Cisjordanie: Le conflit israélo-palestinien s'intensifie en dépit de la médiation américaine

Les dirigeants palestiniens mettent en garde contre une nouvelle intifada suivant la dernière flambée de violence (Photo, AFP).
Les dirigeants palestiniens mettent en garde contre une nouvelle intifada suivant la dernière flambée de violence (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 02 mars 2023

Cisjordanie: Le conflit israélo-palestinien s'intensifie en dépit de la médiation américaine

  • Les discussions en Jordanie entre les hauts responsables sécuritaires israéliens et palestiniens n'ont guère contribué à apaiser les tensions
  • Brett McGurk, coordinateur américain du Conseil national de sécurité pour la région MENA, est chargé d'arrêter l'escalade des hostilités

AMMAN: Les affrontements persistants en Cisjordanie entre Palestiniens et colons israéliens ont contraint la communauté internationale à intervenir. Mais les pourparlers menés en Jordanie entre de hauts responsables sécuritaires israéliens et palestiniens semblent avoir peu contribué à apaiser les tensions ou à mettre un terme aux hostilités.
Au cours d'un sommet tenu dimanche dans la station balnéaire jordanienne d'Aqaba, les responsables israéliens et palestiniens se sont engagés, dans une déclaration commune, à travailler ensemble afin d’éviter de nouvelles flambées de violence. Les deux parties ont «réaffirmé la nécessité de s'engager dans le désamorçage des hostilités sur le terrain et de prévenir toute nouvelle violence».
Cependant, une nouvelle vague d'affrontements semble avoir anéanti presque immédiatement les minces espoirs de progrès.
Deux Israéliens habitant dans une colonie de Cisjordanie près de Naplouse ont été tués dimanche, déclenchant des attaques de vengeance au cours desquelles un Palestinien a été tué, des dizaines de véhicules et de bâtiments ont été incendiés et plus de 300 personnes ont été blessées.
Le déchaînement des colons dans la ville palestinienne de Hawara est survenu quelques jours seulement après que les forces israéliennes ont lancé leur raid le plus meurtrier en Cisjordanie depuis près de vingt ans, faisant 11 morts dans le rang des Palestiniens à Naplouse. Ce lundi, un Israélien, qui est également citoyen américain, a été tué dans la ville de Jéricho, en Cisjordanie.

Des Palestiniens affrontent un colon israélien au milieu de tensions croissantes en Cisjordanie (Photo, AFP).

De nombreux analystes estiment que Brett McGurk, le coordinateur du Conseil national de sécurité des États-Unis pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, qui est chargé d'essayer d'empêcher toute nouvelle escalade des hostilités et de faciliter un engagement plus large dans les pourparlers d'Aqaba, s'est vu confier une mission impossible.
Khalil Jahchan, directeur exécutif de l'Arab Center Washington D.C., estime que le sommet avait d’emblée peu de chances de réussir.
«Ce sommet a été précipité par l'administration américaine, surtout pour sauver Israël de ses propres politiques insensées, sans préparation adéquate ni travail préparatoire», a-t-il déclaré à Arab News.
«En effet, je considère que la conférence était à la fois mal conçue et mal venue, compte tenu des récentes décisions politiques et militaires du gouvernement de Benjamin Netanyahou, notamment ses raids violents à Jénine, Naplouse et d'autres villes palestiniennes occupées.
«Une fois le communiqué conjoint israélo-palestinien publié le 26 février, j'ai pensé que ses paroles fantaisistes ne tiendraient pas jusqu'à la prochaine session de suivi à la mi-mars. Aqaba a été un nouvel effort diplomatique gaspillé, notamment tant que l'occupation israélienne de la Palestine, vieille de vingt-cinq ans, se poursuivra sans entrave, avec le soutien direct ou indirect des États-Unis.»
Il croit que McGurk a été confronté à une tâche insurmontable.
«Comment pourrait-il désamorcer les tensions entre Israël et la Palestine, alors que ses collègues, le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, le directeur de la CIA, Bill Burns, et le secrétaire d'État, Antony Blinken, n'ont pas réussi à obtenir ces demandes du gouvernement Netanyahou?», s’est-il demandé.
McGurk est arrivé aux pourparlers armé d'un plan de sécurité. Mais les experts ont révélé que la région avait besoin de plus que de la sécurité.
Oraib Rantawi, directeur du centre d'études politiques Al-Quds à Amman, a déclaré qu'un cessez-le-feu conditionnel à court terme pourrait être possible si les autorités israéliennes acceptent de suspendre la construction de colonies, de mettre fin aux raids sur les villes palestiniennes et de demander aux colons de rendre compte de leurs actions.
«Mais en termes de solutions à moyen et long terme, le désamorçage de cette crise échouera à moins qu'il n'y ait un processus politique sérieux qui puisse offrir un horizon politique aux Palestiniens», a-t-il déclaré à Arab News.
Rantawi estime que seuls les États-Unis peuvent orchestrer un cessez-le-feu conditionnel et faire avancer les efforts visant à établir une telle voie politique.
«Sinon, les efforts de McGurk et de tout autre responsable américain sont inutile», a-t-il jugé.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a encouragé les groupes de colons extrémistes, affirment ses détracteurs  (Photo, AFP).

