Au procès Sarkozy en appel, l'écho lointain des écoutes téléphoniques de la ligne «Bismuth»

Des conversations de 2014 entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog ont été pour la première fois diffusées publiquement (Photo, AFP).
Des conversations de 2014 entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog ont été pour la première fois diffusées publiquement (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 07 décembre 2022

Au procès Sarkozy en appel, l'écho lointain des écoutes téléphoniques de la ligne «Bismuth»

  • Les écoutes révèlent un changement radical, sur le fond comme sur la forme
  • Nicolas Sarkozy appelle son avocat en utilisant cette fois un de ses téléphones officiels

PARIS: Des voix surgies du passé, quelques grésillements et l'ébauche, selon l'accusation, d'un pacte de corruption: des conversations de 2014 entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog ont été pour la première fois diffusées publiquement, mardi, au procès en appel de l'affaire des "écoutes".

Deux petites enceintes murales et 24 fichiers sonores ont plongé la cour d'appel de Paris dans le cœur de ce dossier de corruption et trafic d'influence: les échanges entre l'ex-président et son avocat historique sur deux lignes officieuses ouvertes début janvier 2014 sous l'alias "Paul Bismuth".

En première instance, des raisons techniques avaient empêché leur diffusion et la perspective de les entendre mardi a drainé un large public, soumis pour l'occasion à des mesures drastiques. Chaque téléphone devait être éteint et glissé dans un sac de congélation fermé, distribué à l'entrée de la cour.

De ces échanges téléphoniques se dégage la grande proximité entre M. Sarkozy et son avocat et ami de longue date - "Ca va Thierry?", "Je t'embrasse mon Thierry"- et un petit jeu entre leurs lignes téléphoniques "officieuses" et officielles.

"Réponds sur ton téléphone (officiel, NDLR), parce que... qu'on ait l'impression d'avoir une conversation", glisse M. Sarkozy le 1er février sur la ligne "Bismuth". "D'accord, je réponds maintenant? Euh... On parle de quoi ?", demande son avocat. "Rappelle-moi en disant, tu m'as appelé", ajoute l'ex-président.

Sur le fond transparaît sa préoccupation concernant un pourvoi qu'il a alors déposé devant la Cour de cassation, afin d'invalider la saisie de ses agendas présidentiels dans le cadre de l'affaire Bettencourt.

Également prévenu dans ce dossier, Gilbert Azibert, alors avocat général à la Cour de cassation, aurait réussi à obtenir un avis confidentiel dans ce dossier et semble tenter de peser sur les délibérations dans un sens favorable à l'ex-président, selon ce qu'en rapporte au téléphone Me Herzog.

«J'ai été stupéfait»

L'ex-chef de l'Etat suit tout ça de près. "Gilbert, y a pas de nouvelles"?", "On n'a toujours pas de nouvelles de la Cour de cassation?", demande-t-il plusieurs fois à son avocat qui loue, en retour, les interventions de M. Azibert dans ce dossier.

"Voilà... Il a bossé hein", résume-t-il le 29 janvier.

Quelques jours plus tard, l'avocat rapporte à l'ex-président que M. Azibert convoite un poste dans la hiérarchie judiciaire à Monaco.

"Il me dit : j'ose pas demander. Peut-être qu'il faudrait que j'aie un coup de pouce. Ben, je lui ai dit tu rigoles avec ce que tu fais", dit Me Herzog.

"Non ben t'inquiète pas, dis-lui", lui répond Nicolas Sarkozy. "Appelle-le aujourd'hui en disant que je m’en occuperai parce que moi, je vais à Monaco". Un engagement qu'il réitérera le 25 février alors qu'il est en visite dans la Principauté. "Tu peux lui dire que, à midi, je ferai la démarche".

Le lendemain, les écoutes révèlent un changement radical, sur le fond comme sur la forme: Nicolas Sarkozy appelle son avocat en utilisant cette fois un de ses téléphones officiels ; son ton perd en spontanéité et il revient sur sa promesse d'user de ses réseaux pour soutenir M. Azibert.

"Alors, je t'avais dit que je le ferais. Et puis j'ai réfléchi, ça va paraître très bizarre", dit-il.

Selon les enquêteurs, ce revirement soudain serait lié au fait que M. Sarkozy et son avocat auraient appris que la ligne "Bismuth" était, elle aussi, sur écoutes, mais une enquête parallèle n'est pas parvenue à identifier une éventuelle taupe.

Une certitude: M. Azibert n'a pas décroché le poste à Monaco et la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. Sarkozy. Selon les prévenus, c'est la preuve que le pacte de corruption n'est qu'un "fantasme".

En fin de journée, la parole est revenue à Nicolas Sarkozy. L'ex-président s'est avancé vers la barre pour dire tout le mal qu'il pensait de ces interceptions, qu'il disait écouter "pour la première fois".

"La confidentialité entre un avocat et son client, on peut lui dire au revoir", a-t-il tonné. "En écoutant ça pendant deux heures, j'ai été stupéfait", a-t-il aussi dit, ajoutant: "J'ai senti physiquement une gêne".

Fin des débats prévue le 16 décembre.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.