Retraites: un jeudi «bras de fer» entre détermination du gouvernement et unité des syndicats

Des manifestants participent à une marche aux flambeaux organisée par le syndicat CGT pour protester contre le plan de réforme des retraites du gouvernement français, sur la Canebière à Marseille, dans le sud-est de la France, le 17 janvier 2023. La France devra faire face à des grèves dans différents secteurs le 19 janvier 2023, alors que les travailleurs se joindront à une grève nationale contre un plan de réforme des retraites largement impopulaire. (AFP).
Des manifestants participent à une marche aux flambeaux organisée par le syndicat CGT pour protester contre le plan de réforme des retraites du gouvernement français, sur la Canebière à Marseille, dans le sud-est de la France, le 17 janvier 2023. La France devra faire face à des grèves dans différents secteurs le 19 janvier 2023, alors que les travailleurs se joindront à une grève nationale contre un plan de réforme des retraites largement impopulaire. (AFP).
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Publié le Mercredi 18 janvier 2023

Retraites: un jeudi «bras de fer» entre détermination du gouvernement et unité des syndicats

  • Cette réforme, détaillée par la Première ministre, Élisabeth Borne, le 10 janvier, a fait l’objet de plusieurs séances de discussion avec les organisations syndicales
  • Le point de vue des syndicats pourrait se résumer ainsi: lors de chaque crise, le gouvernement place le curseur sur les plus fragiles et les plus démunis

PARIS: Il est d’ores et déjà clair que la colère va s’exprimer haut et fort dans les rues des villes et dans les entreprises françaises ce jeudi, jour de mobilisation générale contre la réforme des retraites. Il est également clair qu’il s’agit d’un véritable bras de fer entre un gouvernement déterminé à faire adopter cette réforme considérée comme la réforme phare souhaitée par le président Emmanuel Macron, et les syndicats, qui exigent son retrait pur et simple. 

Cette réforme, détaillée par la Première ministre, Élisabeth Borne, le 10 janvier, a fait l’objet de plusieurs séances de discussion avec les organisations syndicales. Aucun terrain d’entente n’a pu être établi. Face à ce blocage, Mme Borne a eu recours à la pédagogie, multipliant les apparitions médiatiques pour démontrer la nécessité de la réforme. 

Elle a également utilisé à des manœuvres politiques afin d’obtenir le soutien des députés du parti Les Républicains (la droite) et d’éviter le passage en force au Parlement, c’est-à-dire le recours à l’article 49.3 de la Constitution. Pour faire adopter la réforme, il lui faudra subir un baptême du feu face à la rue et aux syndicats. 

De leur côté, les huit organisations syndicales, ragaillardies par une colère populaire profonde liée à la perte du pouvoir d’achat, à l’inflation et au rejet du pouvoir, fourbissent leurs armes et affichent, contrairement à leur habitude, un front uni dans leur rejet de la réforme. 

«C’est un “non” ferme et catégorique», affirme le dirigeant de la CGT Paris (organisation syndicale de gauche), Karl Ghazi, à Arab News en français. Il précise qu’«aucun aménagement n’est possible» et que «le gouvernement doit retirer cette réforme», fondée, selon les milieux syndicalistes, sur des hypothèses erronées. 

Les raisons de ce rejet sont multiples et complexes. Pour commencer, la menace de faillite du régime des retraites brandie par le gouvernement pour retarder l’âge du départ à la retraite de 62 à 64 ans est assurément contestable, affirme M. Ghazi. Le gouvernement prétend que le régime des retraites, qui est «encore excédentaire pour le moment», va rapidement «devenir déficitaire». La réponse du dirigeant de la CGT Paris est claire: «C’est complètement faux, parce que le niveau de déficit prévu par le Conseil d’orientation des retraites [COR] pour 2032 est un déficit très faible.» 

