Mode à Paris: féminité et défilés conventionnels

Un mannequin présente une création de la collection Pierre Cardin Femme Automne-Hiver 2023-2024 lors de la Fashion Week de Paris à Paris, le 5 mars 2023. (Photo Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP)
Un mannequin présente une création de la collection Pierre Cardin Femme Automne-Hiver 2023-2024 lors de la Fashion Week de Paris à Paris, le 5 mars 2023. (Photo Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP)
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Publié le Lundi 06 mars 2023

Mode à Paris: féminité et défilés conventionnels

  • Cinq choses à retenir de la Semaine de la mode qui s'achève mardi à Paris.
  • On l'a vu pour la dernière fois porté par sa mère ou sa grand-mère? Saint Laurent a fait du tailleur-jupe la pièce centrale de sa collection.

PARIS: Silhouette ultraféminine, défilé centré sur le vêtement sans autre message chez Balenciaga et vibrant hommage à Vivienne Westwood et Paco Rabanne, les trublions récemment disparus: cinq choses à retenir de la Semaine de la mode qui s'achève mardi à Paris.

Tailleur-jupe

On l'a vu pour la dernière fois porté par sa mère ou sa grand-mère? Saint Laurent a fait du tailleur-jupe la pièce centrale de sa collection.

Jupe crayon fendue, veste aux épaules surdimensionnées et décolleté plongeant: inspiré des archives des années 80 d'Yves Saint Laurent, cet ensemble puissamment féminin est revenu sur le devant de la scène.

Dior a puisé dans l'esthétique des années 50, époque où Christian Dior inventait le New Look, silhouette pour une femme d'après-guerre symbolisée par des vestes cintrées aux épaules arrondies, sur des jupes amples sous les genoux.

En 2023, la taille est marquée et la jupe mi-longue a un twist punk grâce à un tissu à l'effet froissé ou motifs floraux chinés pour gommer les contours du corps.

Le jeune styliste Charles de Vilmorin a également revisité les années 50 pour Rochas, "avec des jupes crayon de vinyle, tailles de guêpe et silhouette sirène repimpée".

Givenchy redéfinit l'élégance à travers une veste de tailleur à l'épaule sculptée qui se porte sans jupe ou avec une mini transparente.

Chez Vivienne Westwood, le tailleur gris est en maille, porté avec un chapeau et des bottes dorées.

Rouge

Le rouge total a dominé les silhouettes épurées et monochromes pour une femme Hermès "puissante et sensuelle". Lanvin a accessoirisé d'une cagoule rouge une robe à paillettes, Issey Miyake l'a décliné en manteaux.

Pour sa première collection pour Ann Demeulemeester, Ludovic de Saint Sernin a inclus dans la palette chromatique minimaliste le bordeaux qualifié de "faux noir".

Le rouge n'a de connotation négative dans aucune culture et est accepté même pour ceux qui ne portent pas de couleurs, explique Christian Louboutin, qui fête 30 ans de sa semelle rouge iconique.

Talons

Aiguille chez Balenciaga, Ann Demeulemeester ou Saint Laurent, "clou de forge" sur des cuissardes d'Hermes, "virgule" pour des souliers à plateau chez Dior: le talon s'impose même pour Maria Grazia Chiuri, styliste de Dior qui le trouvait auparavant anti-féministe.

Christian Louboutin fait du plat et de toutes les hauteurs mais avoue que ce sont les escarpins qui se vendent le mieux.

"Féministe, anti-féministe, j'espère qu'on n'en est plus là. Les femmes ont gagné, vous êtes maîtresses de ce que vous voulez faire de votre corps, de (vous) percher ou pas", résume Pierre Hardy, chausseur d'Hermès et de sa marque éponyme.

"Plusieurs choses coexistent et cela fait partie de la modernité. On ne verra pas toutes les filles en talon, ni toutes les filles en +combat boots+ ou en sneakers", ajoute-t-il. "Avant, c'était quelque chose d'imposé. Aujourd'hui, c'est un choix intime et personnel".