Ori Nir, vice-président de l'organisation Americans for Peace Now à Washington, a déclaré à Arab News que trois choses sont nécessaires pour réduire la violence: «Un gouvernement israélien prêt à affronter les colons et à limiter ses actions militaires en Cisjordanie; un gouvernement et des forces de sécurité palestiniens capables et crédibles; et un gouvernement américain prêt à appliquer de manière proactive les accords d'Aqaba.
«Aucun de ces éléments ne semble être présent. Par conséquent, les perspectives de succès de la mission de McGurk sont sombres.»
La Cisjordanie abrite environ 2,9 millions de Palestiniens, ainsi qu'environ 475 000 colons juifs qui vivent dans des colonies approuvées par l'État et considérées comme illégales au regard du droit international. Israël occupe la Cisjordanie depuis la guerre de 1967.
Les colons ont été enhardis par le retour au pouvoir de Netanyahou à la tête d'une coalition comprenant des partis ultra-orthodoxes et d'extrême-droite.
Botrus Mansour, avocat et expert en politique israélienne de Nazareth, pense que la détérioration de la situation sécuritaire est le résultat de radicaux inexpérimentés qui se sont soudainement retrouvés au pouvoir.
«Avant l'assermentation de ce gouvernement, les choses étaient relativement calmes», a-t-il indiqué. «Les ministres radicaux actuels étaient dans l'opposition et attaquaient toujours le gouvernement en lui reprochant de ne pas en faire assez.
«Et maintenant qu'ils sont au gouvernement, maintenant qu'ils sont au pouvoir, ils ont prouvé qu'ils étaient des échecs et leur inexpérience a été exposée.»
Johnny Mansour, professeur de sciences politiques à Haïfa, a déclaré à Arab News que beaucoup de travail est nécessaire dans le but d’instaurer un état de stabilité relative.
«Ce qu'il faut pour que le calme revienne, c'est une décision en faveur de l’arrêt total à la fois des actions agressives des Israéliens sur le terrain, et de la violence verbale prononcée par les ministres israéliens radicaux», a-t-il expliqué.

En bref

Des dizaines de colons israéliens ont incendié des maisons et des voitures dans la ville de Hawara, au nord de la Cisjordanie, dans la nuit de dimanche à lundi.

Ces violences sont survenues après une journée de pourparlers entre Israéliens et Palestiniens en Jordanie, destinés à apaiser les troubles dans les territoires palestiniens.

Selon les observateurs, la Cisjordanie connaît l'une des pires violences qu'elle ait connues depuis la deuxième Intifada en 2005.