Les retraites, explique M. Ghazi, représentent 14% du produit intérieur brut (PIB) et le niveau de déficit est inférieur à 1% du PIB. «On est donc loin de la logique de faillite» annoncée par l’État, selon lui. Il en est de même pour l’hypothèse qui prévoit un rebond du chômage à 9% en 2027/2028 sur une constante du sous-emploi des femmes, «comme si c’était une fatalité». 

«Ils prennent toujours les hypothèses les plus pessimistes pour avancer un scénario qui va dans le sens de ce qu’ils proposent et refusent d’envisager d’autres hypothèses que celle de l’allongement de la durée de cotisation et de l’âge de départ à la retraite», soutient-il. 

Parmi ces hypothèses, Ghazi cite l’exonération de cotisations dont bénéficient les entreprises sur les cotisations sociales, un sujet «qui n’est pas abordé, alors que ces exonérations font partie du manque à gagner pour le régime des retraites, de même que l’idée d'augmenter les cotisations des entreprises». 

Pour expliquer la position du gouvernement et sa détermination sans faille à faire passer la réforme, M. Ghazi affirme que «le gouvernement et le patronat français se basent sur une hypothèse – par ailleurs réaliste – qui est le ralentissement durable du niveau de croissance». 

Ainsi, «pour préserver les profits, voire les augmenter, il faut comprimer les salaires et les droits sociaux». 

La liste des griefs est longue et complexe, mais le point de vue des syndicats pourrait se résumer ainsi: lors de chaque crise, le gouvernement place le curseur sur les plus fragiles et les plus démunis. Il est donc logique de se demander si cette journée de mobilisation ne va pas cette fois déboucher sur un mouvement de colère généralisé ou même de blocage du pays. 

À ce propos, M. Ghazi estime que la journée du 19 janvier sera probablement un succès, «mais la question de la suite du mouvement et de la façon dont il va s’inscrire dans la durée se pose». Certes, cette journée sera déterminante, mais «ce n’est pas une grosse manifestation qui va faire reculer un gouvernement très déterminé» au sujet de sa réforme, explique le syndicaliste. 

Les paramètres de la poursuite du mouvement sont nombreux. Il y a d’une part le niveau de suivi des appels à la grève dans les entreprises, notamment dans le secteur privé. Il faudra également, pour tenir tête au gouvernement, une mobilisation très large de la société. 

Il sera en outre nécessaire que les partis de gauche parviennent à parler d’une voix unie – ce qui semble bien parti pour l’instant – et qu’ils coordonnent leurs efforts avec les organisations syndicales. Le mouvement associatif devra aussi donner de la voix pour contribuer à créer une dynamique susceptible de pousser la population à aller dans la rue. «Tous ces facteurs sont difficiles à estimer aujourd’hui», confie M. Ghazi. 

En ce qui concerne la perspective d’une unité syndicale durable, le dirigeant de la CGT Paris estime qu’elle dépendra de l’ampleur de la dynamique créée par le mouvement. Plus la mobilisation sera importante, plus il sera difficile de rompre cette unité. Rappelons que des sondages estiment que le rejet de la réforme est partagé par 80% de la population française. 


Macron met en garde contre la mort de l'Europe

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Le président français a évoqué une Europe «dans une situation d'encerclement» face aux grandes puissances régionales
  • Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a appelé l'UE à renforcer encore sa défense au sein de l'Otan

PARIS: "Notre Europe est mortelle, elle peut mourir". Emmanuel Macron a dressé jeudi un portrait alarmiste à un mois et demi d'élections européennes compliquées pour son camp, en exhortant à un sursaut des Vingt-Sept pour bâtir une "Europe puissance" et une défense "crédible".

"Cela dépend uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant" car "à l'horizon de la prochaine décennie, (...) le risque est immense d'être fragilisé, voire relégué", a-t-il asséné devant 500 invités, dont les ambassadeurs des 26 autres Etats membres de l'UE, des étudiants, des chercheurs et le gouvernement au complet.

Le président français a évoqué dans un discours-fleuve une Europe "dans une situation d'encerclement" face aux grandes puissances régionales et a jugé que les valeurs de la "démocratie libérale" étaient "de plus en plus critiquées" et "contestées".

