Au Niger, les migrants jetés dans l’enfer d’Assamaka

Un migrant montre une bombe lacrymogène usagée alors qu'il se joint à d'autres manifestants à Assamaka, au Niger, le 29 mars 2023. Chaque semaine, des centaines de migrants renvoyés d'Algérie sont bloqués à Assamaka, le premier village à la frontière du Niger. Ils sont aujourd'hui plus de 4 500 à errer sur ce petit bout de terre balayé par les vents. Maliens, Guinéens, Ivoiriens, Syriens, Bangladais découvrent un nouveau purgatoire après avoir marché 15 km dans le désert. (Photo, AFP)
Un migrant montre une bombe lacrymogène usagée alors qu'il se joint à d'autres manifestants à Assamaka, au Niger, le 29 mars 2023. Chaque semaine, des centaines de migrants renvoyés d'Algérie sont bloqués à Assamaka, le premier village à la frontière du Niger. Ils sont aujourd'hui plus de 4 500 à errer sur ce petit bout de terre balayé par les vents. Maliens, Guinéens, Ivoiriens, Syriens, Bangladais découvrent un nouveau purgatoire après avoir marché 15 km dans le désert. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 06 avril 2023

Au Niger, les migrants jetés dans l’enfer d’Assamaka

  • Maliens, Guinéens, Ivoiriens, Syriens, Bangladais… Après 15 km de marche dans le désert, les expulsés découvrent un nouveau purgatoire
  • A Assamaka, les citernes d’eau sont vides, les rations insuffisantes et les abris trop rares, alors que la température frôle parfois les 48 degrés le jour

ASSAMAKA : D’un moment à l’autre, ils peuvent apparaître sur l’horizon rectiligne. De longues files de silhouettes qui cheminent dans le désert, les plus forts devant, les plus faibles derrière.

Chaque semaine, des centaines de migrants refoulés d’Algérie viennent s’échouer à Assamaka, premier village à la frontière du Niger. Ils sont désormais plus de 4 500 à errer dans ce minuscule îlot de terre balayé par les vents.

Maliens, Guinéens, Ivoiriens, Syriens, Bangladais… Après 15 km de marche dans le désert, les expulsés découvrent un nouveau purgatoire.

Le centre de transit géré par l’Organisation internationale des migrations (OIM), la principale organisation intergouvernementale dans ce domaine, est débordé par l’afflux et ne prend en charge qu’environ un tiers des refoulés.

"Quand on est arrivés ici, on nous a dit qu’on ne nous reconnaît pas en tant que migrant de l’OIM et donc, qu’on n’a qu’à payer notre transport pour rentrer au pays", s’insurge Abdoul Karim Bambara, un Ivoirien.

A Assamaka, les citernes d’eau sont vides, les rations insuffisantes et les abris trop rares, alors que la température frôle parfois les 48 degrés le jour. Des milliers de personnes s’entassent contre les murs ou sous des bâches de fortune pour trouver un coin d’ombre.

Dépouillés de tous leurs biens en Algérie, selon leurs témoignages, les refoulés ne peuvent ni appeler leurs proches, ni payer le voyage retour. Ils sont alors condamnés à survivre dans cette prison de sable pour une durée indéterminée, souvent plusieurs mois.

"Du bétail" 

Certains sont docteurs, étudiants, commerçants. Mais autour des murs barbelés du centre, il n’y a plus d’individus. Juste une foule qui gronde et se bouscule pour hurler son désespoir, ses peaux infestées par la gale, ses blessures infectées, ses ventres vides et ses traumatismes enracinés. Et la fin de toute humanité. "Nous sommes devenus du bétail !" fulmine Herman, un migrant ivoirien.

"Tu as vu ça !", l’interrompt un homme en montrant une poignée de riz gluant infestée de mouches. "Est-ce que toi tu peux manger ça ? On tombe malade à cause de ça !".

A l’écart, deux groupes d’affamés se lancent des pierres dans un nuage de poussière. Les rixes sont incessantes. Quelques jours plus tôt, la mort d’un migrant camerounais a provoqué une émeute dispersée par les gaz lacrymogènes. Le centre de transit de l’OIM a été attaqué et pillé par les manifestants.

