital.

"GROS ENJEUX!", a-t-il écrit sur sa plateforme Truth Social, peu avant de monter à bord d'Air Force One pour un vol de sept heures environ.

A croire Donald Trump, qui n'est pas homme à s'embarrasser de nuances, ce sera tout ou rien.

Il se fait fort de savoir en "cinq minutes" maximum si sa première rencontre en personne depuis 2019 avec le président russe sera un fiasco, ou si elle permettra d'esquisser une issue au plus sanglant conflit en Europe depuis la Seconde guerre mondiale.

Si tout se passe bien, le président américain, qui se rêve en lauréat du prix Nobel de la paix, assure que "cette rencontre va ouvrir la voie à une autre", à trois, incluant cette fois Volodymyr Zelensky.

Il a laissé entendre qu'un sommet tripartite pourrait se tenir très rapidement, et également en Alaska.

Mais à son arrivée à Anchorage, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, semblait plus réservé quant à l'issue de la rencontre au sommet.

"Nous ne faisons aucune prédiction", a déclaré à une télévision russe M. Lavrov, qui portait un sweat-shirt arborant ce qui paraît être l'inscription "URSS" en russe. "Nous savons que nous avons nos arguments et notre position est claire et sans ambiguïté. Nous la présenterons", a-t-il simplement ajouté.

- Attente -

Le vaste territoire de l'Alaska, lieu symbolique, a été cédé par la Russie aux Etats-Unis au XIXe siècle.

La base militaire d'Elmendorf-Richardson, où se tiendra le sommet, a joué un rôle stratégique très important pendant la Guerre froide.

Vendredi, le président ukrainien et les dirigeants européens en seront réduits à attendre que l'imprévisible président américain, comme il s'est engagé, les informe de la teneur de son tête-à-tête avec Vladimir Poutine.

Vladimir Poutine "a aujourd'hui l'occasion d'accepter un cessez-le-feu" en Ukraine, a souligné à quelques heures de la rencontre le chancelier allemand Friedrich Merz, pour qui "le président Trump peut maintenant accomplir un pas significatif vers la paix".

La réunion doit débuter vendredi vers 19H30 GMT. Le tête-à-tête des deux hommes sera suivi par un repas de travail, avec leurs conseillers.

Les présidents russe et américain donneront ensuite une conférence de presse, la première depuis une apparition commune devant les caméras en 2018 à Helsinki.

Pour Kiev et l'Europe, le pire scénario serait que Donald Trump, fasciné par l'exercice autoritaire du pouvoir de Vladimir Poutine, se laisse convaincre de redessiner la carte de l'Ukraine selon la volonté de Moscou.

- "Pas le malin" -

Le président américain a assuré jeudi que son homologue russe ne "ferait pas le malin" avec lui.

Ira-t-il toutefois jusqu'à agiter la menace de sanctions paralysantes contre la Russie pour arracher un cessez-le-feu et forcer Vladimir Poutine à revoir ses exigences, jugées inacceptables par Kiev ?

La Russie réclame que l'Ukraine lui cède quatre régions partiellement occupées (Donetsk, Lougansk, Zaporijjia et Kherson), en plus de la Crimée annexée en 2014, et qu'elle renonce aux livraisons d'armes occidentales et à toute adhésion à l'Otan.

Donald Trump, qui depuis l'invasion russe de février 2022 renvoie dos à dos les deux belligérants, sans jamais désigner la Russie comme l'agresseur, parle désormais de "donnant-donnant" en matière de concessions territoriales, d'"échange" ou de "partage".

Mais que peut "donner" ou "échanger" Vladimir Poutine, à l'heure où l'armée russe accélère sa progression en Ukraine, forçant les autorités ukrainiennes à évacuer des villages entiers dans la région de Donetsk (est)?

A plus de 800 km de la frontière commune, des drones ukrainiens ont touché dans la nuit une raffinerie de pétrole russe à Syzran, dans la région de Samara (sud), ainsi que la ville de Koursk proche de la frontière, tuant une personne, a affirmé l'Etat-major ukrainien sur Telegram.

Si le président russe et le président américain ont une obsession commune, celle de ne jamais apparaître en position de faiblesse, leurs approches des rapports de force internationaux sont bien différentes.

Pour Donald Trump, ancien promoteur immobilier devenu célèbre grâce à une émission de téléréalité, tout est affaire de négociation rapide, de marchandage rondement mené, pour arriver à un "deal" forcément avantageux pour lui.

- "En colère" -

Là où Vladimir Poutine, ancien du KGB formé à la guerre psychologique, raisonne à long terme, évoquant le destin historique d'une "grande Russie" qu'il voudrait reconstituer.

