Les BRICS voient la force de l’élargissement et envisagent un ordre mondial multipolaire

Les ministres des Affaires étrangères des pays membres de BRICS avec les représentants des nouveaux membres potentiels, au Cap (Photo, Reuters).
Les ministres des Affaires étrangères des pays membres de BRICS avec les représentants des nouveaux membres potentiels, au Cap (Photo, Reuters).
Short Url
Publié le Samedi 03 juin 2023

Les BRICS voient la force de l’élargissement et envisagent un ordre mondial multipolaire

  • Le sommet des ministres des Affaires étrangères au Cap ouvre la voie à un rôle plus ambitieux des BRICS dans un monde multipolaire
  • Le prince Faisal ben Farhane, ministre saoudien des Affaires étrangères, a participé à la réunion ministérielle des «Amis des BRICS» au Cap

LONDRES: Les ministres des Affaires étrangères du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine et de l'Afrique du Sud ont exprimé leur volonté d'accepter de nouveaux membres, dont l'Arabie saoudite, alors que le bloc cherche à se faire entendre davantage sur la scène internationale.

Lors d'une conférence de deux jours qui s'est tenue au Cap jeudi et vendredi, en présence du prince Faisal ben Farhane, ministre saoudien des Affaires étrangères, le groupe s'est présenté comme une force en faveur d'un «nouvel équilibre» de l'ordre mondial par rapport aux institutions dominées par l'Occident.

Le prince Faisal a eu des entretiens bilatéraux avec plusieurs de ses homologues et a assisté à une réunion ministérielle des «Amis des BRICS» sur le thème «Partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, un développement durable et un multilatéralisme inclusif».

Il s'est également entretenu avec Hossein Amir-Abdollahian, ministre iranien des Affaires étrangères, afin d'examiner les mesures à prendre «pour mettre en œuvre l'accord signé entre les deux pays à Pékin, notamment l'intensification des efforts bilatéraux visant à garantir la paix et la sécurité internationales», selon un communiqué de la délégation saoudienne.

ds
Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal ben Farhan, avec son homologue russe Sergey Lavrov (Photo, Ministère des affaires étrangères/Twitter).

L'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l'Iran, Cuba, la République Démocratique du Congo (RDC), les Comores, le Gabon et le Kazakhstan ont tous envoyé des représentants au Cap pour les pourparlers, tandis que l'Égypte, l'Argentine, le Bangladesh, la Guinée-Bissau et l'Indonésie y ont participé virtuellement.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, a déclaré que «plus d'une douzaine» de pays ont exprimé leur intérêt à rejoindre les BRICS. De son côté, Ma Zhaoxu, vice-ministre chinois des affaires étrangères, a déclaré lors d'une conférence de presse: «Nous espérons que d'autres pays rejoindront notre grande famille.»

Selon certaines informations, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l'Algérie, l'Égypte, le Bahreïn et l'Iran ont tous officiellement demandé à rejoindre les BRICS, à l'instar de plusieurs autres pays qui semblent vouloir rééquilibrer leurs relations internationales en fonction d'un ordre mondial de plus en plus multipolaire.

Selon le Financial Times, l'Arabie saoudite est également en pourparlers avec la Nouvelle banque de développement, le prêteur basé à Shanghai plus connu sous le nom de «Banque des BRICS», pour admettre l’Arabie saoudite en tant que neuvième membre.

Un sommet des chefs d'État est prévu à Johannesburg en août.

Le bloc économique des BRICS se positionne comme une alternative aux centres de pouvoir dominés par l'Occident. Cependant, les experts semblent incertains quant à son potentiel, soulignant les divisions innées entre les puissances centrales des BRICS et le manque de clarté sur ce que l'adhésion pourrait engendrer.

