A La Courneuve, friche industrielle et street art se cherchent un avenir commun

Sur cette photo d'archives prise le 23 septembre 2016, on peut voir le quartier Babcock à La Courneuve, en banlieue parisienne. L'urbanisme reste en France une prérogative publique, alors qu'à l'étranger, des promoteurs privés ont trouvé un intérêt économique aux terrains inutilisés et aux bâtiments et entrepôts délabrés. Un exemple emblématique de "friches culturelles" est visible dans les villes françaises et leurs environs. (Photo, AFP)
Sur cette photo d'archives prise le 23 septembre 2016, on peut voir le quartier Babcock à La Courneuve, en banlieue parisienne. L'urbanisme reste en France une prérogative publique, alors qu'à l'étranger, des promoteurs privés ont trouvé un intérêt économique aux terrains inutilisés et aux bâtiments et entrepôts délabrés. Un exemple emblématique de "friches culturelles" est visible dans les villes françaises et leurs environs. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 21 juin 2023

A La Courneuve, friche industrielle et street art se cherchent un avenir commun

  • Lettrages dans la pure tradition du graffiti parisien, fresques monumentales, créations au pochoir ou par projections de peinture à l'extincteur : ce sont 150 artistes qui ont investi trois hectares de bâtiments abandonnés depuis une décennie
  • En janvier 2020, au hasard d’une fenêtre cassée, le graffeur Zkor est le premier à pénétrer dans l'usine désaffectée

LA COURNEUVE: Ses baskets prennent la poussière, sa voix résonne dans les monumentales halles désertes de l'ancienne usine Babcock : chaque week-end, l'historienne de l'art Thomasine Zoler fait visiter cette friche industrielle de La Courneuve en voie de réhabilitation et qui, le temps de la pandémie de Covid, a mué en musée informel du street art.

"On n’est pas dans un white cube aseptisé avec un commissaire artistique", souligne celle qui connaît tout des œuvres produites durant cette "résidence artistique sauvage et libre."

Lettrages dans la pure tradition du graffiti parisien, fresques monumentales, créations au pochoir ou par projections de peinture à l'extincteur : ce sont 150 artistes qui ont investi trois hectares de bâtiments abandonnés depuis une décennie.

En janvier 2020, au hasard d’une fenêtre cassée, le graffeur Zkor est le premier à pénétrer dans l'usine désaffectée.

Une échelle rouillée permet ensuite à l'artiste, fan d'"urbex" (exploration urbaine), d'accéder au cœur de ces cathédrales modernes, via les toits voûtés à 15 mètres de hauteur. "On ne savait même pas où se poser tellement c’était énorme", se souvient l’artiste de 33 ans.

«C'est vraiment Noël»

Le champ des possibles donne presque le vertige au cercle d'amis qu'il met dans la confidence. "C’est vraiment Noël : on arrive dans un lieu qui est tout vierge", rigole encore son ami Panzer, 38 ans.

Au printemps 2020, alors que le monde se fige face à la menace du Covid, que musées et galeries sont contraints à la fermeture, ces artistes font de l'ancienne manufacture de chaudières industrielles leur terrain de jeu quasi quotidien.

"Très rapidement, il y a eu le premier confinement mais on arrivait quand même à venir ici de temps en temps pour se poser et peindre tranquilles", se rappelle Zkor.

Tranquilles mais sous surveillance: depuis le trottoir d'en face, les caméras de la Banque de France observent les allées et venues des artistes.

Car une partie de la friche Babcock, qui dans les années 60 s'étalait sur 17 hectares à La Courneuve, a déjà entamé une seconde vie avec, en 2018, la construction sur le site du plus grand coffre-fort d'Europe.

Face à ce grand bunker moderne, les bâtiments investis par Zkor et ses amis sont également voués à de nouveaux usages : dès 2016, l'agence nationale pour la rénovation urbaine avait lancé un appel à projet pour la réhabilitation de ces milliers de mètres carrés de friche.

Gilles Poux, le maire de La Courneuve, qui a travaillé quelques années à Babcock, juge "plutôt sympa et qualitatif" ce détour artistique pris, mais son attention se porte davantage sur le potentiel du site pour sa commune.

La "Fabrique des cultures", candidature présentée par les promoteurs Emerige et La Compagnie de Phalsbourg, remporte le chantier, notamment par son ambition d'éviter la gentrification de cette banlieue nord de Paris.

