En Russie, les procès pour avoir critiqué l'offensive en Ukraine s'enchaînent

Anatoly Roshchin (G), l'ingénieur aéronautique à la retraite de 75 ans accusé de discréditer l'armée russe, comparaît devant le tribunal municipal de Lobnya, dans la banlieue de Moscou, le 6 juin 2023. Plus de 20 000 personnes ont été arrêtées en Russie pour avoir protesté contre le conflit en Ukraine, selon le groupe indépendant de défense des droits OVD-Info. (Photo, AFP)
Anatoly Roshchin (G), l'ingénieur aéronautique à la retraite de 75 ans accusé de discréditer l'armée russe, comparaît devant le tribunal municipal de Lobnya, dans la banlieue de Moscou, le 6 juin 2023. Plus de 20 000 personnes ont été arrêtées en Russie pour avoir protesté contre le conflit en Ukraine, selon le groupe indépendant de défense des droits OVD-Info. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 18 juin 2023

En Russie, les procès pour avoir critiqué l'offensive en Ukraine s'enchaînent

  • Au-delà des affaires médiatisées d'opposants célèbres au Kremlin incarcérés depuis le début du conflit en février 2022, des milliers d'anonymes ont été silencieusement happés par la machine répressive qui ne cesse de s'accélérer
  • L'étau a mis un an à se refermer sur Alexandre Bakhtine, un musicien et défenseur de l'environnement de 51 ans

MYTICHTCHI: L'un est un musicien amoureux des animaux. L'autre, un ingénieur à la retraite. Le point commun entre ces deux Russes ? Ils sont jugés pour avoir critiqué l'offensive en Ukraine et risquent plusieurs années de prison.

Au-delà des affaires médiatisées d'opposants célèbres au Kremlin incarcérés depuis le début du conflit en février 2022, des milliers d'anonymes ont été silencieusement happés par la machine répressive qui ne cesse de s'accélérer.

L'étau a mis un an à se refermer sur Alexandre Bakhtine, un musicien et défenseur de l'environnement de 51 ans.

En mars et avril 2022, il publie trois messages sur le réseau social russe VKontakte dénonçant la campagne militaire en Ukraine, évoquant des victimes civiles et mettant en cause Vladimir Poutine.

En mars 2023, cet habitant de Mytichtchi, une ville de la banlieue de Moscou, est soudain arrêté et placé en détention provisoire: accusé d'avoir diffusé de "fausses informations" sur l'armée russe, il risque jusqu'à 10 ans de prison.

"Dans notre quartier, les gens sont choqués" par son arrestation, dit à l'AFP sa mère, Lioudmila Bakhtina, 79 ans, en marge d'une audience au tribunal le 6 juin.

"Il ne ferait pas de mal à une mouche. Il défend les animaux, c'est un écolo, il aidait tout le monde. Et on s'efforce d'en faire presque un terroriste", ajoute-t-elle, les larmes aux yeux.

Contrairement aux procès d'opposants connus qui attirent des foules, celui de M. Bakhtine se déroule dans un anonymat qui tranche avec la lourde peine qu'il risque: seuls sa mère et un ami assistaient à l'audience début juin.

Lorsque les policiers l'amènent, menotté, dans la salle d'audience, Mme Bakhtina ne parvient qu'à effleurer le bras de son fils qu'elle n'a vu que deux fois depuis son arrestation.

Et dans ces procès qui se déroulent loin des caméras, le cruel le dispute parfois à l'absurde: la mère est ainsi convoquée à l'audience en qualité de témoin de l'accusation contre son fils.

«Arrêtez-moi !»

"J'ai signé mon témoignage sans l'avoir lu", regrette-t-elle à la barre, s'étonnant de voir que le texte de sa déposition semble bien plus volumineux que le contenu de sa conversation avec l'enquêteur. L'avocat dénonce des "incohérences".

S'ensuit un vif échange entre la procureure et Mme Bakhtina: "Vous pensez que les forces armées russes effectuent un génocide de la population ukrainienne ?

- Non !

- Et votre fils ? (...) Quelle est son attitude envers le président (Vladimir Poutine) ?

- Mon fils est un pacifiste, il est contre la guerre. Et je suis contre la guerre moi aussi. Vous pouvez aussi m'arrêter !", lance Mme Bakhtina.

