Riyad et Pékin s'affirment comme des partenaires stratégiques globaux

Le président chinois, Xi Jinping, a été reçu par le roi Salmane. (Photo, SPA)
Le président chinois, Xi Jinping, a été reçu par le roi Salmane. (Photo, SPA)
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Publié le Samedi 10 décembre 2022

Riyad et Pékin s'affirment comme des partenaires stratégiques globaux

  • Accord sur l'harmonisation de la Vision 2030 avec l'initiative «la ceinture et la route» et la stimulation du commerce non pétrolier
  • L'approfondissement des relations avec la Chine ne signifie pas que le Royaume tourne le dos aux États-Unis, déclare le ministre saoudien des Affaires étrangères

RIYAD: L'Arabie saoudite et la Chine ont convenu de renforcer leurs relations stratégiques et d'élargir leurs relations commerciales lors de la visite d'État de trois jours du président chinois, Xi Jinping, au Royaume.

Xi et sa délégation se sont entretenus avec le roi Salmane, le prince héritier, Mohammed ben Salmane, et les responsables des principaux ministères, ce qui a donné lieu à 35 protocoles d'accord et à des transactions d'une valeur de 30 milliards de dollars américains (1 dollar américain = 0,95 euro).

Les deux parties ont signé un accord de partenariat stratégique global, s'engageant à soutenir les intérêts fondamentaux, la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'autre partie et à défendre le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États.

S'adressant aux médias à l'issue de la visite de Xi vendredi, le prince Faisal ben Farhane, ministre saoudien des Affaires étrangères, a indiqué que l'approfondissement des relations avec la Chine ne signifiait pas que le Royaume tournait le dos aux États-Unis et aux autres alliés occidentaux.

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La Chine est le premier partenaire commercial de l'Arabie saoudite. (Photo, SPA)

Il a affirmé: «L'objectif principal de l'Arabie saoudite est de savoir comment se développer économiquement, et grâce au travail avec les partenaires stratégiques, nous continuerons à trouver des moyens pour renforcer la coopération bilatérale avec tous.»

«Le Royaume est membre du G20 et a pour objectif de devenir l'une des 15 premières économies mondiales. Nous devons être ouverts à la coopération avec tout le monde.»

«Sans doute, la collaboration avec la deuxième plus grande économie du monde est essentielle à la croissance de l'Arabie saoudite, mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas continuer à travailler avec la plus grande économie du monde.»

«Nous nous efforçons de travailler avec toutes les grandes économies et bien d'autres dans le monde. En travaillant avec divers partenaires, cela assurera la transition du Royaume vers un autre niveau de croissance qui ne peut se produire en déclinant les opportunités d'un pays à l'autre.»

«Nous devons être ouverts à la coopération avec les autres et cela a été la philosophie du Royaume afin d’atteindre des intérêts mutuels.»

Au cours du sommet, l’Arabie saoudite a réaffirmé son adhésion au principe d'une seule Chine, tandis que la Chine a exprimé son soutien au Royaume dans le maintien de la sécurité et de la stabilité et a rejeté toute attaque visant les civils, les infrastructures civiles, les territoires et les intérêts saoudiens.

«Nous cherchons à renforcer notre partenariat stratégique global avec la Chine et à trouver des moyens de le développer au-delà du commerce», a signalé le prince Faisal. «Ce partenariat soutient le développement du Royaume et sert ses intérêts.»

En ce qui concerne les questions régionales et internationales, les deux parties ont salué le premier sommet Chine-CCG ainsi que le premier sommet arabo-chinois, qui se sont également tenus à Riyad vendredi.

Les deux pays ont souligné l'importance de renforcer la coopération par le biais du comité conjoint saoudo-chinois de haut niveau afin d'atteindre des objectifs communs, de renforcer la coopération et d'intensifier la communication entre les secteurs public et privé.

Les deux parties ont souligné l'importance de la stabilité des marchés pétroliers mondiaux et ont convenu d'explorer des opportunités d'investissement communes dans le domaine de la pétrochimie et de renforcer la coopération dans le domaine de l'énergie solaire, éolienne et d'autres sources d'énergie renouvelable.

