Usage de la force et droit de manifester: la France rappelée à l'ordre

Des gendarmes font face à des manifestants lors de la "Marche pour Adama Traoré" - sept ans après sa mort - à la Gare de l'Est à Paris le 8 juillet 2023. (Photo, AFP)
Des gendarmes font face à des manifestants lors de la "Marche pour Adama Traoré" - sept ans après sa mort - à la Gare de l'Est à Paris le 8 juillet 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 08 juillet 2023

Usage de la force et droit de manifester: la France rappelée à l'ordre

  • Le 1er mai, l'ONU appelait déjà Paris à «prendre des mesures pour garantir des enquêtes impartiales par des organes extérieurs à la police dans tous les cas d'incidents racistes impliquant des policiers»
  • En 2019 déjà, à propos du mouvement social des Gilets jaunes, la haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet, avait demandé à Paris «une enquête» sur «les cas rapportés d’usage excessif de la force»

PARIS: La France a récemment été la cible de plusieurs mises en garde indépendantes contre un "recours excessif à la force", notamment lors des mobilisations sur les retraites ou des émeutes ayant suivi la mort d'un adolescent tué par un policier.

Paris a contesté à chaque fois leur bien-fondé, jugeant notamment samedi les propos de l'ONU "excessifs".

ONU

Le 7 juillet, le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale (Cerd) adopte en urgence une déclaration dénonçant "l'usage excessif de la force par les forces de l'ordre" en France et demandant à Paris d'adopter une législation qui "interdise le profilage racial". La mort du jeune Nahel, tué le 27 juin par un policier lors d'un contrôle routier avec refus d'obtempérer, a engendré des nuits d'émeutes à travers le pays.

Le 1er mai, l'ONU appelait déjà Paris à "prendre des mesures pour garantir des enquêtes impartiales par des organes extérieurs à la police dans tous les cas d'incidents racistes impliquant des policiers".

Son rapporteur sur les défenseurs de l'environnement avait en outre jugé, le 30 mars, "la réponse" des forces de l'ordre aux manifestants opposés au projet controversé de retenue d'eau ("méga-bassine") de Sainte-Soline (ouest de la France) "largement disproportionnée".

En 2019 déjà, à propos du mouvement social des Gilets jaunes, la haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet, avait demandé à Paris "une enquête" sur "les cas rapportés d’usage excessif de la force".

Conseil de l'Europe

Le 24 mars 2023, la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović, s'alarme d'un "usage excessif de la force" par les agents de l'Etat envers les manifestants opposés à la réforme des retraites d'Elisabeth Borne.

"Le défaut de déclaration d'une manifestation n'est pas suffisant en soi pour justifier une atteinte au droit à la liberté de réunion pacifique des manifestants, ni une sanction pénale infligée aux participants à une telle manifestation", souligne Mme Mijatović alors que le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, venait d'affirmer que la participation à une "manifestation non déclarée" constituait un "délit".

Amnesty International

Le 23 mars 2023, l'ONG Amnesty International France "alerte sur le recours excessif à la force et aux arrestations abusives" et appelle les autorités à "assurer la sécurité des manifestants".

En France aussi...

En France, le 21 mars, la Défenseure des droits Claire Hédon se dit "inquiète" face aux interpellations "préventives" lors des mobilisations, et "préoccupée par les vidéos circulant sur les réseaux sociaux" et "saisines reçues par l’institution sur de possibles manquements déontologiques dans le maintien de l'ordre".

Elle annonce s'être saisie d'office des cas des deux manifestants grièvement blessés le 25 lors des violents affrontements à Sainte-Soline.

Dans un courrier du 17 avril à Gérald Darmanin, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté Dominique Simonnot dénonce "des atteintes graves aux droits fondamentaux" des personnes interpellées à Paris dans des manifestations contre la réforme des retraites. "Certains agents", écrit-elle, avaient eu "pour consignes" d'interpeller "sans distinction".

La Ligue des droits de l'Homme (LDH) déplore aussi "un usage immodéré et indiscriminé de la force" à Sainte-Soline, avec des "cas d'entraves par les forces de l'ordre à l'intervention des secours" auprès des personnes blessées.

La LDH incrimine des tirs de LBD "depuis des quads", pratique proscrite et démentie par Gérald Darmanin qui fait ensuite machine arrière, des photos lui donnant tort.

Reporters sans frontières (RSF)

Selon RSF, les reporters couvrant les rassemblements contre la réforme des retraites "font l'objet de nombreuses interpellations arbitraires, agressions et intimidations de la part des forces de l’ordre".


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.