2023, l’année des retrouvailles entre la France et le Maroc?

Le roi du Maroc Mohammed VI (à gauche) salue le président français Emmanuel Macron (à droite) alors qu'il part après l'inauguration d'une ligne à grande vitesse à la gare de Rabat le 15 novembre 2018. (Photo de CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / sources variées / AFP)
Le roi du Maroc Mohammed VI (à gauche) salue le président français Emmanuel Macron (à droite) alors qu'il part après l'inauguration d'une ligne à grande vitesse à la gare de Rabat le 15 novembre 2018. (Photo de CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / sources variées / AFP)
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Publié le Mercredi 04 janvier 2023

2023, l’année des retrouvailles entre la France et le Maroc?

2023, l’année des retrouvailles entre la France et le Maroc?
  • Paris sortirait de la zone grise et d’hésitation sur la reconnaissance pleine et entière de la souveraineté du Maroc sur son Sahara
  • Logiquement, ce tournant devrait accompagner la première visite d’État d’Emmanuel Macron dans le pays au cours du premier trimestre 2023

L’année 2022 aura été par excellence une année française, algérienne et tunisienne. La politique d’apaisement et le processus de réconciliation mémorielle avec Alger ont réalisé des progrès notables. Concernant la Tunisie, malgré les dérives  institutionnelles, Paris a tenu à apporter son soutien au nouveau régime que tente d’instaurer le président Kaïs Saïed.

Entre le Maroc et la France, une crise mutique s’est installée sur fond de divergences stratégiques. Mais au regard des indicateurs qui se sont accumulés récemment, l’année 2023 promet d’être celle des retrouvailles entre Paris et Rabat. Et pour cause. Un événement attendu devrait changer la donne: Paris sortirait de la zone grise et d’hésitation sur la reconnaissance pleine et entière de la souveraineté du Maroc sur son Sahara.

Logiquement, ce tournant devrait accompagner la première visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc au cours du premier trimestre 2023. Le fait de ne pas fixer de date précise pour ce déplacement présidentiel témoigne sinon de la permanence des divergences du moins de la poursuite des négociations entre les deux pays pour que la visite du président français soit la plus réussie possible et fasse bouger les lignes.

Dans le droit fil de la vision du roi Mohammed VI, qui considère comme allié ou ami tout pays reconnaissant la souveraineté du Maroc sur son Sahara, Paris est dans le viseur de cette sollicitude et de cette pression.

Lors de sa récente visite au Maroc, Catherine Colonna, ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères, a tenté de poser le cadre politique de la relation entre les deux pays, la jugeant favorable au Maroc. Mais les Marocains ont jugé la position française moins favorable que celle des États-Unis, qui reconnaissent ouvertement la «marocanité» du Sahara. D’autres pays, européens, comme l’Espagne ou de l’Allemagne, voient dans l’option de l’autonomie la seule solution politique à cette crise, ce qui devient de facto une reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur son Sahara.

Face à ces récents développements, Paris se cantonne dans sa perception de l’autonomie comme une sérieuse et crédible base de travail, mais pas seulement. La diplomatie française navigue dans le clair-obscur, ce qui lui permet de continuer à tenir le manche par le milieu et d’envoyer des messages dits de «distance et d’objectivité» à l’autre partie de ce conflit, le régime algérien.

Dans son bras de fer avec Paris, Alger a tracé une ligne rouge, afin que la France n’agisse pas comme l’administration américaine et conserve volontairement ce flou artificiel qui participe à cultiver l’impression que les rêves séparatistes du Polisario ne sont pas définitivement enterrés.

Dans le droit fil de la vision du roi Mohammed VI, qui considère comme allié ou ami tout pays reconnaissant la souveraineté du Maroc sur son Sahara, Paris est dans le viseur de cette sollicitude et de cette pression. D’autant plus qu’en termes d’implications économiques la France a occupé le haut du pavé, sans parler des relations humaines et culturelles qui reflètent une grande intimité franco-marocaine.

Officiellement, le Maroc ne pratique aucune forme de pression sur Paris.

Le Maroc a raison de peser de tout son poids pour convaincre la France d’intégrer le club des pays qui reconnaissent pleinement sa souveraineté sur son Sahara. S’il y parvient durant la prochaine visite d’Emmanuel Macron, il aurait accompli une gigantesque performance à destination de l’espace européen.

Depuis le Brexit, qui a vu la Grande-Bretagne larguer les amarres de l’Union européenne (UE) et la guerre entre l’Ukraine et la Russie, qui a dévoilé les faiblesses, les dépendances, et les limites du modèle allemand, la France est apparue comme la pays moteur, la puissance locomotive de l’UE. Elle pourrait ainsi susciter une position européenne commune sur le Sahara ou en empêcher l’élaboration.

Officiellement, le Maroc ne pratique aucune forme de pression sur Paris. Récemment, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a laissé à la diplomatie française la liberté de s’adapter. Face à son homologue française, Catherine Colonna, il a mis en avant deux éléments de réflexion et de persuasion. Le premier est que les ressorts internes de la société marocaine ont profondément changé. Le Maroc d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui des années 1990. Le second élément est la dynamique régionale et internationale autour de la discorde sur le Sahara. Tous les vents sont favorables au Maroc, qui bénéficie d’un très heureux alignement des planètes. Sa solution politique est celle que l’on discute avec sérieux dans tous les forums internationaux.

La visite d’Emmanuel Macron au Maroc est très attendue car elle peut paver le chemin en vue d’une solution régionale pour un conflit qui a longtemps menacé l’ensemble de la région, en étant une source permanente de déstabilisation et de menaces de conflits armés au Maghreb.

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

TWITTER: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.