Néanmoins, pour plusieurs pays à la recherche d'une aide financière, les exigences strictes souvent liées aux renflouements par des institutions dominées par l'Occident, comme le FMI et la Banque mondiale, se sont révélées de plus en plus désagréables, ce qui a conduit de nombreux pays à chercher des partenariats ailleurs.

ds
Un Tunisien et ses enfants rentrent chez eux en charrette dans la ville de Sidi Bouzid, dans le centre de la Tunisie (Photo, AFP).

La Tunisie en est un bon exemple.

Touchée par une production en baisse, une dette élevée et une inflation galopante, avec une flambée des prix des denrées alimentaires et des carburants, beaucoup ont vu dans l'offre de prêt de 1,9 milliard de dollars américains (1 dollar américain = 0,93 euro) du FMI le seul moyen pour la Tunisie de sortir d'une crise économique et politique qui ne cesse de s'aggraver.

Le président Kaïs Saïed n'était toutefois pas d'accord avec ce point de vue. Début avril, il a clairement exprimé son opinion sur l'accord, rejetant les demandes de réduction des subventions à l'énergie et à l'alimentation, ainsi que les demandes de réduction de la masse salariale du secteur public, auxquelles le prêt avait été subordonné.

«Je ne veux pas entendre de diktats», a déclaré Saïed, rappelant les émeutes meurtrières qui ont éclaté en 1983 après l'augmentation du prix du pain, et expliquant aux Tunisiens qu'ils devaient plutôt «compter sur eux-mêmes».

D'autres proches de Saïed semblent penser qu'il a d'autres projets pour arrêter le déclin économique du pays.

Faisant écho à Saïed, Mahmoud ben Mabrouk, porte-parole du mouvement pro-présidentiel du 25 juillet, a déclaré à Arab News que la Tunisie «n'accepterait pas de diktats ou d'ingérence» et qu'elle se tournerait désormais vers les BRICS en tant qu'«alternative politique, économique et financière qui permettra à la Tunisie de s'ouvrir au nouveau monde».

Si la demande de ben Mabrouk devait avoir du poids, la Tunisie deviendrait le dernier pays d'Afrique du Nord à graviter autour du bloc, après la demande d'adhésion de l'Algérie, à la fin de l'année dernière.

Une telle démarche indiquerait que le bloc des BRICS est une organisation en expansion offrant une alternative au FMI et à la Banque mondiale pour les pays qui cherchent à se renflouer.

Cependant, Jim O'Neill, l'économiste qui a inventé l'acronyme BRICS, s'interroge sur ce que la Tunisie signerait réellement, décrivant le bloc comme étant plutôt un «club politique» qu'un groupe économique défini, et qui semble avoir eu des effets négatifs sur le plan financier.

«Comme je l'ai déjà dit, depuis que le club politique existe, ironiquement, sa force économique s'est affaiblie», a précisé O'Neill à Arab News. Il s'interroge en outre sur les critères que le bloc chercherait à appliquer aux nouveaux membres, suggérant que dans le cas de l'Algérie et de la Tunisie, «tout cela ne semble être que du symbolisme».

Qu’il s’agisse de symbolisme ou autre, l'Algérie et la Tunisie ne sont pas les seuls pays à se tourner vers le bloc naissant. L'Argentine, l'Égypte, l'Indonésie, l'Iran, l'Arabie saoudite et la Turquie envisagent tous de lier leur avenir à ce bloc.

Sarah Yerkes, chargée de recherche au programme Moyen-Orient de Carnegie, estime que la décision de la Tunisie doit être prise au sérieux car elle représente «un changement géopolitique intentionnel de sa part», mentionnant les critiques accrues de la Tunisie de la part de l'Europe et des États-Unis.

«La Tunisie a désespérément besoin d'une aide financière et comme l'Occident s'efforce de conditionner l'aide à la Tunisie à des réformes démocratiques, il est logique que Saïed cherche de l'aide auprès de pays qui sont moins concernés par les droits de l'homme et les libertés», a expliqué Yerkes à Arab News.