Selon Johnny Mansour, «Ce qu'il faut, c'est donner de l'espoir aux gens, mais cela est loin maintenant. Les Palestiniens ne sont pas seulement sous occupation, ils sont humiliés, donc ils n'ont pas grand-chose à perdre à se révolter.»
Hani Masri, directeur du groupe de réflexion Masarat à Ramallah, estime que la clé de la réduction de la violence réside dans l'arrêt de toute activité d'expansion des colonies, la modification du statu quo à Al-Aqsa, l'arrêt des démolitions punitives de maisons palestiniennes et la prévention de l'annexion insidieuse des terres palestiniennes.
«Nous savons que ces options seront rejetées par Israël, et il n'y a donc pas d'échappatoire à une confrontation avec ce gouvernement kahaniste (sioniste extrémiste) qui cherche à annexer, judaïser et forcer les gens à partir», a-t-il déclaré à Arab News.
Zaha Hassan, avocate spécialisée dans les droits de l'homme et membre du programme pour le Moyen-Orient de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, a expliqué à Arab News qu'une grande partie de la violence était le fait des autorités israéliennes et de leurs raids sur les villes et les camps de réfugiés palestiniens.
«Pour que la violence actuelle diminue, les Israéliens doivent croire qu'il y a des répercussions coûteuses», a-t-elle indiqué.
«Les États-Unis disposent de nombreux outils politiques qu'ils pourraient déployer. Ils doivent faire croire à Israël qu'ils vont les utiliser. Au lieu de cela, l'administration Biden a fait le contraire. Même une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies condamnant les colonies est combattue par les États-Unis, bec et ongles.»
Le cycle sans fin de la violence a également affaibli l'Autorité palestinienne. Les activités des groupes palestiniens armés ont augmenté ces derniers mois en raison, notamment, du vide sécuritaire laissé par le gouvernement de Ramallah, qui a choisi de ne pas réprimer la révolte et, dernièrement, refuse de coordonner les questions sécuritaires avec les autorités israéliennes.
Johnny Mansour estime que le sommet d'Aqaba sur la sécurité était une tentative de faire pression sur l'Autorité palestinienne pour qu'elle mette un frein aux factions armées.

Une nouvelle vague d'affrontements semble avoir anéanti les minces espoirs de progrès (Photo, AFP).

«Les Américains et les Israéliens ont essayé, avec la couverture arabe, de restreindre les manifestations populaires pendant le prochain mois de Ramadan, et ce qui est encore plus important pour Israël, c'est le besoin de calme pendant les vacances de la Pâque juive (Pessah), qui auront lieu à la fin du mois sacré du Ramadan», a-t-il mentionné.
Certains analystes soulignent qu'il existe de nombreux outils autres que la résistance violente que les Palestiniens pourraient utiliser afin de renforcer leur position, notamment en termes d'engagement avec la communauté internationale.
Mohammed Zahaika, activiste politique dans le quartier de Sawahreh à Jérusalem-Est, soutient une réponse non violente.
«Ce qu'il faut, c'est une protestation populaire et non violente qui peut mener à la désobéissance civile», a-t-il déclaré à Arab News. «Les gens ici à Jérusalem-Est se rendent compte qu'ils doivent trouver des moyens de neutraliser la puissante machine de guerre israélienne et d'élargir le fossé qui se creuse déjà en Israël.»
Il croit que le Ramadan, qui commencera vers la fin du mois de mars, pourrait être le moment idéal pour des manifestations populaires susceptibles de défier les Israéliens de droite qui, selon lui, n'ont aucun intérêt d’opter pour une résolution pacifique. Il admet toutefois qu'une grande partie de l'opinion publique palestinienne soutient une stratégie de résistance armée.
«Ce dont nous avons besoin, c'est que des forces extérieures soient impliquées et même qu'elles fournissent une protection et une intervention à la population palestinienne. Ce n'est qu'ainsi que l'on pourra dissuader les extrémistes», a précisé Zahaika.
Rifaat Kassis, membre élu du conseil municipal de Beit Sahour, convient que le Ramadan serait une bonne occasion de promouvoir l'unité palestinienne.
«L'Autorité palestinienne se trouve dans une situation difficile, que les choses s'aggravent ou se calment», a-t-il indiqué à Arab News. «Ce qu'il faut, c'est le lancement d’un mouvement populaire qui tente d'unifier les Palestiniens. C'est une occasion en or d'unir tous les groupes palestiniens.»

Les efforts de paix de l'envoyé américain au Moyen-Orient, Brett McGurk, semblent s'essouffler alors que la violence se propage (Photo, AFP).

