De l'eau chaude pour remplir les estomacs: au Tigré, la faim après les combats

Jano Admasi, dont le fils aurait été tué par les forces de défense éthiopiennes lors des combats qui ont éclaté dans la région du Tigré en Ethiopie, pose avec son mari dans sa maison du village de Bisober, le 9 décembre 2020.  (EDUARDO SOTERAS / AFP)
Jano Admasi, dont le fils aurait été tué par les forces de défense éthiopiennes lors des combats qui ont éclaté dans la région du Tigré en Ethiopie, pose avec son mari dans sa maison du village de Bisober, le 9 décembre 2020. (EDUARDO SOTERAS / AFP)
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Publié le Jeudi 17 décembre 2020

De l'eau chaude pour remplir les estomacs: au Tigré, la faim après les combats

  • Le Tigré, une région pauvre du nord de l'Ethiopie comptant 6 millions d'habitants, faisait déjà face à d'importants problèmes de sécurité alimentaire avant le début du conflit
  • Lundi, les Nations unies se sont plaintes de n'avoir toujours pas accès au Tigré, et de ne pouvoir ainsi évaluer l'ampleur de la crise humanitaire.

TIGRAY: Tesfaye Berhe fixe avec inquiétude ses plants de sorgho jaunis par le soleil brûlant: il se demande s'il parviendra à sauver sa récolte, perturbée par les combats qui ont touché la région éthiopienne du Tigré.

Cet agriculteur de 60 ans, portant une barbe grise et un léger embonpoint, a dû prendre ses jambes à son cou lorsque les obus ont commencé, en novembre, à s'abattre non loin de ses champs situés près du village d'Ayasu Gebriel.

A l'est, les tirs venaient de l'armée fédérale; à l'ouest, des forces loyales au Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), le parti qui dirigeait cette région dissidente et défiait l'Etat depuis des mois.

L'urgence a contraint Tesfaye à abandonner sur place sa récolte de teff - une céréale clé dans l'alimentation éthiopienne. Elle a disparu depuis. Et le fermier craint maintenant de perdre aussi son sorgho, même si le gouvernement assure que les combats sont terminés.

"Nous entendons qu'il y a toujours des combattants dans les deux directions. Nous sommes inquiets de savoir si nous pourrons manger ce que nous récoltons maintenant, s'ils reviennent", s'interroge-t-il.

Le Tigré, une région pauvre du nord de l'Ethiopie comptant 6 millions d'habitants, faisait déjà face à d'importants problèmes de sécurité alimentaire avant le début du conflit, le 4 novembre. En plus de l'épidémie de coronavirus, l'année 2020 fut marquée par la pire invasion de criquets pèlerins depuis des décennies.

Les agences humanitaires craignent désormais que le conflit - qui aurait fait des milliers de morts et a déplacé plus de 50.000 personnes - entraîne la région dans une situation catastrophique.

Précarité 

Lundi, les Nations unies se sont plaintes de n'avoir toujours pas accès au Tigré, et de ne pouvoir ainsi évaluer l'ampleur de la crise humanitaire. Une équipe de l'AFP est parvenue ces derniers jours à se rendre en exclusivité au sud du Tigré, où se trouve notamment Ayasu Gebriel.

Sur place, des habitants désespérés ont raconté dépendre de l'aumône de leurs voisins pour se nourrir et servir à leurs enfants de l'eau bouillie afin qu'ils aient "quelque chose de chaud dans l'estomac".

Cette précarité pourrait durer de longs mois, d'autant plus si les récoltes de céréales sont perdues.

"La perte potentielle des récoltes au Tigré, qui étaient sur le point de démarrer quand le conflit a commencé, pourrait avoir des conséquences majeures sur la sécurité alimentaire dans la région", affirme Saviano Abreu, porte-parole du bureau de coordination de l'aide humanitaire de l'ONU (Ocha).

Les tensions autour de l'aide humanitaire se sont exacerbées ces dernières semaines entre les agences humanitaires et le Premier ministre Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix en 2019. 

Le gouvernement éthiopien insiste sur sa volonté d'amener l'aide aux "communautés vulnérables" mais aussi de coordonner l'accès des organisations internationales, évoquant notamment l'insécurité dans la région.

Zones inaccessibles 

La semaine dernière, il a admis que des forces progouvernementales avaient tiré sur une équipe de l'ONU qui tentait de visiter un camp de réfugiés érythréens, dans une zone du Tigré où "elle n'était pas supposée se rendre".

