A Mayotte, le quotidien étouffant de la peur de l'agression

Des femmes sont assises près d'un pair lors d'un rassemblement de soutien à l'opération Wuambushu («Reprendre») à Mamoudzou, sur l'île de Mayotte, le 29 avril 2023. (Photo, AFP)
Des femmes sont assises près d'un pair lors d'un rassemblement de soutien à l'opération Wuambushu («Reprendre») à Mamoudzou, sur l'île de Mayotte, le 29 avril 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 30 avril 2023

A Mayotte, le quotidien étouffant de la peur de l'agression

  • A Mayotte, l'insécurité, qualifiée de «hors norme» par les statisticiens de l'institut public Insee, nourrit depuis dix ans un climat de peur et de paranoïa chez ses habitants
  • Rouler la vitre ouverte, téléphoner dans la rue, garer un scooter dans la rue ou laisser sa voiture sur un parking non surveillé... les Mahorais n'y songent même plus

MAMOUDZOU: "Ici, la porte galvanisée et là, la sécurité supplémentaire, les barreaux pour être sûrs de ne pas être agressés à l'intérieur". Dans le nord de Mayotte, la maison de Faoulati Sandi est, comme souvent sur l'île française de l'océan Indien, organisée autour du "barricadage".

"Là, la chambre de mon fils, c'est barreaux pour que les vitres ne soient pas cassées, protection maximum", détaille cette fonctionnaire de 48 ans, mère de quatre enfants. "La baie vitrée pour faire entrer l'air ? Bah, c'est fini, c'est aussi des barreaux".

"Chez les voisins, c'est pas mieux. Ceux qui ont les moyens font le barricadage", poursuit, excédée, Faoulati Sandi en montrant le portail de barbelés sur lequel elle a désormais vue.

A Mayotte, l'insécurité, qualifiée de "hors norme" par les statisticiens de l'institut public Insee, nourrit depuis dix ans un climat de peur et de paranoïa chez ses habitants, qui ont bousculé leur quotidien et adapté leurs habitudes à un sentiment de menace permanente.

Les habitants du département le plus pauvre de France, aux très fortes disparités économiques, redoutent avant tout les "intrusions", des cambriolages imputés aux jeunes des quartiers.

Rouler la vitre ouverte, téléphoner dans la rue, garer un scooter dans la rue ou laisser sa voiture sur un parking non surveillé... les Mahorais n'y songent même plus.

A Majicavo, dans sa maison désormais surplombée par le bidonville de "Talus 2" menacé de destruction, Ismaïla Faïza, 42 ans, s'interdit tout comportement ostentatoire. "On est obligés de s'enfermer sans arrêt", déplore la puéricultrice, "on ne peut pas se promener avec des objets de valeur, comme une montre".

Horaires décalés 

Les statistiques de la délinquance à Mayotte livrées par le ministère de l'Intérieur sont inquiétantes: +16% d'homicides, +20% de vols avec armes et +33% de vols de véhicules en 2022.

Six habitants de l'archipel sur dix se sentent en insécurité à leur domicile ou dans leur quartier "soit cinq à six fois plus que les habitants de l'Hexagone" (le territoire métropolitain), selon une étude de l'Insee réalisée en 2021. Et ils sont quatre sur dix à renoncer "souvent ou parfois" à sortir de chez eux.

Car l'autre peur omniprésente sur ce territoire de 374 km2 est celle des guet-apens nocturnes menés par les "coupeurs de route", ces groupes de jeunes qui barrent la route avec du mobilier urbain ou des arbres pour racketter les automobilistes.

Sur Facebook, un groupe "Actu et Infos Route à Mayotte", alimenté en temps réel par les internautes, recense la situation routière et sécuritaire par secteur pour les automobilistes.

Les transports scolaires sont eux parfois caillassés sur la route.

Les parents préfèrent d'ailleurs éviter de leur confier leurs enfants et les salariés bénéficient d'une certaine tolérance sur les horaires, décalés pour pouvoir sécuriser les déplacements familiaux.

"On n'a nulle part où respirer (...) on n'a nulle part où se reposer", fait valoir la mère de famille Faoulati Sandi.

Pour respirer ou souffler un peu, les familles s'en remettent également aux forces de l'ordre.

