Manifestations: l'identification des policiers en débat au Conseil d'Etat

Des membres d'une unité de police Brav-M opèrent lors d'une manifestation à Paris le 7 mars 2023 (Photo, AFP).
Des membres d'une unité de police Brav-M opèrent lors d'une manifestation à Paris le 7 mars 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 03 avril 2023

Manifestations: l'identification des policiers en débat au Conseil d'Etat

  • Plusieurs organisations de défense des droits humains, d'avocats et de magistrats ont saisi le Conseil d'Etat en urgence
  • Le Conseil d'Etat rendra sa décision mercredi

PARIS: Le Conseil d'Etat s'est penché lundi sur le port du RIO par les forces de l'ordre, ce numéro qui permet d'identifier chaque agent, alors que plusieurs organisations dénoncent une "carence systématique".

Depuis 2014, policiers et gendarmes doivent porter leur matricule sur leur uniforme, un numéro d'identification individuel dit RIO (référentiel des identités et de l'organisation), permettant de retrouver un fonctionnaire, par exemple en cas de dérapage.

Plusieurs organisations de défense des droits humains, d'avocats et de magistrats ont saisi le Conseil d'Etat en urgence, estimant que policiers et gendarmes avaient fait à maintes reprises, depuis le début des manifestations contre la réforme des retraites, un usage "injustifié" ou "disproportionné" de la force, souvent sans contrôle de l'agent possible car il ne portait pas son RIO apparent.

A l'audience, le président veut savoir qu'elle est "l'ampleur" du phénomène. Il n'obtiendra pas de réponse claire, mais des certitudes de chaque côté de la salle.

La pratique est "généralisée", "systématique" et "documentée", assurent Mes Paul Mathonnet et Patrice Spinosi, en défense des organisations à l'origine de la requête (la Ligue des droits de l'homme, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature et l'Action des chrétiens contre la torture).

"Ca ébranle la confiance des gens dans la police" quand ceux "qui leur demandent de respecter la loi ne le font pas", dit Me Mathonnet.

"Il n'y aucun laxisme" soutient en face la représentante du ministère de l'Intérieur Pascale Léglise, parlant de "18 rappels" de la consigne depuis l'entrée en vigueur du RIO - les derniers datant de "la veille" des manifestions contre les retraites et contre les mégabassines à Saint-Soline (Deux-Sèvres).

Comme partout, "il y a des bons et des mauvais éléments" mais ces derniers ne doivent pas "jeter l'opprobre sur l'intégralité" de la profession: "la plupart des agents" portent leur RIO, assure-t-elle.

Les photos prouvant le contraire ? "Tout le monde reprend les mêmes", balaie Mme Léglise.

«Circonstance aggravante»

"Y a-t-il jamais eu une procédure disciplinaire pour un agent qui ne portait pas son RIO ?", demande Me Spinosi.

La représentante de l'Etat esquive, avance que "c'est une circonstance aggravante" en cas de faute avérée de l'agent.

Me Spinosi insiste, Mme Léglise évoque des "rappels à la loi individuels"... avant de finalement reconnaître que personne n'a jamais été poursuivi pour le seul fait de ne pas porter son RIO: "ce n'est pas considéré comme un manquement, puisqu'il n'y a pas eu de conséquence", lâche-t-elle, faisant sursauter sur les bancs d'en face.

Le RIO n'est pas indispensable pour "identifier" des agents, avance-t-elle encore. Toutes les personnes visées par les 36 enquêtes judiciaires ouvertes depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites par l'IGPN, "la police des polices" (2 par l'IGGN, l'équivalent chez les gendarmes) pour usage disproportionné de la force sont "parfaitement reconnaissables et reconnues", martèle Mme Léglise.

