Jihad, pêcheur palestinien dont le bateau pourrait être saisi à jamais par Israël

Le pêcheur palestinien Jihad al-Hissi est photographié au port de la ville de Gaza, le 10 janvier 2023 (Photo, AFP).
Le pêcheur palestinien Jihad al-Hissi est photographié au port de la ville de Gaza, le 10 janvier 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 22 mars 2023

Jihad, pêcheur palestinien dont le bateau pourrait être saisi à jamais par Israël

  • La limite de la zone de pêche oscille actuellement entre 6 et 15 milles nautiques depuis la côte de Gaza
  • Les accords israélo-palestiniens d'Oslo, signés dans les années 1990, la fixaient à un maximum de 20 miles nautiques

GAZA: Jihad al-Hissi a l'habitude de la houle en mer, mais affronte ces jours-ci une toute autre tempête : pour s'être aventuré au-delà de la zone de pêche de Gaza, un tribunal israélien menace de confisquer à jamais son embarcation.

06H30 au port de Gaza. Les pêcheurs dévoilent les fruits de leur dernière pêche nocturne vendus sur les docks à la criée: des dorades, des crevettes ou encore des sardines.

Barbe rêche, épaules carrées, Jihad al-Hissi fait le tour des opérations. Son embarcation, le "Hajj Rajab", revient du sud de la bande de Gaza, près de la frontière égyptienne, où elle a trouvé des "gambaris", des grosses crevettes.

Si son bateau jaune vif a bien un nom, ce dernier a récemment été effacé. "Je ne veux pas que les Israéliens nous repèrent et saisissent mon bateau", explique l'homme de 55 ans, issu d'une grande famille de pêcheurs.

Le 14 février 2022, son embarcation s'est aventurée au-delà de la zone maritime imposée par Israël à la bande de Gaza dans le cadre d'un siège de ce territoire palestinien imposé depuis 2007 après la prise de pouvoir sur place par les islamistes du Hamas.

"A une centaine de mètres au-delà de la zone, nous avons été surpris par trois bateaux israéliens avec des commandos. Ils ont attaqué notre embarcation (...), nous ont ligotés et arrêtés", raconte Nihad al-Hissi, le frère de Jihad et qui était en mer ce jour-là.

La cabine du rafiot reste trouée par les impacts de canon à eau et balles en caoutchouc tirées par les soldats israéliens.

Saisie permanente 

La limite de la zone de pêche oscille actuellement entre 6 et 15 milles nautiques depuis la côte de Gaza, alors que les accords israélo-palestiniens d'Oslo, signés dans les années 1990, la fixaient à un maximum de 20 miles nautiques.

Jihad al-Hissi estime donc respecter la loi en vigueur lorsqu'il franchit les limites du blocus maritime israélien.

Même si il le reconnaît, il lui arrive parfois d'aller au-delà. Non pas pour faire de la contrebande, mais pour tenter de trouver en mer des crevettes, dont la quantité, avec un prix à l'export autour de 20 euros le kilo, peut faire la différence entre une excursion à perte ou à profit.

Confisqué par Israël, son bateau est désormais au cœur d'une véritable bataille juridique, scrutée par les milliers de pêcheurs de Gaza, étroit territoire paupérisé de 2,3 millions d'habitants où la pêche demeure l'un des rares moteurs économiques.

Le nombre de saisies temporaires par Israël d'embarcations de pêcheurs soupçonnés de contrebande ou d'avoir outrepassé la zone de pêche est en hausse : 23 confiscations en 2022, un record depuis 2018, d'après l'ONG palestinienne Al Mezan.

Elle a également enregistré 474 incidents sécuritaires impliquant des pêcheurs de Gaza en 2022, du jamais-vu depuis 2017.

Jihad al-Hissi, lui, pourrait ne plus jamais revoir son bateau. Les autorités israéliennes ont ainsi demandé à la justice de "confisquer de manière permanente" son embarcation, selon des documents présentés en audience et consultés par l'AFP.