Lorsque la juge demande à l'accusé s'il veut questionner la témoin - sa propre mère - M. Bakhtine demande d'une voix rauque: "Lorsque tu as été interrogée le 6 mars 2023, t'a-t-on expliqué que tu avais le droit de ne pas témoigner contre moi?" Sa mère s'écrie: "Non!"

L'audience est reportée au 20 juin et M. Bakhtine, qui souffre selon sa mère de bronchite chronique et de troubles cardiaques, est maintenu en détention.

Selon l'ONG russe OVD-Info, plus de 20.000 personnes ont été arrêtées en Russie pour avoir manifesté contre le conflit en Ukraine.

Plusieurs milliers d'entre elles ont en outre été poursuivies pour avoir publié de "fausses informations" à son sujet, comme M. Bakhtine, ou pour avoir "discrédité" les militaires.

«Pas tous lâches»

Justement, le jour même où M. Bakhtine comparaissait menotté à Mytichtchi, Anatoli Rochtchine, un ingénieur en aéronautique à la retraite, était jugé dans une autre ville de la banlieue de Moscou, Lobnia, pour avoir "discrédité" l'armée.

M. Rochtchine, 75 ans, est lui aussi poursuivi sur la base de publications en ligne critiquant l'offensive militaire. Il risque jusqu'à cinq ans de prison.

"Ces affaires deviennent de plus en plus nombreuses", dit à l'AFP l'avocate de M. Rochtchine, Evguenia Grigorieva.

Au début du conflit, M. Rochtchine avait protesté devant la mairie de Lobnia avec une pancarte où il avait écrit: "Mon pays, tu es devenu fou".

Mais la plupart des passants faisaient semblant de ne pas le remarquer. "Ils avaient peur", dit-il à l'AFP.

"Si les Russes n'avaient pas peur de sortir dans la rue, il n'y aurait pas de guerre. C'est nous qui en sommes responsables", estime M. Rochtchine, qui dit se sentir "coupable" de la situation en Ukraine.

Il dit qu'il continue à écrire ce qu'il pense sur les réseaux sociaux, malgré son procès en cours. "Un opposant qui chuchote 'Gloire à l'Ukraine' à sa femme, ce n'est pas un opposant", sourit-il.

"Je veux que les Ukrainiens sachent que les Russes ne sont pas tous des lâches", ajoute M. Rochtchine. Son procès reprendra le 19 juin.


L'Inde cherche à porter la voix du « Sud global » entre le G7 et le Brics

Cette photographie prise et publiée par le Bureau d'information de la presse indienne (PIB) le 6 juin 2025 montre le Premier ministre indien Narendra Modi tenant le drapeau national lors de l'inauguration du pont ferroviaire de Chenab, qui fait partie de la liaison ferroviaire du Cachemire, à Reasi, dans l'État de Jammu-et-Cachemire. (PIB) / AFP)
Cette photographie prise et publiée par le Bureau d'information de la presse indienne (PIB) le 6 juin 2025 montre le Premier ministre indien Narendra Modi tenant le drapeau national lors de l'inauguration du pont ferroviaire de Chenab, qui fait partie de la liaison ferroviaire du Cachemire, à Reasi, dans l'État de Jammu-et-Cachemire. (PIB) / AFP)
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  • L'Inde n'est pas membre du Groupe des Sept (États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada), mais elle est devenue une habituée de ses sommets, auxquels elle est régulièrement conviée depuis 2019.
  • « Nous contribuons activement à la diplomatie internationale et si cela peut servir de passerelle, c'est un atout pour la diplomatie internationale dans une période de relations difficiles et de tensions accrues », fait valoir M. Jaishankar.

PARIS : Invitée du G7 qui débute dimanche, mais aussi membre fondateur des Brics, l'Inde souhaite porter la voix du « Sud global », se posant en « passerelle » entre les différents acteurs de la scène internationale, affirme son ministre des Affaires étrangères dans un entretien à l'AFP.

L'Inde n'est pas membre du Groupe des Sept (États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada), mais elle est devenue une habituée de ses sommets, auxquels elle est régulièrement conviée depuis 2019.

« Nous avons été un pays invité depuis plusieurs années et je pense que ça a été bénéfique pour le G7 », déclare à l'AFP Subrahmanyam Jaishankar depuis Paris, où il a clos samedi une visite en France, se félicitant d'avoir « la capacité de travailler avec différents pays sans qu'aucune relation ne soit exclusive ». 