«Ils effaceront»

Emerige, par la voix de son directeur de la stratégie Arthur Toscan du Plantier, assure vouloir "rapprocher la culture de ceux qui en sont éloignés", tout en faisant "de Babcock un lieu de destination pour tous les publics du grand Paris."

La construction de près de 300 appartements, dont 20% de logement social, a débuté mais le volet culturel du projet - incluant cinéma, ateliers d'artistes, espaces éducatifs - est encore en phase de concertation.

"Le Covid a rebattu les cartes, les acteurs n'ont plus les même besoins", justifie Arthur Toscan du Plantier.

Ce flou engendre la suspicion des graffeurs qui, réunis au sein du collectif La Babcockerie, craignent la récupération de leurs œuvres à des fins mercantiles.

Dans la plus grande des cinq halles encore debout, ils ont coordonné leurs œuvres pour valoriser la monumentalité du site, se limitant à trois couleurs chrome, rouge et noir, faisant de l'espace la plus grande galerie de street art français.

"Si les aménagements nécessaires, notamment à la venue d’un cinéma, permettent de garder certaines œuvres, évidemment on les conservera", assure Arthur Toscan du Plantier. "Aujourd’hui, on ne le sait pas", concède-t-il, en rappelant qu'Emerige "ne s’est pas engagé avec les artistes".

Les membres de la Babcockerie, eux, sont intransigeants quant à l'avenir de leurs créations.

"S’il y a des entreprises qui investissent les lieux et que ça plaît pas à certains artistes, bah ils viendront et ils effaceront", résume fermement Zkor.


Hoor al-Qasimi nommée directrice artistique de la Biennale de Sydney

Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
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  • Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre
  • Depuis 2017, Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique

DUBAÏ : La Biennale de Sydney a annoncé cette semaine la nomination de la commissaire d’expositions émiratie Hoor al-Qasimi au poste de directrice artistique de sa 25e édition, qui se tiendra du 7 mars au 8 juin 2026.

Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre et s’affirme en tant que première biennale établie dans la région Asie-Pacifique.

En 2009, Al-Qasimi a créé la Fondation d'art de Sharjah, dont elle est actuellement la présidente et la directrice. Tout au long de sa carrière, elle a acquis une vaste expérience dans la conception de biennales internationales, notamment en tant que commissaire de la deuxième Biennale de Lahore en 2020 et du Pavillon des Émirats arabes unis à la 56e Biennale de Venise en 2015.

Elle a également cocuraté la sixième édition de la Biennale de Sharjah en 2003 et en assure la direction depuis.

Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique depuis 2017.  Elle a précédemment siégé au conseil d'administration du MoMA PS1 à New York et à celui du Ullens Center for Contemporary Arts (UCCA), à Beijing, entre autres fonctions.

Elle est également directrice artistique de la sixième Triennale d'Aichi, qui se tiendra au Japon en 2025.

 


Cannes: le conflit israélo-palestinien en filigrane

L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
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  • Sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza
  • Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité »

CANNES, France : Un symbole palestinien ou un portrait d'otage: à l'heure où le conflit entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza embrase les campus et les réseaux sociaux, les stars présentes au 77e Festival de Cannes préfèrent afficher un soutien discret.

Ruban jaune accroché à la veste, l'acteur Philippe Torreton a gravi mardi les marches du Festival. Un symbole en soutien aux quelque 250 personnes prises en otage par le Hamas le 7 octobre.

L'actrice Leïla Bekhti, qui a récemment enregistré un message en faveur des enfants de Gaza pour l'Unicef, a arboré mercredi un pin's pastèque, l'un des symboles de la résistance palestinienne.

Des positionnements très discrets quant au conflit israélo-palestinien, au moment où sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza. Beyoncé et Kim Kardashian figurent parmi les cibles de cette mobilisation propalestinienne et ont déjà perdu des centaines de milliers d'abonnés.

En réponse, des célébrités comme Omar Sy, membre du jury à Cannes, ont mis en ligne en début de semaine un appel au cessez-le-feu sur Instagram.

Sur le tapis rouge cannois, le message le plus fort à propos de ce conflit est venu jusqu'ici d'une survivante de l'attaque du Hamas le 7 octobre, Laura Blajman-Kadar, vêtue d'une robe jaune affichant des portraits d'otages israéliens et une écharpe noire «Bring them home» («Ramenez-les à la maison»).

Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité, ont indiqué à l'AFP ses organisateurs.

Ce film, composé d'extraits des caméras et téléphones des assaillants du Hamas et d'images captées par des victimes et des secouristes, avait été diffusé le 14 novembre à l'Assemblée nationale en France. Des projections privées ont déjà eu lieu en marge de sommets comme Davos, selon les organisateurs.

