Dans l'eldorado colombien, la bataille des «dragons» d'or

Vue aérienne montrant l'impact environnemental de l'exploitation minière dans la municipalité de Taraza, département d'Antioquia, Colombie, le 22 mars 2023. Les squelettes géants de dragues à or brûlées et démantelées jonchent les rivières du nord-ouest de la Colombie, où le gouvernement mène une guerre sans merci contre l'exploitation minière illégale. (AFP).
Vue aérienne montrant l'impact environnemental de l'exploitation minière dans la municipalité de Taraza, département d'Antioquia, Colombie, le 22 mars 2023. Les squelettes géants de dragues à or brûlées et démantelées jonchent les rivières du nord-ouest de la Colombie, où le gouvernement mène une guerre sans merci contre l'exploitation minière illégale. (AFP).
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Publié le Samedi 01 avril 2023

Dans l'eldorado colombien, la bataille des «dragons» d'or

  • Siphonnant les fonds alluvionnaires, ces monstres de fer, surnommés localement les 'dragons', détruisent l'environnement et financent, selon les autorités, le crime organisé
  • Leur neutralisation, opérée manu militari par l'armée, suscite une vive hostilité des communautés locales

EL BAGRE : Tels des porte-avions échoués sur les gravières, leurs épaves noircies par les flammes gisent ici et là le long des rivières: dans le nord-ouest de la Colombie, le gouvernement mène une lutte sans merci contre les dragues servant à l'extraction de l'or.

Siphonnant les fonds alluvionnaires, ces monstres de fer, surnommés localement les "dragons", détruisent l'environnement et financent, selon les autorités, le crime organisé.

Leur neutralisation, opérée manu militari par l'armée, suscite une vive hostilité des communautés locales, a constaté l'AFP à El Bagre, au cœur d'une région historiquement aurifère, le Bajo Cauca, où beaucoup de chercheurs d'or subsistent au jour le jour de l'exploitation informelle.

Un grève générale des orpailleurs, menée depuis début mars, a été marquée par de nombreux actes de vandalisme, et serait soutenue en sous-main par les narcos, estime le gouvernement.

"Nous n'avons rien à voir avec les groupes criminels. Nous sommes de simples mineurs du coin qui ne causent pas de problème", plaide Luis Manuel Campo, chemisette à fleurs entrouverte sur un collier à crucifix forgé dans le précieux métal.

Chacun sa «chance»

A 32 ans, Luis est propriétaire d'une drague avec trois autres associés. "On ne se cache pas. On veut juste que s'arrête la persécution. Nous voulons formaliser notre situation, pour pouvoir travailler tranquillement sans être stigmatisé", affirme-t-il.

Zaragoza, Caceres... les noms des villes rappellent que le colonisateur espagnol exploitait déjà l'or au XVIIe siècle dans le Bajo Cauca, qui suit le lit du fleuve éponyme et de ses affluents, dont le rio Nechi, descendant de la cordillère des Andes vers la côte caribéenne.

Ancien bastion des paramilitaires dans les années 1990, la région est aujourd'hui une place forte de leurs héritiers du Clan del Golfo, plus puissant cartel du pays, avec lequel le président de gauche Gustavo Petro vient d'annoncer la rupture de délicates négociations de paix, dénonçant notamment son implication dans le juteux et opaque commerce de l'or.

Car avec la montée des cours et du dollar, le Bajo Cauca connait une nouvelle fièvre de l'or: du miséreux cherchant chaque jour sa pitance dans les graviers avec sa pelle, en passant par les "machines jaunes" (surnom local des bulldozers) et les plus imposants engins de dragages.

"A part l'or ici, il n'y a rien", explique M. Campo. "Pour vivre il faut se démerder avec tes bras, ou le peu d'argent que tu as. Tu investis, tu creuses... L'or, c'est de la chance!", résume cet enfant du pays. Et à El Bagre, "on trouve de l'or sur n'importe quelle plage...".

On y dénombre près de 350 engins de dragages en tout genre, s'accordent à dire les sources locales.

Cela va du simple flotteur à moteur, avec son tapis roulant bricolé, à la drague de cinq mètres de long, opérée par plusieurs plongeurs guidant sous les eaux sombres le tuyau aspirateur. Et enfin les plus grosses dragues, dite de type "brésilienne" ou "dragons", protagonistes de la crise actuelle.