Jamal Dajani, ancien responsable des communications au sein du bureau du Premier ministre palestinien, estime qu'une aide extérieure pourrait garantir la sécurité.
«Les Palestiniens de Cisjordanie ont besoin d'une protection internationale contre les attaques des colons israéliens, aidés et encouragés par l'armée d'occupation israélienne», a-t-il signalé à Arab News.
Il a indiqué que l'Autorité palestinienne n'a pas réussi à protéger son peuple et que la seule solution est donc de déployer des forces de l'ONU, ou d'autres troupes extérieures, pour assurer cette protection.
«Si ce n'est pas le cas, d'autres pogroms seront commis et les Palestiniens seront obligés de se défendre, quelle que soit leur affiliation, ou leur absence d'affiliation», a ajouté Dajani.
Les opérations des autorités israéliennes montrent qu'elles ont l'intention de remodeler la Cisjordanie et de détruire la possibilité d'un État palestinien viable, et avec lui tout espoir de paix durable par une solution à deux États, a-t-il prévenu.
«Les discussions sur la sécurité visent à assurer la sécurité des colons israéliens et non des Palestiniens», a-t-il jugé.
Anis Sweidan, directeur du département des relations publiques de l'Organisation de libération de la Palestine, a déclaré que l'escalade de la violence représente le début d'une nouvelle intifada, annonçant une répétition des soulèvements violents de 1987 à 1993 et de 2000 à 2005.
«Les crimes de l'armée israélienne et des colons augmentent à grande vitesse et cela ne peut être arrêté par un accord de sécurité», a-t-il affirmé à Arab News.
«Ce qu'il faut, c'est un processus politique sérieux basé sur la solution à deux États. Sinon, tout ce qui se passe n'est rien d'autre que des sédatifs. Je ne m'attends pas à ce que cela se produise et je ne vois donc pas de changements majeurs à l’horizon.»
Aaron David Miller, chercheur principal à la Fondation Carnegie pour la paix internationale et conseiller auprès des administrations républicaine et démocrate aux États-Unis, souhaiterait qu'un processus politique soit mis en place en vue de résoudre le conflit, mais il doute également que cela ait beaucoup de chances de se produire.
«Sans un horizon politique, il n'y a pas de voie à long terme pour mettre fin à la violence», a-t-il déclaré à Arab News. «Sans un effort majeur pour définir un horizon politique, avec des actions se renforçant mutuellement prises par chaque partie de manière à préparer le terrain pour des négociations sur un état final, il n'y a aucun moyen de mettre fin à la violence.»
«Il n'y a aucune chance, pour l’instant, que le gouvernement israélien actuel et l'Autorité palestinienne puissent se mettre d'accord sur ces éléments – et il est presque certain que le Hamas ne l’accepterait pas.»
Miller reconnaît qu'un désamorçage temporaire des hostilités pourrait permettre aux Israéliens et aux Palestiniens de passer le Ramadan et le Pessah sans incidents graves.
«Mais ce n'est qu'une question de temps avant que la prochaine explosion ne se produise», a-t-il soutenu.


Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Comment l’initiative diplomatique saoudo-française a rapproché la Palestine d’un pas vers la reconnaissance d’un État

Le résultat du vote sur une résolution approuvant la Déclaration de New York est affiché à l'écran lors de la deuxième séance plénière de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la question de la Palestine au siège de l'ONU à New York, le 12 septembre 2025. (Photo de l'ONU)
Le résultat du vote sur une résolution approuvant la Déclaration de New York est affiché à l'écran lors de la deuxième séance plénière de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la question de la Palestine au siège de l'ONU à New York, le 12 septembre 2025. (Photo de l'ONU)
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  • Les deux pays ont obtenu un large soutien à l’Assemblée générale de l’ONU : 142 nations ont approuvé leur déclaration en faveur de la solution à deux États
  • La Déclaration de New York, issue d’une conférence saoudo-française en juillet, exige un cessez-le-feu à Gaza, le désarmement du Hamas et la reconnaissance d’un État palestinien

DUBAÏ : Lors d’un vote historique vendredi, 142 pays ont soutenu une déclaration saoudo-française à l’Assemblée générale de l’ONU appelant à la création d’un État palestinien indépendant, signalant que l’offensive diplomatique menée par Riyad mobilise un consensus mondial sans précédent en faveur d’une solution à deux États pour résoudre un conflit vieux de plusieurs décennies.

Le vote en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », qui appelle à une solution à deux États sans implication du Hamas, représente une nouvelle étape dans la pression internationale croissante sur Israël pour qu’il mette fin à sa guerre à Gaza. Ce conflit a fait plus de 64 000 morts, selon les autorités sanitaires locales, des dizaines de milliers de blessés, et provoqué des conditions de famine dans un contexte de catastrophe humanitaire croissante.