Opération «balades tranquilles»

Les très prisées randonnées sur l'un des sommets de l'île, le mont Choungui (593 m), se font le week-end sous surveillance des gendarmes, présents en plusieurs points du parcours, pour éviter de laisser les marcheurs seuls face à de possibles agresseurs.

Cette opération, baptisée "Matémembezi Ya Ounafassi" (balades tranquilles), concerne aussi les plages. Délaissées depuis dix ans, Mahorais et métropolitains se les réapproprient sous la protection de ces patrouilles annoncées sur Facebook.

Le patron de la gendarmerie de l'île, le général Olivier Capelle, confirme l'impact psychologique de ces agressions, destinées à "rançonner, prendre les effets et 'tailler'" (en mettant un coup de machette) pour, souligne-t-il, "marquer les esprits".

"J'ai l'impression que l'on me vole ma jeunesse parce que maintenant, on ne peut plus sortir à l'heure qu'on veut pour aller s'amuser dehors, entre amis", regrette Moulaika Antoy, étudiante en BTS tourisme. "On ne peut pas ressentir cette joie d'être des jeunes adultes et de faire un peu ce que l'on veut".

Dans ce climat de crainte permanente, la plupart des jeunes de Mayotte considèrent le départ définitif vers la métropole ou l'étranger comme leur seule perspective d'avenir.

La fonctionnaire Faoulati Sandi comprend, qui sait que ce sera le choix de ses quatre enfants. "Oui, on commence à devenir paranoïaque", concède-t-elle, "c'est l'un des pas vers la folie et nos enfants auront des séquelles".


L'Elysée a proposé un hommage pour Bardot, la famille n'a pas donné suite

 L'Elysée a proposé à la famille de Brigitte Bardot d'organiser un hommage pour l'icône du cinéma français décédée dimanche mais ses proches n'ont pas donné suite, a indiqué mardi un proche d'Emmanuel Macron. (AFP)
L'Elysée a proposé à la famille de Brigitte Bardot d'organiser un hommage pour l'icône du cinéma français décédée dimanche mais ses proches n'ont pas donné suite, a indiqué mardi un proche d'Emmanuel Macron. (AFP)
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  • Eric Ciotti, président de l'UDR, allié au Rassemblement national dont était proche Brigitte Bardot, a demandé lundi à Emmanuel Macron d'organiser un hommage national, à l'image de celui rendu en 2017 au chanteur Johnny Hallyday
  • Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, tout en saluant "une actrice iconique", a en revanche estimé que les hommages nationaux étaient rendus pour "services exceptionnels à la Nation" et que l'artiste avait "tourné le dos aux valeurs républicaines"

PARIS: L'Elysée a proposé à la famille de Brigitte Bardot d'organiser un hommage pour l'icône du cinéma français décédée dimanche mais ses proches n'ont pas donné suite, a indiqué mardi un proche d'Emmanuel Macron à l'AFP.

"Il y a eu un échange avec la famille avec proposition qu’un hommage ait lieu sans que la famille ne donne suite", a déclaré ce proche, en rappelant qu'une telle démarche correspond à un "usage républicain" et que les hommages sont "systématiquement décidés d'un commun accord avec les proches du défunt".

Eric Ciotti, président de l'UDR, allié au Rassemblement national dont était proche Brigitte Bardot, a demandé lundi à Emmanuel Macron d'organiser un hommage national, à l'image de celui rendu en 2017 au chanteur Johnny Hallyday.

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, tout en saluant "une actrice iconique", a en revanche estimé que les hommages nationaux étaient rendus pour "services exceptionnels à la Nation" et que l'artiste avait "tourné le dos aux valeurs républicaines".

Emmanuel Macron ne se rendra pas aux obsèques, qui se tiendront dans l’intimité le 7 janvier à Saint-Tropez, a également indiqué le proche du président.

En 2023, l'actrice avait adressé une lettre incendiaire au chef de l'Etat, lui reprochant son manque d'action contre la souffrance animale. "Je suis en colère face à votre inaction, votre lâcheté, votre mépris des Français, qui vous le rendent bien il est vrai", avait-elle notamment écrit.