Cette divergence de tempérament a produit une relation très particulière entre les deux hommes, faite de poussées de tension et de rapprochements spectaculaires.

A une quinzaine de kilomètres de la base militaire, dans la ville d'Anchorage, quelques centaines de manifestants se sont réunis jeudi pour afficher leur soutien à l'Ukraine.

Garrett Myran, un vétéran de 40 ans, ne décolère pas de la venue du président russe, pour lui un "criminel de guerre" sous mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale - dont les Etats-Unis ne sont pas membres.

"Nous le recevons à bras ouverts et cela me met incroyablement en colère", a-t-il confié à l'AFP.


Mali: la junte dénonce un plan de déstabilisation soutenu par des "Etats étrangers", un Français arrêté

Les relations autrefois étroites de la France avec ses anciennes colonies de la région du Sahel en Afrique de l'Ouest se sont détériorées ces dernières années, lorsque des officiers militaires ont renversé des gouvernements civils. (FILE/AFP)
Les relations autrefois étroites de la France avec ses anciennes colonies de la région du Sahel en Afrique de l'Ouest se sont détériorées ces dernières années, lorsque des officiers militaires ont renversé des gouvernements civils. (FILE/AFP)
Short Url
  • La junte malienne annonce l'arrestation d'un ressortissant français, soupçonné de collaborer avec les services de renseignement français, dans le cadre d'une tentative présumée de déstabilisation des institutions
  • Plus de 50 militaires maliens, dont deux généraux, ont été arrêtés, la junte accusant des États étrangers d’avoir soutenu ce complot contre le régime en place

BAMAKO, MALI: Les autorités maliennes ont annoncé l'arrestation d'un Français soupçonné de travailler pour le "service de renseignement français" et ont accusé des "Etats étrangers" d'être derrière une tentative de déstabilisation des institutions, selon un communiqué lu à la télévision nationale jeudi.

La junte, elle-même arrivée au pouvoir après deux coups d'Etat en 2020 et 2021, s'est également exprimée sur les dizaines d'arrestations de militaires ces derniers jours, accusés de vouloir renverser le pouvoir.

Ce pays d'Afrique de l'Ouest, coutumier des troubles politiques, est dirigé par des militaires souverainistes dans un contexte de restrictions sévères des libertés par la junte et de violences jihadistes meurtrières sur le territoire.

Dans son communiqué, la junte a annoncé "l'arrestation d'un groupuscule d'éléments marginaux des forces armées de sécurité maliennes", qui cherchait selon elle à "déstabiliser les institutions de la République".

"Ces militaires et des civils" auraient obtenu "l'aide d'États étrangers", accuse le gouvernement malien.

Un ressortissant français a été arrêté, soupçonné de travailler "pour le compte des services de renseignement français", selon la junte malienne.

Par ailleurs, au moins 55 militaires auraient été arrêtés, selon des sources sécuritaires consultées par l'AFP.

"Les enquêtes judiciaires se poursuivent pour identifier d'éventuels complices", indique le gouvernement.

- Hauts gradés arrêtés -

La junte a confirmé l'arrestation de deux généraux, Abass Dembélé et Nema Sagara.

Le général Abass Dembélé est une figure très respectée au sein de l'armée. Cet ancien gouverneur de la région de Mopti (centre) a récemment été démis de cette fonction par la junte.

Les arrestations ont été menées principalement au sein de la garde nationale, un corps de l'armée malienne, a appris l'AFP de sources sécuritaires.

C'est notoirement le corps d'origine du ministre de la Défense, le général Sadio Camara, une des principales figures de la junte.

Plusieurs observateurs ont relevé que certaines des personnes arrêtées par les autorités sont des proches de M. Camara, mais celui-ci n'a pas été inquiété à ce jour.

Il y a deux jours, l'ancien Premier ministre civil du Mali, Choguel Kokalla Maïga, et plusieurs de ses anciens collaborateurs, ont été placés en garde à vue par le pôle économique et financier dans "le cadre des enquêtes sur leur gestion à la Primature".

Cet ancien poids lourd de la junte avait été nommé Premier ministre en 2021, avant d'être limogé fin 2024 après avoir émis des critiques contre celle-ci. Il avait notamment déploré avoir été tenu à l'écart des décisions sur le maintien aux commandes des généraux qui avaient initialement promis de rendre le pouvoir à des civils élus en mars 2024.

Aucun lien n'a été fait entre son arrestation et celles des militaires accusés de vouloir renverser le pouvoir.

Depuis 2012, ce pays sahélien fait face à une profonde crise sécuritaire nourrie notamment par les violences de groupes affiliés à Al-Qaïda et à l'organisation État islamique (EI), ainsi que de groupes criminels communautaires. Elle s'ajoute à une grave crise économique.