A Alamata, près d'Ayasu Gebriel, le gouvernement a distribué il y a quelques jours des sacs de 50 kilos de blé - flanqués du drapeau éthiopien - à des centaines de résidents formant une longue file indienne parsemée de parapluies pour se protéger du soleil.

Certains d'entre eux ont raconté avoir entendu des combats dans les collines environnantes, mais la ville elle-même a été épargnée.

Solomon Admasu, un agent de la commission fédérale de gestion des catastrophes, admet en revanche que son unité peine à atteindre les zones plus touchées par les combats. 

"Les ressources sont là, mais il y a des endroits où il y a des problèmes de sécurité et des endroits qui sont instables", dit-il.

De plus, de nombreux administrateurs locaux auraient abandonné leur poste, ce qui pourrait compliquer la distribution de l'aide dans les zones reculées, souligne Assefa Mulugeta, qui coordonne l'action gouvernementale dans la région d'Alamata.

Stocks épuisés 

"Le gouvernement a besoin d'aide, c'est évident", dit-il, "car la demande est très forte".

L'aide internationale commence à arriver au Tigré. Une cargaison du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) contenant des médicaments et des équipements - la première venant d'une organisation internationale - a notamment atteint samedi la capitale régionale Mekele.

Mais à travers le sud du Tigré, les habitants disent que l'aide déjà reçue est loin d'être suffisante.

"Les gens n'ont rien à manger ou à boire (...) même les gens aisés", témoigne Asene Hailu, qui habite Mehoni, au sud de Mekele.

En plus du manque d'eau, d'électricité et de médicaments pendant des semaines, les banques sont restées fermées, empêchant ceux qui en avaient les moyens de retirer de l'argent, alors que le conflit faisait grimper les prix des denrées, note de son côté un habitant de la ville de Korem.

Et les plus pauvres, explique cet homme qui travaille dans le bâtiment et souhaite rester anonyme par peur de représailles du gouvernement, "mangeaient ce qu'ils avaient en stock, et c'est presque terminé".


Nouvelle date pour la conférence sur l’État palestinien relancée par la France et l’Arabie saoudite

Un drapeau palestinien flotte face aux colonies israéliennes en Cisjordanie occupée. La conférence franco-saoudienne sur la création d'un État palestinien, qui avait été reportée, a été reprogrammée pour les 28 et 29 juillet. (AFP/File Photo)
Un drapeau palestinien flotte face aux colonies israéliennes en Cisjordanie occupée. La conférence franco-saoudienne sur la création d'un État palestinien, qui avait été reportée, a été reprogrammée pour les 28 et 29 juillet. (AFP/File Photo)
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  • Initialement prévue du 17 au 20 juin, la conférence a été reportée après le lancement par Israël, le 13 juin, d'une guerre de 12 jours contre l'Iran
  • L'objectif de la conférence, reprogrammée pour les 28 et 29 juillet, est l'adoption urgente de mesures concrètes conduisant à la mise en œuvre d'une solution à deux États

NEW YORK : Une conférence internationale organisée et coprésidée par l'Arabie saoudite et la France pour discuter de la création d'un État palestinien, qui avait été reportée le mois dernier, a été reprogrammée pour la fin du mois.

"La conférence ministérielle sur la solution des deux États reprendra les 28 et 29 juillet ; les détails seront communiqués sous peu", ont confirmé des diplomates à Arab News vendredi.

Initialement prévu du 17 au 20 juin, l'événement, officiellement intitulé "Conférence internationale de haut niveau pour le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États", a été reporté après le lancement par Israël, le 13 juin, de son opération militaire de 12 jours contre l'Iran.

L'événement, convoqué par l'Assemblée générale des Nations unies, aura lieu au siège des Nations unies à New York. L'objectif est l'adoption urgente de mesures concrètes qui conduiront à la mise en œuvre d'une solution à deux États et mettront fin à des décennies de conflit entre Israéliens et Palestiniens.

Au moment du report, le mois dernier, le président français Emmanuel Macron avait déclaré que la conférence était repoussée pour des raisons logistiques et de sécurité, mais avait insisté sur le fait qu'elle se tiendrait "dès que possible".

Ce report ne "remet pas en cause notre détermination à aller de l'avant dans la mise en œuvre de la solution des deux États", avait-il ajouté

M. Macron devrait annoncer officiellement la reconnaissance par la France d'un État palestinien lors de cet événement. Cette semaine, il a exhorté les autorités britanniques à faire de même.