Toutefois, à l'instar de Jim O'Neill, elle se demande si les BRICS peuvent offrir une alternative au FMI et à la Banque mondiale, soulignant la faiblesse du bilan du bloc lorsqu'il s'agit «d'assister d'autres pays et de les aider à atteindre une prospérité économique réelle et durable». 

En interne, le groupe des BRICS semble en tout cas convaincu de pouvoir rivaliser avec l'Occident. La ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor, aurait laissé entendre que le lancement d'une monnaie propre au bloc économique, destinée à rivaliser avec l'hégémonie du dollar, serait résolument à l'ordre du jour.

Elie Abouaoun, directeur de la région MENA à l'Institut américain de la paix, considère l'ajout de la Tunisie comme un fardeau pour un groupe limité de «contributeurs au PIB» .

ds
Les ministres des Affaires étrangères de l'Afrique du Sud et de l'Inde (Photo fournie).

«À ce stade, les principaux contributeurs au PIB mondial parmi les pays des BRICS sont la Chine et l'Inde, et la plupart des pays figurant sur la liste des candidats potentiels à l'adhésion sont des consommateurs de crédits plutôt que des contributeurs solides au PIB mondial», a clarifié Abouaoun à Arab News.

«Avec l'intégration de sept ou huit nouveaux pays consommateurs dans l'alliance, je vois des défis pour les plus grands pays membres des BRICS et moins, voire pas du tout, d'avantages financiers pour les nouveaux. L'alliance sera certainement plus faible avec plus de membres si désespérés de recevoir une aide économique.»

De même, Liam Campling, professeur de commerce international et de développement à l'école de commerce et de gestion de l'université Queen Mary à Londres, a déclaré que l'accord de la cohorte des BRICS pour admettre la Tunisie serait «légèrement déroutant, étant donné qu'il s'agit d'une puissance de niveau moyen».

«Les membres actuels sont tous des puissances sous-régionales, chacune dominante dans sa partie du monde, mais la Tunisie ne domine pas l'Afrique du Nord de la même manière que l'Égypte», a éclairci Campling à Arab News.

«Ainsi, du point de vue des BRICS, il ne s'agit pas d'un allié évident, mais du côté de la Tunisie, il pourrait évidemment s'agir d'un effort pour obtenir un soutien macroéconomique plus large. Mais je crois que la Tunisie joue sur les deux tableaux, ce qui fait partie du jeu de tout pays de rang intermédiaire.»

Le scepticisme de Campling s'explique par le fait que, même si la Tunisie s'est attiré les foudres des États-Unis et que l'acrimonie politique entre les deux pays s'est accrue, elle est encore très proche des Européens sur le plan économique, ajoutant qu'«elle ne va pas compromettre ses relations avec l'UE pour cela».

Et comme les autres, Campling émet des réserves plus générales sur le projet des BRICS, soulignant ce qu'il appelle la «tension centrale au cœur du bloc», à savoir les différends frontaliers de longue date entre la Chine et l'Inde.

Selon lui, cela fait du bloc une alliance ad hoc plutôt qu'une unité cohésive capable de diriger le commerce mondial, la politique et la finance d'une manière similaire à celle du FMI ou de la Banque mondiale. Il remet donc en question l'affirmation selon laquelle les BRICS pourraient devenir un bloc économique alternatif.

«Essentiellement, je ne crois pas que le bloc puisse offrir une alternative durable tant que la tension centrale entre l'Inde et la Chine n'est pas résolue, et je ne pense pas qu'elle le soit, ce qui signifie que rien ne la maintient vraiment, laissant peu d'espace pour un rôle plus soutenu», a-t-il soutenu.

Selon Abouaoun, ce qui manque vraiment, c'est un «modèle normatif» auquel les autres pays pourraient adhérer, au-delà de la défense de la «multipolarité» par le bloc des BRICS. Si l'on gratte sous la surface, il semble y avoir une absence de substance, une opinion partagée par Yerkes.

