Retraites: à la veille d'une journée décisive, la colère toujours là

Des manifestants se tiennent à une barricade alors qu'ils bloquent l'accès au site de stockage d'essence de Port-la-Nouvelle, dans le sud de la France, le 19 mars 2023 (Photo, AFP).
Des manifestants se tiennent à une barricade alors qu'ils bloquent l'accès au site de stockage d'essence de Port-la-Nouvelle, dans le sud de la France, le 19 mars 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 19 mars 2023

Retraites: à la veille d'une journée décisive, la colère toujours là

  • Pour Olivier Dussopt, qui porte cette réforme depuis des mois, «bien sûr, une motion de censure peut toujours être adoptée» à l'Assemblée nationale
  • Les deux motions déposées, par Liot et par des élus du Rassemblement national (RN), seront débattues et mises au vote de l’Assemblée nationale à partir de 16H00

PARIS: A la veille d'une journée décisive avec le débat sur les motions de censure, des ministres montent au créneau pour défendre l'impopulaire réforme des retraites et le recours au 49.3, sans apaiser la colère des opposants, qui manifestent depuis plusieurs jours.

"Je pense qu'il n'y aura pas de majorité pour faire tomber le gouvernement", a déclaré le ministre de l’Economie Bruno Le Maire au Parisien de dimanche. "Mais ce sera un moment de vérité. La réforme des retraites, vaut-elle oui ou non, la chute du gouvernement et le désordre politique ? La réponse est clairement 'non'", selon le ministre, poids-lourd du gouvernement. "Que chacun prenne ses responsabilités !".

Pour le ministre du Travail, Olivier Dussopt, qui porte cette réforme depuis des mois, "bien sûr, une motion de censure peut toujours être adoptée" à l'Assemblée nationale. "Mais il faudrait pour cela qu'elle rassemble une coalition des 'contre', des 'anti', pour obtenir une majorité très hétéroclite sans ligne politique commune", a-t-il dit au Journal du dimanche.

Le président des Républicains, Eric Ciotti, a rapporté sur Twitter que sa permanence parlementaire à Nice avait été caillassée dans la nuit de samedi à dimanche, pour, selon lui, "faire pression" afin qu'il vote lundi la motion de censure.

D'autres permanences d'élus pro-réforme ont été prises pour cible ces derniers jours.

Les épreuves du bac

Favorable à la réforme, Eric Ciotti a déjà prévenu que son parti ne voterait "aucune" des motions, pour ne pas "rajouter du chaos au chaos". Mais une poignée de députés de son camp ont annoncé qu'ils voteraient au moins la motion transpartisane présentée par le groupe indépendant Liot (Libertés, Indépendants Outre-mer et Territoires).

Les deux motions déposées, par Liot et par des élus du Rassemblement national (RN), seront débattues et mises au vote de l’Assemblée nationale à partir de 16H00.

Pour le leader de la CGT, Philippe Martinez, les syndicats n'ont pas à soutenir une motion de censure. "Mais c'est l'occasion pour les parlementaires de voter pour ou contre la réforme, ce qu'ils n'ont pas pu faire jeudi dernier", a-t-il dit dimanche sur BFMTV.

Lundi sera aussi la première journée des épreuves de spécialité du bac 2023, pour près de 540 000 lycéens, sur fond de menaces de grève des surveillants.

Le ministère de l’Education mobilisera des surveillants supplémentaires afin de "permettre le déroulement des épreuves dans les meilleures conditions". En cas de retard dus à une grève des transports, il y aura aménagement du temps d'épreuve pour que le candidat puisse plancher pendant la durée prévue.

Après plusieurs journées de mobilisation et de manifestations, à l'appel de l'intersyndicale regroupant toutes les grandes organisations, le recours jeudi à l'article 49.3 de la Constitution par la Première ministre Élisabeth Borne, a mis le feu aux poudres.

Depuis, des rassemblements organisés ou spontanés se déroulent sur tout le territoire, dans le calme ou avec des débordements. L'intersyndicale a appelé à une journée de mobilisation jeudi 23 mars.

169 interpellations en France, dont 122 à Paris

Un total de 169 personnes, dont 122 à Paris, ont été interpellées samedi soir en France lors des manifestations émaillées de tensions, selon un bilan dimanche du ministère de l'Intérieur.

A Paris, place de la Concorde où les rassemblements étaient interdits, 400 contrôles ont eu lieu et 12 interpellations, a précisé le ministère.

Il y a eu 110 interpellations dans le secteur de la Place d'Italie où des manifestants s'étaient déportés, a-t-il ajouté. Jusqu'à 4.200 personnes ont manifesté dans ce quartier du XIIIe arrondissement qui a été le théâtre de heurts avec la police dans la soirée.

