«Nous ne sommes pas des animaux»: des centaines de migrants coincés entre la Tunisie et la Libye

Des migrants d'Afrique, bloqués sur le rivage à la frontière libyo-tunisienne à Ras Jedir, réagissent envers les journalistes le 26 juillet 2023. (Photo, AFP)
Des migrants d'Afrique, bloqués sur le rivage à la frontière libyo-tunisienne à Ras Jedir, réagissent envers les journalistes le 26 juillet 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 26 juillet 2023

«Nous ne sommes pas des animaux»: des centaines de migrants coincés entre la Tunisie et la Libye

  • Environ 140 ressortissants d'Afrique subsaharienne ont dressé un campement de fortune au bord d'un marais salant, à 30 mètres du poste frontière libyen de Ras Jedir
  • A la suite d'affrontements ayant coûté la vie à un Tunisien le 3 juillet, des centaines d'Africains ont été arrêtés par les autorités tunisiennes à Sfax qui les ont ensuite acheminés et abandonnés --selon des ONG-- dans des zones inhospitalières

RAS JEDIR, LIBYE: "Nous ne sommes pas des animaux": des centaines de migrants africains, dont des femmes et enfants, sont bloqués depuis plusieurs semaines à la frontière entre la Libye et la Tunisie, après y avoir été abandonnés par les autorités tunisiennes, selon des témoignages recueillis mercredi par l'AFP.

Environ 140 ressortissants d'Afrique subsaharienne --disant être sur place depuis trois semaines-- ont dressé un campement de fortune au bord d'un marais salant, à 30 mètres du poste frontière libyen de Ras Jedir (nord).

Sans eau potable ni nourriture, hormis un peu d'aide fournie au compte-gouttes, des femmes, dont certaines enceintes, des hommes et des enfants tentent de supporter la chaleur le jour, le froid la nuit, sur une langue de terre désertique accablée de soleil et battue par le vent. Souvent, ils tentent de se rafraîchir en se baignant dans une eau saumâtre.

A la suite d'affrontements ayant coûté la vie à un Tunisien le 3 juillet, des centaines d'Africains ont été arrêtés par les autorités tunisiennes à Sfax (centre-est) qui les ont ensuite acheminés et abandonnés --selon des ONG-- dans des zones inhospitalières près de la Libye, à l'est, et de l'Algérie, à l'ouest.

Selon les gardes-frontières libyens et des témoignages recueillis par l'AFP, deux autres groupes, d'une centaine de personnes chacun, se trouvent dans la zone frontalière entre la Libye et la Tunisie.

Fatima, une Nigérienne de 36 ans, s'est retrouvée à Ras Jedir avec son mari, séparés de leur enfant de trois ans, resté à Sfax, principal point de départ pour l'émigration clandestine vers l'Europe.

"Je n'ai pas revu mon bébé depuis trois semaines", déplore-t-elle. "Les soldats tunisiens nous ont amenés ici. Nous n'avons pas de téléphone ni d'argent. Rien. Ils nous ont tout pris."

Mourir à "petit feu" 

"Nous ne savons pas où nous sommes. Nous souffrons ici, sans nourriture et sans eau", a confié à l'AFP George, un Nigérian de 43 ans, à Ras Jedir.

"Les Libyens ne nous permettent pas d'entrer sur leur territoire et les Tunisiens nous empêchent de revenir. Nous sommes coincés au milieu de tout ça. S'il vous plaît, aidez-nous! Ou alors envoyez un navire de sauvetage", a-t-il imploré, interpellant les pays européens.

Scandant "Black lives matter!", il a été rejoint par d'autres Africains dont l'un brandissait une pancarte: "le gouvernement tunisien nous tue à petit feu. Nous avons besoin d'aide" mais aussi "Nous ne sommes pas des animaux".