«À ce stade, il ne semble guère plus qu'un contrepoids potentiel à l'Europe et aux États-Unis. Sans idéologie fondatrice, en particulier avec des membres aux philosophies économiques très différentes, il ne semble pas probable que le bloc des BRICS soit un concurrent solide», a-t-il déclaré.

Malgré le consensus sur les perspectives des BRICS, O'Neill est en désaccord avec les autres lorsqu'il s'agit de savoir si le monde a besoin d'un autre bloc économique, estimant que l'accent devrait plutôt être mis sur le renforcement de chaque économie, plutôt que sur l'action collective.

Yerkes, Campling et Abouaoun semblent moins opposés à la notion de nouveau bloc, reconnaissant que l'unipolarité américaine semble en voie de disparition. Ils soulignent néanmoins que la valeur du bloc dépendrait de sa composition et de ses intentions.

En effet, avec des pays comme l'Arabie saoudite dans leurs rangs, les BRICS pourraient atteindre de nouveaux niveaux de puissance financière et diplomatique, transformant ainsi l'arène internationale.

«Historiquement, la domination de l'Occident et de ses divers organismes et institutions internationaux a été extrêmement intéressée, produisant des résultats contradictoires qui ont conduit à un monde plus volatil, plus inégal et de plus en plus dépendant de l'endettement», a soutenu Campling.

«Tout cela a été poussé dans l'intérêt des Européens et des États-Unis. Peut-être devrions-nous nous inspirer des années 1970 et du mouvement des non-alignés, composé de beaucoup de ceux qui cherchent prétendument à rejoindre les BRICS, afin de trouver l'inspiration.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Trump désigne l’Arabie saoudite comme allié majeur hors OTAN

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président américain Donald Trump. (AP)
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président américain Donald Trump. (AP)
Short Url
  • L’annonce a été faite lors d’un dîner de gala à la Maison-Blanche en l’honneur du prince héritier
  • Mohammed ben Salmane salue une nouvelle phase dans la coopération bilatérale et les liens économiques

WASHINGTON : Le président Donald Trump a annoncé mardi que les États-Unis désigneront officiellement l’Arabie saoudite comme allié majeur hors OTAN, marquant une élévation significative des liens de défense entre les deux pays.

Il a révélé cette décision lors d’un dîner de gala à la Maison-Blanche en l’honneur du prince héritier Mohammed ben Salmane.

« Ce soir, j’ai le plaisir d’annoncer que nous portons notre coopération militaire à un niveau encore plus élevé en désignant officiellement l’Arabie saoudite comme allié majeur hors OTAN — quelque chose de très important pour eux », a déclaré Trump.

« Et je vous le dis pour la première fois, car ils voulaient garder un petit secret pour ce soir. »

Ce nouveau statut ouvre la voie à une coopération militaire plus profonde et revêt un poids symbolique fort, Trump affirmant qu’il fera progresser la coordination militaire américano-saoudienne « à des sommets encore plus élevés ».

--

Le prince héritier a remercié Trump pour un « accueil chaleureux et formidable », ajoutant : « Nous nous sentons chez nous. » Il a évoqué les fondements historiques de la relation entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, rappelant que leur partenariat remonte à près de neuf décennies, à la rencontre entre le président Franklin D. Roosevelt et le roi Abdelaziz, fondateur de l’Arabie saoudite moderne.

Il a également souligné les jalons à venir pour les deux nations, les États-Unis approchant de leur 250e anniversaire et l’Arabie saoudite de son 300e, estimant que ces célébrations mettent en lumière la longue trajectoire d’une coopération partagée.

En retraçant l’histoire de l’alliance, le prince héritier a mis en avant les efforts communs durant la Seconde Guerre mondiale, la Guerre froide, et la longue lutte contre l’extrémisme et le terrorisme.

Mais il a insisté sur le fait qu’aujourd’hui marque une nouvelle phase de la coopération bilatérale, les liens économiques s’étendant à des secteurs sans précédent.