Des incidents - semblables à ceux observés place de la Concorde les deux soirs précédents - ont eu lieu, des poubelles étant incendiées, des vitres de panneaux d'affichage et des abribus pris pour cibles. Des barrières de chantiers ont été utilisées pour bloquer des rues et des jets de projectiles ont visé les forces de l'ordre, a constaté une journaliste de l'AFP.

Les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogène et canon à eau pour disperser les manifestants. Le calme était revenu vers 22H30.

A Lyon, 15 personnes ont été interpellées après des incidents causés par "des groupes d'individus violents", selon la préfecture.

«Désaccord profond»

Les manifestants interrogés par l'AFP lors des rassemblements dans l'Hexagone expriment de la colère, mais défilent dans le calme en majorité, avec slogans et pancartes.

Ainsi, Léa Botté, 29 ans et chargée de mission dans l'associatif agricole, se disait samedi "en colère", lors du rassemblement à Lille. Face à un gouvernement "sourd à toute la mobilisation, il est important de manifester ce week-end sans attendre le vote des motions de censure". "L'Assemblée a besoin d'avoir une caisse de résonance dans la rue. On doit être là pour montrer qu'on est en désaccord profond avec cette réforme structurante, qui touche tout le monde".

Interrogé sur les débordements, Philippe Martinez estime que "c'est de la responsabilité" du président de la République Emmanuel Macron "si la colère est à ces niveaux-là".

Selon le baromètre mensuel de l'Ifop publié par le JDD, la popularité du président de la République s'est écroulée en mars, à 28%, au plus bas depuis la sortie de la crise des "gilets jaunes" en 2019. Un sondage réalisé avant le recours au 49.3.

La motion du Liot, cosignée par des élus de la Nupes, a davantage de chances que celle du RN d'être votée par des députés de droite défavorables à la réforme des retraites. Mais la barre de la majorité absolue pour faire chuter le gouvernement paraît difficile à atteindre.

Mélenchon veut «continuer» la mobilisation «tant que la réforme est proposée»

"La lutte va continuer quel que soit le résultat" des motions de censure qui seront examinées lundi à l'Assemblée nationale, a précisé le leader de La France Insoumise (LFI) au Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro, rappelant que "les syndicats unis ont appelé à des actions toute la semaine et à une grande manifestation jeudi".

"Je ne dirai jamais qu'il faut arrêter la mobilisation, tant que la réforme à 64 ans est proposée, il faut continuer", a-t-il insisté.

Interrogé sur les violences, il a souligné que "pas une seule fois, ce texte n'a acquis quelque forme que ce soit de légitimité parlementaire".

Mais pour lui, "le mouvement est calme, vous ne savez pas ce qu'est un mouvement violent", a-t-il affirmé aux journalistes en plateau, en évoquant mai 68. "Ce mouvement est d'un calme et d'un pacifisme remarquable", a renchéri l'ex-candidat à l'Elysée.

"Ces temps derniers, on avait eu une pratique plus respectueuse" du maintien de l'ordre, a-t-il estimé, mais "il m'a semblé qu'on revenait à des choses beaucoup plus brutales", a-t-il aussi déploré, évoquant notamment la manifestation place d'Italie à Paris samedi.

Pour lui, c'est le moment de faire preuve de "sang froid". "Nous n'avons aucun intérêt à aller à une bataille rangée", a-t-il encore martelé.

"Nous qui nous battons contre cette loi, nous avons un message à adresser à nos amis. N'invisibilisez pas la lutte par des pratiques qui se retourneraient contre nous", a-t-il demandé.

Car l'ancien député estime que "le pouvoir de M. Macron compte sur les débordements pour ensuite jouir d'une situation de peur".


France: un Ukrainien inculpé pour le meurtre d'une Franco-Russe dans un conflit de voisinage

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  • Selon le parquet, il y avait de la part de cette femme "une attitude régulièrement agressive avec des menaces de mort envers" ses voisins ukrainiens arrivés en France en mars 2022 pour fuir l'invasion de leur pays par la Russie
  • Née au Kazakhstan en 1967, alors en URSS, elle était arrivée en France en 2004, d'après la même source

EVREUX: Un Ukrainien de 69 ans a été inculpé pour meurtre et placé sous contrôle judiciaire après le décès mardi de sa voisine franco-russe à Evreux, dans le nord de la France, lors d'un différend de voisinage, a-t-on appris vendredi auprès du parquet local.