Il y aurait 27 brésiliennes opérant illégalement sur le rio Nechi, selon les représentants de ce secteur informel.

En plus des grandes dragues, légales celles-là, de l'entreprise Mineros Aluvial, multinationale de capitaux colombiens, et unique acteur agréé par l'Etat sur cette zone de près de 50 000 hectares.

Une brésilienne, c'est "une embarcation de trois étages, 20 mètres de long, avec de gros moteurs, et qui suce les fonds des cours d'eau", résume le patron de l'armée dans la zone, le général Eduardo Arias, qui orchestre la chasse à ces machines responsables d'un véritable "écocide" selon lui.

Elles tiennent leur surnom de leurs homologues utilisés à grande échelle en Amazonie brésilienne. Leur technologie aurait été importée en 2005 par deux Brésiliens, incarcérés depuis.

Coléoptère Mad Max

L'AFP a pu visiter plusieurs de ces engins, dont la flambant neuve "Native", construite fin 2022, opérationnelle pendant deux mois, et désormais à l'arrêt dans un bras du rio Nechi.

"Les hélicos (de l'armée) nous survolent tous les jours, on a peur", se lamente son capitaine Alex Cossio, solide gaillard de 41 ans.

Au-dessus de la coque en acier, le premier étage abrite la salle des machines. L'étage supérieur recueille les tonnes de sédiments sur un tamis géant, à côté de dortoirs de fortunes et des cantinières. Le long tuyau en forme de rostre s'élevant de la proue pour aller sucer les alluvions donne à l'ensemble des allures de coléoptère géant version Mad Max.

Prodiges de bricolages, de mécanique et de recyclage, construites grâce à l'ingéniosité et la pugnacité des communautés locales, elles fonctionnent quasi 24/24h dans le vacarme des moteurs. L'équipage, jusqu'à 20 personnes, est payé au pourcentage.

L'investissement pour une brésilienne tourne autour de 500 000 dollars. "Avec les cours actuels, c'est rentable", détaille M. Cossio, à raison d'une récolte minimum de 80/100 grammes d'or par jour.

Une brésilienne peut trouver jusqu'à 2 kilos d'or par jour, soit plus de 50 000 dollars, selon une source policière.

"Gasoil, nourriture, logistique... On achète tout au quartier, un grand nombre de familles vivent de notre activité", souligne le capitaine Cossio.

Sa drague, "c'est un rêve et un patrimoine familial". Et qui n'a aucun lien avec le crime organisé, assure-t-il.

L'AFP a comptabilisé sur le Nechi au moins six "brésiliennes" incendiées. Plusieurs sont déjà en cours de réhabilitation, comme à Nueva Esperanza, hameau miséreux au bord de l'eau, où trois dragues, amarrées côte-à-côte, ont été visées par un raid de l'armée le 10 mars.

"On a essayé de les arrêter, c'était terrible", se souvient Julia Tatis, propriétaire d'une petite gargote.

«Proies faciles?»

Les trois embarcations, telles des forteresses d'acier, tiennent pourtant encore debout. L'une des trois, la Guadalupe, semble même déjà sur le point de reprendre la navigation. Des mécanos s'affairent dans le cambouis sur un nouveau moteur tout juste réinstallé.

"Les militaires ont débarqué en disant que nous sommes du Clan del Golfo. Et ils ont tout brûlé", raconte son patron, Juan Manuel Carcamo. "On se réorganise, sans vraiment savoir ce qu'il va se passer".

"Ca fait trois fois que ces fils de p...  brûlent cette drague", peste William, un équipier, dont la panse s'échappe du tee-shirt.

"L'or c'est une aventure. Mais ça peut se faire dans les formes", veut-il croire, se disant même "prêts à aider à la reforestation".

"Bien sûr que les dragues ont un impact. Mais nous travaillons les sols qui ont été déjà exploités par l'entreprise Mineros depuis 40 ans", explique Luis Manuel Campo. "Les dégâts ont déjà été faits. Alors où est le problème?"

Quant à l'emprise du Clan del Golfo, "ce n'est un secret pour personne que dans ce pays, les groupes illégaux ont des mains dans tous les business...", reconnaît le patron de la Native.