« Aujourd’hui est un jour particulier », a déclaré le prince héritier. « Nous pensons que l’horizon de la coopération économique entre l’Arabie saoudite et l’Amérique est plus vaste dans de nombreux domaines.

« Nous avons signé de nombreux accords qui peuvent ouvrir la voie à un approfondissement de la relation dans plusieurs secteurs, et nous allons travailler dessus. »

Il a ajouté : « Nous estimons que les opportunités sont immenses ; nous devons donc nous concentrer sur la mise en œuvre et continuer à accroître les opportunités entre nos deux pays. »

Trump a exprimé à plusieurs reprises son appréciation pour le partenariat et le leadership du prince héritier, mettant en avant les accords majeurs signés lors de la visite, notamment dans l’énergie nucléaire civile, les minéraux critiques et l’intelligence artificielle, qualifiant l’ampleur des investissements d’inédite.

Trump a souligné que l’Arabie saoudite entreprend une expansion majeure de ses capacités de défense, évoquant les projets du Royaume portant sur près de 142 milliards de dollars d’achats d’équipements et de services militaires américains, qu’il a qualifiés de « plus grande acquisition d’armement de l’histoire ».

Il a présenté ces acquisitions comme faisant partie d’une stratégie plus large visant à renforcer la sécurité au Moyen-Orient et à consolider le rôle du Royaume comme force de stabilité.

En plus de la désignation d’allié majeur hors OTAN, Trump a annoncé que les États-Unis et l’Arabie saoudite avaient signé un accord stratégique de défense historique qui permettra de créer « une alliance plus forte et plus capable » et de soutenir ce qu’il a décrit comme le moment où le Moyen-Orient est le plus proche d’une « paix véritablement durable ».

Trump a remercié le prince héritier « pour toute l’aide » dans ce qu’il a décrit comme un moment historique pour la paix régionale et la coopération américano-saoudienne, et pour son rôle central dans les avancées diplomatiques récentes, notamment des étapes ayant contribué à la fin de la guerre à Gaza.

« Même les grands experts… appellent cela un miracle », a-t-il dit à propos des évolutions régionales récentes. Les deux dirigeants ont présenté ce moment comme le début d’un nouveau chapitre.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Trump : « Un honneur » d’accueillir son « bon ami » le prince héritier saoudien à la Maison Blanche

Le président américain Donald Trump rencontre le prince héritier et Premier ministre du Royaume d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane dans le Bureau ovale. (AFP)
Le président américain Donald Trump rencontre le prince héritier et Premier ministre du Royaume d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane dans le Bureau ovale. (AFP)
Short Url
  • Lors de sa visite à la Maison Blanche, le prince héritier Mohammed ben Salmane a confirmé que le Royaume investirait jusqu’à 1 000 milliards de dollars dans l’économie américaine
  • Le prince héritier a salué la coopération en matière de défense et le leadership des États-Unis dans la technologie de l’IA, tandis que Trump a confirmé son intention de vendre des F-35 à l’Arabie saoudite

​​​​​​WASHINGTON : L’Arabie saoudite augmente son engagement d’investissement dans l’économie américaine de 600 milliards de dollars à près de 1 000 milliards de dollars, a annoncé le prince héritier Mohammed ben Salmane au président américain Donald Trump mardi à la Maison Blanche.

Le prince héritier a affirmé que la collaboration saoudo-américaine créait de réelles opportunités dans l’intelligence artificielle et que la relation entre les deux pays restait essentielle. Il a également souligné le travail conjoint dans la lutte contre le terrorisme.

« Nous pouvons annoncer que nous allons augmenter ces 600 milliards de dollars à près de 1 000 milliards pour l’investissement », a déclaré le prince héritier lors d’un point de presse dans le Bureau ovale.