Un couple de retraités ukrainiens ainsi que leur amie avaient été agressés avec un couteau d'environ 20 cm par leur voisine franco-russe, vers 5H00 locales (7H00 GMT) dans la nuit de lundi à mardi, a expliqué le procureur de la République d'Evreux Rémi Coutin lors d'une conférence de presse.

Le mari du couple ukrainien aurait alors retourné l'arme blanche contre sa voisine la blessant à trois reprises, dont une mortelle à la cuisse, toujours selon le procureur.

"Pour nous c'est la victime, celle qui a reçu les coups de couteau et est décédée mardi matin, qui était venue agresser au moins à deux reprises cette nuit-là les personnes ukrainiennes qui se trouvaient dans l'appartement au-dessus d'elle", a déclaré Rémi Coutin, justifiant ainsi le non placement en détention de l'auteur présumé des faits.

Selon le parquet, il y avait de la part de cette femme "une attitude régulièrement agressive avec des menaces de mort envers" ses voisins ukrainiens arrivés en France en mars 2022 pour fuir l'invasion de leur pays par la Russie.

Née au Kazakhstan en 1967, alors en URSS, elle était arrivée en France en 2004, d'après la même source.

Un voisin a déclaré avoir passé la soirée à boire des bières chez la quinquagénaire avant que celle-ci ne décide "de monter le son de la musique, de donner des coups de balai dans le plafond afin d'embêter ses voisins du dessus", puis de se rendre chez eux pour une première altercation.

Déjà condamné à cinq reprises pour violences, ce voisin est mis en examen pour violences aggravées pour avoir frappé l'homme ukrainien lors cette première rencontre nocturne, a relevé le parquet.

Un habitant de l'immeuble a indiqué lors de son audition qu'il avait déjà demandé l'intervention à la police les 22 et 30 juin, parce que la victime était en train de donner des coups de poing dans la porte de l'appartement de ses voisins ukrainiens.

Entendu par la police, l'ex-mari de la femme franco-russe a relaté que s'agissant de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, elle considérait que la Russie devait "se défendre, chasser les nazis d'Ukraine et lutter contre l'OTAN".

 


Audiovisuel public: Dati dégaine le «vote bloqué» pour accélérer les débats

Brigitte Macron et Rachida Dati. (AFP)
Brigitte Macron et Rachida Dati. (AFP)
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  • Vendredi matin, à la reprise, rien n'a laissé présager que les discussions puissent s'accélérer. Un peu plus d'une demi heure après le début des débats, Mme Dati a annoncé que le gouvernement demandait au Sénat "de se prononcer par un vote unique
  • Cette procédure très rarement utilisée permet d'accélérer les débats en n'organisant qu'un seul vote, sur le texte et les amendements que le gouvernement choisit de conserver

PARIS: Fin de session chaotique au Sénat: face à l'"obstruction" de la gauche, la ministre de la Culture Rachida Dati a dégainé vendredi matin l'arme constitutionnelle du "vote bloqué" sur la réforme de l'audiovisuel public, pour tenter d'aboutir avant les congés parlementaires.

C'est une nouvelle vicissitude pour ce texte au parcours chaotique, porté à bout de bras par la ministre face à l'hostilité des syndicats, et qui pour l'essentiel prévoit de créer le 1er janvier 2026 une holding, France Médias, qui chapeauterait France Télévisions, Radio France et l'Ina (Institut national de l'audiovisuel), sous l'autorité d'un président-directeur général.

L'examen du texte a avancé à très faible allure jeudi: suspensions de séance à répétition, rappels au règlement, motions de rejet préalable, invectives en pagaille... En plus de huit heures de débats, les sénateurs ont à peine démarré l'examen de l'article premier de la proposition de loi du sénateur Laurent Lafon.

A la manoeuvre, la gauche, bien décidée à jouer la montre, alors que la session extraordinaire doit théoriquement s'achever vendredi à minuit.

Vendredi matin, à la reprise, rien n'a laissé présager que les discussions puissent s'accélérer. Un peu plus d'une demi heure après le début des débats, Mme Dati a annoncé que le gouvernement demandait au Sénat "de se prononcer par un vote unique sur l'ensemble du texte", "en application de l'article 44 alinéa 3 de la Constitution".

Cette procédure très rarement utilisée permet d'accélérer les débats en n'organisant qu'un seul vote, sur le texte et les amendements que le gouvernement choisit de conserver.

"Après plus de sept heures de débat, nous n'avons pu débattre que de 31 amendements sur ce texte. On a vu encore ce matin (...) de l'obstruction, toujours de l'obstruction et encore de l'obstruction", a-t-elle justifié. Il restait alors environ 300 amendements à débattre.

Les débats, suspendus vers 10H15, ont repris près de deux heures plus tard, et le président de séance Didier Mandelli (LR) a pris acte de la demande du gouvernement.