- Haute surveillance -

Mais point de manifestation politique, ni côté public, ni côté montée des marches. Une discrétion à l'extrême, qui pourrait basculer avec la présentation vendredi à 18H00 de «La belle de Gaza», documentaire dans le milieu très fermé des femmes transgenres palestiniennes réfugiées à Tel-Aviv.

Même si le conflit israélo-palestinien, évoqué à travers la dureté des autorités pour les «clandestines» venues de Cisjordanie sans permis de travail, s'efface totalement dans ce film de Yolande Zauberman, supplanté par un autre type de conflit intime et universel.

Si aucun film palestinien n'est présent en sélection, «Vers un pays inconnu» du réalisateur danois d'origine palestinienne Mahdi Fleifel, suit deux jeunes cousins palestiniens se retrouvant en Grèce, après avoir fui un camp au Liban. Le film est présenté à la Quinzaine des cinéastes.

Au Marché du film, le plus grand au monde, le pavillon du «film arabe» a déroulé une grande banderole appelant à soutenir l'industrie des territoires occupés ou ses cinéastes en exil.

Le seul film israélien présenté cette année est le court-métrage d'Amit Vaknin, étudiante en cinéma à l'Université de Tel-Aviv. «It's no time for pop» s'attache à une jeune femme qui refuse de prendre part à des festivités patriotiques.

Le pavillon israélien a été maintenu, sous très haute surveillance, avec un filtrage sécuritaire drastique à l'entrée.

L'équipe de l'ambassade israélienne a déclaré à l'AFP avoir douté jusqu'au dernier moment du maintien de sa présence, moins d'une semaine après les manifestations monstre lors de l'Eurovision en Suède.

 


Pour sa nouvelle création, Angelin Preljocaj livre son «Requiem(s)»

Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
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  • Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes
  • Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal

AIX-EN-PROVENCE, France : De la tristesse, de la rage parfois mais aussi des moments de joie, le chorégraphe français Angelin Preljocaj présente ce week-end à Aix-en-Provence, en première mondiale, «Requiem(s)», un spectacle autour de toutes les facettes de la mort et du deuil.

«C'est un thème magnifique et puis l'année 2023 était une année assez dure pour moi personnellement. J'ai perdu beaucoup d'amis, mes parents aussi. Je me suis dit que c'était peut-être le moment de faire un requiem», confie M. Preljocaj à l'AFP.

Basé avec son ballet à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, au Pavillon noir, le chorégraphe d'origine albanaise est connu notamment pour ses ballets «Le Parc» et «Blanche-Neige», et ses collaborations fréquentes avec des artistes issus de la musique électro comme Air, le DJ Laurent Garnier et les Daft Punk.

Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes.

Pour ce spectacle, Angelin Preljocaj dit s'être longuement documenté, allant piocher des références entre autres chez le sociologue Émile Durkheim, qui expliquait que les hommes ont fait société quand ils ont commencé à donner une cérémonie pour leurs morts.

Les facettes de ce cérémonial ressortent tout au long du ballet, tantôt langoureux, tantôt très rythmé, parfois complètement frénétique, les danseurs jouant avec les différentes émotions liées au deuil.

«Ce n'est pas toujours triste, il y a beaucoup de joie dans le spectacle aussi, de la rage parfois, de la mélancolie», énumère le chorégraphe.

- De Mozart au métal -

Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal.

«Les musiques m'apportaient des nuances d'émotions différentes et j'avais envie de travailler avec ces choses-là, par exemple les cantates de Bach (1685-1750), Ligeti (1923-2006), Mozart (1756-1791)... et du métal. Je me suis beaucoup amusé avec ça», sourit Angelin Preljocaj.

Des décors aux costumes en passant par la lumière, les danseurs se retrouvent plongés dans une bichromie noire et blanche pudique, seulement troublée par quelques très rares touches de rouge.

Après une heure trente de danse, le public a applaudi de longues minutes.

«Un spectacle, c'est comme une photographie qu'on met dans le révélateur; le révélateur c'est le public, et ce soir c'était très très chaleureux», souffle le chorégraphe à l'issue de la générale.

Après les deux dates inaugurales au Grand Théâtre de Provence vendredi et samedi, une tournée à Paris et dans plusieurs autres villes de France, le spectacle reviendra au mois d'octobre à Aix puis sera joué le 4 décembre à Modène (Italie) puis en 2025 à Athènes, Madrid et Fribourg (Suisse).