Après le sommet de l'Otan, les relations entre la Turquie et la Russie sous le feu des projecteurs

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et le président russe, Vladimir Poutine (Photo, AFP).
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et le président russe, Vladimir Poutine (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 14 juillet 2023

Après le sommet de l'Otan, les relations entre la Turquie et la Russie sous le feu des projecteurs

  • Ankara a provoqué l’ire de Moscou pour son soutien à l'élargissement de l'Otan, et pour sa rupture du pacte des prisonniers
  • Le Kremlin dispose de peu de marge de manœuvre pour répliquer en raison de sa dépendance commerciale à la Turquie, a déclaré un analyste à Arab News

ANKARA: Après la fin du sommet de l'Otan, l'attention s'est portée sur les relations épineuses entre la Turquie et la Russie, en particulier à la suite de la décision d'Ankara d'abandonner son opposition à l'adhésion de la Suède à l'organisme de défense multinational. Une décision qui a suscité de vives critiques de la part des propagandistes russes.

Cette décision de la Turquie marque l’éloignement de son précédent exercice d'équilibrisme entre l'Occident et la Russie, en particulier à la lumière de l'agression injustifiée de Moscou contre l'Ukraine. Cependant, les analystes estiment que cette évolution n'aura pas d'impact important sur les relations entre les deux pays en raison de liens économiques mutuellement bénéfiques.

Depuis mardi, les médias russes n'ont pas perdu de temps pour critiquer la Turquie et le leadership du président Recep Tayyip Erdogan, mettant même en doute la fiabilité de l'amitié d'Ankara.

Viktor Bondarev, président du Comité du Conseil de la Fédération de Russie sur la défense et la sécurité (CSFR), a accusé la Turquie de se transformer progressivement d'un pays neutre en un pays hostile, assimilant son comportement à une trahison.

«Les événements des dernières semaines, malheureusement, démontrent clairement que la Turquie continue progressivement sa mue de pays neutre en pays hostile», a affirmé Viktor Bondarev au média officiel Tass. Il a qualifié les actions de la Turquie de «coup de couteau dans le dos».

La récente irritation de Moscou a été alimentée par la décision de la Turquie de rapatrier les soldats ukrainiens capturés par la Russie dans la région d'Azov, malgré la promesse de ne pas le faire avant la fin de la guerre.

Cette décision fait suite à une rencontre entre le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et Recep Tayyip Erdogan au début du mois.

Les cinq soldats ukrainiens, qui faisaient partie de la défense de l'Azovstal à Marioupol, se sont rendus après la chute de la ville et ont été emmenés en Turquie dans le cadre d'un accord d'échange de prisonniers. Selon cet accord, ils étaient censés rester en Turquie jusqu'à la fin de la guerre.

L'animatrice de télévision pro-Kremlin, Olga Skabeeva, a critiqué Erdogan pour ne pas avoir informé la Russie à l'avance de la libération des prisonniers d'Azov.

Les experts soulignent que le soutien continu de la Turquie à l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et à la construction d'une usine de drones en Ukraine sont les principales sources de désaccord entre Ankara et Moscou. L'Ukraine a commencé la construction de l'usine de fabrication de drones Bayraktar TB2, une étape cruciale pour renforcer la lutte de Kiev contre l'agression russe. L’établissement de cette usine fait suite à un accord entre Ankara et Kiev en février pour une coopération dans les secteurs de la haute technologie et de l'aviation.

Le propagandiste russe Sergey Mardan a rejeté l'influence géopolitique de la Turquie et a souligné l'affaiblissement de l'économie du pays. Il a affirmé que la Turquie considérait la Russie comme un allié puissant et a regretté le fait que Moscou ait soutenu la réélection d'Erdogan.

Recep Tayyip Erdogan a tenu mercredi une conférence de presse lors de laquelle il a annoncé que la ratification de l'adhésion de la Suède à l'Otan pourrait avoir lieu en octobre, voire plus tôt. 

Il a également déclaré que la décision de libérer les commandants d’Azov avait eu lieu pour des raisons précises. Erdogan devrait rencontrer le président russe, Vladimir Poutine, en août pour discuter de ces questions.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a répondu mardi à une question sur la décision de la Turquie de lever son opposition à l’adhésion de la Suède à l’Otan, et a indiqué qu'Ankara ne devrait pas se faire d'illusion sur le fait qu'elle pourrait un jour être autorisée à rejoindre l'UE.