Les deux délégations ont également convenu de coopérer dans les domaines des hydrocarbures, de l'efficacité énergétique, de la localisation des composants du secteur énergétique et des chaînes d'approvisionnement, en plus des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire et du développement de technologies telles que l'intelligence artificielle.

En particulier, les délégations ont souligné l'importance d'approfondir la coopération quant à l'initiative intitulée «la ceinture et la route», notamment la participation à des partenariats dans le domaine de l'énergie et de l'investissement et l'utilisation de la position du Royaume en tant que centre régional.

Les deux parties ont salué la signature du «plan d'harmonisation» entre le programme de réforme sociale et de diversification économique, la Vision 2030 du Royaume et l'initiative chinoise «la ceinture et la route».

Xi a annoncé le lancement de l'initiative «la ceinture et la route» — anciennement intitulée «une ceinture, une route» — en 2013.

L'initiative vise à relier les marchés et les fabricants d'Asie de l'Est à ceux d'Europe via un vaste réseau logistique et numérique traversant l'Asie centrale, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, dans une régénération moderne de l'ancienne route de la soie.

L'initiative chinoise «la ceinture et la route» et la Vision 2030 de l'Arabie saoudite lancée en 2016 par le prince héritier saoudien partagent le même objectif lié à la stimulation de l'interconnectivité par la coopération dans les domaines de l'énergie, du commerce, de l'investissement et de la technologie.

En Bref

  • Les responsables saoudiens et chinois ont signé un accord de partenariat stratégique global, s'engageant à soutenir les intérêts fondamentaux de chacun des deux pays.

 

  • Le prince Faisal ben Farhane, ministre saoudien des Affaires étrangères, a déclaré que l'approfondissement des relations avec la Chine ne signifiait pas que le Royaume tourne le dos aux États-Unis.

 

  • Le président chinois, Xi Jinping, et sa délégation ont participé vendredi à des sommets avec des représentants du CCG et des chefs d'État arabes.

La Chine est le premier partenaire commercial de l'Arabie saoudite. Selon l'agence de presse Reuters, le commerce bilatéral entre les deux pays a atteint 87,3 milliards de dollars en 2021, les exportations chinoises vers le Royaume atteignant 30,3 milliards de dollars et les importations chinoises en provenance d'Arabie saoudite s'élevant à 57 milliards de dollars.

Les principales exportations de la Chine vers l'Arabie saoudite sont le textile, les appareils électroniques et les machines, tandis que la Chine importe principalement du pétrole brut et des plastiques primaires du Royaume. Au cours des 10 premiers mois de 2022, les importations chinoises de pétrole saoudien ont atteint 1,77 million de barils par jour, pour une valeur de 55,5 milliards de dollars, selon les données des douanes chinoises.

Les deux délégations ont convenu d'augmenter le volume des échanges non pétroliers, d'accroître les investissements conjoints, d’amplifier la capacité des compagnies aériennes commerciales, de stimuler les investissements du secteur privé et de créer un environnement d'investissement attrayant.

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Les deux parties ont souligné l'importance de renforcer la coopération par le biais du comité conjoint saoudo-chinois de haut niveau afin d'atteindre des objectifs communs. (Photo, SPA)

Elles ont notamment convenu d'approfondir la coopération dans l'industrie automobile, les chaînes d'approvisionnement, la logistique, le dessalement de l'eau, les infrastructures, l'industrie manufacturière, l'exploitation minière et le secteur financier.

La délégation saoudienne a déclaré qu'elle espérait attirer l'expertise chinoise pour participer aux prochains mégaprojets du Royaume et que les entreprises chinoises ouvriraient des sièges régionaux en Arabie saoudite.

Les deux délégations se sont également félicitées des accords concernant l'énergie hydrogène, le système judiciaire, l'enseignement en langue chinoise, le logement, les investissements directs, la radio et la télévision, l'économie numérique, le développement économique, la standardisation, les médias d'information, l'administration fiscale et la lutte contre la corruption.

La délégation chinoise a également exprimé sa volonté d'approfondir la coopération en matière d'investissement dans l'économie numérique et le développement vert, de renforcer la coopération en matière de commerce électronique et d'explorer les moyens de coopération économique et commerciale conjointe avec l'Afrique.