Le président français Emmanuel Macron a déclaré que l’adoption de la déclaration par l’Assemblée générale de l’ONU montre que la communauté internationale est en train de « tracer une voie irréversible vers la paix au Moyen-Orient ».

« Un autre avenir est possible. Deux peuples, deux États : Israël et Palestine, vivant côte à côte en paix et en sécurité », a-t-il écrit vendredi dans un post sur X.

Le ministère saoudien des Affaires étrangères a salué l’adoption de la déclaration, affirmant qu’elle « confirme le consensus international pour avancer vers un avenir pacifique dans lequel le peuple palestinien obtient son droit légitime à établir un État indépendant sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale ».

La « Déclaration de New York », issue d’une conférence internationale organisée par l’Arabie saoudite et la France en juillet au siège de l’ONU, appelle à un cessez-le-feu à Gaza, à la libération de tous les otages, au désarmement du Hamas et au transfert de ses armes à l’Autorité palestinienne sous supervision internationale, ainsi qu’à la création d’un État palestinien indépendant.

Elle aborde également la normalisation des relations entre Israël et les pays arabes, et propose le déploiement d’une « mission internationale temporaire de stabilisation » en Palestine, sous mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, afin de soutenir la population civile palestinienne et de transférer les responsabilités sécuritaires à l’Autorité palestinienne.

Ce vote ouvre désormais la voie à une conférence d’une journée à l’ONU sur la solution à deux États, coprésidée par Riyad et Paris, prévue pour le 22 septembre, au cours de laquelle plusieurs pays — dont la France, le Royaume-Uni, le Canada, la Belgique et l’Australie — se sont engagés à reconnaître formellement l’État de Palestine.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été adoptée vendredi avec un soutien massif : 142 pays ont voté pour, seuls 10, dont Israël et son principal allié, les États-Unis, ont voté contre, tandis que 12 nations se sont abstenues.

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La liste des nations qui ont voté en faveur de la résolution approuvant la Déclaration de New York est affichée à l'écran lors de la deuxième séance plénière de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la question de la Palestine au siège de l'ONU à New York, le 12 septembre 2025. (Photo de l'ONU)

La déclaration, qui incarne les efforts diplomatiques croissants de l’Arabie saoudite en faveur d’un État palestinien, avait déjà été approuvée par la Ligue arabe et cosignée en juillet par 17 États membres de l’ONU, dont plusieurs pays arabes.

Le résultat du vote de vendredi a été fermement condamné par les États-Unis et Israël. Le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Oren Marmorstein, a qualifié l’adoption de la déclaration de « honteuse », affirmant que son pays la « rejette catégoriquement » et qualifiant l’Assemblée générale de l’ONU de « cirque politique déconnecté de la réalité ».

De même, Morgan Ortagus, vice-envoyée spéciale américaine pour le Moyen-Orient, a dénoncé l’action de l’Assemblée générale comme « une nouvelle opération de communication malavisée et mal chronométrée », accusant l’ONU de récompenser le Hamas et de saper les efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre à Gaza. Elle a ajouté que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé pour mettre un terme au conflit.

Le Hamas, de son côté, a déclaré qu’il refusait de déposer les armes tant qu’un État palestinien souverain ne serait pas établi.

Ces appels croissants en faveur d’un État palestinien interviennent alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou continue d’intensifier le conflit. Mardi, il a autorisé des frappes aériennes contre des cibles du Hamas au Qatar, lors d’une réunion examinant une proposition de cessez-le-feu américaine — une décision largement condamnée au Moyen-Orient et au-delà, pour avoir sapé les efforts de paix et violé la souveraineté du Qatar.

Sous son autorité, Israël poursuit une offensive militaire majeure à Gaza-ville, malgré l’indignation internationale. Jeudi, la veille du vote à l’ONU, Netanyahou a déclaré qu’« il n’y aura pas d’État palestinien », en signant un accord pour avancer sur le projet controversé d’expansion des colonies dans la zone E1, qui diviserait la Cisjordanie et compromettrait davantage la possibilité d’un État palestinien.

Des analystes ont averti que, bien que symbolique sans mesures concrètes immédiates, l’adoption de la déclaration à l’ONU représente une défaite diplomatique stratégique pour Israël, même si ce dernier revendique des victoires militaires.

