Avant tout contact avec les Palestiniens, Israel doit d'abord se poser les questions qui fâchent

Des manifestants palestiniens participent à une manifestation contre le ministre israélien d'extrême droite de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, devant le siège du Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient (UNSCO), à Gaza, le 11 janvier 2023. (Photo de MOHAMMED ABED / AFP)
Des manifestants palestiniens participent à une manifestation contre le ministre israélien d'extrême droite de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, devant le siège du Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient (UNSCO), à Gaza, le 11 janvier 2023. (Photo de MOHAMMED ABED / AFP)
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Publié le Vendredi 03 février 2023

Avant tout contact avec les Palestiniens, Israel doit d'abord se poser les questions qui fâchent

Avant tout contact avec les Palestiniens, Israel doit d'abord se poser les questions qui fâchent
  • Que pensait Itamar Ben-Gvir? Pensait-il que les Palestiniens allaient tout simplement partir
  • Le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, est dans la région pour tenter de faire revivre l'ancienne solution à deux États. Cependant, il n'a pas d'interlocuteurs

À la suite de l'attaque qui a fait sept morts israéliens dans une colonie de Jérusalem-Est la semaine dernière, Gideon Levy a affirmé dimanche dans une tribune du journal Haaretz: «Que pensiez-vous? Que le meurtre de 146 Palestiniens en Cisjordanie en 2022, selon B’Tselem, pour la plupart des non-combattants, serait docilement accepté? Que le meurtre de près de 30 personnes à ce jour et au cours de ce seul mois se passerait tranquillement?»
Que pensait Itamar Ben-Gvir? Pensait-il que les Palestiniens allaient tout simplement partir? Qu'il pourrait provoquer une autre Nakba et que les gens partiraient tout simplement? En fait, les gens ne partiront pas. Ils répondront. Ils résisteront à un plan visant à les déplacer, et leur réaction sera violente.
Les informations que le gouvernement dirigé par Benjamin Netanyahou a tenté de retirer de cette attaque sont sorties de leur contexte. Ils essaient de la montrer comme un acte terroriste sans rapport avec ce qui se passe sur le terrain. Ils essaient de la séparer des tueries qui se sont produites à Jénine. Cette attaque a été unanimement condamnée au Conseil de sécurité de l'ONU, tandis que les dirigeants du monde se sont précipités pour exprimer leur condamnation de l’attaque, ainsi que leur solidarité avec le peuple israélien. Netanyahou a déclaré qu'il renforcerait les colonies, donnerait davantage de licences d'armes aux colons et, bien sûr, qu’un plus grand nombre de maisons seraient démolies. Mais cela résout-il le problème?
Le militant pour la paix Daniel Seidemann a publié la vidéo d'une certaine Hananya Naftali réagissant à l'attaque en disant que les Palestiniens doivent savoir que «c'est notre terre, pas la vôtre». Seidemann, dans son tweet, a déclaré que cette personne lui faisait peur à cause du «zeitgeist» (l’esprit du temps) qu'elle représente, la mentalité de gens comme Ben-Gvir qui veulent expulser de force les Palestiniens de leurs maisons. L'ONU a fait état de 849 attaques de colons contre des Palestiniens en Cisjordanie en 2022. Face à ces attaques, quelle devrait être la réaction des Palestiniens? Il est cependant très surprenant que le jeune garçon qui a commis l'attaque soit le petit-fils d'un Palestinien qui a été poignardé à mort par un colon juif en 1998. Cela vous dit-il quelque chose?
Condamner l'attaque contre la colonie de Jérusalem-Est ne suffit pas. En fait, cela n’est qu’un discours stérile. Il faut résoudre le problème à la racine. Cela sera-t-il possible avec le gouvernement actuel, dont l'un des principaux objectifs est d'accroître les colonies?
Ben-Gvir fait de son mieux pour provoquer les Palestiniens. Que veut-il? À quoi veut-il aboutir? Annexer la Cisjordanie et expulser les Palestiniens vers la Jordanie? Les Palestiniens ne partiront pas. Ils ont retenu la leçon en 1948 et 1967. Comme cela a déjà été dit, tous ces pogroms ne feront qu'accroître la ténacité et l'attachement des Palestiniens à leur terre.
Le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, est dans la région pour tenter de faire revivre l'ancienne solution à deux États. Cependant, il n'a pas d'interlocuteurs. L'Autorité Palestinienne est dans l’incapacité de le faire, donc n'est pas un interlocuteur. Du côté israélien, il y a un Premier ministre dont l'objectif principal est de rester hors de prison. Par conséquent, il est lui-même l'otage des extrémistes comme Ben-Gvir et Bezalel Smotrich.
D'un autre côté, les Accords d'Abraham se sont révélés inefficaces pour dissuader Israël de sa politique inéquitable envers les Palestiniens. Israël augmentera ses transgressions dans les territoires occupés et essaiera d'utiliser tous les rouages de son information pour présenter toute réaction comme un acte motivé par la haine des juifs. Mais où s'arrêtera-t-il? Que veulent des gens comme Ben-Gvir et Naftali, qui sont représentatifs de l'extrême droite grandissante en Israël ?