Mais "il est faux de dire que les dragues appartiennent au Clan", soutient Francisco Arrieta Franco, avocat et défenseur de la cause des petits mineurs, qu'il voit plutôt comme des "victimes". "C'est compliqué et coûteux d'opérer directement une drague. Les criminels sont plus intéressés par l'extorsion, qui est partout dans cette région".

"Dans ces territoires abandonnés depuis toujours par l'Etat, les orpailleurs des dragues sont avant tout les proies faciles du Clan", analyse un journaliste local, Eder Narvaez, jugeant que la solution est plutôt dans la certification du secteur.

Mais l'extorsion se poursuivra d'une manière ou d'une autre, préviennent toutes ces sources.

Dans un comptoir d'achat d'or, on met en garde contre les violences à venir "si le gouvernement continue à harceler les mineurs".

"Nous avons besoin des dragues pour travailler et manger. Elles servent toute la communauté!", s'époumone une employée. "C'est quand on a le ventre vide qu'on est obligé de faire des choses vraiment illégales...", menace à demi-mot un orpailleur.


L'aéroport de Riyad presque à l'arrêt en raison de problèmes opérationnels

 L'aéroport international King Khalid à Riyad. Getty
L'aéroport international King Khalid à Riyad. Getty
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  • Les compagnies aériennes publient des déclarations, tandis que des sources indiquent à Arab News que la pluie est à blâmer
  • Dans son propre communiqué, Saudia a déclaré : "Les clients touchés sont contactés par l'intermédiaire de la compagnie aérienne"

RIYAD: Des milliers de passagers voyageant vers et depuis l'aéroport international King Khalid de Riyad ont été laissés en plan alors que les principales compagnies aériennes se sont efforcées de proposer des vols alternatifs suite à une série d'annulations et de retards.

Saudia et flyadeal ont été parmi les compagnies aériennes qui ont rencontré des difficultés, les deux compagnies ayant publié des déclarations attribuant ces problèmes à des problèmes opérationnels temporaires.

Une déclaration de l'aéroport sur son compte officiel X a exhorté les voyageurs à contacter directement les compagnies aériennes avant de se rendre à la plate-forme d'aviation pour vérifier l'état actualisé et l'horaire de leurs vols.

Le communiqué dit ceci : "L'aéroport international King Khalid souhaite vous informer qu'en raison de la concomitance d'un certain nombre de facteurs opérationnels au cours des deux derniers jours - y compris plusieurs vols détournés d'autres aéroports vers l'aéroport international King Khalid, en plus des travaux de maintenance programmés dans le système d'approvisionnement en carburant - cela a eu un impact sur les horaires de certains vols, y compris le retard ou l'annulation d'un certain nombre de vols opérés par certaines compagnies aériennes".

L'aéroport a ajouté que les équipes opérationnelles travaillent "24 heures sur 24 en étroite coordination avec nos partenaires aériens et les parties prenantes concernées pour faire face aux développements et rétablir la régularité opérationnelle dès que possible", tout en prenant toutes les mesures nécessaires pour minimiser l'impact sur l'expérience des passagers.

Des sources aéroportuaires ont déclaré à Arab News que le problème était lié aux fortes pluies qui se sont abattues sur Riyad plus tôt dans la journée de vendredi. De l'eau s'est apparemment infiltrée dans les réservoirs de carburant censés ravitailler les avions à réaction avant leur décollage, et plusieurs compagnies aériennes se sont alors efforcées de reprogrammer les vols des passagers.

Dans son propre communiqué, Saudia a déclaré : "Les clients touchés sont contactés par l'intermédiaire de la compagnie aérienne : "Les clients concernés sont contactés par le biais de divers canaux de communication, et tous les changements de billets sont effectués sans frais supplémentaires.

Arab News a contacté Saudia pour de plus amples informations.

Toujours dans un communiqué publié sur X, flyadeal a déclaré que tous ses passagers touchés par la perturbation "seront informés directement par e-mail et SMS des options de rebooking et d'assistance".


IA: pour la présidente de Microsoft France, il n'y a pas de «bulle»

 "Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs. (AFP)
"Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs. (AFP)
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  • Microsoft propose son propre assistant IA, baptisé Copilot, et contrôle 27% du capital de la start-up OpenAI, le créateur de ChatGPT, chatbot le plus utilisé au monde
  • En France, 40,9% des citoyens en âge de travailler ont adopté l'IA, assure Mme de Bilbao, contre 26,3% aux États-Unis, ce qui place la France à la cinquième place mondiale en termes d'adoption, selon une étude du Microsoft AI Economy Institute

PARIS: "Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs.