Hani Nasira, écrivain, universitaire et analyste politique égyptien, estime que le large soutien à la déclaration reflète le rejet international croissant des pratiques du gouvernement d’extrême droite de Netanyahou, ainsi que l’embarras grandissant pour les États-Unis, son principal allié.

« Israël a perdu son image sur la scène internationale, et l’opposition au gouvernement Netanyahou s’est intensifiée tant à l’échelle mondiale qu’au sein même du pays. Ceux qui le soutiennent aujourd’hui se retrouvent dans une position profondément embarrassante », a déclaré Nasira à Arab News.

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Des Palestiniens déplacés évacuant la ville de Gaza vers le sud se déplacent à pied et en véhicule le long de la route côtière à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 13 septembre 2025. (AFP)

Il a déclaré que la décision de Netanyahou de persister dans cette voie semble intenable pour les citoyens israéliens, la région et le monde dans son ensemble.

« L’inquiétude aujourd’hui ne concerne pas seulement la Palestine, mais la menace s’est étendue à la sécurité du Golfe. Les dernières attaques ont compromis le rôle du Qatar comme médiateur et ébranlé l’image de Washington en tant qu’allié fiable » », a affirmé Nasira, avertissant que les actions d’Israël sont facteurs de déstabilisation régionale.

Si la création d’un État palestinien est considérée comme la solution, cette perspective reste hors de portée à court terme.

Nasira a souligné que l’agression continue d’Israël dans la région, le discours provocateur de Netanyahou, y compris sa vision d’un « Grand Israël », ainsi que les profondes divisions internes au sein des factions palestiniennes, constituent des obstacles majeurs au plan de paix.

Il a averti que la région se trouve à un « tournant » nécessitant l’exploration d’alternatives réalistes, « sans se laisser entraîner par l’extrémisme de Netanyahou, qui menace non seulement le processus de paix, mais toute la région ».

Nasira a conclu en affirmant que les violations commises par Israël à Gaza mettent en lumière la nécessité d’un ordre mondial multipolaire, plutôt qu’un ordre dominé par les États-Unis — en particulier sous une seconde présidence de Donald Trump.

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Des manifestants participent à une manifestation sur la "place des otages" à Tel Aviv le 13 septembre 2025, appelant Israël à un cessez-le-feu dans sa guerre contre Gaza afin de ne pas mettre en danger la vie des captifs encore aux mains des militants palestiniens. (AFP)

La lourde défaite diplomatique d’Israël à l’Assemblée générale de l’ONU reflète un net changement de ton de plusieurs pays européens à l’égard de sa conduite à Gaza et dans les territoires occupés.

Cinq pays européens, dont l’Espagne, les Pays-Bas et l’Irlande, ont désormais interdit toutes les importations en provenance des colonies israéliennes illégales, tandis que les institutions de l’UE appellent à la suspension de certaines parties de l’accord d’association UE-Israël et envisagent des sanctions.

La Slovénie, l’Allemagne et l’Espagne ont commencé à imposer un embargo sur les armes à destination d’Israël. Cette vague de soutien en faveur de la reconnaissance de la Palestine est également perçue comme un moyen d’accroître la pression sur Israël pour qu’il mette fin à sa guerre à Gaza, déclenchée par l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023.

Nasira a déclaré que ce vote historique reflète aussi l’influence diplomatique croissante de l’Arabie saoudite, tant sur le plan régional qu’international, en particulier concernant la cause palestinienne.

« L’influence de l’Arabie saoudite repose sur son statut mondial, sa puissance économique, son symbolisme islamique, la notoriété du prince héritier Mohammed ben Salmane sur la scène internationale, ainsi que sur une diplomatie équilibrée et efficace du Royaume, qui résonne au niveau régional et international », a déclaré Nasira à Arab News.

Les efforts diplomatiques du Royaume ont été salués par les observateurs et analystes pour avoir relancé l’élan mondial en faveur de la solution à deux États, après des années de moindre attention avant la guerre à Gaza.