"Nous sommes tous traumatisés. Les gens n’arrivent pas à se contrôler, ça ne va pas dans leurs têtes, rien ne va ici ! Les gens meurent !" enrage Aboubacar Cherif Cisse, originaire de Sierra Leone.

"S’il y avait suffisamment à manger les gens ne se battraient pas, mais il n’y a pas de nourriture, alors qu’est-ce qu’ils peuvent faire ? S’ils n’ont rien, ils vont se battre, juste pour survivre ", assure Mohamed Mambu, délégué des Sierra-léonais au centre de transit d’Arlit.

Les 1 500 habitants d’Assamaka sont submergés par ce voisinage incontrôlable. "Ils sont là partout dans le village, vers le centre de santé, sous les murs", s’inquiète François Ibrahim, représentant de l’ONG locale Alarme phone Sahara, qui apporte les premiers au secours aux migrants dans le désert.

Les migrants "volent les animaux de la population pour les égorger. Ce n'est pas parce que ce sont les voleurs, mais quand le ventre a faim...", déplore-t-il.

"Sans précédent" 

Le nombre de migrants rejetés aux portes du Niger ne cesse d’augmenter depuis le début de l’année. Une situation "sans précédent" selon Médecins sans frontières.

De la frontière algérienne jusqu’à Agadez, la capitale régionale située à 350 km, les centres de transit sont tous engorgés. Les routes qui mènent plus au sud sont sous la menace des groupes jihadistes, ce qui oblige à affréter de coûteux vols charters pour rapatrier les migrants dans leurs pays d'origine.

"Les vols sont souvent annulés (...) Or, chaque semaine il y a des expulsions", explique Ousmane Atair, gestionnaire du centre de transit d’Arlit pour l’OIM.

Située au nord du Niger, la région d’Agadez paye le prix d’une relative stabilité. "L’axe Assamaka-Arlit est le plus sécurisé, c’est pour cela que tous les flux migratoires sont orientés de ce côté", souligne le maire d’Arlit, Abdourahamane Maouli.

Or les aides internationales sont mobilisées ailleurs par d'autres crises sécuritaires et humanitaires. Le principal bailleur de l’OIM dans la région est l’Union européenne, qui finance à ce titre l'essentiel des vols ramenant les migrants dans leurs pays d'origine.

Pour Alarme phone Sahara, "l’OIM joue un rôle clé dans la politique d’externalisation des frontières sur le sol africain par les États de l'Union européenne", soucieux d’éloigner la pression migratoire du Vieux Continent.

Depuis le déclenchement de la crise libyenne en 2011, "Agadez est la dernière porte, et il fallait sécuriser le trajet de tous ces demandeurs d’asile. Mais en réalité, c’était un appel d’air pour les décourager", estime Tari Dogo, secrétaire général du conseil régional d’Agadez, qui résume un sentiment largement partagé dans la région : "L’Union européenne a sa part de responsabilité dans cette situation".


Guerre à Gaza: la Colombie rompt ses liens diplomatiques avec Israël

Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza. (AFP).
Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza. (AFP).
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  • Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza
  • Israël a immédiatement accusé M. Petro de "récompenser" le mouvement islamiste palestinien Hamas qui a, de son côté, salué l'annonce du dirigeant colombien, la qualifiant de "victoire"

BOGOTA: Le président de la Colombie Gustavo Petro a annoncé mercredi la rupture des liens diplomatiques avec Israël, qualifiant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de "génocidaire" dans sa conduite de la guerre à Gaza.

Israël a immédiatement accusé M. Petro de "récompenser" le mouvement islamiste palestinien Hamas qui a, de son côté, salué l'annonce du dirigeant colombien, la qualifiant de "victoire".

M. Petro avait vivement critiqué, à plusieurs reprises, la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza après les attaques sans précédent du Hamas dans le sud du territoire israélien le 7 octobre.