Pour certains experts, les investissements colossaux dans l'IA semblent démesurés par rapport aux bénéfices générés, alimentant la peur d'une survalorisation du secteur.

Mais selon Corine de Bilbao, à la tête de la filiale française du géant américain des logiciels depuis 2021, "il y a des signes forts" de solidité comme le fait que cette technologie se diffuse "dans toutes les sphères de la société".

Microsoft propose son propre assistant IA, baptisé Copilot, et contrôle 27% du capital de la start-up OpenAI, le créateur de ChatGPT, chatbot le plus utilisé au monde, dans laquelle Microsoft a investi plus de 13 milliards de dollars.

En France, 40,9% des citoyens en âge de travailler ont adopté l'IA, assure Mme de Bilbao, contre 26,3% aux États-Unis, ce qui place la France à la cinquième place mondiale en termes d'adoption, selon une étude du Microsoft AI Economy Institute.

Un milliard d'agents IA

L'énergéticien français TotalEnergies utilise par exemple Copilot et des agents IA, capables de réaliser des tâches de façon autonome, à travers des cas d'usage "dans la maintenance, les achats, la sécurité", énumère la patronne.

Tandis que l'assureur italien Generali a "adopté massivement l'IA et automatisé plus d'un million d'opérations", ajoute-t-elle.

"Plus d'un milliard d'agents à l'échelle mondiale vont être diffusés dans les entreprises" d'ici 2028, s'enthousiasme Corine de Bilbao, citant une étude IDC pour Microsoft.

L'irruption de l'intelligence artificielle dans les entreprises peut toutefois se traduire par des vagues de licenciements comme chez Amazon, le groupe informatique HP ou encore l'assureur allemand Allianz Partners.

Microsoft France, qui compte près de 2.000 employés, a de son côté supprimé 10% de ses effectifs via un accord collectif de rupture conventionnelle sur la base du volontariat.  -

"C'est lié à la transformation de certains métiers, mais pas à l'IA", assure la dirigeante, ajoutant qu'en parallèle Microsoft est en train de recruter "des profils plus techniques", comme des "ingénieurs solutions", pour s'adapter aux demandes de ses clients.

"L'IA suscite beaucoup de peur", reconnaît Mme de Bilbao."On préfère parler de salariés augmentés" plutôt que d'emplois supprimés, poursuit-elle, beaucoup de tâches considérées comme rébarbatives pouvant être réalisées avec l'assistance de l'intelligence artificielle.

Selon elle, l'enjeu central est surtout celui de la formation des salariés à ces nouveaux outils.

"Nouvelle économie" 

"Il n'y aura pas de déploiement de l'IA s'il n'y a pas de valeur partagée, si l'ensemble des citoyens, des étudiants, des entreprises ne sont pas formés", souligne la patronne.

En France, le géant de Redmond (Etat de Washington) a déjà formé 250.000 personnes à l'IA sur un objectif d'un million d'ici 2027 et veut accompagner 2.500 start-up françaises.

"Un écosystème complet se développe entre les fournisseurs de modèles de langage, les infrastructures, on est en train de créer une nouvelle économie autour de cette IA", déclare Corine de Bilbao.

Microsoft a ainsi annoncé en 2024 un investissement de 4 milliards d'euros en France lors du sommet Choose France pour agrandir ses centres de données dans les régions de Paris et Marseille (sud), et construire un datacenter dans l'est de la France, près de Mulhouse.

"Ca avance très bien", explique-t-elle, sans donner de date à laquelle le centre sera opérationnel. "Cela ne pousse pas comme des champignons, ce sont des projets qui prennent quelques années en général", entre le dépôt de permis, de construction et l'accompagnement.

Pour 2026, le défi sera de passer d'une intelligence artificielle "expérimentale à une IA opérationnelle, qui délivre de la valeur pour les entreprises, à la fois sur leurs revenus, la productivité, et qui les aide à se transformer", conclut-elle.


Mercosur: Paris et Rome contrarient les plans de l'UE, ultimatum de Lula

Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
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  • L’Italie rejoint la France pour demander un report de l’accord UE–Mercosur, menaçant la signature espérée par Ursula von der Leyen et ouvrant la voie à une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept
  • Le Brésil met la pression, tandis que les divisions européennes persistent entre défense des agriculteurs et impératif économique face à la concurrence chinoise et américaine

BRUXELLES: L'Italie a rejoint la France mercredi pour réclamer un report de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, ce qui risque d'empêcher Ursula von der Leyen de parapher ce traité en fin de semaine, au grand dam du Brésil.

