Il est temps pour les pays européens de revoir leurs politiques à l’égard de la Syrie

Après douze ans de conflit, il est temps d’adopter une nouvelle politique pour trouver une issue à la crise syrienne (Photo, AFP).
Après douze ans de conflit, il est temps d’adopter une nouvelle politique pour trouver une issue à la crise syrienne (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 15 juin 2023

Il est temps pour les pays européens de revoir leurs politiques à l’égard de la Syrie

Il est temps pour les pays européens de revoir leurs politiques à l’égard de la Syrie
  • Ce que l’Europe veut en Syrie, c’est une solution politique fondée sur un compromis entre le gouvernement officiel et les opposants syriens en exil
  • Les politiques fondées uniquement sur le rejet du régime d’Assad ne peuvent constituer une solution pour la Syrie en 2023

Après douze ans de guerre en Syrie, les pays européens sont confrontés à des choix difficiles concernant leurs politiques à l’égard de ce pays. Les partisans européens d’une politique plus pragmatique au Moyen-Orient sont même tentés de prendre en compte les nouvelles réalités internes et régionales. Néanmoins, certaines considérations internes semblent faire obstacle à une révision de la politique de soutien de l’Europe à l’opposition syrienne.

La poursuite des relations entre les pays européens et les activistes syriens est la clé de la compréhension de la difficulté du processus de réconciliation entre les premiers et les autorités syriennes. En effet, plus de cent associations syriennes, réunies le 6 juin à l’Institut du monde arabe à Paris, ont créé une plate-forme commune pour continuer à défendre l’instauration d’une «Syrie démocratique». Cette aspiration à la démocratie est aujourd’hui principalement exprimée par les activistes de l’opposition syrienne basés dans les pays européens. Hormis cette aspiration, le contexte géopolitique n’est pas favorable à une réconciliation entre Bruxelles et Damas, allié de la Russie, dans le cadre de la guerre en Ukraine.

Ce que l’Europe veut en Syrie, c’est une solution politique fondée sur un compromis entre le gouvernement officiel et les opposants syriens en exil. Elle espère également que la justice sera rendue au peuple syrien opprimé. La position diplomatique de l’Europe, qui repose sur la recherche d’une alternative politique syrienne au régime de Bachar al-Assad, est constante depuis le début du soulèvement syrien. Toutefois, les pays européens ont fait preuve d’une certaine flexibilité au cours de la lutte contre Daech et après le tremblement de terre qui a secoué le pays l’hiver dernier.

À la suite du séisme de février, le Conseil européen a rappelé que les restrictions imposées au régime syrien étaient «une réponse à la répression violente de la population syrienne par le régime syrien et ceux qui lui sont liés et comprennent 292 personnes visées par un gel des avoirs et une interdiction de voyager, ainsi que 70 entités soumises à un gel des avoirs». Il a toutefois précisé que la levée des sanctions imposées à la Syrie, pour une période de six mois, visait à «faciliter l’acheminement rapide de l’aide humanitaire».

Malgré cette nouvelle opportunité, les Européens n’ont pas pris l’initiative de rouvrir leurs ambassades en Syrie. Effectivement, depuis 2012, seule la République tchèque est restée diplomatiquement active sur le sol syrien, les autres ayant rompu leurs liens avec Damas. Depuis, certains pays européens ont décidé de rouvrir leurs ambassades, comme la Bulgarie, Chypre, la Hongrie et la Grèce. En dépit de cette présence diplomatique limitée, les principaux pays européens ne sont toujours pas prêts à rouvrir leurs missions diplomatiques en Syrie, à un moment où la confrontation avec la Russie s’intensifie.

«Il semble que la logique de construction de blocs géopolitiques soit plus forte que la perspective de recherche de solutions aux problèmes régionaux par le dialogue.»- Dr Mohammed al-Sulami

Il semble que la logique de construction de blocs géopolitiques soit plus forte que la perspective de recherche de solutions aux problèmes régionaux par le dialogue. En soutenant officiellement les activistes de la société civile syrienne et en s’opposant fermement à Damas, allié de la Russie au Moyen-Orient, les Européens veulent sauver la face et convaincre les partenaires régionaux de former une coalition régionale contre la Russie.

La nouvelle dynamique régionale ne correspond pas à la vision européenne de la crise syrienne. Au-delà de l’aide humanitaire et du soutien symbolique aux opposants syriens en exil, les pays européens n’ont pas grand-chose à offrir au peuple syrien, qui est confronté au désespoir économique et à une situation sécuritaire désastreuse. Le fait que les pays européens basent leurs politiques à l’égard de la Syrie uniquement sur l’idée de confronter le «régime Assad» n’est pas suffisant pour résoudre la crise sécuritaire dans le pays. Cette politique n’offre aucune issue à la crise et ne constitue pas une solution pour le peuple syrien. Il est temps que les pays européens commencent à revoir leurs politiques à l’égard de la Syrie.

Les politiques fondées uniquement sur le rejet du régime d’Assad ne peuvent constituer une solution pour la Syrie en 2023. Douze ans après le début de la guerre, repenser la Syrie nécessite de faire des compromis difficiles pour trouver des solutions aux problèmes économiques du pays ravagé par la guerre.

De surcroît, le désespoir socio-économique du peuple syrien doit être pris en compte lors de la formulation d’une nouvelle politique européenne sur la Syrie. Cette nouvelle politique ne doit pas avoir pour unique but de sauver la face et de projeter l’hostilité de l’Europe à l’égard de la Russie dans le contexte de la guerre en Ukraine. Pour parvenir à une solution, les capitales européennes devraient suivre les États arabes dans leur décision de trouver un nouveau modus vivendi avec les autorités syriennes afin de mieux faire face aux défis économiques et sécuritaires de la région.

Jusqu’à présent, les responsables européens n’ont pas avancé de voie diplomatique concrète ni de proposition appropriée pour mettre fin à la guerre en Syrie. Après douze ans de conflit, il est temps d’adopter une nouvelle politique pour trouver une issue à la crise syrienne.

Mohammed Al-Sulami est président de l'Institut international d'études iraniennes (Rasanah).

Twitter: @mohalsulami

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com