En ce qui concerne le défi commun du changement climatique, la délégation chinoise a salué l'Initiative verte saoudienne et l'Initiative verte du Moyen-Orient du Royaume et a exprimé son soutien à l'application par l'Arabie saoudite de l'économie circulaire du carbone.

Les deux parties ont également convenu d'exhorter les pays développés à prendre au sérieux leurs responsabilités historiques, en s'acquittant de leurs obligations en réduisant fortement leurs émissions avant la date butoir. De même, elles ont convenu d’aider concrètement les pays en développement par un soutien financier, technique et de renforcement des capacités.

Les deux délégations ont souligné la nécessité de renforcer le partenariat dans les domaines des communications, de l'économie numérique, de l'innovation et de l'espace, afin de mettre en place une meilleure infrastructure numérique pour les générations futures dans les deux pays.

Elles ont également souligné l'importance de renforcer la coopération et l'action conjointe pour développer les secteurs du transport aérien et maritime, les modes de transport modernes et les chemins de fer et pour accélérer l'achèvement des études sur le projet de pont terrestre saoudien.

Les deux délégations ont affirmé leur détermination à développer la coopération en matière de défense dans le but de lutter contre le crime organisé, le terrorisme et la cybercriminalité.

Elles ont également insisté sur l'importance de renforcer la coopération en matière de santé pour lutter contre les menaces sanitaires et les pandémies actuelles et futures et ont convenu de développer la coopération dans les domaines du patrimoine, de la culture, du sport, du tourisme et de la science.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Survivants traumatisés et «conditions indignes»: récit de la première mission de l'ONU à El-Facher

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  • Tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) en octobre après 500 jours de siège, la ville est "le fantôme d'elle-même"
  • A sa demande, elle s'y est rendue sans escorte armée, avec une poignée de collègues

PORT-SOUDAN: Des survivants traumatisés vivant des "conditions indignes", sans eau ni assainissement: pour la première fois depuis le siège par les paramilitaires d'El-Facher dans l'ouest du Soudan, une équipe de l'ONU a pu se rendre sur place.

Tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) en octobre après 500 jours de siège, la ville est "le fantôme d'elle-même", "une scène de crime", a résumé dans un entretien lundi avec l'AFP la coordinatrice humanitaire Denise Brown, qui n'a été autorisée à passer que "quelques heures" sur place.

A sa demande, elle s'y est rendue sans escorte armée, avec une poignée de collègues.

"De larges parties de la ville sont détruites", raconte Mme Brown: El-Facher est devenue "l'un des épicentres de la souffrance humaine" dans la guerre qui oppose depuis avril 2023 l'armée régulière aux paramilitaires.

Accès "âprement négocié" 

Fin octobre, les FSR se sont emparées du dernier bastion de l'armée au Darfour lors d'une offensive sanglante marquée par des exécutions, pillages et viols.

Depuis, ils ont imposé un black-out sur la ville, l'isolant du monde. A l'exception de vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-mêmes, suscitant l'indignation internationale, très peu d'informations ont filtré.

Plus de 107.000 personnes ont fui, selon l'Organisation mondiale pour les migrations (OIM).

Vendredi, l'équipe onusienne a pu pénétrer dans la ville après avoir "négocié âprement", explique la responsable canadienne, chargée pour le Soudan du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha).

Elle décrit des survivants "traumatisés vivant sous bâches plastiques", dans des conditions qu'elle qualifie "d'indignes et dangereuses".

Impossible de donner des chiffres à ce stade sur combien sont restés sur place. "Nous n'avons pas encore assez d'informations", dit-elle, alors que la ville comptait avant la guerre plus d'un million d'habitants.

L'équipe pouvait se déplacer librement vers les sites sélectionnés: l'hôpital saoudien, des abris de déplacés et cinq bureaux abandonnés de l'ONU.

Le complexe hospitalier, l'un des derniers en ville, "tient encore debout" avec du personnel médical sur place, mais il est à court d'antibiotiques et d'équipements, et quasi vide de patients.

"Partie émergée de l'iceberg" 

Privée d'aide humanitaire, El-Facher s'est retrouvée à court de tout pendant les 18 mois de siège.

Pour survivre, les habitants se sont résolus à manger de la nourriture pour animaux. En novembre, l'ONU y a confirmé l'état de famine.

