DUBAÏ: Les profonds changements qui bouleversent les lois sur la propriété des entreprises et les investissements étrangers aux Émirats arabes unis (EAU) pourraient très bien devenir le propulseur de la relance économique. Ces développements surviennent au moment où le pays tente de trouver un moyen de gérer les ravages causés par les mesures de confinement relatives au coronavirus, ont déclaré des experts en affaires à Arab News.
Les autorités émiraties ont annoncé une série de changements qui impliquent un assouplissement des restrictions sur la propriété étrangère, en facilitant la création et le fonctionnement des entreprises internationales aux EAU. De nouvelles règles ont aussi été introduites pour autoriser plus d'actions dans les bourses du pays.
L'économiste Nasser Saidi a affirmé: «La libéralisation des lois sur la propriété étrangère fait surement franchir les principaux obstacles au droit d'établissement. Cette réforme changera forcement la donne.»
Tarek Fadlallah, PDG de Nomura, une firme de Gestion d'actifs au Moyen-Orient, dit vouloir «en savoir plus, mais si l'accord permet aux investisseurs de quitter Londres ou New York pour s’installer facilement aux EAU, cela serait en effet révolutionnaire.»
Les changements ont été annoncés sous la forme d'un décret présidentiel. «C'est peut-être lié à la pandémie, mais toutes les décisions prises par les autorités des Émirats arabes unis cette année ont été extrêmement positives pour le milieu commercial et financier», a ajouté Fadlallah.
Dans le cadre de ces changements, les entreprises qui veulent coter des actions sur les marchés des EAU pourront inscrire jusqu'à 70 % de leurs actions. C’est un grand bond par rapport à la précédente limite de 30 %, une mesure qui pourrait redynamiser les marchés boursiers locaux.
«Ceci n’impulsera pas seulement les investissements directs étrangers, cela conduira également à une recapitalisation des entreprises communes et incitera les entrepreneurs à investir dans des entreprises existantes ainsi que dans de nouvelles sociétés. Cela encouragera surtout la rétention de l'épargne aux EAU », a ajouté Saidi.
L’élément le plus frappant de ces changements prévus est la décision de permettre aux entreprises étrangères de s'établir en dehors des zones franches, et ce sans avoir besoin d'un actionnaire émirati majoritaire ou d'un agent.
La nouvelle règlementation ouvre en théorie la voie à la pleine propriété étrangère dans l'ensemble des Émirats arabes unis, bien que les autorités émiraties aient été pragmatiques dans le passé dans leurs efforts afin d’attirer des entreprises étrangères de renommé internationale. Apple, à titre d’exemple, a obtenu la pleine propriété étrangère lorsque la compagnie a ouvert son premier magasin dans le pays il y a cinq ans.
Un plus grand nombre d’entreprises étrangères qui s’installent sur terre pourrait être considéré comme une menace pour le modèle de la zone franche, qui a été l’une des forces motrices du progrès des EAU pour devenir un centre commercial régional.
Habib Al-Mulla, président exécutif du cabinet d'avocats Baker & McKenzie Habib Al-Mulla, a déclaré: «Les zones franches se retrouvent face à un véritable défi. Soit ils proposent une nouvelle gamme d'incitatifs, soit leur rôle prend fin».
D'autres changements proposés représentent également une rupture avec la culture d'entreprise traditionnelle de la région. Les règles qui exigent qu'un chef d'entreprise soit citoyen et que le conseil d'administration soit majoritairement émirati ont, de plus, été annulées.
En outre, le décret permet aussi la révocation d'un président ou de tout autre membre du conseil d'administration si un jugement judiciaire est rendu à leur encontre pour fraude ou abus de pouvoir, tout en permettant aux parties prenantes de poursuivre une société devant un tribunal civil pour tout manquement à ses obligations entraînant des dommages.
Le vote électronique sera également autorisé lors des assemblées d'actionnaires, en dérogation d'un vote physique à main levée.
«Le décret reflète la vision des EAU qui veut ouvrir son économie en créant un environnement législatif favorable qui suivra le rythme des changements en cours dans l'économie mondiale et soutiendra les entreprises opérant dans le pays», a déclaré l'agence de presse officielle des EAU, WAM.
Certains secteurs considérés comme d'importance stratégique - tels que l'énergie, les services publics et les entreprises publiques - seront exemptés de ces nouvelles règles; une certaine marge de manœuvre est accordée aux autorités locales pour fixer les mesures concernant les administrateurs émiratis et déterminer les honoraires et les charges payables en vertu de ces nouvelles réglementations.
Les changements de cette semaine sont les derniers d'une série de réformes accélérées aux EAU depuis que la récession de la pandémie de la Covid-19 a frappé une économie qui marche déjà au ralenti.
De nouvelles règles concernant les visas de résidence ont été introduites dernièrement pour atténuer les problèmes du marché immobilier, en particulier à Dubaï. Elles s’accompagnent d’une série de développement dans les réformes sociales et les modes de vie. «En plus des changements relatif à la réglementation des visas, les nouvelles réformes stimuleront nécessairement les perspectives de croissance des EAU», a déclaré Saidi.
Ziad Daoud, économiste en chef des marchés émergents chez Bloomberg à Dubaï, a cependant révélé que: «La diversification des marchés boursiers hors pétrole nécessite d'attirer les investissements étrangers et de corriger ainsi la vision déformée du marché du travail. La plupart des autres mesures sont superficielles. Nous verrons comment elles seront mises en œuvre, mais l'évaluation initiale des nouvelles réglementations reste toutefois positive».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com