Un an de guerre en Ukraine: combien de temps cela va-t-il durer?

Avec le temps, cette guerre s’effacera dans les coulisses des événements internationaux. (AFP).
Avec le temps, cette guerre s’effacera dans les coulisses des événements internationaux. (AFP).
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Publié le Lundi 06 mars 2023

Un an de guerre en Ukraine: combien de temps cela va-t-il durer?

Un an de guerre en Ukraine: combien de temps cela va-t-il durer?
  • Après un an d’affrontements violents, le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, refuse toujours de céder le territoire ukrainien dans un éventuel accord de paix avec la Russie
  • L’Otan a conscience qu’une défaite de l’Ukraine correspondrait à la défaite de l’Occident tout entier

Le 24 février 2022, le président russe, Vladimir Poutine, a annoncé sa décision de lancer une opération militaire dans l’est de l’Ukraine. Il a demandé à l’armée ukrainienne de déposer les armes et n’a exprimé aucune intention d’occuper le territoire ukrainien. Aujourd’hui, un an après le début de cette opération militaire, le président Poutine n’a pas réussi à désarmer l’Ukraine.

Après un an d’affrontements violents, le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, refuse toujours de céder le territoire ukrainien dans un éventuel accord de paix avec la Russie. Après un an d’hostilités, Zelensky affirme que l’offensive russe de printemps a déjà commencé, indiquant que les forces de son pays pourraient continuer à résister à l’avancée russe afin de lancer une contre-offensive.

Après un an de guerre, le monde n’est plus ce qu’il était avant le 24 février 2022. Une réalité géopolitique mondiale différente est apparue. L’idée d’un nouvel ordre mondial est inévitablement dans l’air, car elle a fait l’objet de spéculations depuis l’apparition du coronavirus.

La guerre est devenue un levier stratégique pour mettre en place une nouvelle structure des relations internationales.

La guerre est devenue un levier stratégique pour mettre en place une nouvelle structure des relations internationales. La guerre en Ukraine a marqué le point culminant d’une phase historique qui a commencé avec l’effondrement de l’ancienne Union soviétique, à la fin du dernier quart du XXe siècle.

Aujourd’hui, un an plus tard, comme je l’ai noté dans mon article il y a quelques semaines, cette guerre est en train de devenir progressivement une guerre oubliée. Plus personne ne s’intéresse vraiment aux événements en Ukraine, non pas parce qu’il s’agit d’une guerre sans conséquence, mais parce qu’il s’agit d’une guerre absurde, sans fin prévisible.

Avec le temps, cette guerre s’effacera dans les coulisses des événements internationaux. Personne ne se préoccupe de cette guerre ni de son issue, si ce n’est en témoignant du désir d’arrêter la récession économique qu’elle a provoquée dans la plupart des économies du monde. C’est une guerre que personne ne veut regarder.

Toutefois, personne non plus ne veut qu’elle se poursuive, sinon la poignée de parties qui profitent de cette passe d’armes désastreuse et destructrice.

Le conflit est passé d’une lutte qui présentait des objectifs et des motifs limités à une guerre par procuration entre la Russie et l’Occident. Ce dernier apporte à l’Ukraine un soutien inconditionnel qui s’intensifie progressivement, parce qu’il redoute une victoire militaire russe. En effet, cette dernière pourrait déclencher un remaniement géostratégique majeur de l’ordre mondial, et pas seulement européen.

La menace russe d’utiliser des armes nucléaires en Ukraine crée un scénario d’anxiété globale. Plus précisément, les déclarations des politiciens et des fonctionnaires russes sur cette question rattachent cette option à la menace pour la sécurité nationale de la Russie, une condition sans définition précise.

L’Occident refuse également d’envisager une alternative pour vaincre la Russie dans la guerre en Ukraine. Ce que nous avons observé lors de la réunion des ministres de la Défense de l’Otan sur la base allemande de Ramstein est le reflet d’une escalade dans la détermination de l’Occident à infliger une défaite militaire à la Russie.

