Accusations de travail forcé des Ouïghours: une enquête française visant des géants du textile classée

Les plaignants reprochaient à Uniqlo France, Inditex , SMCP et au chausseur Skechers de commercialiser des produits fabriqués en totalité ou en partie dans des usines où des Ouïghours sont soumis, selon ces associations, au travail forcé. (Photo, AFP)
Les plaignants reprochaient à Uniqlo France, Inditex , SMCP et au chausseur Skechers de commercialiser des produits fabriqués en totalité ou en partie dans des usines où des Ouïghours sont soumis, selon ces associations, au travail forcé. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 04 mai 2023

Accusations de travail forcé des Ouïghours: une enquête française visant des géants du textile classée

  • Le Parquet national antiterroriste (Pnat), qui traite en France les dossiers de crimes contre l'humanité, a confirmé jeudi ce classement
  • Le ministère public a considéré qu'il ne pouvait poursuivre les géants du textile pour des recels d'infractions que s'il était également compétent pour les infractions principales visées, c'est-à-dire les crimes contre l'humanité et le génocide

PARIS: Un revers pour les défenseurs des droits de l'Homme: la justice française a classé sans suite en avril une enquête préliminaire ouverte en juin 2021 visant des géants de l'habillement tels Uniqlo et Inditex, accusés par des associations d'avoir profité du travail forcé des Ouïghours en Chine.

Le Parquet national antiterroriste (Pnat), qui traite en France les dossiers de crimes contre l'humanité, a confirmé jeudi ce classement appris par l'AFP de source proche du dossier.

L'enquête avait été ouverte par le pôle crimes contre l'humanité de ce parquet après une plainte déposée en avril 2021 par l'association anticorruption Sherpa, le collectif Ethique sur l'étiquette, l'Institut ouïghour d'Europe (IODE) et une Ouïghoure ayant été internée dans la province du Xinjiang (nord-ouest de la Chine).

Les plaignants entendent déposer une nouvelle plainte afin qu'un juge soit désigné, a indiqué leur avocat Me William Bourdon, sollicité par l'AFP.

La plainte s'appuyait sur un rapport publié en mars 2020 par l'ONG australienne ASPI (Australian Strategic Policy Institute).

Les plaignants reprochaient à Uniqlo France (propriété du groupe japonais Fast Retailing), Inditex (qui détient les marques Zara, Bershka, Massimo Duti), SMCP (Sandro, Maje, de Fursac...) et au chausseur Skechers de commercialiser des produits fabriqués en totalité ou en partie dans des usines où des Ouïghours sont soumis, selon ces associations, au travail forcé.

Les plaignants estimaient aussi que ces sociétés ne justifiaient pas d'efforts suffisants pour s'assurer que leurs sous-traitants n'étaient pas impliqués dans les persécutions de cette minorité.

A l'époque, les quatre groupes avaient contesté tout recours à du travail forcé: Inditex avait indiqué avoir pu vérifier, via des "contrôles de traçabilité", que "les allégations provenant de cette plainte étaient infondées.

Uniqlo avait aussi affirmé mener des inspections avec des tiers pour s'assurer que des droits humains n'étaient pas violés par ses fournisseurs.

Contacté par l'AFP, le groupe SMCP a rappelé jeudi qu'il avait "toujours réfuté avec la plus grande fermeté ces accusations" et estimé que la décision "fait suite au retrait en octobre 2022 du nom du groupe SMCP et de ses marques" du rapport de l'ONG australienne.

 "Incompétence" 

Le 12 avril, le Pnat a toutefois informé les plaignants dans un courrier dont l'AFP a eu connaissance que l'enquête était classée sans suite "pour motif d'absence d'infraction, en raison de l'incompétence du Pnat à poursuivre les faits visés dans la plainte".

Selon la première source proche du dossier, le ministère public a considéré qu'il ne pouvait poursuivre les géants du textile pour des recels d'infractions que s'il était également compétent pour les infractions principales visées, c'est-à-dire les crimes contre l'humanité et le génocide.

D'après une autre source proche, le Pnat considère toutefois que ces crimes sont susceptibles d'avoir été commis en Chine par des entreprises chinoises, les fournisseurs des géants du textile dénoncés dans la plainte, ce qui le rendrait donc incompétent.