"Un petit marché" subsiste avec de minuscules paquets de riz, des tomates, oignons et patates, quelques biscuits: "les gens n'ont pas les moyens d'acheter davantage", a-t-elle décrypté.

L'équipe "n'a pu voir aucun des détenus, et nous croyons qu'il y en a", a précisé la responsable onusienne.

"Nous n'avons vu que la partie émergée de l'iceberg", a-t-elle admis, "soucieuse" d'éviter les zones jonchées de munitions non explosées et de mines, dans un conflit qui a déjà tué 128 travailleurs humanitaires.

Les analyses d'images satellites et les témoignages recueillis par l'AFP font régulièrement état d'exactions sommaires et de fosses communes dans la ville, mais la responsable a préféré réserver ses observations aux experts des droits humains de l'ONU, qui préparent un rapport sur les atrocités à El-Facher.

La guerre au Soudan a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné 11 millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".

 


Trois morts dans des manifestations des alaouites syriens contre le bombardement d'une mosquée

Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
 Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
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  • Des membres du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils, rapportent les médias d'État
  • Selon les autorités sanitaires, des dizaines de personnes ont été soignées pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres

LATTAKIEH: Trois personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées lors des manifestations des Alaouites de Syrie dans la ville côtière de Lattaquié dimanche.

Les responsables de la sécurité ont déclaré que les restes du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils lors des manifestations, a rapporté l'agence de presse nationale syrienne SANA.

Les autorités sanitaires régionales ont déclaré que 60 personnes avaient été blessées et que les hôpitaux traitaient les victimes pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres.

Deux ambulances ont été attaquées alors qu'elles intervenaient sur les lieux des incidents.

Le colonel Abdulaziz Al-Ahmad, chef de la sécurité intérieure à Lattaquié, a déclaré que des "éléments liés aux vestiges du régime déchu" participant aux manifestations ont attaqué le personnel de la sécurité intérieure, faisant plusieurs blessés et endommageant des véhicules.

Les manifestations ont eu lieu en réponse à l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes dans un quartier alaouite de la ville de Homs deux jours auparavant.

M. Assad a été chassé du pouvoir il y a un an, après qu'une offensive des forces d'opposition a mis fin à la guerre civile qui a décimé le pays.

Le nouveau président, Ahmad Al-Sharaa, s'efforce de stabiliser le pays, mais il y a eu des flambées de violence sectaire.

Les représentants du gouvernement affirment que les groupes restés fidèles au régime d'Assad, qui était dominé par la minorité alaouite, ont tenté d'inciter à la violence en utilisant les manifestations civiles comme couverture pour cibler le personnel de sécurité et endommager les biens publics.

Le colonel Al-Ahmad a déclaré que des individus armés et masqués affiliés à des groupes connus sous le nom de "Saraya Deraa Al-Sahel" et "Saraya Al-Jawad" étaient présents lors des manifestations de dimanche. Ces groupes ont déjà perpétré des assassinats ciblés et posé des explosifs le long d'axes routiers importants.

Des milliers de personnes ont participé aux manifestations de dimanche organisées par une autorité religieuse en réponse à l'attaque de la mosquée, a rapporté l'AFP.

Les forces syriennes ont ensuite été déployées pour disperser les partisans du gouvernement, selon un correspondant de l'AFP.

Les manifestations de dimanche ont été organisées à l'appel du chef spirituel alaouite Ghazal Ghazal, qui a exhorté samedi la population à "montrer au monde que la communauté alaouite ne peut être humiliée ou marginalisée" après l'attentat à la bombe de Homs.

L'attentat de vendredi a été revendiqué par un groupe extrémiste connu sous le nom de Saraya Ansar Al-Sunna.

Il s'agit de la dernière attaque en date contre cette minorité religieuse, qui est la cible de violences depuis la chute, en décembre 2024, de M. Assad, lui-même alaouite.


Le pari israélien sur le Somaliland : quels risques pour la région?

Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
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  • La situation stratégique du Somaliland près du Bab Al-Mandab fait craindre qu'une présence sécuritaire israélienne ne transforme la mer Rouge en poudrière
  • Les critiques soutiennent que la décision ravive la stratégie israélienne de "périphérie", encourageant la fragmentation des États arabes et musulmans pour un avantage stratégique

RIYAD: Les observateurs régionaux chevronnés ne seront peut-être pas surpris d'apprendre qu'Israël est devenu le premier et le seul État membre des Nations unies à reconnaître officiellement la République du Somaliland comme une nation indépendante et souveraine.