«Personne ne veut voir la Turquie en Europe, je veux dire les Européens. Et ici, nos partenaires turcs ne devraient pas non plus voir la vie en rose», a-t-il affirmé.

Cependant, Dmitri Peskov, a souligné la préférence de la Russie pour le maintien de relations cordiales avec Ankara malgré les divergences, notamment celles concernant l'élargissement de l'Otan.

Restaurer la confiance de l’ONU

Selon Sinan Ulgen, ancien diplomate turc et président du groupe de réflexion Edam basé à Istanbul, les mouvements pro-occidentaux de la Turquie ont en effet eu un impact sur Moscou.

«C'est vraiment une indication de la dépendance de Moscou vis-à-vis de la Turquie, le seul pays de l'Otan avec lequel la Russie entretient un dialogue ouvert et sans entraves de sanctions», a-t-il affirmé à Arab News.

«La Turquie est toujours un débouché vital pour la Russie. Il existe une relation asymétrique entre la Turquie et la Russie qui a grandement profité à la Turquie depuis le début de la guerre. Ce calcul explique le manque de réaction de la Russie», selon Ulgen.

Moscou tente également de construire une nouvelle plate-forme énergétique en Turquie pour faciliter ses exportations de gaz en réponse aux projets européens visant à réduire la dépendance à l'énergie russe.

Sinan Ulgen prévoit que la Turquie fera d'autres gestes pro-occidentaux, comme la protection des navires utilisés dans l'accord sur les céréales qui permet à l'Ukraine d'exporter ces marchandises via la mer Noire.

«Si la Russie se retire de l'accord, cela enverrait un message fort», a-t-il indiqué. Alors qu'Ankara et Moscou sont en désaccord sur divers domaines politiques, les experts prévoient qu'ils continueront à coopérer là où leurs intérêts se recoupent.

Soner Cagaptay, chercheur principal au Washington Institute, indique que la politique étrangère turque restera transactionnelle et pragmatique, sans subir de changement majeur. «Recep Tayyip Erdogan profitera probablement de cette opportunité pour établir des liens plus étroits avec le président américain, Joe Biden, envisageant une visite à Washington», a précisé Soner Cagaptay à Arab News.

«Il s'agit d'une offensive de charme visant à garantir des avantages comme l'approfondissement et la modernisation de l'union douanière avec l'UE, et à restaurer la confiance du marché dans l'économie turque», a-t-il affirmé.

«En fin de compte, ce n'est pas un pivot central de politique étrangère. C'est un recalibrage de la réalité économique visant à rendre l'économie turque plus indépendante. La relation continuera d'être influencée par les réalités économiques et les considérations stratégiques», a ajouté Soner Cagaptay.

On ignore dans quelle mesure la Turquie sera à même d'équilibrer sa relation avec Joe Biden et Vladimir Poutine. Dans un tweet surprise mercredi soir, Joe Biden a remercié Recep Tayyip Erdogan pour son «courage, son leadership et sa diplomatie».

«Ce sommet réaffirme notre engagement envers la défense de l'Otan, et j'espère que nous pourrons continuer à le rendre encore plus fort», a-t-il ajouté.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


HRW exhorte le Royaume-Uni à abandonner son recours contre le mandat d'arrêt de la CPI visant Netanyahu

Rishi Sunak, ex-Premier ministre britannique, avait contesté cette année les mandats d'arrêt émis par la Cour contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant. (AP)
Rishi Sunak, ex-Premier ministre britannique, avait contesté cette année les mandats d'arrêt émis par la Cour contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant. (AP)
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  • La directrice britannique de l'organisation juge "absolument crucial" que le nouveau gouvernement "honore ses engagements"
  • La CPI cherche à arrêter le Premier ministre et le ministre de la Défense israéliens

LONDRES: Human Rights Watch (HRW) appelle le nouveau gouvernement britannique à renoncer au recours juridique du pays contre les mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) visant des dirigeants israéliens.

L'ancien Premier ministre Rishi Sunak avait contesté plus tôt cette année l'émission par la Cour de mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant.

Selon The Guardian, Karim Khan, procureur en chef de la CPI, a déclaré qu'il existait des motifs crédibles pour tenir les deux dirigeants responsables de crimes contre l'humanité.

Yasmine Ahmed, directrice de HRW au Royaume-Uni, insiste sur l'importance "cruciale" pour le nouveau Premier ministre Keir Starmer de retirer le recours contre la CPI.