Le président Trump lui a demandé de confirmer ce chiffre, ce à quoi le prince héritier a répondu : « Absolument. »

Plus tôt dans la journée, le prince héritier et Premier ministre saoudien est arrivé à Washington DC pour une réception faste, marquant sa première visite officielle aux États-Unis depuis 2018 et sa première rencontre formelle avec le président Trump depuis la visite de ce dernier au Royaume en mai.

L’atmosphère autour de la Maison Blanche relevait du grand spectacle, reflétant les liens personnels et stratégiques étroits que les deux hommes ont tissés.

La visite du prince héritier est perçue comme la réaffirmation d’un partenariat durable, renforcé par une série d’accords en matière de défense, d’énergie nucléaire civile et de haute technologie.

Lors de la conférence de presse, le président Trump a fait l'éloge du prince héritier Mohammed ben Salmane, le qualifiant de « bon ami de longue date » et déclarant que c'était « un honneur » de l'accueillir à la Maison Blanche. Il a décrit l'Arabie saoudite comme un allié solide et un partenaire important, tout en rendant hommage au roi Salmane.

Les événements de la journée comprenaient un passage aérien, une salve d’honneur et un dîner de gala organisé par la Première dame Melania Trump pour célébrer le prince héritier, en présence notamment du footballeur portugais Cristiano Ronaldo, joueur du club saoudien Al-Nassr.

--
Les événements de mardi à Washington comprenaient un défilé aérien, une salve d'honneur et un dîner de gala. (Fourni)

Évoquant la nature de la visite, Trump avait déclaré vendredi à bord d’Air Force One : « Nous ne faisons pas qu’une réunion… Nous honorons l’Arabie saoudite, le prince héritier. »

Au cœur des discussions bilatérales se trouve la volonté commune de renforcer les capacités militaires saoudiennes ainsi que sa stratégie de diversification économique.

Le contrat de défense le plus important sur la table est la vente d’avions furtifs F-35 de dernière génération, dont Israël est à ce jour le seul utilisateur au Moyen-Orient.

Malgré les objections rapportées de responsables israéliens, Trump a clairement indiqué qu’il comptait aller de l’avant. « Pour autant que je sache, ils sont tous deux à un niveau où ils devraient recevoir des F-35 haut de gamme », a-t-il déclaré mardi.

La volonté de vendre cet appareil très convoité à l’Arabie saoudite représente donc un tournant stratégique dans la politique d’exportation d’armes américaine dans la région.

Parallèlement aux F-35, des accords portant sur des systèmes avancés de défense aérienne et antimissile devraient également renforcer les capacités de sécurité du Royaume.

Une autre annonce importante concerne un accord-cadre sur la coopération nucléaire civile. Lors de la conférence de presse de mardi, Trump a indiqué qu'il signerait un accord avec le prince héritier saoudien sur un tel cadre.

Des médias américains ont rapporté que Trump envisageait de fournir à l’Arabie saoudite des garanties définissant la portée de la protection militaire américaine, notamment à la suite des frappes israéliennes du 9 septembre contre le Qatar, qui bénéficie depuis 2022 du statut « d’allié majeur non membre de l’OTAN ».

Une telle garantie présidentielle, bien qu’inférieure à un accord de défense complet ratifié par le Congrès, soulignerait l’engagement personnel de l’administration actuelle.

La normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et Israël constitue également un sujet central — une étape que Washington considère essentielle pour un accord de paix plus large au Moyen-Orient après la guerre à Gaza.

Lors de son premier mandat, Trump avait contribué à établir des liens économiques et diplomatiques entre Israël, Bahreïn, le Maroc et les Émirats arabes unis dans le cadre des Accords d’Abraham.

Dans le Bureau ovale, le prince héritier a déclaré que le Royaume souhaitait normaliser ses relations avec Israël via les Accords d’Abraham, mais qu’il fallait avant tout disposer d’un « chemin clair » vers la création d’un État palestinien pour résoudre le conflit israélo-palestinien.