Il lui est reproché "d'avoir violé à de nombreuses reprises les restrictions sécuritaires imposées par l'armée israélienne dans la zone maritime adjacente à Gaza".

L'ONG israélienne Gisha a contesté la requête et obtenu en septembre la restitution de l'embarcation.

Mais la bataille fait toujours rage, devant le tribunal israélien de Haïfa (nord) où l'État hébreu tente de reprendre, par une décision de justice, l'embarcation de Jihad... qui s'est depuis à nouveau aventuré hors de la zone de pêche.

«Escalade sans précédent»

"Le cas de Jihad est une première", assure à l'AFP Muna Haddad, avocate de l'ONG Gisha qui représente le pêcheur palestinien au tribunal de Haïfa.

"C'est une escalade sans précédent contre les pêcheurs, et cela n'a jamais été fait (...) par le passé", soutient-elle, accusant Israël de détourner des dispositions du droit international sur les conflits armés - encadrant la saisie de vaisseaux ennemis - pour l'imposer à des civils.

Dans les documents consultés par l'AFP, Israël affirme que le pêcheur "abuse" des protections légales et que son équipage a "menacé" la sécurité de soldats lors de la saisie en mer.

Si son embarcation est définitivement confisquée, il s'agit d'"une menace sérieuse pour les milliers de pêcheurs de Gaza car il vise à mettre fin à la pêche", s'inquiète Nizar Ayyash, président du syndicat représentant les 4.000 pêcheurs de Gaza.

Les responsables militaires israéliens interrogés par l'AFP assurent, eux, vouloir soutenir l'économie de Gaza sans compromettre la sécurité d'Israël.

"Nous pêchons pour survivre", confie Jihad al-Hissi, dont la famille vivait jadis à Jaffa, aujourd'hui un quartier de Tel-Aviv, avant de s'enfuir à Gaza lors de la guerre de 1948.

"Et nous continuerons de pêcher même lorsque nos profits seront au plus bas", dit-il. "De toute manière je ne sais rien faire d'autre dans la vie."


La reconnaissance de la Palestine, message à Israël sur «les illusions de l'occupation» 

La prochaine reconnaissance de la Palestine par plusieurs Etats dont la France en marge de l'Assemblée générale de l'ONU adresse un message claire à Israël sur les "illusions" de l'occupation, a déclaré mercredi à l'AFP la ministre des Affaires étrangères palestinienne Varsen Aghabekian.(AFP)
La prochaine reconnaissance de la Palestine par plusieurs Etats dont la France en marge de l'Assemblée générale de l'ONU adresse un message claire à Israël sur les "illusions" de l'occupation, a déclaré mercredi à l'AFP la ministre des Affaires étrangères palestinienne Varsen Aghabekian.(AFP)
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  • "La reconnaissance n'est pas symbolique. C'est quelque chose de très important car cela envoie un message très clair aux Israéliens sur leurs illusions de [vouloir] continuer leur occupation pour toujours"
  • Cela envoie aussi "un message clair aux Palestiniens : 'nous soutenons votre droit à l'autodétermination'" et "cela nous donne un élan pour l'avenir, car nous allons construire dessus"

RAMALLAH: La prochaine reconnaissance de la Palestine par plusieurs Etats dont la France en marge de l'Assemblée générale de l'ONU adresse un message claire à Israël sur les "illusions" de l'occupation, a déclaré mercredi à l'AFP la ministre des Affaires étrangères palestinienne Varsen Aghabekian.

"La reconnaissance n'est pas symbolique. C'est quelque chose de très important car cela envoie un message très clair aux Israéliens sur leurs illusions de [vouloir] continuer leur occupation pour toujours", a déclaré Mme Aghabekian, en référence à l'occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza par Israël.

Cela envoie aussi "un message clair aux Palestiniens : 'nous soutenons votre droit à l'autodétermination'" et "cela nous donne un élan pour l'avenir, car nous allons construire dessus", a-t-elle ajouté.