Il y a deux semaines, The Guardian annonçait que le nouveau gouvernement envisageait d'abandonner l'affaire. 

Des diplomates britanniques ont ensuite démenti ces rumeurs, affirmant que la décision était "toujours à l'étude".

Le gouvernement a jusqu'au 26 juillet pour décider de la poursuite ou non du recours, selon les règles de la CPI.

Ahmed a déclaré que le gouvernement travailliste devait adopter un "réalisme progressiste", concept proposé par le nouveau ministre des Affaires étrangères David Lammy.

Elle s'interroge: "Le gouvernement britannique sera-t-il assez mûr pour respecter ses propres déclarations sur le droit international et l'ordre mondial en retirant sa demande d'intervention dans l'affaire de la CPI? Nous verrons si les actes suivront les paroles."
"Le monde auquel ils font face est d'une complexité inouïe. Nous assistons à des crises d'une ampleur sans précédent depuis des décennies", ajoute-t-elle.

Ahmed salue la décision du Labour de reprendre le financement britannique de l'UNRWA, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens.

Cette décision laisse les États-Unis seuls à ne pas avoir repris le financement de l'UNRWA après le boycott controversé de l'agence plus tôt cette année.

"Nous ne pouvons pas promouvoir un ordre international fondé sur des règles si nous ne l'appliquons pas nous-mêmes", conclut Ahmed. "Nous devons donner au (gouvernement) l'opportunité d'être à la hauteur de sa rhétorique."


Gaza: Kamala Harris promet de ne pas «  rester silencieuse  » après sa rencontre avec Netanyahu

Loin des habitudes du président sortant Joe Biden, qui privilégie avec Israël les pressions en coulisses, la vice-présidente a déclaré, après avoir rencontré M. Netanyahu, qu'il était temps de mettre un terme à la guerre "dévastatrice". (AFP)
Loin des habitudes du président sortant Joe Biden, qui privilégie avec Israël les pressions en coulisses, la vice-présidente a déclaré, après avoir rencontré M. Netanyahu, qu'il était temps de mettre un terme à la guerre "dévastatrice". (AFP)
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  • "Ce qui s'est passé à Gaza au cours des neuf derniers mois est dévastateur"
  • L'ex-sénatrice, âgée de 59 ans et engagée dans la course à la Maison Blanche après le retrait de Joe Biden le week-end dernier, a expliqué avoir insisté auprès de M. Netanyahu sur la situation désastreuse lors de cette rencontre "franche"

WASHINGTON: Kamala Harris a donné jeudi le signal d'un possible changement majeur dans la politique américaine à l'égard de Gaza, promettant de ne pas rester "silencieuse" face aux souffrances des civils et insistant sur la nécessité de conclure un accord de paix sans tarder.

Loin des habitudes du président sortant Joe Biden, qui privilégie avec Israël les pressions en coulisses, la vice-présidente a déclaré, après avoir rencontré M. Netanyahu, qu'il était temps de mettre un terme à la guerre "dévastatrice".

"Ce qui s'est passé à Gaza au cours des neuf derniers mois est dévastateur", a-t-elle déclaré, évoquant les "enfants morts" et les "personnes désespérées et affamées fuyant pour se mettre à l'abri".

"Nous ne pouvons pas détourner le regard de ces tragédies. Nous ne pouvons pas nous permettre de devenir insensibles à la souffrance et je ne resterai pas silencieuse", a-t-elle ajouté devant la presse.

L'ex-sénatrice, âgée de 59 ans et engagée dans la course à la Maison Blanche après le retrait de Joe Biden le week-end dernier, a expliqué avoir insisté auprès de M. Netanyahu sur la situation désastreuse lors de cette rencontre "franche".

Elle lui a demandé de conclure un accord de cessez-le-feu et de libération des otages avec le Hamas afin de mettre fin à la guerre déclenchée par l'attaque du mouvement palestinien contre Israël le 7 octobre.

"Comme je viens de le dire au Premier ministre Netanyahu, il est temps de conclure cet accord", a-t-elle déclaré.

Mme Harris a également appelé à la création d'un Etat palestinien, à laquelle s'oppose le Premier ministre israélien.

Un discours qui tranche avec l'image de grande cordialité affichée par Joe Biden et Benjamin Netanyahu plus tôt dans la journée, même si les deux hommes entretiennent des relations notoirement compliquées.