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Cette photo prise le 16 octobre 2024 montre le président français Emmanuel Macron (G) et le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman à Bruxelles. La France et l'Arabie saoudite ont initié ce qui est désormais connu comme la Déclaration de New York, appelant à un État palestinien indépendant, que l'Assemblée générale de l'ONU a adopté vendredi. (AFP)

L’élan s’appuie sur l’Initiative de paix arabe menée par l’Arabie saoudite, adoptée lors du sommet de la Ligue arabe à Beyrouth en 2002, qui proposait la normalisation entre les États arabes et Israël en échange d’un retrait complet d’Israël des territoires occupés — notamment la Cisjordanie, Gaza et le plateau du Golan — la création d’un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale, ainsi qu’une résolution juste de la question des réfugiés palestiniens.

La « Déclaration de New York » est perçue comme un consensus mondial autour de cette initiative, la positionnant efficacement comme la base d’un dialogue international renouvelé sur la solution à deux États.

Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza, le Royaume a mené une action internationale pour obtenir un cessez-le-feu et jeter les bases d’une paix durable et stable en Palestine.

Au cours des deux dernières années, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal, a porté l’engagement diplomatique du Royaume en parrainant des conférences internationales, en construisant de larges alliances avec des nations partenaires, et en fournissant un financement crucial pour l’aide alimentaire et médicale aux Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie.

En septembre 2024, le prince Faisal a annoncé la création de l’Alliance mondiale pour la mise en œuvre de la solution à deux États, mobilisant 90 États dans le but de mettre fin au conflit israélo-palestinien de longue date.

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Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Faisal bin Farhan Al-Saud, (G) et le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, président une conférence sur la Palestine et la solution à deux États à l'ONU, le 29 juillet 2025 à New York. (AFP)

Le Royaume a tenu des réunions de suivi à Riyad, Bruxelles et Oslo dans les mois suivants, se concentrant sur des points d’action concrets identifiés par les participants.

Ce même mois, le prince héritier Mohammed ben Salmane a exclu tout accord de normalisation saoudien avec Israël sans la création d’un « État palestinien indépendant ».

Ces efforts diplomatiques ont culminé lors de la conférence saoudo-française à l’ONU en juillet, qui visait à établir un cadre politique clair, au-delà des simples déclarations, pour mettre fin à la guerre à Gaza et faire pression en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien conformément aux résolutions de l’ONU.

Le succès de cette initiative a été souligné par le prince héritier Mohammed ben Salmane lors de son allocution mercredi devant le Conseil consultatif saoudien (Shoura), où il a déclaré que « la conférence internationale sur la mise en œuvre de la solution à deux États, tenue à New York, a permis une mobilisation sans précédent et renforcé le consensus mondial » autour de l’Initiative de paix arabe.

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Des manifestants brandissent des drapeaux palestiniens et tiennent une banderole sur laquelle on peut lire "Arrêtez d'affamer Gaza" au Palais de Westminster, qui abrite les Chambres du Parlement, dans le centre de Londres, le 4 juin 2025, lors d'une manifestation de soutien à Gaza. (AFP)

Il a déclaré que les efforts du Royaume ont porté leurs fruits en incitant davantage de pays à reconnaître la Palestine et en recueillant un soutien international accru en faveur de la mise en œuvre d'une solution à deux États, appelant d'autres pays à suivre cet exemple.

Condamnant les « crimes de famine et de déplacement forcé » d’Israël à Gaza, il a réitéré la position du Royaume selon laquelle « la terre de Gaza est palestinienne, et les droits de son peuple sont inébranlables, ne pouvant être ni ôtés par l’agression ni annulés par les menaces », tout en soulignant un soutien indéfectible au Qatar suite aux attaques israéliennes.

La région attend désormais les résultats du sommet d’urgence arabo-islamique, organisé par le Qatar dimanche, pour discuter d’une réponse collective à l’attaque israélienne contre Doha.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Sommet à Doha pour discuter de la riposte arabo-islamique à l’attaque israélienne contre le Qatar

Une photo prise le 15 octobre 2022 montre une vue de la ligne d'horizon de la capitale qatarie Doha. (AFP)
Une photo prise le 15 octobre 2022 montre une vue de la ligne d'horizon de la capitale qatarie Doha. (AFP)
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  • Un sommet arabo-islamique extraordinaire discutera de l’attaque israélienne contre l’État du Qatar ciblant des hauts responsables du Hamas

DUBAÏ : Le ministère des Affaires étrangères du Qatar a déclaré samedi qu’un sommet arabo-islamique d’urgence, qui se tiendra dans la capitale Doha, discutera d’un projet de résolution concernant l’attaque israélienne contre l’État du Golfe, selon l’Agence de presse du Qatar (QNA).