Les groupes de défense des droits exhortent le Liban à protéger la liberté d'expression dans la nouvelle loi sur les médias

Le Parlement libanais devrait s'assurer que le projet de loi sur les médias qu'il examine respecte le droit à la liberté d'expression, ont demandé mardi 14 organisations libanaises et internationales de défense des droits de l'homme. (AFP)
Le Parlement libanais devrait s'assurer que le projet de loi sur les médias qu'il examine respecte le droit à la liberté d'expression, ont demandé mardi 14 organisations libanaises et internationales de défense des droits de l'homme. (AFP)
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  • Les amendements proposés risquent de saper les efforts de réforme, selon les critiques
  • Les ONG demandent au Parlement d'abolir la diffamation criminelle et de mettre fin à la détention préventive

BEYROUTH: Le Parlement libanais devrait s'assurer que le projet de loi sur les médias qu'il examine respecte le droit à la liberté d'expression, ont demandé mardi 14 organisations libanaises et internationales de défense des droits de l'homme.

Il s'agit notamment de décriminaliser la diffamation, le blasphème, l'insulte et la critique des fonctionnaires, d'interdire la détention provisoire en cas d'infractions liées à la liberté d'expression et de supprimer les restrictions onéreuses imposées à la création de médias.

Ces appels interviennent alors que la commission parlementaire de l'administration et de la justice doit reprendre mardi l'examen du projet de loi.

Le 31 août, les membres du Parlement ont reçu des propositions d'amendements au texte du projet de loi qui, selon les organisations, comprenaient la réintroduction de la détention préventive et des dispositions qui criminalisent l'insulte et la diffamation.

Les groupes de défense des droits, dont Amnesty International, le Comité pour la protection des journalistes, Human Rights Watch et Reporters sans frontières, ont prévenu que les amendements proposés limiteraient davantage le travail des organisations de médias qui font l'objet d'une plainte en leur interdisant de publier des documents sur le plaignant tant que la procédure judiciaire est en cours.

Les lois libanaises sur la diffamation criminelle ont été utilisées à maintes reprises pour cibler et réduire au silence les critiques du gouvernement, les activistes et les journalistes au Liban, ces derniers étant régulièrement convoqués devant les agences de sécurité pour leur travail.

"Le Parlement devrait veiller à ce que ces pratiques cessent en adoptant une loi sur les médias qui soit entièrement conforme aux normes internationales en matière de droits de l'homme, notamment en ce qui concerne le droit à la liberté d'expression et à la liberté des médias", ont déclaré les organisations dans un communiqué.

"Le Parlement libanais devrait adopter une loi sur les médias qui inclue les protections des droits pour lesquelles les groupes de défense des droits et des médias libanais se battent depuis longtemps", ont-elles ajouté.

Les groupes de défense des droits, qui ont examiné les amendements proposés, se sont opposés à la réintroduction de la détention provisoire, y compris "dans des circonstances aggravées, telles que l'atteinte à la dignité ou à la vie privée des individus".

La détention provisoire n'est autorisée au Liban que pour les délits passibles de plus d'un an de prison. Elle est expressément interdite pour les délits liés aux médias dans les lois libanaises existantes sur les médias.

"S'il était adopté, cet amendement constituerait un recul significatif pour la protection du droit à la liberté d'expression et à la liberté des médias au Liban", ont déclaré les organisations.

Elles notent que l'amendement proposé ne précise pas ce que signifie "porter atteinte à la dignité ou à la vie privée des individus".

"Une loi vague qui laisse les gens dans l'incertitude quant à l'expression qui peut la violer a un effet dissuasif sur la liberté d'expression, car les gens peuvent s'autocensurer de peur de faire l'objet d'une convocation, d'une détention provisoire ou d'éventuelles poursuites judiciaires", ont-elles ajouté.

"Les dispositions vagues laissent également la loi sujette à des abus de la part des autorités, qui peuvent les utiliser pour faire taire les dissidents pacifiques.

Une telle interdiction législative générale constituerait "une atteinte grave au droit à la liberté d'expression".