"Le tête-à-queue du Pnat est incompréhensible dans la mesure où une enquête avait été ouverte sur le fondement de recel de crimes contre l'humanité. Deux années après, c'est aujourd'hui considéré comme une qualification non-pertinente", s'est étonné Me Bourdon.

Outre ces quatre noms, d'autres grands groupes (Nike, Adidas, Shein...) sont accusés de tirer profit de l'exploitation des membres de la minorité musulmane ouïghoure dans des champs de coton et ateliers du Xinjiang.

Depuis plusieurs années, les autorités chinoises sont accusées par les pays occidentaux d'avoir massivement enfermé des Ouïghours et des membres d'autres minorités majoritairement musulmanes, y compris des Kazakhs, dans des camps de rééducation, après des attentats sanglants dans le Xinjiang.

Leur nombre est parfois évalué à plus d'un million.

Washington et plusieurs pays évoquent un "génocide" et le Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme évoque des crimes contre l'humanité, des accusations rejetées par Pékin qui défend des centres de formation professionnelle destinés à combattre l'extrémisme religieux et assurer la stabilité sociale.

Certaines marques se sont engagées ces dernières années à ne pas utiliser de coton du Xinjiang (un cinquième de la production mondiale) mais peinent à montrer patte blanche face à des sous-traitants en cascade.


Le PS comprend «l'exaspération» à l'origine du mouvement de blocage du 10 septembre

Le Parti socialiste "comprend l'exaspération" à l'origine du mouvement "Bloquons tout le 10 septembre", né sur les réseaux sociaux, tout en reconnaissant que celui-ci reste encore "assez flou". (AFP)
Le Parti socialiste "comprend l'exaspération" à l'origine du mouvement "Bloquons tout le 10 septembre", né sur les réseaux sociaux, tout en reconnaissant que celui-ci reste encore "assez flou". (AFP)
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  • Venus d'horizons divers, des appels à "tout bloquer" en France le 10 septembre se multiplient sur les réseaux sociaux en se cristallisant autour des coupes budgétaires voulues par François Bayrou
  • Et LFI est déjà allé un pas plus loin que le PS en appelant les Français à se joindre au mouvement

PARIS: Le Parti socialiste "comprend l'exaspération" à l'origine du mouvement "Bloquons tout le 10 septembre", né sur les réseaux sociaux, tout en reconnaissant que celui-ci reste encore "assez flou".

"On regarde cette initiative avec beaucoup d'intérêt. Les motivations et les modes opératoires sont assez flous pour l'instant mais nous comprenons l'exaspération à l'origine de ce mouvement", a déclaré mercredi la porte-parole du PS Chloé Ridel sur Franceinfo.

Venus d'horizons divers, des appels à "tout bloquer" en France le 10 septembre se multiplient sur les réseaux sociaux en se cristallisant autour des coupes budgétaires voulues par François Bayrou.

Et LFI est déjà allé un pas plus loin que le PS en appelant les Français à se joindre au mouvement.

"C'est l'expression d'une exaspération populaire légitime quand le Parlement n'arrive plus à fonctionner, quand tous les budgets sont adoptés à coups de 49-3", a jugé Mme Ridel. "Les gilets jaunes aussi bien que le mouvement du 10 septembre, c'est le produit d'une politique d'Emmanuel Macron, un style de pouvoir autoritaire descendant", a-t-elle insisté.

"Quand on annonce par-dessus le marché qu'on va supprimer deux jours fériés, qu'on va faire une année blanche sur toutes les prestations sociales, qu'on va retrancher dans les dépenses de santé, évidemment qu'il y a une colère qui monte", a-t-elle estimé.

Elle a confirmé que le PS censurerait le budget à l'automne s'il reste "en l'état".

"Nous ferons des contre-propositions et nous verrons ce que le gouvernement à en dire. Mais en l'état de ce qui a été présenté au mois de juillet, évidemment, c'est la censure qui doit s'appliquer", a-t-elle dit.