Le 26 décembre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar ont signé une déclaration commune de reconnaissance mutuelle avec le président du Somaliland, Abdirahman Mohamed Abdullahi.

Pour une région qui a existé dans un état de flou diplomatique depuis qu'elle a déclaré son indépendance de la Somalie en 1991, ce développement est, comme l'a décrit M. Abdullahi, "un moment historique". Mais sous la surface se cache un pari géopolitique calculé et à fort enjeu.

Si plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l'Éthiopie, la Turquie et les Émirats arabes unis, ont ouvert des bureaux de liaison dans la capitale, Hargeisa, aucun n'a voulu franchir le Rubicon de la reconnaissance officielle de l'État.


Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, assisté du ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar, signe le document reconnaissant officiellement la région séparatiste du Somaliland, le 26 décembre 2025. (AFP)
La décision d'Israël de rompre ce consensus international vieux de plusieurs décennies constitue une rupture délibérée avec le statu quo.

En prenant cette mesure, Israël s'est positionné comme le principal bienfaiteur d'un État qui cherche depuis longtemps à s'asseoir à la table internationale. Comme l'a déclaré à Arab News Dya-Eddine Said Bamakhrama, ambassadeur de Djibouti en Arabie saoudite, une telle décision est profondément perturbatrice.

"Une déclaration unilatérale de séparation n'est ni un acte purement juridique ni un acte politique isolé. Au contraire, elle entraîne de profondes conséquences structurelles, au premier rang desquelles l'aggravation des divisions internes et des rivalités entre les citoyens d'une même nation, l'érosion du tissu social et politique de l'État et l'ouverture de la porte à des conflits prolongés", a-t-il déclaré.

Les critiques affirment qu'Israël fait depuis longtemps pression pour un nouveau découpage de la région sous diverses formes.

La reconnaissance du Somaliland est considérée par beaucoup dans le monde arabe comme la poursuite d'une stratégie visant à affaiblir les États arabes et musulmans centralisés en encourageant les mouvements sécessionnistes périphériques.
Dans le contexte somalien, cette voie est perçue non pas comme un geste humanitaire, mais comme une méthode visant à saper les accords nationaux conclus dans le cadre d'une Somalie fédérale.

Selon l'ambassadeur Bamakhrama, la communauté internationale s'est toujours opposée à de telles initiatives afin de donner la priorité à la stabilité régionale plutôt qu'aux "tendances séparatistes dont l'histoire a maintes fois démontré les dangers et les coûts élevés".

En ignorant ce précédent, Israël est accusé d'utiliser la reconnaissance comme un outil pour fragmenter la cohésion régionale.

Par le passé, Israël a souvent justifié son soutien à des acteurs non étatiques ou à des groupes séparatistes en prétextant la protection de minorités vulnérables, comme les Druzes au Levant ou les Maronites au Liban.

Cette "doctrine de la périphérie" avait un double objectif : elle créait des alliés régionaux et soutenait la revendication d'Israël en tant qu'État juif en validant l'idée d'autodétermination ethnique ou religieuse.

Toutefois, dans le cas du Somaliland, les gants ne sont plus du tout de mise. Il ne s'agit pas ici de protéger une minorité religieuse, puisque le Somaliland est un territoire à forte majorité musulmane. Il s'agit plutôt d'un raisonnement purement géopolitique.

Israël semble rechercher une profondeur stratégique dans une région où il a toujours été isolé. M. Netanyahu a explicitement lié cette initiative à "l'esprit des accords d'Abraham", indiquant que les principaux moteurs sont la sécurité, le contrôle maritime et la collecte de renseignements plutôt que la démographie interne de la Corne de l'Afrique.

La première grande victoire d'Israël dans cette manœuvre est l'élargissement de son orbite diplomatique. On pourrait faire valoir que le refus du gouvernement fédéral de Mogadiscio d'adhérer aux accords d'Abraham constituait une barrière artificielle.