Vivienne et Paco

"Tu m'as dit un jour que je pouvais tout prendre, tout sauf tes chaussures compensées (...) Peut-être que la chose la plus importante que tu m'aies apprise était de mettre la femme sur un piédestal".

Andreas Kronthaler, mari de Vivienne Westwood décédée en décembre et designer de sa marque, a célébré la reine du punk dans un défilé à Paris.

Cora Corré, la petite-fille de Vivienne Westwood, en body blanc en dentelle porté comme une robe de mariée, a clôturé le défilé hommage parisien.

Le bruit des robes conçues avec des matériaux improbables et la voix de Paco Rabanne ont résonné lors du défilé en mémoire du "métallurgiste de la mode", appelé ainsi par Gabrielle Chanel.

Rupture chez Balenciaga

Chez Balenciaga, l'émotion n'était en revanche pas au rendez-vous lors d'un défilé dans un cadre épuré tranchant avec les shows précédents.

Pour le styliste Demna, fragilisé par le scandale de la sexualisation d'enfants dans une campagne publicitaire, la mode n'est désormais plus qu'une question de "vêtements".

"La maison n'a plus besoin" de show, "en particulier quand ces éléments-là peuvent ne pas être bien compris ou mal interprétés", estime François-Henri Pinault, PDG du groupe Kering, qui détient Balenciaga.


« Palestine 36 », soutenu par l’Arabie saoudite, présenté en avant-première au TIFF 2025

Le film a été présenté en avant-première au Festival international du film de Toronto. (AFP)
Le film a été présenté en avant-première au Festival international du film de Toronto. (AFP)
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  • Le film Palestine 36 d’Annemarie Jacir, présenté au TIFF 2025, revient sur le soulèvement palestinien de 1936 contre le mandat britannique
  • Financé en partie par le Red Sea Film Fund d’Arabie saoudite, le film explore un moment décisif pour la région

DUBAÏ : Le film Palestine 36 de la réalisatrice Annemarie Jacir a été présenté cette semaine en avant-première au Festival international du film de Toronto (TIFF) 2025 lors d’une projection de gala.

Le film a été en partie financé par le Red Sea Film Fund, soutenu par l’Arabie saoudite.

Situé aux abords de Jérusalem, Palestine 36 raconte l’histoire du soulèvement arabe contre le mandat britannique.

Le synopsis officiel indique : « En 1936, alors que les villages de la Palestine mandataire se soulèvent contre la domination coloniale britannique, Yusuf erre entre son village rural et l’énergie bouillonnante de Jérusalem, aspirant à un avenir au-delà des troubles croissants.

Mais l’Histoire est implacable. Avec l’arrivée massive de réfugiés juifs fuyant l’antisémitisme en Europe, et la population palestinienne unie dans le plus vaste et le plus long soulèvement contre les 30 ans de domination britannique, toutes les parties glissent vers une collision inévitable — un moment décisif pour l’Empire britannique et pour l’avenir de toute la région. »

Le film réunit une distribution internationale : l’acteur oscarisé Jeremy Irons, la star de Game of Thrones Liam Cunningham, l’acteur tunisien Dhafer L’Abidine, ainsi que les talents palestiniens Hiam Abbass, Yasmine Al-Massri, Kamel El Basha et Saleh Bakri.

La première a réuni de nombreuses personnalités, dont les acteurs britanniques Billy Howle et Robert Aramayo, l’acteur palestinien Karim Daoud Anaya, le producteur de cinéma palestino-jordanien Ossama Bawardi, ainsi que Jacir, Bakri, Al-Massri et Abbass.