"Demain (jeudi), les relations diplomatiques avec l'Etat d'Israël seront rompues (parce qu'il a) un gouvernement, un président génocidaire", a déclaré mercredi le président colombien, lors d'un discours prononcé devant plusieurs milliers de partisans à Bogota à l'occasion du 1er-Mai.

En Israël, le chef du gouvernement est le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, tandis que le président, Isaac Herzog, a  un rôle avant tout symbolique.

"On ne peut pas revenir aux époques de génocide, d'extermination d'un peuple entier", a déclaré le président colombien. "Si la Palestine meurt, l'humanité meurt", a-t-il lancé, déclenchant les vivats de la foule.

Le ministre israélien des Affaires étrangères Israël Katz a aussitôt réagi en qualifiant Gustavo Petro d'"antisémite". "Le président colombien avait promis de récompenser les meurtriers et violeurs du Hamas, aujourd'hui il a tenu promesse", a écrit M. Katz sur X.

"Nous apprécions grandement la position du président colombien Gustavo Petro (...) que nous considérons comme une victoire pour les sacrifices de notre peuple et sa cause qui est juste", a déclaré pour sa part dans un communiqué la direction du Hamas, en appelant d'autres pays d'Amérique latine à "rompre" leurs relations avec Israël.

 


Mobilisation en soutien à Gaza: affrontements et interpellations sur les campus américains

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  • A l'université du Texas à Dallas, la police a démantelé mercredi un campement de manifestants et arrêté au moins 17 personnes pour "intrusion criminelle" mercredi, a indiqué l'établissement.
  • Les forces de l'ordre ont également arrêté plusieurs personnes à l'université new-yorkaise de Fordham University et ont évacué un campement installé dans la matinée sur le campus, ont indiqué des responsables

LOS ANGELES: La police a été déployée mercredi sur plusieurs campus américains, où de nouvelles arrestations ont eu lieu, après être intervenue à Los Angeles et New York, théâtres d'une mobilisation étudiante contre la guerre à Gaza qui secoue les Etats-Unis.

A l'université du Texas à Dallas, la police a démantelé mercredi un campement de manifestants et arrêté au moins 17 personnes pour "intrusion criminelle" mercredi, a indiqué l'établissement.

Les forces de l'ordre ont également arrêté plusieurs personnes à l'université new-yorkaise de Fordham University et ont évacué un campement installé dans la matinée sur le campus, ont indiqué des responsables.

Et environ 300 personnes ont été interpellées à New York sur deux sites universitaires, a dit mercredi la police de la ville lors d'une conférence de presse.

Au cours de la nuit de mardi à mercredi, les forces de l'ordre ont délogé manu militari des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de la prestigieuse université Columbia à Manhattan, d'où est partie la mobilisation estudiantine de soutien à Gaza.

"La police s'est montrée brutale et agressive avec eux", a assuré à l'AFP Meghnad Bose, un étudiant de Columbia ayant assisté à la scène.

"Ils ont arrêté des gens au hasard (...) plusieurs étudiants ont été blessés au point qu'ils ont dû être hospitalisés", a dénoncé une coalition de groupes étudiants pro-palestiniens de Columbia dans une publication Instagram.

"Je regrette que nous en soyons arrivés là", a réagi mercredi Minouche Shafik, la présidente de l'université.

Les manifestants se battent "pour une cause importante", mais les récents "actes de destruction" menés par des "étudiants et militants extérieurs" l'ont conduite à recourir aux forces de l'ordre, a-t-elle expliqué, dénonçant par ailleurs "des propos antisémites" proférés lors de ces rassemblements.

D'autres campements avaient également été démantelés tôt mercredi sur les campus de l'Université de l'Arizona à Tucson, et à l'Université de Wisconsin-Madison, respectivement dans le sud-ouest et le nord du pays, selon des médias locaux.


Mobilisation en soutien à Gaza: affrontements et intervention de la police sur le campus de la UCLA à Los Angeles

Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
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  • Manifestants et contre-manifestants se sont opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles
  • Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne

LOS ANGELES : Des affrontements ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi en marge d'un rassemblement étudiant dénonçant la guerre menée par Israël à Gaza à l'Université UCLA, à Los Angeles, dernier épisode d'un mouvement étudiant qui secoue les Etats-Unis.