Le président américain a d'ailleurs lui aussi appelé Benjamin Netanyahu à "finaliser" l'accord de cessez-le-feu pour permettre de "ramener les otages chez eux" et de "mettre durablement un terme à la guerre", selon un compte-rendu de leur rencontre diffusé par la Maison Blanche.

Rencontre avec Trump

Pour la fin de son voyage outre-Atlantique, M. Netanyahu se rendra vendredi en Floride, à l'invitation de Donald Trump qu'il a longuement remercié dans son discours devant les élus à Washington.

Jeudi matin, l'ancien président républicain a exhorté Israël à "terminer" rapidement sa guerre à Gaza, avertissant que son image mondiale était en train de se ternir.

"Il faut en finir rapidement. Cela ne peut plus durer. C'est trop long", a-t-il déclaré à Fox News.

Pendant sa longue adresse devant le Congrès, les républicains ont fortement applaudi M. Netanyahu, alors que plus de 60 élus démocrates, dont l'ancienne "speaker" Nancy Pelosi, ont boycotté son discours.

Ils condamnent sa conduite de la guerre qui s'est traduite par des dizaines de milliers de morts palestiniens et une catastrophe humanitaire.

Devant la Maison Blanche, des manifestants se sont rassemblés jeudi pour protester contre la venue du dirigeant israélien. La veille, des milliers de personnes étaient descendues dans les rues de la capitale américaine.

La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien, qui a entraîné la mort de 1.197 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

Sur 251 personnes enlevées durant l'attaque, 111 sont toujours retenues à Gaza, dont 39 sont mortes, selon l'armée.

En riposte, Israël a promis de détruire le mouvement islamiste palestinien, au pouvoir à Gaza depuis 2007 et qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne. Son armée a lancé une offensive qui a fait jusqu'à présent 39.175 morts, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza, dirigé par le Hamas, qui ne donne aucune indication sur le nombre de civils et de combattants morts.


Biden dit à Netanyahu qu'un cessez-le-feu est nécessaire «  rapidement  »

C'est en plein tumulte politique que le Premier ministre israélien a posé le pied aux Etats-Unis, seulement quatre jours après l'annonce fracassante du retrait de M. Biden, 81 ans, de la campagne pour l'élection présidentielle de novembre. (AFP).
C'est en plein tumulte politique que le Premier ministre israélien a posé le pied aux Etats-Unis, seulement quatre jours après l'annonce fracassante du retrait de M. Biden, 81 ans, de la campagne pour l'élection présidentielle de novembre. (AFP).
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  • Peu après leur rencontre, la Maison-Blanche a fait savoir que Joe Biden avait appelé jeudi le Premier ministre israélien  à "finaliser" l'accord en vue d'un cessez-le-feu à Gaza
  • Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a dit jeudi se réjouir de travailler avec le président américain Joe Biden "dans les mois qui viennent", pour la fin du mandat de ce dernier

WASHINGTON: Le président américain Joe Biden a prévu de dire jeudi au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu qu'un cessez-le-feu à Gaza est nécessaire "rapidement", a indiqué un porte-parole de la Maison Blanche.

"Le président réaffirmera au Premier ministre Netanyahu qu'il pense que nous devons parvenir (à un accord) et que nous devons y parvenir rapidement", a expliqué John Kirby, porte-parole du Conseil américain de sécurité nationale, lors d'un point de presse. "Il est temps" a-t-il ajouté, au 10e mois de la guerre dans la bande de Gaza.

Peu après leur rencontre, la Maison-Blanche a fait savoir que Joe Biden avait appelé jeudi le Premier ministre israélien  à "finaliser" l'accord en vue d'un cessez-le-feu à Gaza.

"Le président Biden a exprimé la nécessité de combler les lacunes restantes, de finaliser l'accord dès que possible, de ramener les otages chez eux et de mettre durablement un terme à la guerre à Gaza", est-il  précisé dans le compte-rendu de leur rencontre.

Netanyahu affirme se réjouir de travailler avec Biden 

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a dit jeudi se réjouir de travailler avec le président américain Joe Biden "dans les mois qui viennent", pour la fin du mandat de ce dernier.

"Je tiens à vous remercier pour ces 50 années de service public et de soutien à l'Etat d'Israël et je me réjouis de discuter avec vous aujourd'hui et de travailler avec vous dans les mois qui viennent", a déclaré le dirigeant en arrivant à la Maison Blanche.