La junte, dirigée par le président Assimi Goïta, s'est détournée des partenaires occidentaux, notamment l'ancien colonisateur français, pour se tourner politiquement et militairement vers la Russie.

L'armée malienne et ses alliés, les mercenaires russes d'Africa Corps, chargés notamment de traquer les jihadistes, sont régulièrement accusés de commettre des exactions contre des civils.


Le Soudan frappé par la pire épidémie de choléra depuis des années, au moins 40 morts

Au moins 40 personnes sont mortes en une semaine au Darfour, dans l'ouest du Soudan, dans la pire épidémie de choléra que ce pays, en proie à la guerre civile, ait connue depuis des années, a annoncé jeudi Médecins sans Frontières. (AFP)
Au moins 40 personnes sont mortes en une semaine au Darfour, dans l'ouest du Soudan, dans la pire épidémie de choléra que ce pays, en proie à la guerre civile, ait connue depuis des années, a annoncé jeudi Médecins sans Frontières. (AFP)
Short Url
  • "En plus d'une guerre généralisée, les Soudanais font actuellement face à la pire épidémie de choléra que le pays ait connue depuis des années", a souligné MSF dans un communiqué
  • Cette maladie diarrhéique grave, transmise par l'eau et la nourriture contaminées, peut tuer en quelques heures sans traitement

TAWILA: Au moins 40 personnes sont mortes en une semaine au Darfour, dans l'ouest du Soudan, dans la pire épidémie de choléra que ce pays, en proie à la guerre civile, ait connue depuis des années, a annoncé jeudi Médecins sans Frontières.

Dans la seule région du Darfour, les équipes de MSF ont soigné "plus de 2.300 patients et enregistré 40 décès la semaine dernière en raison du choléra", a déclaré l'organisation.

"En plus d'une guerre généralisée, les Soudanais font actuellement face à la pire épidémie de choléra que le pays ait connue depuis des années", a souligné MSF dans un communiqué.

Cette maladie diarrhéique grave, transmise par l'eau et la nourriture contaminées, peut tuer en quelques heures sans traitement.

Selon l'Unicef, plus de 640.000 enfants de moins de cinq ans sont désormais menacés par la maladie dans le seul Etat du Darfour-Nord, où les combats font rage entre l'armée soudanaise et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) pour le contrôle de la ville d'El-Facher.

Depuis juillet 2024, environ 100.000 cas de choléra ont été recensés à travers le Soudan et la maladie se propage dans tous les Etats du pays, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Tawila, épicentre de l'épidémie 

Dans un pays où les combats verrouillent les axes principaux et paralysent la logistique, l'acheminement de l'aide humanitaire est devenu presque impossible. Les convois sont à l'arrêt et les réserves s'épuisent.

La saison des pluies, qui s'intensifie en août, pourrait aggraver la crise sanitaire.

La situation est la plus critique dans la localité de Tawila, au Darfour-Nord, où des centaines de milliers de Soudanais fuyant les combats autour d'El-Facher ont trouvé refuge après l'attaque en avril du camp voisin de Zamzam par les FSR.

"A Tawila, les habitants survivent avec une moyenne de seulement trois litres d'eau par jour, soit moins de la moitié du seuil minimum d'urgence de 7,5 litres par personne et par jour nécessaire pour boire, cuisiner et assurer l'hygiène, selon les recommandations de l'OMS", a indiqué jeudi MSF.

"Nous n'avons pas de toilettes, les enfants défèquent en plein air", confiait en début de semaine à l'AFP Mona Ibrahim, une femme déplacée à Tawila depuis deux mois.

Selon l'ONU, environ 300 enfants atteints de choléra ont été recensés dans cette ville depuis avril.

Les combats se sont intensifiés au Darfour depuis que l'armée a repris en mars le contrôle de Khartoum et les paramilitaires, qui assiègent El-Facher, tentent de s'emparer de cette ville, la seule capitale provinciale de la région encore tenue par l'armée.

"Dans les camps de déplacés et de réfugiés, les familles n'ont souvent pas d'autre choix que de boire de l'eau contaminée et beaucoup de gens attrapent le choléra", a déclaré Sylvain Penicaud, coordinateur de MSF à Tawila.

"Il y a deux semaines, un corps a été trouvé dans un puits dans l'un des camps. Il a été enlevé mais deux jours après, les gens ont été obligés de boire à nouveau cette eau", a-t-il ajouté.

La guerre au Soudan, qui a éclaté en avril 2023, a tué des dizaines de milliers de personnes, entraîné le déplacement ou la fuite à l'étranger de millions de Soudanais et provoqué ce que l'ONU décrit comme "la pire crise humanitaire au monde."