Après une cérémonie à l'église retransmise sur grands écrans, l'inhumation privée de l'actrice et chanteuse au cimetière marin sera suivie d'"un hommage ouvert à tous les Tropéziens et à ses admirateurs", a précisé la Fondation de Brigitte Bardot, dédiée à la protection des animaux.

"À ce moment-là, tout le monde l'évoquera et partagera ses plus beaux souvenirs avec elle. Ce sera un grand moment de communion, simple, à son image", a précisé mardi la maire de Saint-Tropez, Sylvie Siri, dans une inteview au quotidien local Var-Matin.

"Mon rôle, c'est de lui organiser des obsèques dignes. Il faut tout mettre en œuvre pour que les Tropéziens et les admirateurs puissent se recueillir", a ajouté l'édile.

Interrogée sur le souhait exprimé il y a quelques années par Brigitte Bardot d’être enterrée à la Madrague, sa propriété en bord de mer, Sylvie Siri a affirmé avoir "respecté ses dernières volontés". "Seule la défunte avait décidé de son lieu d’enterrement", a souligné l'élue.

 


Agriculteurs: nouveaux rassemblements, bénédiction de tracteurs dans le Nord

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées lundi en soutien aux agriculteurs à Cambrai (Nord), où l'archevêque a béni des tracteurs, tandis que des blocages se poursuivent en Occitanie pour protester contre de la gestion de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). (AFP)
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées lundi en soutien aux agriculteurs à Cambrai (Nord), où l'archevêque a béni des tracteurs, tandis que des blocages se poursuivent en Occitanie pour protester contre de la gestion de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). (AFP)
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  • Les tracteurs ont ensuite quitté Cambrai à la nuit tombante, pour se rendre sur deux ronds points et les bloquer
  • Dans le Pas-de-Calais, quelques dizaines d'agriculteurs prévoient de bloquer à partir de lundi soir une base logistique de Leclerc près d'Arras, en réaction aux propos de Michel-Édouard Leclerc appelant à "promulguer le Mercosur

CAMBRAI: Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées lundi en soutien aux agriculteurs à Cambrai (Nord), où l'archevêque a béni des tracteurs, tandis que des blocages se poursuivent en Occitanie pour protester contre de la gestion de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

Mgr Vincent Dollmann et plusieurs prêtres ont célébré une messe sur un autel de paille en périphérie de Cambrai, en soutien aux agriculteurs "qui font face à des épreuves".

Il a salué la "dignité" des agriculteurs qui manifestent depuis plusieurs semaines contre l'accord de libre échange du Mercosur ou contre l'abattage systématique de troupeaux de bovins touchés par la DNC.

Une petite centaine de tracteurs ont été mobilisés, arborant des panneaux comme "Mercosur = mort de l'agriculture".

Jean Camier, 24 ans, jeune agriculteur d'Hermies qui doit reprendre l'exploitation familiale d'engraissement de bovins d'ici deux ans, se réjouit d'avoir fait bénir son tracteur et participé à la célébration qui selon lui "montre que tout le monde est avec [eux]".

Si les Hauts-de-France ne sont pas touchés par la DNC, il se dit "de tout cœur" avec les agriculteurs des régions concernées, soulignant avoir "un peu peur que la maladie remonte" vers le nord.

Les tracteurs ont ensuite quitté Cambrai à la nuit tombante, pour se rendre sur deux ronds points et les bloquer.

Dans le Pas-de-Calais, quelques dizaines d'agriculteurs prévoient de bloquer à partir de lundi soir une base logistique de Leclerc près d'Arras, en réaction aux propos de Michel-Édouard Leclerc appelant à "promulguer le Mercosur", a expliqué à l'AFP Louis Lacheré, des Jeunes Agriculteurs.

En Occitanie, plusieurs barrages emblématiques, à Carbonne Haute-Garonne) sur l'A64, Sévérac (Aveyron) ou Le Buisson (Lozère) sur l'A75, tiennent toujours, tandis que d'autres agriculteurs se remobilisent.

Ainsi, à Foix, une douzaine de tracteurs bloquaient depuis lundi midi l'entrée sud du tunnel de contournement de la ville et commençaient à installer un campement, a constaté un correspondant de l'AFP.