"Le risque, c'est que l'Europe connaisse le décrochage et cela, nous commençons déjà à le voir malgré tous nos efforts", a averti le chef de l'Etat, en plaidant pour une "Europe puissante", qui "se fait respecter", "assure sa sécurité" et reprend "son autonomie stratégique".

Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a annoncé qu'il inviterait les Européens à se doter d'un "concept stratégique" de "défense européenne crédible", en évoquant la possibilité pour elle de se doter d'un bouclier antimissiles.

Il a aussi appelé l'Europe à renforcer son industrie de défense et plaidé pour un "emprunt européen", sujet tabou notamment en Allemagne, pour investir dans l'armement en appliquant le principe de "préférence européenne".

Entrée en campagne

Face aux débats sur l'immigration portés par la droite et l'extrême droite, il a affirmé que l'UE devait "retrouver la maîtrise" de ses "frontières" et "l'assumer", proposant "une structure politique" continentale pour prendre des décisions sur les sujets de migration, de criminalité et de terrorisme.

Sur le plan économique, pour aboutir à une "Europe de prospérité", Emmanuel Macron a défendu un "choc d'investissements commun", en doublant la capacité financière de l'UE pour faire face aux défis de défense, climatique, numérique et industriel.

Devant les pratiques commerciales chinoises et américaines, le président français a également demandé une "révision" de la politique européenne "en défendant nos intérêts".

"Ca ne peut pas marcher si on est les seuls au monde à respecter les règles du commerce telles qu'elles avaient été écrites il y a 15 ans, si les Chinois, les Américains, ne les respectent plus en subventionnant les secteurs critiques", a-t-il déclaré.

Réagissant peu après, le chancelier allemand Olaf Scholz, pas toujours sur la même longueur d'ondes que son homologue, a salué les "bonnes impulsions" du discours pour que "l'Europe reste forte" et promis de continuer à la "faire avancer ensemble".

Le discours d'Emmanuel Macron est largement considéré comme une entrée en campagne du chef de l'Etat français, alors que son camp patine à six semaines des élections européennes du 9 juin, pour lesquelles le Rassemblement national (RN, extrême droite) fait largement course en tête.

Selon un récent sondage Opinionway, la liste de la majorité présidentielle, à 19%, se situait toujours loin derrière celle du RN (29%), mais gardait une nette avance sur celle des socialistes (12%).

"Sur la scène européenne, cela fait sept ans qu'Emmanuel Macron confond ses incantations et ses gesticulations avec des réalisations", a ironisé Marine Le Pen, cheffe de file des députés du RN, sur X, accusant le chef de l'Etat de "brader des pans entiers de souveraineté" nationale.

Le palais présidentiel de l'Elysée a réfuté toute tactique électoraliste et affirmé que M. Macron ambitionnait d'"influer sur l'agenda" de la prochaine Commission européenne à l'issue des élections de juin.

Une légitimité qui sera mesurée à l'aune des réactions européennes. Et aux retours des Français, qui estiment à 57% que le président n'a pas eu "d'influence réelle" sur l'UE depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi.

Vendredi, le président prendra aussi la température lors d'un échange avec des étudiants à Strasbourg (Est), où il signera un nouveau contrat triennal pour conforter la stature européenne de la capitale alsacienne qui accueille le parlement européen.

 

 


UE: une majorité de Français doute de l'influence réelle de Macron, selon un sondage

Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
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  • 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas «s'impliquer davantage dans la campagne» car «ce n'est pas son rôle en tant que président de la République»
  • Pour autant 61% des Français jugent qu'une «défaite nette» de la liste Renaissance serait un «échec personnel» pour le président

PARIS: Une majorité de Français (57%) doute de l'influence réelle d'Emmanuel Macron sur le fonctionnement et les décisions prises par l'Union européenne depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi pour BFMTV.

Alors qu'Emmanuel Macron va mettre en avant son bilan européen lors d'un discours jeudi matin à la Sorbonne, seuls 42% des Français estiment que le chef de l'État a eu "une influence réelle sur le fonctionnement et les décisions prises par l’Union européenne" depuis 2017.