Les amendements proposés obligeraient les stations de télévision titulaires d'une licence à fournir au ministère de l'information et au Conseil national de l'audiovisuel des rapports réguliers, y compris des informations détaillées sur la programmation des émissions, et impliqueraient que les médias électroniques soient soumis à un régime d'autorisation préalable plutôt qu'à un régime de notification.

"Si elles ne sont pas élaborées avec soin, ces exigences en matière d'autorisation risquent de permettre une prise de décision arbitraire quant à l'établissement et à l'exploitation des médias et pourraient faciliter les violations du droit à la liberté d'expression et à la liberté des médias", indique la déclaration.

Le Parlement libanais a commencé à discuter d'une nouvelle loi sur les médias en 2010 après qu'un ancien membre du Parlement, Ghassan Moukheiber, et la Fondation Maharat, une organisation non gouvernementale basée à Beyrouth et spécialisée dans les questions relatives aux médias et à la liberté d'expression, ont soumis une proposition visant à modifier la loi sur les publications du Liban, qui est dépassée.

En janvier 2023, le Parlement a créé une sous-commission chargée d'étudier et de modifier le projet de loi sur les médias, dont la version finale a été soumise à la Commission de l'administration et de la justice le 27 mai.

Le projet de loi soumis à la commission en mai comprenait des avancées dans la protection du droit à la liberté d'expression au Liban, notamment l'abolition de la détention provisoire et des peines de prison pour toutes les violations liées à l'expression. Il abroge également les dispositions relatives à la diffamation et à l'insulte du code pénal libanais et de la loi sur le système judiciaire militaire.

La commission de l'administration et de la justice a entamé les discussions sur le dernier projet de loi sur les médias le 29 juillet et a tenu trois réunions sur la question.

Cependant, les amendements proposés, présentés aux membres du Parlement le 31 août, ont été largement contestés par les groupes internationaux de défense des droits pour des dispositions considérées comme restreignant la liberté des médias.

Les groupes de défense des droits ont demandé à la commission de rendre ses discussions publiques afin de garantir la transparence des débats législatifs et de faciliter la participation effective du public.


L'Arabie saoudite, le Qatar et la Chine condamnent l'attaque terrestre israélienne à Gaza

De la fumée s'élève de Gaza après une explosion, vue d'Israël le 17 septembre 2025. (REUTERS)
De la fumée s'élève de Gaza après une explosion, vue d'Israël le 17 septembre 2025. (REUTERS)
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  • L'Arabie saoudite a critiqué la communauté internationale pour son incapacité à mettre fin à l'escalade
  • Le Qatar a réitéré son soutien à la création d'un État palestinien indépendant

RIYADH : L'Arabie saoudite, la Chine et le Qatar ont condamné mercredi l'extension des opérations militaires israéliennes à Gaza, avertissant que l'assaut violait le droit international et menaçait la stabilité régionale.

Dans une déclaration, le ministère saoudien des affaires étrangères a dénoncé ce qu'il a appelé "la poursuite des crimes" par les forces d'occupation israéliennes et a critiqué la communauté internationale pour son incapacité à prendre des mesures efficaces pour mettre fin à l'escalade.

Le Royaume a réaffirmé son rejet des actions qui portent atteinte au droit humanitaire international et a appelé à des efforts internationaux urgents pour mettre fin à la violence et assurer la protection des civils à Gaza.

Le ministère des affaires étrangères du Qatar a également condamné l'opération terrestre israélienne "dans les termes les plus forts", la qualifiant d'extension de la guerre contre le peuple palestinien et de "violation flagrante du droit international".

Il a averti que les actions d'Israël compromettaient les perspectives de paix par des politiques de "colonisation, d'agression et de racisme", et a exhorté la communauté internationale à prendre des mesures décisives pour garantir le respect des résolutions internationales.

Le Qatar a réitéré son soutien à la cause palestinienne et à la création d'un État palestinien indépendant sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.

À Pékin, le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Lin Jian, a déclaré que la Chine "s'oppose fermement à l'escalade des opérations militaires d'Israël à Gaza et condamne tous les actes qui portent atteinte aux civils et violent le droit international", en référence au bombardement de la ville de Gaza.