 


Paris : 40.000 enfants attendus pour la «Journée des oubliés des vacances»

Quarante mille enfants venus de toute la France et de l'étranger sont attendus mercredi sur le Champ-de-Mars à Paris dans le cadre d'une journée d'activités pour les enfants qui ne partent pas en vacances, organisée par le secours populaire. (Photo d'illustrationAFP)
Quarante mille enfants venus de toute la France et de l'étranger sont attendus mercredi sur le Champ-de-Mars à Paris dans le cadre d'une journée d'activités pour les enfants qui ne partent pas en vacances, organisée par le secours populaire. (Photo d'illustrationAFP)
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  • Croisière sur la Seine, visite de musées et concert au pied de la Tour Eiffel, toute une panoplie d'activités sont prévues mercredi dans la capitale pour ces milliers d'enfants qui n'ont pas eu la chance de partir en vacances cet été
  • "C'est important pour nous qu'un enfant ait quelque chose à raconter à la rentrée à ses petits camarades, pour ne pas se sentir différent"

PARIS: Quarante mille enfants venus de toute la France et de l'étranger sont attendus mercredi sur le Champ-de-Mars à Paris dans le cadre d'une journée d'activités pour les enfants qui ne partent pas en vacances, organisée par le secours populaire.

Croisière sur la Seine, visite de musées et concert au pied de la Tour Eiffel, toute une panoplie d'activités sont prévues mercredi dans la capitale pour ces milliers d'enfants qui n'ont pas eu la chance de partir en vacances cet été.

"C'est important pour nous qu'un enfant ait quelque chose à raconter à la rentrée à ses petits camarades, pour ne pas se sentir différent", souligne auprès de l'AFP Thierry Robert, le secrétaire national du Secours populaire.

Selon une étude de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) de 2021, 10% des moins de 16 ans ne partent pas en vacances au moins une semaine par an pour des raisons financières.

Six cents bus ont été affrétés par le Secours populaire pour faire venir des enfants de toute la France pour cette 46e édition.

L'association fête ses 80 ans cette année. Pour l'occasion, les activités de la journée sont organisées autour de la "célébration du premier anniversaire des Jeux de Paris 2024".

"Certains enfants vont aller voir la vasque olympique aux Tuileries, d'autres vont aller au centre aquatique olympique à Saint-Denis, et puis d'autres vont faire une balade fluviale (sur la Seine), symbole de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques", détaille Thierry Robert.

Les enfants seront ensuite accueillis sur le Champ-de-Mars, au pied de la Tour Eiffel, pour un pique-nique géant le midi et un concert, dont les artistes n'ont pas encore été révélés.

Mascottes des JO, ateliers sur le sport, et athlètes seront sur place. La journée est aussi co-parrainée par Tony Estanguet, le président du Comité d'organisation des JO 2024.

Autre particularité, cette année, près de "1.000 enfants" de l'étranger seront présents, un bond "par rapport aux années précédentes", précise le directeur général du Secours populaire.

L'association compte aussi profiter de cette édition "internationale", pour alerter sur la hausse de la précarité. "Le nombre de personnes ne va pas en diminuant. On le constate notamment aussi chez les jeunes qui sont de plus en plus nombreux", alerte Thierry Robert.


Dans les quartiers Nord de Marseille, des mères renouent avec la mer

Ce stage gratuit est proposé par l'association Le Grand Bleu, créée en 2000, avec pour objectif "d'aider les Marseillais à se réapproprier la mer". (AFP)
Ce stage gratuit est proposé par l'association Le Grand Bleu, créée en 2000, avec pour objectif "d'aider les Marseillais à se réapproprier la mer". (AFP)
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  • "On se dit qu'avec ses 57 kilomètres de façade maritime tous les Marseillais doivent savoir nager. Mais ce n'est pas le cas"
  • Car si en France un enfant sur deux en moyenne ne sait pas nager, le ratio grimpe à trois sur quatre à Marseille

MARSEILLE: A Marseille, Karima Kouider côtoyait la Méditerranée sans oser s'y baigner.

Une appréhension qu'elle surmonte progressivement avec les cours de natation dispensés par une association des quartiers Nord. Un moyen pour cette maman de "protéger ses minots" et s'amuser.