"On veut montrer à l’État qu'on est toujours autant mobilisés", a déclaré sur place Sébastien Durand, président de la Coordination rurale (CR) en Ariège. "Il n'y a pas de Noël, il n'y a pas de Premier de l'An; on sera là".

Depuis le début de l'épidémie de DNC en Savoie cet été, l'État tente de contenir la propagation par un abattage systématique des troupeaux touchés, la vaccination et les restrictions de mouvements.

Cette gestion fortement contestée par certains agriculteurs, notamment de la CR (deuxième syndicat agricole, classé à droite, voire à l’extrême droite) et de la Confédération paysanne (troisième, classé à gauche).

 


Colère agricole en France: Macron reçoit les syndicats, des blocages persistent

Des tracteurs lors d'une manifestation organisée par le syndicat agricole Coordination Rurale près du Mont-Saint-Michel, dans le nord-ouest de la France, le 18 décembre 2025. (AFP)
Des tracteurs lors d'une manifestation organisée par le syndicat agricole Coordination Rurale près du Mont-Saint-Michel, dans le nord-ouest de la France, le 18 décembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron a reçu les syndicats agricoles, opposés à l’accord UE-Mercosur, dans un contexte de forte colère liée aux crises sanitaires, notamment la dermatose bovine
  • Les blocages routiers se poursuivent dans le Sud-Ouest, alors que de nouveaux cas de la maladie sont confirmés et que la mobilisation agricole se prolonge

PARIS: Le président français Emmanuel Macron a reçu mardi les syndicats agricoles pour parler de l'accord UE-Mercosur, auquel ils sont opposés, tandis que des axes routiers sont toujours bloqués pour protester contre le traitement par les autorités de l'épizootie de dermatose bovine.

"L'objet du rendez-vous, c'était d'essayer d'éteindre un peu le feu qui est partout dans les campagnes", a souligné Stéphane Galais, porte-parole national de la Confédération paysanne - un syndicat classé à gauche -, à la sortie de la rencontre, ajoutant qu'il fallait pour cela "des mesures structurelles fortes".

Les syndicats disent avoir par ailleurs rappelé au chef de l'Etat "l'extrême tension" et la "colère" du monde agricole et que des réponses étaient attendues "dès les premiers jours de janvier" sur le Mercosur mais aussi sur les crises sanitaires, au premier rang desquelles la dermatose bovine et la grippe aviaire.

C'était la première rencontre entre le chef de l'Etat et les syndicats agricoles depuis début décembre et l'amorce de la crise qui secoue l'élevage français, face à la dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

C'était aussi la première depuis l'annonce, jeudi dernier, du report a priori au 12 janvier de la signature du traité décrié entre l'UE et des pays du Mercosur.

Cet accord faciliterait l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel et soja sud-américains, ce qui inquiète les filières concernées, lesquelles affirment que ces produits ne respectent pas les mêmes normes que les produits européens.

L'accord permettrait en revanche aux Européens d'exporter davantage de véhicules, machines, vins et spiritueux en Amérique du Sud.

Sur le terrain, la mobilisation a connu un léger regain mardi (53 actions mobilisant 1.600 personnes, selon le ministère de l'Intérieur) par rapport à lundi (35 actions mobilisant 1.200 personnes), mais elle reste nettement inférieure à celle de la semaine dernière (110 actions jeudi).

Certains agriculteurs sont mobilisés depuis plus de 10 jours, notamment contre l'abattage total des troupeaux dans lesquels des cas de DNC sont détectés dans le Sud-Ouest.

Mardi, le ministère de l'Agriculture a confirmé un nouveau cas de la maladie en Haute-Garonne, portant le bilan total à 115 foyers enregistrés depuis juin en France. Ce dernier troupeau concerné a été abattu.

Dans le Sud-Ouest, des blocages d'autoroute étaient notamment maintenus sur l'A63 près de Bordeaux ou sur l'A64 au sud de Toulouse ou près de Bayonne.

Au sud de Bordeaux, les manifestants de la branche locale du syndicat Coordination rurale - classé à droite - ont dit vouloir organiser un réveillon et une messe de Noël mercredi soir sur leur barrage, à l'instar des agriculteurs mobilisés près de Toulouse.