L'électorat d’Emmanuel Macron porte un regard très positif sur son rôle (70%), alors que la majorité des électeurs de gauche (56%) et d'extrême droite (68%) sont plutôt négatifs.

A un mois et demi des européennes, 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas "s'impliquer davantage dans la campagne" car "ce n'est pas son rôle en tant que président de la République".

Pour autant 61% des Français jugent qu'une "défaite nette" de la liste Renaissance serait un "échec personnel" pour le président.

En cas de large défaite du camp présidentiel, une majorité (61%) souhaite qu'Emmanuel Macron "change significativement d'orientation politique", une opinion partagée par 43% des électeurs du président au premier tour de l'élection présidentielle en 2022.

Pour autant, seule une minorité de Français (46% contre 54%) réclame une dissolution de l’Assemblée nationale et l'organisation d'élections législatives anticipées. Encore moins (39% contre 61%) souhaitent un changement de Premier ministre.

Si 58% des sondés déclarent tenir compte avant tout d'enjeux de politique européenne dans leur décision de vote, 41% concèdent qu'ils feront leur choix avant tout sur des enjeux nationaux, surtout parmi les électeurs RN (61%).

Ce sondage a été réalisé par internet du 23 au 24 avril à partir d'un échantillon de 1.001 personnes, représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. Selon les résultats, la marge d'erreur est comprise entre +/- 1,4 point et +/-3,1 points.


Evénements climatiques extrêmes: la Croix-Rouge souhaite un sac d'urgence par Français

Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
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  • Le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge
  • «75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule», selon un sondage OpinionWay

PARIS: Un "sac d’urgence" pour chaque Français en cas d’évacuation face aux événements climatiques extrêmes: c’est l’une des préconisations de la Croix-Rouge française dans un rapport sur la résilience de la société française, qui fait état d'un manque de préparation.

Canicule, sécheresse, incendies de forêt, inondations: le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge, en collaboration avec le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), publiée jeudi.

"75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule", selon un sondage OpinionWay pour la Croix-Rouge française.

"La préparation face aux crises est l'affaire de tous. Elle concerne bien entendu les pouvoirs publics, mais aussi les acteurs associatifs et privés, ainsi que les citoyens", déclare à l'AFP Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française.

Pour affronter "l’inévitable", l’association a dix recommandations. Dont la constitution du "Catakit", un sac d'urgence par personne, prêt en cas d'évacuation et comprenant par exemple de la nourriture non périssable, de l'eau, une trousse de secours, des vêtements et une lampe torche, pour attendre l'arrivée de l'aide.

"Seuls 11% des Français disposent d’un sac d’urgence prêt, et moins de la moitié connaît les objets indispensables qu’il faut y glisser", détaille le sondage OpinionWay.

Autre recommandation: la formation aux gestes et aux comportements qui sauvent. "On estime aujourd’hui à seulement 40% le nombre de Français ayant récemment suivi une formation aux gestes qui sauvent, contre 95% Norvège ou 80% en Allemagne", note le rapport.

Or, rappelle la Croix-Rouge, "si les individus sont informés et formés, l’impact des événements climatiques extrêmes sur les populations sera moindre et les dégâts matériels réduits".

L'association suggère que chaque Français ait a minima connaissance des réflexes vitaux: "savoir identifier les alertes sonores, avoir les bons comportements en cas de catastrophes" en plus de la maîtrise des gestes qui sauvent.

"Les événements climatiques extrêmes se manifestent de manière plus fréquente, plus intense, plus longue, et plus étendue géographiquement, rappelle Philippe Da Costa. "Tous les territoires de l'Hexagone et d’Outre-mer sont concernés".

Pour la Croix-Rouge, "il n’y a pas de fatalité". "Se préparer pour savoir comment agir avant les crises et comment réagir pendant les crises" pourra limiter l'impact des évènements climatiques extrêmes sur les populations.