 

Condamner l'attaque contre la colonie de Jérusalem-Est ne suffit pas. Il faut résoudre les problèmes à la racine.

Dr Dania Koleilat Khatib

L'objectif principal des gouvernements israéliens précédents était de maintenir le statu quo. Ils savaient que le statu quo était leur meilleur pari. Supprimer les colonies et permettre la création d'un État palestinien opérationnel entraînerait des problèmes internes. L'annexion était également un problème parce qu'elle signifiait une confrontation avec la communauté internationale et le non-respect de tous les concepts de démocratie, alors qu'Israël se targue d'être la seule démocratie au Moyen-Orient. Leur meilleure option était de geler le conflit tout en faisant semblant d’aller dans le sens de la communauté internationale, et en insistant sur le fait qu'Israël souhaitait une solution à deux États.
Dans le même temps, Israël dispose de l'Autorité palestinienne, qui n'a aucune autorité propre, pour l'aider à garder les Palestiniens sous contrôle. Cela semblait être la meilleure solution pour éluder ou reporter l'importante question que les Israéliens doivent un jour se poser: qui sommes-nous et que voulons-nous être? Aussi simple que cela puisse paraître, c'est une question à laquelle il est très difficile de répondre.
Afin d'arrêter cette escalade et avant de s'adresser aux Palestiniens, Israël devrait se demander: que voulons-nous en tant qu'Israéliens? Une fois qu'ils auront répondu à cette question, ils devront en poser une autre. Démolir les maisons palestiniennes et expulser les gens pour construire des colonies permet-il d'atteindre cet objectif? Jusqu'à présent, les Palestiniens n'ont manifesté aucune intention de quitter leur terre. Ils resteront et persisteront. Alors, qu'est-ce qu'Israël y gagnera? Plus d'effusion de sang, une société plus militarisée et puis quoi? En outre, Israël devrait faire attention au fait que l'opinion publique change. Qu’ils regardent la couverture du New York Times pour en deviner la tendance.
Il pourrait être difficile d'utiliser ce raisonnement avec des idéologues comme Ben-Gvir. Cependant, même ceux qui semblaient rationnels et pragmatiques, comme Yair Lapid, n'ont pas eu le courage de prendre des décisions pendant qu'ils étaient au pouvoir. Où cela mène-t-il les Israéliens? Cela les mène à une escalade qui ne fera que reporter leur besoin de se poser cette question existentielle: Qui sommes-nous? Avant de faire face aux Palestiniens, les Israéliens devraient se faire face eux-mêmes et décider qui ils veulent être. Sans se décider collectivement sur qui ils veulent être, ils ne peuvent avoir aucune discussion avec les Palestiniens.
 

La Dr Dania Koleilat Khatib est spécialiste des relations américano-arabes, en particulier sur les groupes de pression. Elle est présidente du Research Center for Cooperation and Peace Building (Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix), une ONG libanaise axée sur la diplomatie parallèle (Track II).

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com