Avec une population en passe de devenir la quatrième économie mondiale, l'Inde est l'un des pays les plus peuplés du globe. Elle siège à la table de nombreuses organisations, avec les Occidentaux au G7 ou au sein du « Quad » (Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, avec les États-Unis, le Japon, l'Australie), mais aussi avec la Chine, la Russie et l'Iran au sein des Brics et du Groupe de Coopération de Shangaï.

« Nous contribuons activement à la diplomatie internationale et si cela peut servir de passerelle, c'est un atout pour la diplomatie internationale dans une période de relations difficiles et de tensions accrues », fait valoir M. Jaishankar.

Ancienne colonie britannique, indépendante depuis 1947, l'Inde se pose, avec le Brésil, en héraut du « Sud global », qui réunit « des pays qui ont été victimes de l'ordre mondial ces dernières années, ces derniers siècles ». 

« Dans les pays du Sud, il existe un fort ressentiment face aux inégalités de l'ordre international, une volonté de le changer, et nous en faisons pleinement partie », explique le ministre en poste depuis 2019.

« Aujourd'hui, pour des pays comme les nôtres, il est important de nous exprimer, de mener, de faire sentir notre présence. »

Cette voix passe aussi par les BRICS, devenue « l'une des principales plateformes de rassemblement pour les pays non occidentaux », dont les chefs d'État se réuniront en juillet.

Partisan de « négociations directes » pour résoudre la guerre entre l'Ukraine et la Russie, qui a frappé durement les pays du Sud, M. Jaishankar affiche son scepticisme face aux politiques de sanctions occidentales : « Ça n'a pas vraiment marché jusqu'à présent, non ? » 

Partenaire commercial et allié politique de la Russie, l'Inde pourrait se retrouver exposée en cas de sanctions contre Moscou.

« L'économie mondiale est sous tension. Plus on ajoute des facteurs de tensions, plus les difficultés seront grandes. »

Dans l'ordre mondial actuel, l'Inde doit composer avec la « discontinuité » posée par Donald Trump.

Des négociations en cours sur le sujet ont « bien avancé ».L'Inde doit également chercher « un équilibre » avec la Chine. 

Pékin soutient Islamabad, que New Delhi accuse de soutenir les activités de « terroristes » islamistes sur son sol.

Le 22 avril, une attaque au Cachemire indien a déclenché une confrontation militaire de quatre jours entre les deux pays, la plus grave depuis 1999. Narendra Modi a promis une « riposte ferme » à toute nouvelle attaque « terroriste », renforçant le spectre d'une escalade entre les deux puissances nucléaires.

« En 2008, la ville de Mumbai a été attaquée (plusieurs attentats jihadistes ont fait 166 morts) et nous avons commis l'erreur de ne pas réagir avec fermeté. Nous sommes déterminés à ne pas répéter ces erreurs. Si des terroristes pénètrent en Inde depuis et grâce au soutien d'un pays voisin, nous les poursuivrons et nous les châtierons ».

Mais l'Inde n'a jamais envisagé de recourir à l'arme nucléaire, assure-t-il : « Ces inquiétudes émanaient de personnes mal informées ».

 


Israël appelle les Iraniens à évacuer les zones proches de sites militaires

Des soldats et des membres d'une équipe de recherche et de sauvetage se rassemblent près de voitures endommagées dans la ville de Tamra, dans le nord d'Israël, à la suite d'une attaque à la roquette lancée par l'Iran dans la nuit du 15 juin 2025. (Photo par AHMAD GHARABLI / AFP)
Des soldats et des membres d'une équipe de recherche et de sauvetage se rassemblent près de voitures endommagées dans la ville de Tamra, dans le nord d'Israël, à la suite d'une attaque à la roquette lancée par l'Iran dans la nuit du 15 juin 2025. (Photo par AHMAD GHARABLI / AFP)
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  • L'armée a « demandé à toutes les personnes se trouvant actuellement dans des installations militaires en Iran, ou à proximité, d'évacuer immédiatement les lieux, précisant que leur vie était en danger ».
  • Le communiqué ne précise pas de coordonnées géographiques et n'est accompagné d'aucune carte permettant de localiser ces zones.

JERUSALEM : Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a déclaré dimanche dans un communiqué de son bureau avoir ordonné à l'armée israélienne d'émettre des avis d'évacuation à l'intention des habitants de Téhéran vivant à proximité de sites militaires.

Après cet ordre, l'armée israélienne a appelé les Iraniens à évacuer les zones « à proximité d'installations militaires » dans un communiqué publié sur le réseau social X en persan et en arabe.

