Après les émeutes, la longue marche vers la reconstruction des bâtiments publics

Un ouvrier se tient sur un escabeau alors qu'il répare un distributeur automatique de billets de La Banque Postale qui a été détruit lors de l'émeute qui a eu lieu après qu'un adolescent de 17 ans, Nahel M., a été tué par balle par la police, dans la banlieue parisienne de Nanterre, le 5 juillet 2023. (AFP).
Un ouvrier se tient sur un escabeau alors qu'il répare un distributeur automatique de billets de La Banque Postale qui a été détruit lors de l'émeute qui a eu lieu après qu'un adolescent de 17 ans, Nahel M., a été tué par balle par la police, dans la banlieue parisienne de Nanterre, le 5 juillet 2023. (AFP).
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Publié le Mercredi 02 août 2023

Après les émeutes, la longue marche vers la reconstruction des bâtiments publics

  • Plusieurs villes ont lancé des cagnottes pour répondre à la demande de leurs habitants d'aider à financer les travaux
  • Le 11 juillet, la Fédération française de l'assurance évaluait à environ 225 millions d'euros les dégradations commises sur les bâtiments publics de 500 communes

PARIS : Un mois après les violences urbaines qui ont suivi la mort de Nahel à Nanterre, les communes s'activent pour réhabiliter les quelque 750 bâtiments publics dégradés ou détruits, en priorité les écoles pour la rentrée prévue le 4 septembre.

"Je fonce. L'essentiel c'est que la rentrée se fasse", assure à l'AFP Jean Touzeau, maire socialiste de Lormont, commune de 23 000 habitants en banlieue de Bordeaux.

Depuis l'incendie, le 29 juin, de l'école maternelle Condorcet, l'édile s'est lancé "dans une course contre la montre". "On est déjà à la moitié du temps imparti pour tout reconstruire. Chaque jour compte", poursuit le maire, qui "ne bougera pas" de sa ville cet été.

En France, près de 250 établissements scolaires ont été pris pour cible par les émeutiers, dont une dizaine d'écoles intégralement détruites.

Plusieurs villes ont lancé des cagnottes pour répondre à la demande de leurs habitants d'aider à financer les travaux.

C'est le cas de La Verrière (Yvelines), dont le maire Nicolas Dainville (LR) évalue à "près de 20 millions d'euros" les dégâts subis pour deux écoles incendiées.

A la rentrée, les 170 élèves de l'école élémentaire du Bois de l'Etang seront transférés dans l'école régionale du premier degré, située à 30 minutes à pied. Quant aux élèves de la maternelle Etang-des-Noës, partiellement brûlée mais inutilisable, ils seront accueillis dans un autre établissement resté intact.

"C'est mission impossible de reconstruire pour la rentrée", reconnaît le maire, qui table sur deux à trois ans de travaux et espère une aide de la Région pour financer les 150 000 euros nécessaires au transport des élèves vers leur école d'accueil.

"Le quotidien de nombreux élèves va être bouleversé. Les collectivités vont devoir trouver des solutions inédites comme installer des préfabriqués ou mobiliser des bus si la cantine a été détruite", admet Grégoire Ensel, président de la FCPE, première fédération de parents d'élèves. Il redoute toutefois que "le temporaire ne s'éternise pendant deux ou trois rentrées scolaires".

Lourdeur administrative

Le 11 juillet, la Fédération française de l'assurance évaluait à environ 225 millions d'euros les dégradations commises sur les bâtiments publics de 500 communes.

A Denain (Nord), l'heure est encore à l'évaluation des coûts. Dans le théâtre partiellement brûlé, l'ensemble des enluminures et les sièges sont recouverts d'une couche de suie grasse. "La décontamination, à elle seule, c'est 500 000 euros", témoigne la maire Anne-Lise Dufour-Tonini (PS), saluant la loi sur la reconstruction adoptée le 20 juillet au Parlement. "Cette loi permet de s'exonérer un peu de la lourdeur administrative des démarches publiques", assure-t-elle.

Le maire de Neuilly-sur-Marne, Zartoshte Bakhtiari, est plus amer. "La facture des dégâts, 2 millions d'euros, c'est à 90% pour la ville. L'Etat n'aide pas: à part quelques mesures techniques (...), il n'y a rien eu", balaye l'élu DVD.

A Coulaines, près du Mans, l'accueil de la mairie a été incendié, obligeant le maire Christophe Rouillon à relocaliser l'état civil en sous-sol et la salle des mariages dans un centre de loisirs.

"Quelques semaines de réflexion seront nécessaires pour définir notre besoin", indique l'élu PS, qui s'inquiète du niveau de prise en charge des assurances et d'une possible augmentation du contrat d'assurance en 2024.

"On est la 40e ville la plus pauvre de France et on n'a pas tellement de marge de manœuvre budgétaire. L'esprit de la loi, c'est le reste à charge zéro. On espère une couverture totale de nos dépenses", souligne le Sarthois, qui craint aussi de voir revenir "au grand galop" l'image des "banlieues populaires-banlieues dangereuses".

Interrogée par l'AFP, l'Association des maires de France (AMF) dit rester "vigilante". "On vérifiera si les textes d'application sont à la hauteur des intentions", commente Antoine Homé, coprésident de la commission des finances, qui s'inquiète aussi des montants des dégâts.

"A Montargis (Loiret), c'est plus d'1,5 million d'euros. Il est évident que les collectivités ne pourront pas financer seules alors qu'elles sont déjà étranglées financièrement", rappelle-t-il, jugeant aussi "pas du tout sûr" que les entreprises puissent répondre aux marchés, compte tenu des délais et des difficultés de recrutement.


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.