Débats "escamotés" 

Les orateurs de la gauche ont successivement protesté contre ce "coup de force", selon le mot de l'ancienne ministre socialiste Laurence Rossignol. "On parle de liberté de la presse. Mais commençons déjà par respecter les droits du Parlement", a-t-elle tonné, rappelant que le Sénat avait d'autres outils à sa disposition pour discipliner les discussions.

Et ce alors que les débats ont déjà été "escamotés" en première lecture à l'Assemblée le 30 juin, après le vote surprise d'un motion de rejet déposée par les écologistes, face aux bancs désertés de la coalition gouvernementale.

"C'est vous qui êtes responsables du fait que le débat ne peut pas avoir lieu. Ce n'est pas nous", leur a rétorqué le rapporteur du texte, Cédric Vial (LR).

Le président de la commission de la culture Laurent Lafon (UDI) a lui aussi défendu la décision du gouvernement, pointant une obstruction "caractérisée" destinée à "empêcher que le Sénat confirme son soutien" au texte.

Selon des sources parlementaires, la décision de déclencher le "vote bloqué" était sur la table depuis jeudi.

Mais, alors que le président du Sénat et le ministre des Relations avec le Parlement étaient enclins à laisser le débat se dérouler, "c'est bien Rachida Dati", en première ligne face à la gauche, qui "à un moment donné (...) a tranché pour tout le monde", selon un poids lourd.

Désormais, l'examen du texte devrait pouvoir "aller au bout" avant la fin de la session, selon cette source. Et revenir sans doute à l'automne à l'Assemblée, à une date indéterminée.


Trois députés contraints de démissionner après avoir été déclarés inéligibles par le Conseil constitutionnel

La ministre française de la Culture Rachida Dati et le Premier ministre français Gabriel Attal  s'adressent à la presse lors d'une visite de campagne pour soutenir la candidate du MoDem Maud Gatel  et le candidat de la Renaissance Jean Laussucq pour les élections législatives, sur un marché, à Paris, le 5 juillet 2024. (Photo d'archives AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati et le Premier ministre français Gabriel Attal s'adressent à la presse lors d'une visite de campagne pour soutenir la candidate du MoDem Maud Gatel et le candidat de la Renaissance Jean Laussucq pour les élections législatives, sur un marché, à Paris, le 5 juillet 2024. (Photo d'archives AFP)
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  • Les dépenses irrégulières "représentent 21% du montant des dépenses du compte et 10,2% du plafond des dépenses autorisées dans la circonscription" et s'élèvent à 7.030 euros, a précisé le Conseil constitutionnel
  • Brigitte Barèges a été épinglée pour avoir facturé la participation à sa campagne de deux collaborateurs de son cabinet à la mairie de Montauban, alors qu'elle en était la maire

PARIS: Trois députés, les élus Ensemble pour la République (EPR) Jean Laussucq et Stéphane Vojetta ainsi que celle de l'Union des droites (UDR) Brigitte Barèges, ont été déclarés inéligibles par le Conseil constitutionnel vendredi, en raison d'irrégularités dans leurs comptes de campagne.

Jean Laussucq, député de Paris, Brigitte Barèges, députée du Tarn-et-Garonne, et Stéphane Vojetta, député pour les Français établis hors de France, ont été déclarés inéligibles "pour une durée d'un an" et "démissionnaires d'office" de leurs mandats, a annoncé le Conseil constitutionnel.

Il est reproché à Jean Laussucq d'avoir réglé "des dépenses de campagne au moyen de son compte bancaire personnel" et d'avoir laissé des tiers régler "directement une part significative des dépenses exposées pour sa campagne électorale" de 2024.

Les dépenses irrégulières "représentent 21% du montant des dépenses du compte et 10,2% du plafond des dépenses autorisées dans la circonscription" et s'élèvent à 7.030 euros, a précisé le Conseil constitutionnel.

Brigitte Barèges a été épinglée pour avoir facturé la participation à sa campagne de deux collaborateurs de son cabinet à la mairie de Montauban, alors qu'elle en était la maire.

Enfin, le Conseil constitutionnel a reproché à Stéphane Vojetta, élu dans une circonscription comprenant notamment l'Espagne et le Portugal, d'avoir réglé "irrégulièrement" une "part substantielle des dépenses engagées", durant sa campagne, notamment des "frais de transport".

Des élections législatives partielles devront être organisées prochainement pour désigner des nouveaux députés.

Deux autres députés élus lors des législatives de juillet 2024 avaient dû remettre leurs sièges en jeu après des décisions du Conseil constitutionnel, dans le Jura et en Saône-et-Loire.