L'armée a « demandé à toutes les personnes se trouvant actuellement dans des installations militaires en Iran, ou à proximité, d'évacuer immédiatement les lieux, précisant que leur vie était en danger ».

Le communiqué ne précise pas de coordonnées géographiques et n'est accompagné d'aucune carte permettant de localiser ces zones, contrairement aux communiqués de l'armée israélienne adressés aux Palestiniens de la bande de Gaza, où elle est en guerre contre le mouvement islamiste Hamas.

Cette décision fait partie d'un plan « visant à faire pression sur le régime » en créant des déplacements de population, a déclaré à l'AFP une source sécuritaire israélienne.


La Russie s'apprête à construire la première centrale nucléaire du Kazakhstan

Une vue aérienne montre le village d'Ulken (au premier plan) et le site proposé pour la centrale nucléaire près du village d'Ulken, situé sur les rives du lac Balkhash, à environ 400 kilomètres au nord d'Almaty, le 22 septembre 2024. (Photo de Ruslan PRYANIKOV / AFP)
Une vue aérienne montre le village d'Ulken (au premier plan) et le site proposé pour la centrale nucléaire près du village d'Ulken, situé sur les rives du lac Balkhash, à environ 400 kilomètres au nord d'Almaty, le 22 septembre 2024. (Photo de Ruslan PRYANIKOV / AFP)
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  • « Rosatom a été désigné chef de file du consortium international pour la construction de la première centrale nucléaire au Kazakhstan », a indiqué l'agence kazakhe pour l'énergie atomique.
  • Le Kazakhstan, immense ex-république soviétique et allié de Moscou, est le premier producteur mondial d'uranium (43 %) et le troisième fournisseur d'uranium naturel de l'Union européenne.

ALMATY, KAZAKHSTAN : Le géant russe du nucléaire Rosatom sera le principal constructeur de la première centrale nucléaire du Kazakhstan, ont annoncé samedi les autorités de ce pays d'Asie centrale, premier producteur mondial d'uranium, un chantier que convoitaient la France, la Chine et la Corée du Sud.

« Rosatom a été désigné chef de file du consortium international pour la construction de la première centrale nucléaire au Kazakhstan », a indiqué l'agence kazakhe pour l'énergie atomique.

Le Kazakhstan, immense ex-république soviétique et allié de Moscou, est le premier producteur mondial d'uranium (43 %) et le troisième fournisseur d'uranium naturel de l'Union européenne, mais souffre d'un manque cruel d'électricité pour sa consommation intérieure.

L'agence kazakhe dit désormais « étudier la question de l'obtention de financements publics à l'exportation aux dépens de la Fédération de Russie, conformément aux propositions de Rosatom ». 

Rosatom a salué la décision kazakhe dans un communiqué et promis « la construction d'une centrale nucléaire selon le projet le plus avancé et le plus efficace au monde, basé sur des technologies russes ».

« Les réacteurs VVER-1200 de troisième génération combinent des solutions techniques éprouvées avec les systèmes de protection active et passive les plus récents. Ces derniers ont été développés en stricte conformité avec les normes internationales de sécurité », a ajouté la société.

Rosatom (Russie), China National Nuclear Corporation (Chine), EDF (France) et Korea Hydro & Nuclear Power (Corée du Sud) faisaient partie des quatre entreprises pressenties.

L'agence ajoute qu'elle « continuera à travailler avec des partenaires étrangers pour former un consortium international efficace », sans donner plus de précisions. 

Ce projet de consortium international, qui n'a jamais été spécifié, s'inscrit dans la volonté du dirigeant kazakh Kassym-Jomart Tokaïev de maintenir de bonnes relations avec les grandes puissances.

Moscou, puissance historique en Asie centrale, a ainsi remporté cet appel d'offres aux dépens de la Chine, désormais incontournable dans la région. Cette annonce intervient quelques jours avant la venue du président chinois Xi Jinping au Kazakhstan pour un sommet « Asie centrale-Chine ».

La centrale, dont la construction a été validée lors d'un référendum sans surprise à l'automne, doit être bâtie près du village abandonné d'Ulken, dans le sud du pays, sur les bords du lac Balkhach, le deuxième plus grand d'Asie centrale.

En Ouzbékistan voisin, le géant russe Rosatom va construire une petite centrale nucléaire et a proposé au Kirghizistan un projet similaire.