Au cours des dix derniers jours, des gardes-frontières libyens ont mis à l'abri plusieurs centaines de migrants, trouvés en train d'errer dans le désert près d'Al-Assah, au sud de Ras Jedir où au moins cinq corps ont été découverts.

Les migrants coincés à Ras Jedir se partagent le peu de nourriture et d'eau que leur apportent les Libyens via le Croissant rouge local.

"Les femmes et les jeunes filles supportent mal ces conditions. (...) Quelques jours après notre arrivée ici, le Croissant rouge libyen nous a apporté des bâches", insuffisantes pour se protéger du soleil brûlant, explique à l'AFP Moubarak Adam Mohamad, appelant les "organisations régionales et internationales" à les évacuer.

"J'ai été arrêté par la police à Sfax et amené ici de force", raconte ce jeune homme de 24 ans, qui dit avoir fui le Soudan en guerre pour se réfugier d'abord en Libye, puis en Tunisie avant d'être "raflé avec tous les autres".

"L'armée et la police tunisiennes sont postées là pour empêcher les gens de retourner en Tunisie", dit-il.

Au total 1.200 Africains ont été "expulsés" depuis début juillet par la police tunisienne, vers les zones frontalières avec Libye et Algérie, selon l'ONG Human Rights Watch.

Le Croissant rouge tunisien est allé par la suite en secourir environ 600 côté libyen, et plusieurs centaines côté algérien, répartis dans des centres d'hébergement.

Dans un communiqué, l'ONG Médecins du Monde a appelé mercredi "les autorités tunisiennes à faciliter l'accès des organisations de la société civile nationale et internationale aux zones dans lesquelles se trouvent les personnes déplacées par les forces de l'ordre en juillet", rappelant que "ces personnes se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité".


Négociations de paix au Soudan: le chef de l'armée prêt à «collaborer» avec Trump

Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
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  • Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)"
  • Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise

PORT-SOUDAN: Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt.

Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)", a déclaré le ministère des Affaires étrangères pro-armée dans un communiqué publié à l'issue d'un déplacement officiel à Ryad, à l'invitation du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise.

Les négociations de paix menées par les Etats-Unis avec le groupe de médiateurs du Quad (réunissant Egypte, Arabe Saoudite et Emirats) sont à l'arrêt depuis que le général al-Burhane a affirmé que la dernière proposition de trêve transmise par M. Boulos était "inacceptable", sans préciser pourquoi.

Le militaire avait alors fustigé une médiation "partiale" et reproché à l'émissaire américain de reprendre les éléments de langage des Emirats, accusés d'armer les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Abou Dhabi nie régulièrement fournir des armes, des hommes et du carburant aux FSR, malgré des preuves fournies par des rapports internationaux et enquêtes indépendantes.

De leur côté, les FSR ont annoncé qu'ils acceptaient la proposition de trêve mais les attaques sur le terrain n'ont pas pour autant cessé au Kordofan, région au coeur de combats intenses.

Pour l'instant, aucune nouvelle date de négociations n'a été fixée, que ce soit au niveau des médiateurs du Quad ou de l'ONU qui essaie parallèlement d'organiser des discussions entre les deux camps.

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée, qui contrôle le nord et l'est du pays - aux FSR, dominantes dans l'ouest et certaines zones du sud.

Depuis la prise du dernier bastion de l'armée dans la vaste région voisine du Darfour, les combats se sont intensifiés dans le sud du pays, au Kordofan, région fertile, riche en pétrole et en or, charnière pour le ravitaillement et les mouvements de troupes.

Le conflit, entré dans sa troisième année, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné des millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".

 


Le prince héritier saoudien rencontre le chef du conseil de transition soudanais pour discuter de la sécurité et de la stabilité

Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
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  • La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation
  • Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays

RIYADH : Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a rencontré Abdel Fattah Al-Burhan à Riyad lundi pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à restaurer la sécurité et la stabilité dans le pays, a rapporté l'Agence de presse saoudienne.

La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation.

Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays, a ajouté SPA.

Le ministre saoudien de la défense, le prince Khalid ben Salmane, le ministre des affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, le ministre d'État et conseiller à la sécurité nationale, Musaed bin Mohammed Al-Aiban, le ministre des finances, Mohammed Al-Jadaan, et l'ambassadeur saoudien au Soudan, Ali Hassan Jaafar, ont également assisté à la réunion.


Cisjordanie: 25 immeubles d'habitation menacés de destruction dans un camp de réfugiés

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  • "Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre"
  • "Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie

TULKAREM: L'armée israélienne va démolir 25 immeubles d'habitation du camp de réfugiés de Nour Chams, dans le nord de la Cisjordanie, ont indiqué lundi à l'AFP des responsables locaux.

Abdallah Kamil, le gouverneur de Tulkarem où se situe le camp, a déclaré à l'AFP avoir été informé par le Cogat --l'organisme du ministère de la Défense israélien supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens-- que les démolitions interviendraient d'ici la fin de la semaine.

"Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre", a indiqué à l'AFP Faisal Salama, responsable du comité populaire du camp de Tulkarem, proche de celui de Nour Chams, précisant qu'une centaine de familles seraient affectées.

Le Cogat n'a pas répondu dans l'immédiat aux sollicitations de l'AFP, l'armée israélienne indiquant se renseigner.

"Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie.

Il estime qu'elles s'inscrivent "dans une stratégie plus large visant à modifier la géographie sur le terrain", qualifiant la situation de "tout simplement inacceptable".

"Crise" 

La Cisjordanie est occupée par Israël depuis 1967.

Début 2025, l'armée israélienne y a lancé une vaste opération militaire visant selon elle à éradiquer des groupes armés palestiniens, en particulier dans les camps de réfugiés du nord, comme ceux de Jénine, Tulkarem et Nour Chams.

Au cours de cette opération, l'armée a détruit des centaines de maisons dans les camps, officiellement pour faciliter le passage des troupes.

Selon M. Friedrich, environ 1.600 habitations ont été totalement ou partiellement détruites dans les camps de la région de Tulkarem, entraînant "la crise de déplacement la plus grave que la Cisjordanie ait connue depuis 1967".

Lundi, une vingtaine de résidents de Nour Chams, tous déplacés, ont manifesté devant des véhicules militaires blindés bloquant l'accès au camp, dénonçant les ordres de démolition et réclamant le droit de rentrer chez eux.

"Toutes les maisons de mes frères doivent être détruites, toutes! Et mes frères sont déjà à la rue", a témoigné Siham Hamayed, une habitante.

"Personne n'est venu nous voir ni ne s'est inquiété de notre sort", a déclaré à l'AFP Aïcha Dama, une autre résidente dont la maison familiale de quatre étages, abritant environ 30 personnes, figure parmi les bâtiments menacés.

Disparaître 

Fin novembre, l'ONG Human Rights Watch a indiqué qu'au moins 32.000 personnes étaient toujours déplacées de chez elles dans le cadre de cette opération.

Comme des dizaines d'autres, le camp de Nour Chams a été établi au début des années 1950, peu après la création d'Israël en 1948, lorsque des centaines de milliers de Palestiniens ont fui ou été expulsés de leurs foyers.

Avec le temps, ces camps se sont transformés en quartiers densément peuplés, où le statut de réfugié se transmet de génération en génération.

De nombreux habitants ont affirmé à l'AFP ces derniers mois qu'Israël cherchait à faire disparaître les camps, en les transformant en quartiers des villes qu'ils jouxtent, afin d'éliminer la question des réfugiés.

Nour Chams a longtemps été un lieu relativement paisible où vivaient dans des maisons parfois coquettes des familles soudées entre elles.

Mais depuis quelques années, des mouvements armés s'y sont implantés sur fond de flambées de violence entre Palestiniens et Israéliens et de précarité économique.