Des habitants brandissent des drapeaux du Somaliland alors qu'ils se rassemblent dans le centre-ville d'Hargeisa le 26 décembre 2025, pour célébrer l'annonce d'Israël reconnaissant le statut d'État du Somaliland. (AFP)
La preuve de cette affirmation, du point de vue israélien, est que le Somaliland - un territoire comptant près de six millions d'habitants et doté de ses propres institutions démocratiques - était désireux d'adhérer à l'accord.

M. Abdullahi a déclaré que le Somaliland rejoindrait les accords d'Abraham en tant que "pas vers la paix régionale et mondiale". Toutefois, cette paix s'accompagne d'une contrepartie évidente : la reconnaissance officielle.

Israël peut désormais affirmer que le "modèle du Somaliland" prouve que de nombreuses autres entités arabes et musulmanes sont disposées à normaliser leurs relations si leurs intérêts politiques ou territoriaux spécifiques sont satisfaits.

Cela remet en question la position unifiée de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique, qui maintiennent que la normalisation doit être liée à la résolution du conflit palestinien.


Le deuxième gain majeur pour Israël est la possibilité d'une présence militaire dans la Corne de l'Afrique. La position stratégique du Somaliland dans le golfe d'Aden, près du détroit de Bab Al-Mandab, en fait un lieu privilégié pour la surveillance du trafic maritime.

Il s'agit d'une bombe à retardement étant donné que de l'autre côté de cette mer étroite se trouve le Yémen, où le mouvement Houthi - dont le slogan est "Mort à Israël" - contrôle un territoire important.

Israël peut prétendre qu'une présence militaire ou de renseignement au Somaliland renforcera la sécurité régionale en contrant les menaces des Houthis sur la navigation. Toutefois, les voisins de la région craignent que cette présence n'attise les tensions.

L'ambassadeur Bamakhrama a prévenu qu'une présence militaire israélienne "transformerait effectivement la région en une poudrière".


"Si Israël décidait d'établir une base militaire dans un endroit géopolitiquement sensible, cela serait perçu à Tel-Aviv comme un gain stratégique dirigé contre les États arabes bordant la mer Rouge, à savoir l'Égypte, l'Arabie saoudite, la Somalie, le Yémen, le Soudan et Djibouti", a-t-il déclaré.

La mer Rouge est un "corridor maritime international vital" et toute modification de son équilibre géopolitique aurait des "répercussions bien au-delà de la région", a-t-il ajouté.

Cette reconnaissance constitue également une violation flagrante du droit international et du principe d'intégrité territoriale inscrit dans la Charte des Nations unies.

Si les partisans de la reconnaissance font état d'exceptions telles que le Sud-Soudan ou le Kosovo, il n'en reste pas moins que ces cas impliquaient des circonstances très différentes, notamment des conflits génocidaires prolongés et de vastes transitions sous l'égide des Nations unies.

En revanche, l'Union africaine a toujours affirmé que le Somaliland faisait partie intégrante de la Somalie.
 

La réaction a été rapide et sévère. La Ligue arabe, le Conseil de coopération du Golfe et l'OCI ont tous décrié cette décision. Même le président américain Donald Trump, qui a pourtant joué un rôle dans les accords d'Abraham, n'a pas approuvé la décision d'Israël.

Lorsqu'on lui a demandé si Washington suivrait le mouvement, M. Trump a répondu par un "non" catégorique, ajoutant : "Est-ce que quelqu'un sait vraiment ce qu'est le Somaliland ?"

Ce manque de soutien de la part de Washington souligne l'isolement de la position d'Israël. L'OCI et les ministres des affaires étrangères de 21 pays ont publié une déclaration commune mettant en garde contre de "graves répercussions" et rejetant tout lien potentiel entre cette reconnaissance et les projets de déplacement des Palestiniens de Gaza vers la région africaine.

La reconnaissance du Somaliland par Israël semble être un pari calculé visant à échanger des normes diplomatiques contre un avantage stratégique.

Alors que Hargeisa célèbre une étape longtemps attendue, le reste du monde y voit un dangereux précédent qui menace de déstabiliser l'un des couloirs les plus instables du monde.

Comme le dit l'ambassadeur Bamakhrama, l'établissement de tels liens "ferait d'Israël le premier et le seul État à rompre avec le consensus international" - une décision qui donne la priorité à des "calculs stratégiques étroits" plutôt qu'à la stabilité du système international.