En soutien, le responsable de la réglementation et des enquêtes chez les CRS, Franck Rousselle, liste ce qui permet d'"identifier" les agents et de retracer "à la seconde près" toute intervention : les "bandes de couleur" sur les casques, la "pastille" qui identifie la compagnie, et "dans le dos", les numéros de groupes avec le "rôle" de l'agent. Puis les "macarons" sur les véhicules, et les procès-verbaux d'intervention - "s'il y a cinq grenades lancées à telle heure, on le sait", explique-t-il.

"Il est avéré qu'un tiers" des procédures visant les forces de l'ordre sont classées par manque d'éléments ou d'identification des policiers, nuance Me Mathonnet, alors Me Spinosi s'insurge de la démonstration de l'Intérieur.

"On vient nous dire 'le RIO ne sert à rien, ne vous inquiétez pas, on n'en a absolument pas besoin'", lâche-t-il. "Ce n'est pas comme ça que ça marche, il y a une obligation elle doit s'appliquer".

Les organisations proposent de "responsabiliser les responsables d'unités" en lançant des poursuites disciplinaires en cas de non-port du RIO de l'un de leurs agents.

Le Conseil d'Etat rendra sa décision mercredi.


Dix passeurs présumés jugés pour un naufrage meurtrier dans la Manche

Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
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  • Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés
  • La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche

LILLE: Dix hommes, dont huit Afghans, sont jugés à partir de lundi à Lille pour leur rôle présumé de passeurs dans le naufrage d'une embarcation clandestine qui avait fait quatre morts et quatre disparus dans la Manche en décembre 2022.

Parti entre 1H00 et 1H30 du matin dans la nuit du 13 au 14 décembre 2022, le canot, qui transportait en majorité des migrants afghans, avait fait naufrage à quelques kilomètres des côtes anglaises.

Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés.

La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche.

Selon les éléments de l'enquête, alors que les migrants gonflaient le bateau avant le départ, plusieurs ont entendu une détonation, synonyme selon eux de crevaison. Les passeurs leur ont dit de ne pas s'en faire et qu'il s'agissait du seul bateau disponible pour eux.

D'après les témoignages des rescapés, il n'y avait pas assez de gilets de sauvetage pour tout le monde et aucune des personnes décédées n'en portait un. La température était glaciale et la mer très agitée.

Après une ou deux heures de traversée, un boudin a commencé à se dégonfler et l'eau à entrer dans l'embarcation, jusqu'à atteindre les genoux des passagers. Paniqués, ils se sont mis debout pour tenter de faire signe à un bateau. Mais le fond du canot, peu solide, a ployé sous leur poids et celui de l'eau, et tous se sont retrouvés à l'eau.

Neuf des prévenus sont jugés, jusqu'à vendredi, pour homicide involontaire par violation d'une obligation de sécurité, deux d'entre eux le sont pour blanchiment, tous pour aide au séjour irrégulier. Huit sont afghans, un syrien, un irakien.

Certains des prévenus sont soupçonnés d'avoir recruté des passeurs et assuré la logistique auprès des passagers, d'autres d'avoir géré l'organisation sur le camp de migrants de Loon-Plage (Nord), où vivaient les migrants avant leur tentative de traversée, toujours selon les éléments de l'enquête. D'autres encore sont jugés pour s'être occupés du transport des migrants vers la plage et de la mise à l'eau du canot, et deux pour avoir collecté une partie des paiements.

Le mineur sénégalais qui pilotait le canot est, lui, inculpé dans le cadre d'une procédure au Royaume-Uni.

Apparu en 2018, le phénomène des traversées de la Manche en petites embarcations est à l'origine de nombreux naufrages, le plus meurtrier ayant coûté la vie à 27 personnes en novembre 2021.

Depuis le début de l'année, au moins 15 migrants sont morts dans la Manche, bras de mer parmi les plus fréquentés du monde et où les conditions météorologiques sont souvent difficiles, selon un décompte de l'AFP à partir de chiffres officiels. En 2024, 78 étaient morts ainsi, un record.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».