Les heurts ont éclaté quand un important groupe de contre-manifestants, pour beaucoup masqués, a attaqué un campement pro-palestinien installé sur une pelouse de l'UCLA, selon un photographe de l'AFP sur place.

Les assaillants ont tenté d'enfoncer une barricade improvisée autour du campement, composée de barrières métalliques et de panneaux de contreplaqué. Manifestants et contre-manifestants se sont ensuite opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles.

«La violence en cours à l'UCLA est absolument abjecte et inexcusable», a fustigé la maire de Los Angeles, Karen Bass, ajoutant que la police de la ville était déployée sur le campus.

Cette dernière a indiqué avoir été appelée en renfort par la direction après «de nombreux actes de violence commis dans le campement à l'intérieur du campus».

Tôt mercredi, les policiers étaient toujours présents en grand nombre sur le site universitaire.

Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, intervenant manu militari sur le campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne.

Le campement de tentes installé sur la pelouse du site a été démantelé, a pu constater une journaliste de l'AFP dans la nuit de mardi à mercredi.

Environ 300 personnes ont été interpellées, a indiqué la police new-yorkaise.

Dans le sud-ouest du pays, la police de l'Université de l'Arizona a annoncé mercredi matin avoir utilisé du gaz lacrymogène pour disperser «un rassemblement illégal».

En Caroline du Nord, sur la côte est, la police est intervenue mardi pour évacuer un campement sur un campus de Chapel Hill, arrêtant plusieurs manifestants dans un face-à-face tendu.

- Accord -

Depuis deux semaines, les mobilisations de soutien à Gaza se multiplient à travers les campus américains, de la Californie aux grandes universités du nord-est, en passant par le sud et le centre du pays -- rappelant les manifestations contre la guerre du Vietnam.

Les étudiants appellent les établissements à couper les ponts avec des mécènes ou entreprises liés à Israël, et dénoncent le soutien de Washington à son allié israélien.

Se distinguant ainsi des autres institutions, l'université Brown dans l'Etat de Rhode Island a annoncé mardi avoir trouvé un accord avec les manifestants, prévoyant le démantèlement de leur campement en échange d'un vote de l'université en octobre sur d'éventuels «désinvestissements dans des +sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Gaza+».

A Columbia, les négociations entre direction et groupes étudiants n'avaient pas abouti. «Les événements de la nuit dernière sur le campus ne nous ont pas donné le choix», avait écrit la présidente de l'université, Minouche Shafik, dans une lettre rendue publique demandant à la police de New York d'intervenir sur le campus.

A Los Angeles, le président de l'UCLA Gene Block avait mis en garde avant les heurts de la nuit contre la présence de personnes extérieures à l'université.

Dimanche, des militants pro-palestiniens et pro-israéliens, soutenus par de nombreux manifestants extérieurs au campus, en étaient venus aux mains, avec des bousculades et des insultes.

«Beaucoup de manifestants et de contre-manifestants pratiquent leur militantisme de manière pacifique. Mais d'autres emploient des méthodes franchement choquantes et honteuses», avait écrit M. Block dans un message posté mardi sur le site de l'université.

«Ces incidents ont provoqué, tout particulièrement chez nos étudiants juifs, une profonde anxiété et de la peur», a-t-il ajouté.

- A 6 mois de la présidentielle -

Depuis le début du mouvement, des centaines de personnes - étudiants, enseignants et militants - ont été interpellées, parfois arrêtées et poursuivies en justice dans plusieurs universités du pays.

Les images de policiers anti-émeutes intervenant sur les campus, à la demande des universités, ont fait le tour du monde et on fait vivement réagir le monde politique, à six mois de la présidentielle dans un pays polarisé.

Joe Biden «doit faire quelque chose» contre ces «agitateurs payés», a déclaré mardi soir sur Fox News le candidat républicain Donald Trump. «Il nous faut mettre fin à l'antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd'hui», a-t-il ajouté.

«Occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche» et ne représente «pas un exemple de manifestation pacifique», avait tonné avant l'intervention de la police John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.