Une signature dans les prochains jours est "prématurée", a lâché Giorgia Meloni à la veille d'un sommet européen à Bruxelles.

La cheffe du gouvernement italien veut d'abord des garanties "suffisantes" pour le secteur agricole, et se dit "convaincue qu'au début de l'année prochaine, toutes ces conditions seront réunies".

Cette sortie est une douche froide pour la Commission européenne. Bruxelles n'a cessé de marteler ces derniers jours qu'une signature était indispensable avant la fin de l'année, pour la "crédibilité" de l'Union européenne et afin de ne pas contrarier les partenaires latino-américains.

Prudent, l'exécutif européen fait mine d'y croire encore. "Les chefs d'Etat et de gouvernement vont en discuter au sommet européen" ce jeudi, a dit à l'AFP Olof Gill, porte-parole de la Commission.

Au Brésil, le président Lula, qui avait appelé à la responsabilité Emmanuel Macron et Georgia Meloni, a posé une forme d'ultimatum.

"Si on ne le fait pas maintenant, le Brésil ne signera plus l'accord tant que je serai président", a-t-il menacé. "Si jamais ils disent non, nous serons désormais fermes avec eux, parce que nous avons cédé sur tout ce qu'il était possible de céder diplomatiquement".

- "Billet remboursable" -

La prise de position de Rome sur ce dossier est potentiellement décisive.

Avec la France, la Pologne et la Hongrie, l'Italie est en capacité de former une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept, ce qui empêcherait un examen de l'accord durant la semaine.

"Ca risque d'être très chaud", convient un diplomate européen anonymement, alors que l'Allemagne comme l'Espagne insistent pour approuver ce traité de libre-échange le plus vite possible.

Le chancelier allemand, Friedrich Merz, a promis d'exercer une pression "intensive" sur ses partenaires européens mercredi soir et jeudi matin, en appelant à ne pas "chipoter" avec les grands traités commerciaux.

Emmanuel Macron a prévenu que "la France s'opposerait de manière très ferme" à un éventuel "passage en force" de l'Union européenne, a rapporté la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Paris ne considère pas encore comme "acquis" le report de la signature du traité, mais les déclarations de Giorgia Meloni sont la "preuve" que "la France n'est pas seule", a-t-elle ajouté.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, espérait parapher ce traité lors du sommet du Mercosur samedi dans la ville brésilienne de Foz do Iguaçu. Mais elle a besoin au préalable de l'aval d'une majorité qualifiée d'Etats membres à Bruxelles.

"J'espère qu'elle a un billet (d'avion) remboursable", glisse une source diplomatique européenne.

- Manifestation à Bruxelles -

Cet accord commercial avec l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay permettrait à l'UE d'exporter davantage de véhicules, de machines, de vins et de spiritueux, tout en facilitant l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, ce qui inquiète les filières concernées.

Les agriculteurs européens ne décolèrent pas et annoncent une dizaine de milliers de manifestants jeudi à Bruxelles contre ce traité.

Pour rassurer la profession, l'UE a ajouté des mesures de sauvegarde: un suivi des produits agricoles sensibles et une promesse d'intervention en cas de déstabilisation du marché.

Un compromis a été trouvé mercredi soir sur ce volet entre des eurodéputés et des représentants des États membres: les garanties pour les agriculteurs y sont supérieures à ce qu'avaient voté les Vingt-Sept en novembre, mais en deçà de la position adoptée par le Parlement européen mardi.

Elles ne devraient toutefois pas suffire à la France. Le bras de fer avec Bruxelles s'inscrit dans un contexte de vaste mobilisation agricole dans l'Hexagone contre la gestion par les autorités de l'épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

Et au sein de l'Union européenne, une série d'États redoutent que Paris ne se contente pas d'un report du Mercosur mais essaye de faire échouer le traité, malgré plus de 25 ans de négociations.

Allemands, Espagnols et Scandinaves comptent quant à eux sur cet accord pour relancer une économie européenne à la peine face à la concurrence chinoise et aux taxes douanières des États-Unis.