--
L'atmosphère qui régnait autour de la visite et de la réunion dans le bureau ovale de la Maison Blanche était celle d'un grand spectacle, témoignant des liens personnels et stratégiques profonds que les deux hommes ont noués. (SPA)

« Nous voulons faire partie des Accords d’Abraham. Mais nous voulons aussi être sûrs d’obtenir une voie claire vers une solution à deux États », a-t-il dit.

« Nous allons travailler là-dessus, pour être sûrs de pouvoir préparer les bonnes conditions dès que possible », a-t-il ajouté.

L’Arabie saoudite, qui abrite deux sanctuaires de l’islam — La Mecque et Médine —, joue un rôle central dans le monde musulman et demeure profondément investie dans la stabilité régionale et la cause palestinienne.

Le gouvernement saoudien a toujours affirmé qu’une voie claire vers un État palestinien devait être définie avant d’envisager toute normalisation avec Israël.

Interrogé par le rédacteur en chef d’Arab News, Faisal J. Abbas, sur l’évolution envisagée de la relation bilatérale et sur son rôle dans la vision stratégique du Royaume, le prince héritier a indiqué que le prochain chapitre offrirait d’immenses opportunités.

« Je ne pense pas que ce soit une relation que nous pouvons remplacer, du côté saoudien comme du côté américain », a-t-il répondu.

« C’est une relation essentielle pour notre cadre politique, notre cadre économique, notre sécurité, notre armée, pour beaucoup de choses, et elle existe depuis neuf décennies.

« Et les opportunités que nous avons aujourd’hui — elles sont énormes — et nous verrons si elles vont s’approfondir dans les prochaines décennies. Et ce que nous avons aujourd’hui et demain avec le président Trump constitue réellement un énorme nouveau chapitre dans cette relation, qui apportera de la valeur aux deux parties. »

La visite du prince héritier est fortement axée sur l’économie et les efforts continus visant à transformer l’économie saoudienne.

--
Le prince héritier et Premier ministre saoudien Mohammed ben Salmane a atterri à Washington DC où il a été accueilli en grande pompe à la Maison Blanche. (AFP)

L’Arabie saoudite a lancé la Vision 2030 il y a près de dix ans pour diversifier son économie au-delà du pétrole en investissant dans la culture, le sport, la technologie et le tourisme.

Une part importante du dialogue économique entre l’Arabie saoudite et les États-Unis porte sur les technologies de pointe.

Cet élan économique sera mis en lumière lors d’un grand sommet d’investissement au Kennedy Center mercredi.

L’événement doit réunir les dirigeants de grandes entreprises saoudiennes et américaines, dont Salesforce, Qualcomm, Pfizer, la Cleveland Clinic, Chevron et Aramco, la compagnie énergétique nationale saoudienne.

Ce forum devrait être l’occasion d’annoncer de nouveaux accords.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Vote attendu du Conseil de sécurité de l'ONU pour autoriser une force internationale à Gaza

Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se prononcer lundi sur le soutien au plan de paix de Donald Trump à Gaza, en particulier le déploiement d'une force internationale, sous la pression des Etats-Unis qui mettent en garde contre le risque d'une reprise de la guerre. (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se prononcer lundi sur le soutien au plan de paix de Donald Trump à Gaza, en particulier le déploiement d'une force internationale, sous la pression des Etats-Unis qui mettent en garde contre le risque d'une reprise de la guerre. (AFP)
Short Url
  • Le projet de résolution américaine, plusieurs fois modifié lors de négociations sensibles, "endosse" le plan de Donald Trump ayant permis la mise en place, le 10 octobre, d'un cessez-le-feu fragile entre Israël et le Hamas
  • Le texte, vu par l'AFP, "autorise" la mise en place d'une "force de stabilisation internationale" (ISF) chargée notamment de l'appui à la sécurisation des frontières en coopération avec Israël et l'Egypte, de la démilitarisation de Gaza

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se prononcer lundi sur le soutien au plan de paix de Donald Trump à Gaza, en particulier le déploiement d'une force internationale, sous la pression des Etats-Unis qui mettent en garde contre le risque d'une reprise de la guerre.