Jacir, à qui l’on doit Salt of the Sea, When I Saw You, Wajib et des épisodes de la série Ramy, a entamé le travail sur ce projet avant la pandémie mondiale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Riyad accueille sa toute première représentation de l’opéra « Carmen »

La Commission royale pour la ville de Riyad (RCRC) a fait venir le célèbre opéra "Carmen" pour la première fois en Arabie saoudite. (Fourni)
La Commission royale pour la ville de Riyad (RCRC) a fait venir le célèbre opéra "Carmen" pour la première fois en Arabie saoudite. (Fourni)
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  • L’événement s’inscrit dans le cadre de l’Année culturelle sino-saoudienne, célébrant le 35e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays.

RIYAD : La Commission royale pour la ville de Riyad (RCRC), en collaboration avec la China National Opera House (CNOH), a présenté jeudi soir l’opéra mondialement connu de Georges Bizet, « Carmen », au Centre culturel Roi Fahd de Riyad. Il s'agit de la toute première représentation de ce chef-d'œuvre en Arabie saoudite.

Cet événement s’inscrit dans le cadre de l’Année culturelle sino-saoudienne, qui célèbre le 35e anniversaire des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et la Chine. Plus de 2 500 invités et dignitaires étaient présents pour la soirée d’ouverture.

Le public a salué cette représentation historique. Thomas Dang, résident à Riyad, a décrit la soirée comme remarquable :

« C’était extraordinaire — une troupe chinoise jouant une œuvre d’un compositeur français sur une histoire espagnole, ici en Arabie saoudite. Ce mélange culturel était incroyable. »

Mise en scène par l’équipe du CNOH, la production a donné vie à l’histoire intemporelle de passion, de jalousie et de destin de Bizet, à travers des costumes vibrants et une distribution internationale.

Créée à Paris en 1875, « Carmen » est l’un des opéras les plus célèbres de l’histoire. Son début en Arabie saoudite marque une étape importante dans le développement culturel du Royaume, illustrant son ouverture croissante aux arts mondiaux.

Huixian, une résidente chinoise de Riyad, a partagé son enthousiasme :

« C’était ma première fois à l’opéra en Arabie saoudite, et aussi la première fois que je voyais ‘Carmen’ en chinois. La performance était très bonne, même si le chant aurait pu être plus puissant. Une soirée mémorable. »

« Carmen » se poursuivra au Centre culturel Roi Fahd jusqu’au 6 septembre 2025, offrant aux spectateurs une opportunité rare d’assister à l’un des opéras les plus emblématiques sur une scène saoudienne.

Selon la RCRC, cette première historique reflète l’engagement continu de la Commission à enrichir l’offre culturelle de Riyad, à travers des événements de classe mondiale, en cohérence avec la Vision 2030 du Royaume.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Villa Hegra, où le patrimoine devient moteur d’innovation et de diplomatie culturelle

De gauche à droite, Ingrid Périsset, Hervé Lemoine et Fériel Fodil. (Photo Arlette Khouri)
De gauche à droite, Ingrid Périsset, Hervé Lemoine et Fériel Fodil. (Photo Arlette Khouri)
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  • La Villa Hegra n’est pas seulement un lieu d’exposition ou de résidence : elle s’affirme comme un outil de diplomatie culturelle
  • En réunissant artistes, chercheurs et institutions, elle favorise la circulation des idées et des pratiques entre la France, l’Arabie saoudite et au-delà

PARIS: Dans le cadre de la dixième édition de « Think Culture », un rendez-vous incontournable qui interroge les liens entre culture, innovation et société, une table ronde posait une question centrale : comment préserver l’identité d’un site patrimonial exceptionnel tout en l’inscrivant dans le présent et l’avenir ?

Pour y répondre, les organisateurs ont choisi un exemple emblématique : la Villa Hegra, première institution franco-saoudienne dédiée à la coopération culturelle, implantée au cœur du site d’AlUla, au nord-est de l’Arabie saoudite.

Trois voix se sont relayées pour éclairer les enjeux de ce projet : Ingrid Périsset, directrice de la recherche archéologique et du patrimoine pour l’Agence française de développement d’AlUla (AFALULA) ; Fériel Fodil, directrice générale de la Villa Hegra ; et Hervé Lemoine, président de l’Établissement public des manufactures nationales et du Mobilier national.