« Le sommet examinera un projet de résolution sur l’attaque israélienne contre l’État du Qatar, présenté par la réunion préparatoire des ministres des Affaires étrangères arabes et islamiques, prévue demain dimanche », a déclaré à la QNA le porte-parole du ministère, Majid ben Mohammed Al Ansari.

Le ministère avait annoncé plus tôt que Doha accueillerait un sommet arabo-islamique extraordinaire pour débattre de l’attaque israélienne contre l’État du Qatar visant des dirigeants de haut rang du Hamas.

Al Ansari a souligné que « la tenue de ce sommet arabo-islamique à ce moment précis revêt une importance particulière, car elle reflète la large solidarité arabe et islamique avec l’État du Qatar face à l’agression israélienne lâche ».

La réunion préparatoire des ministres des Affaires étrangères se tiendra dimanche. Le sommet débutera lundi.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Gaza : Israël affirme que 250 000 habitants ont fui la ville, 32 morts dans de nouvelles frappes

Les habitants de Gaza ont déclaré que le coût du voyage vers le sud était prohibitif et qu'il n'y avait plus d'espace pour planter des tentes dans les zones désignées. (AFP)
Les habitants de Gaza ont déclaré que le coût du voyage vers le sud était prohibitif et qu'il n'y avait plus d'espace pour planter des tentes dans les zones désignées. (AFP)
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  • Plus de 250 000 habitants auraient fui Gaza-ville ces dernières semaines, selon l'armée israélienne qui multiplie les frappes et ordonne des évacuations massives, malgré les risques humanitaires
  • La guerre, déclenchée après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, a causé plus de 64 000 morts à Gaza selon le ministère de la Santé local

Jérusalem: L'armée israélienne a affirmé samedi que plus de 250.000 habitants avaient quitté ces dernières semaines la ville de Gaza vers d'autres secteurs du territoire palestinien, après une intensification des bombardements et raids israéliens.

De son côté, la Défense civile dans la bande de Gaza a fait état de cinq Palestiniens tués depuis l'aube dans les bombardements israéliens, au lendemain de la mort selon elle d'au moins 50 personnes à travers le territoire assiégé et dévasté par 23 mois de guerre.

"Selon les estimations de l'armée, plus d'un quart du million d'habitants de la ville de Gaza l'ont quittée pour leur propre sécurité", a déclaré le porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee, sur X.

Selon des estimations récentes de l'ONU, environ un million de Palestiniens vivent dans et autour de la ville de Gaza, la plus grande du territoire.

Compte tenu des restrictions imposées aux médias à Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les informations des différentes parties.

L'armée dit vouloir prendre le contrôle de Gaza-ville, qu'elle présente comme l'un des derniers bastions du mouvement islamiste palestinien Hamas.

Samedi, l'armée de l'air israélienne a largué des tracts exhortant les habitants des quartiers ouest de la ville à les évacuer, alors que la Défense civile locale a fait état de frappes aériennes continues.

"L'armée agit avec force dans votre secteur et est déterminée à démanteler et à vaincre le Hamas", pouvait-on lire dans le tract. "Pour votre sécurité, évacuez immédiatement via la rue al-Rachid vers le sud (du territoire). Vous avez été prévenus."

Les forces israéliennes ont détruit plusieurs tours d'habitation à Gaza-ville ces derniers jours, l'armée affirmant son intention d'"intensifier le rythme (de ses) frappes ciblées (...) afin de nuire aux infrastructures terroristes du Hamas (...) et réduire la menace pour (ses) troupes".

De nombreux acteurs humanitaires jugent que le déplacement une nouvelle fois de la population du nord vers le sud du territoire est impossible et dangereux.

La guerre à Gaza a été déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël, qui a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des sources officielles israéliennes.

L'offensive israélienne menée en riposte à fait au moins 64.756 morts dans la bande de Gaza, selon des données du ministère de la Santé de Gaza, placé sous l'autorité du Hamas. Elle a aussi dévasté le territoire palestinien et provoqué un désastre humanitaire.

L'ONU a déclaré la famine à Gaza. Israël, qui assiège le territoire, dément.