"Mon fils s'est déjà noyé une fois (la noyade n'est pas forcément mortelle, NDLR), je me suis dit qu'il fallait que j'apprenne à nager pour pouvoir le sauver", confie la mère de cinq enfants.

Ce jour-là, Karima, 49 ans, participe avec onze autres femmes à son cours hebdomadaire de natation dans une piscine d'eau de mer à l'Estaque, un quartier du nord de la cité phocéenne.

Ce stage gratuit est proposé par l'association Le Grand Bleu, créée en 2000, avec pour objectif "d'aider les Marseillais à se réapproprier la mer".

"On se dit qu'avec ses 57 kilomètres de façade maritime tous les Marseillais doivent savoir nager. Mais ce n'est pas le cas", constate son fondateur Brahim Timricht.

Car si en France un enfant sur deux en moyenne ne sait pas nager, le ratio grimpe à trois sur quatre à Marseille.

Et l'écart se creuse encore un peu plus dans les quartiers défavorisés de la deuxième ville de France, en déficit d'équipements publics avec six piscines municipales seulement ouvertes actuellement, selon le site web de la mairie.

Mais apprendre à nager est un enjeu de santé publique. Avec 702 noyades dont 193 mortelles du 1er juin au 23 juillet 2025, soit +45% sur un an, la France connaît un été funeste.

Parmi les victimes, 27 enfants et adolescents (15 en 2024) sont décédés. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur dénombre le plus grand nombre de noyades, 174, dont 18 mortelles.

"Savoir nager, c'est savoir se sauver", souligne le responsable du Grand Bleu.

Au départ de l'association, les cours étaient destinés aux enfants et adolescents puis est venu "le tour de leurs mamans", en 2020. "Ce sont des cours ouverts à tous les adultes mais aucun papa ne vient", constate Brahim Timricht.

"La peur est derrière moi" 

Avec ce nouveau public, les instructeurs ont dû réajuster les exercices.

"Un enfant a confiance en l'adulte mais elles (les mamans) vont devoir acquérir petit à petit la confiance du maître-nageur", explique Lucas Foehrle, un des encadrants.

"Bien souvent, ces femmes ont des appréhensions liées au passé, des histoires à chaque fois avec l'eau et donc on va devoir les accompagner, leur faire apprécier le milieu et l'effort physique", ajoute le maître-nageur.

Il a fallu aussi franchir quelques obstacles avant que les mamans et jeunes femmes des quartiers populaires puissent s'épanouir dans la pratique d'activités nautiques. La barrière du maillot de bain, la garde d'enfant et l'accès au bord de mer depuis ces quartiers mal desservis sont autant de freins.

A Marseille, la fracture territoriale influe aussi sur l'apprentissage de la natation.

Dans le Sud, où se concentrent les quartiers résidentiels aisés et le littoral attractif, "les adultes et enfants savent mieux nager", affirme le directeur du Grand Bleu.

"Quand on a des maisons avec des piscines, on peut se payer des cours particuliers, dans le Nord, non, ce sont des barres d'immeubles", observe l'éducateur sportif. "On est là pour réduire ces inégalités".

A 64 ans, Malika Medibouri vient "tout juste d'apprendre à nager". "L'argent est une barrière, le loisir passe en second plan", reconnaît la retraitée. "C'est le bonheur d'apprendre à nager, on se sent libre", déclare la Marseillaise au sourire lumineux.

Comme elle, Nadia Hamada, 60 ans, qui entame son deuxième été consécutif d'apprentissage, n'hésite plus à plonger dans le grand bassin de la base nautique de Corbière qui s'ouvre sur la mer Méditerranée. Son amie tâtonne encore sur le rebord.

"Ça fait du bien de nager. Liberté totale !", se délecte cette mère de six enfants, originaire de Frais-Vallon, un quartier de grands ensembles du 13e arrondissement dans le Nord-Est de Marseille.

"Si tu sais nager, tu as confiance. Tu es sûre que tu vas au fond (loin du bord). Tu es sûre que tu vas y arriver tout seule. Mais si tu ne sais pas nager, il y a toujours la peur. Et aujourd'hui la peur est derrière moi", se réjouit Nadia Hamada qui pratique désormais le kayak et le paddle en mer.