En introduction, Ingrid Périsset a rappelé les racines profondes de la coopération franco-saoudienne dans le domaine archéologique, soulignant que, depuis près d’un quart de siècle, des chercheurs français travaillent sur le site d’Hegra, « petite sœur de Pétra », joyau nabatéen classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette présence pionnière, amorcée au début des années 2000, a contribué à révéler la richesse exceptionnelle d’AlUla et à établir un climat de confiance entre les deux pays.

Pour l’archéologue, il n’existe pas de rupture entre passé et présent : « L’histoire de l’art est un continuum, une transmission permanente. Les artistes contemporains se retrouvent souvent bouleversés en découvrant des objets millénaires, comme s’ils partageaient une même mémoire créative avec ceux qui les ont façonnés. »

Cette vision inscrit la Villa Hegra dans une logique de dialogue entre héritage et création, où la préservation patrimoniale nourrit l’innovation culturelle.

Prenant la parole, Fériel Fodil a présenté la genèse et les spécificités de la Villa Hegra. Créée à la suite d’un accord intergouvernemental signé en 2021 et renforcée par un décret royal en 2024, lors de la visite du président Emmanuel Macron en Arabie saoudite, l’institution s’affirme comme un pilier de la diplomatie culturelle.

Sa singularité tient à sa gouvernance bicéphale, à la fois française et saoudienne, qui se traduit par une double direction curatoriale, des équipes mixtes et une programmation ouverte aux artistes francophones et arabophones. « C’est la première villa véritablement binationale du réseau français, souligne-t-elle. Elle incarne une volonté de coopération équilibrée et réciproque. »

La Villa Hegra rejoint ainsi les grandes villas françaises à l’étranger – de la Villa Médicis à Rome à la Casa de Velázquez à Madrid, en passant par la Villa Kujoyama à Kyoto et la Villa Albertine aux États-Unis. Mais, contrairement à ses sœurs, elle s’implante dans un territoire encore en devenir culturel, avec l’ambition d’être ancrée localement tout en restant ouverte sur le monde.

Pour Hervé Lemoine, l’intérêt de la Villa Hegra tient aussi à sa capacité à accueillir les métiers d’art et du design, trop souvent relégués au second plan derrière les arts visuels ou les arts vivants. Ces savoir-faire, estime-t-il, constituent pourtant un patrimoine matériel essentiel.

Le partenariat entre la Villa Hegra et les Manufactures nationales vise à valoriser cette dimension. Dès les premiers échanges, des pièces de mobilier français ont été installées sur place, non pas uniquement pour leur confort ou leur esthétique, mais pour témoigner de la richesse des traditions artisanales. « C’est une autre manière de créer des ponts, explique-t-il. En montrant le travail du bois ou des arts décoratifs, nous favorisons un échange culturel fondé sur la main, le geste et la matière. »

Ce dialogue se concrétise également par des résidences croisées : une jeune artiste saoudienne rejoindra bientôt les ateliers français pour découvrir la diversité des métiers représentés. Il s’agit là d’une transmission tangible des savoir-faire, vecteur d’innovation et de coopération durable.

La Villa Hegra n’est pas seulement un lieu d’exposition ou de résidence : elle s’affirme comme un outil de diplomatie culturelle. En réunissant artistes, chercheurs et institutions, elle favorise la circulation des idées et des pratiques entre la France, l’Arabie saoudite et au-delà.

Son inscription officielle dans le réseau des villas françaises, prévue à Paris en octobre prochain, ouvrira la voie à de nouveaux échanges artistiques entre les différents sites — qu’il s’agisse de l’Opéra de Paris invité à AlUla ou de collaborations entre designers, musiciens et écrivains.

À travers cette initiative, la France et l’Arabie saoudite affirment une ambition commune : relier le passé au présent et faire du dialogue interculturel un moteur de rayonnement international.