La Russie n’a pas utilisé sa puissance militaire habituelle pour vaincre l’Ukraine. Le Kremlin avait imaginé un scénario dans lequel il mettrait aisément en déroute l’armée ukrainienne

Dans cette querelle complexe, le plus déconcertant  réside dans l’absence de toute volonté internationale de freiner l’une ou l’autre des parties au conflit. Les Nations unies sont complètement absentes de la gestion du conflit. Dans cette crise qui est la pire de l’après-guerre pour la sécurité et la stabilité mondiale, elles sont à peine entendues.

Ce qui est encore plus troublant, c’est que la Russie n’a pas utilisé sa puissance militaire habituelle pour vaincre l’Ukraine. Le Kremlin avait imaginé un scénario dans lequel il mettrait aisément en déroute l’armée ukrainienne. Voilà qui est de nature à accréditer l’hypothèse selon laquelle Moscou pourrait recourir à la force nucléaire pour ne pas perdre la face et empêcher la disparition politique de Poutine.

Mais c’est précisément là que le bât blesse: l’Occident ne veut pas que Poutine sorte d’Ukraine avec un minimum de pertes humaines et matérielles. En réalité, il existe une forte tendance occidentale à entraîner la Russie dans une guerre prolongée qui privera l’État russe d’un retour en tant que puissance internationale capable de soutenir un allié chinois en cas de conflit militaire avec les États-Unis.

Dans l’esprit de beaucoup, la question qui se pose aujourd’hui concerne les chances dont nous disposons pour parvenir à la paix et mettre fin à la guerre en Ukraine.

Dans ce contexte, il convient de mentionner le signal que le président Poutine a donné il y a environ un mois lorsqu’il a accepté d’entrer dans le processus de négociation pour trouver une solution acceptable à la crise ukrainienne. Certains y ont vu un moyen rapide de sortir de la crise, mais il a fait long feu.

Si cette initiative n’a pas trouvé d’écho en Occident, c’est parce qu’il y avait des raisons pour la rejeter rapidement. En effet, le président Poutine a conditionné le dialogue à l’acceptation par Kiev de ce qu’il a appelé les «nouvelles réalités territoriales», c’est-à-dire la subordination du territoire ukrainien à la souveraineté russe.

Le président Zelensky a ensuite posé des conditions plus strictes. Il a annoncé un plan en trois points pour les négociations avec le Kremlin: retrait complet des troupes russes de son pays, rejet des concessions par Kiev, garantie de la sécurité et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

L’une des énigmes clés dans la solution politique de la crise ukrainienne, c’est de savoir combien de temps la guerre va durer. Plus les pertes sont lourdes, plus les deux camps s’éloignent de leurs propres conditions de retrait. L’Ukraine mettra de nombreuses années à s’en remettre.

La Russie, qui a constitutionnellement annexé quatre régions d’Ukraine (en plus de la Crimée, qu’elle a annexée en 2014), hésite davantage à céder. Il n’y a donc pas d’issue possible, à moins que l’une ou l’autre des parties ne se sente affaiblie ou que le soutien militaire et financier de l’Occident à l’Ukraine ne se tarisse.

Il est difficile d’anticiper les faits. L’Otan a conscience qu’une défaite de l’Ukraine correspondrait à la défaite de l’Occident tout entier, et il sait quelles conséquences négatives un éventuel scénario de victoire russe aurait pour l’Europe. Il s’avère que les possibilités se raréfient pour les deux parties de la crise ukrainienne et que la marge de manœuvre diplomatique se réduit.

Il n’y a pas de solution toute trouvée, si ce n’est que la Russie mette fin à la guerre par une formule qui lui permette de sauver la face ou que le président ukrainien Zelensky se retire, pour quelque raison que ce soit, et laisse émerger un nouveau visage qui accepte une solution politique avec le Kremlin. Ce dernier sait que le temps joue en sa faveur: la puissante Amérique, qui a dominé la prise de décision internationale, n’est plus au sommet du pont.

Salem AlKetbi est un politologue émirati et un ancien candidat au Conseil national fédéral.

TWITTER: @salemalketbieng

NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.