Le projet de résolution américaine, plusieurs fois modifié lors de négociations sensibles, "endosse" le plan de Donald Trump ayant permis la mise en place, le 10 octobre, d'un cessez-le-feu fragile entre Israël et le Hamas dans le territoire palestinien ravagé par deux années de guerre provoquée par l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien du 7 octobre 2023.

Le texte, vu par l'AFP, "autorise" la mise en place d'une "force de stabilisation internationale" (ISF) chargée notamment de l'appui à la sécurisation des frontières en coopération avec Israël et l'Egypte, de la démilitarisation de Gaza, du désarmement "des groupes armés non étatiques", de la protection des civils, et de la formation d'une police palestinienne. La composition de cette force n'est pas évoquée.

Il donne également mandat jusqu'au 31 décembre 2027 à un "Comité de la paix", organe de "gouvernance de transition" à Gaza jusqu'à la réforme de l'Autorité palestinienne. Selon le plan en 20 points annexé à la résolution, ce comité doit être présidé par Donald Trump.

Contrairement aux premières versions du texte, le projet qui doit être soumis au vote lundi à 17H00 (22H00 GMT) évoque l'éventualité d'un Etat palestinien.

Après la réforme de l'Autorité palestinienne et l'avancée de la reconstruction de Gaza, "les conditions pourraient finalement être en place pour un chemin crédible vers une autodétermination palestinienne et un statut d'Etat", dit ainsi le texte.

Un avenir clairement rejeté par Israël. "Notre opposition à un Etat palestinien sur quelque territoire que ce soit n'a pas changé", a insisté dimanche le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Objections russes 

La Russie, qui a fait circuler un texte concurrent, a justifié cette initiative notamment par le fait que la résolution américaine n'allait pas assez loin sur ce point, affirmant quant à elle un "engagement indéfectible" en faveur de la solution à deux Etats.

Le texte russe, également consulté par l'AFP, n'autorise ni la création d'un Comité de la paix ni le déploiement d'une force à ce stade, demandant au secrétaire général de l'ONU de proposer des "options" en la matière.

Face à ce qu'ils ont qualifié de "tentatives de semer la discorde", les Etats-Unis ont redoublé d'efforts ces derniers jours pour pousser le Conseil à donner son feu vert.

"Tout refus de soutenir cette résolution est un vote en faveur de la poursuite du règne des terroristes du Hamas ou en faveur de la reprise de la guerre avec Israël, condamnant la région et sa population à un conflit perpétuel", a insisté vendredi l'ambassadeur américain à l'ONU Mike Waltz dans un texte publié dans le Washington Post.

Les Américains ont également mis en avant l'ampleur du soutien pour ce texte, publiant une déclaration commune avec le Qatar, l'Egypte, les Emirats arabes unis, l'Arabie saoudite, l'Indonésie, le Pakistan, la Jordanie et la Turquie.

Plusieurs sources diplomatiques ont estimé auprès de l'AFP que, malgré les critiques affichées de la Russie, qui a un droit de veto, et les réticences d'autres Etats membres, qui s'inquiètent d'un manque de clarté dans les mandats du Comité de la paix et de l'ISF, il serait surprenant que le texte américain soit rejeté.

"Les Russes savent que, même si beaucoup de membres du Conseil vont jouer le jeu des Américains, ils partagent des inquiétudes sur le contenu du texte américain et la façon dont Washington a tenté d'accélérer" son adoption, commente Richard Gowan, de l'International Crisis Group, doutant d'un veto russe à une résolution soutenue par les pays arabes.

"Il est plus probable que la Chine et la Russie s'abstiennent, expriment leur scepticisme sur le plan, puis regardent les Etats-Unis se débattre pour le mettre en oeuvre", ajoute-t-il auprès de l'AFP.