La Palestine est officiellement reconnue par 147 des 193 États membres de l'ONU. Elle bénéficie du statut d'observateur au sein de l'organisation, mais n'en est pas membre à part entière.

Lors d'une réunion préparatoire des Nations unies en mai, Manal Radwan, conseillère au ministère saoudien des affaires étrangères, a déclaré que la conférence intervenait à un moment "d'urgence historique", alors que Gaza "endurait des souffrances inimaginables".

Elle a déclaré que l'Arabie saoudite était honorée de se tenir aux côtés des autres nations engagées dans des efforts diplomatiques pour apporter "un changement réel, irréversible et transformateur, afin d'assurer, une fois pour toutes, le règlement pacifique de la question de la Palestine".

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Russie: le suicide apparent d'un ministre sème la peur au sein de l'élite

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
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  • Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement
  • Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours

SAINT-PETERSBOURG: Le suicide probable du ministre russe des Transports, Roman Starovoït, annoncé peu après son limogeage lundi par Vladimir Poutine sur fond d'allégations de corruption, a profondément choqué l'élite politique, où chacun redoute de faire les frais de la chasse aux profiteurs.

Ses funérailles ont eu lieu vendredi dans un cimetière de Saint-Pétersbourg en présence de sa famille et de collègues, mais en l'absence de M. Poutine qui n'a pas non plus participé à la cérémonie d'adieu jeudi.

Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement.

Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours.

"C'est une grande perte pour nous, très inattendue. Nous sommes tous choqués", a déclaré à l'AFP Vassilissa, 42 ans, l'épouse d'un collègue de M. Starovoït, lors de la cérémonie de jeudi.

"Il était tellement actif, joyeux, il aimait énormément la vie. Je ne comprends pas comment cela a pu arriver", ajoute cette femme, les larmes aux yeux.

Après avoir déposé devant le cercueil de grands bouquets de roses rouges, des anciens collègues de M. Starovoït, en costumes sombres, sont repartis très vite dans leurs luxueuses voitures noires.

Dans une ambiance très lourde rappelant les funérailles dans le film culte "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, d'autres personnes interrogées par les journalistes de l'AFP dans la foule ont refusé de parler.

"Bouc émissaire" 

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin.

Son successeur à la tête de cette région, Alexeï Smirnov, a lui été arrêté au printemps pour le détournement des fonds destinés à renforcer les fortifications à la frontière. Celle-là même que les Ukrainiens ont traversé facilement, pour n'être repoussés que neuf mois plus tard.

Les autorités "ont essayé de faire de lui (Roman Starovoït) un bouc émissaire", accuse auprès de l'AFP Andreï Pertsev, analyste du média indépendant Meduza, reconnu "indésirable" et interdit en Russie.

L'incursion ukrainienne "s'est principalement produite parce qu'il n'y avait pas assez de soldats pour protéger la frontière", mais c'était "plus facile de rejeter la faute sur un responsable civil", explique-t-il.

L'affaire Starovoït s'inscrit dans une vague récente de répression visant de hauts responsables soupçonnés de s'être enrichis illégalement pendant l'offensive russe en Ukraine. Et selon des analystes, si les scandales de corruption on toujours existé en Russie, la campagne militaire a changé les règles du jeu politique.

"Il existait des règles auparavant, selon lesquelles les gens savaient: une fois qu'ils montaient suffisamment haut, on ne les embêtait plus", estime M. Pertsev. "Mais elles ne fonctionnent plus."

"On ne vole pas" 

Alors que Vladimir Poutine promettait régulièrement de s'attaquer à la corruption - étant lui même accusé de s'être enrichi illégalement par ses détracteurs -, les rares arrestations médiatisées ont été davantage utilisées pour cibler des opposants ou résultaient de luttes internes entre les échelons inférieurs du pouvoir en Russie.

Depuis l'offensive en Ukraine lancée en février 2022, "quelque chose dans le système a commencé à fonctionner de manière complètement différente", souligne la politologue Tatiana Stanovaïa du Centre Carnegie Russie Eurasie, interdit en Russie en tant qu'organisation "indésirable".

"Toute action ou inaction qui, aux yeux des autorités, accroît la vulnérabilité de l'État face aux actions hostiles de l'ennemi doit être punie sans pitié et sans compromis", estime Mme Stanovaïa en définissant la nouvelle approche du pouvoir.

Pour le Kremlin, la campagne en Ukraine est une "guerre sainte" qui a réécrit les règles, confirme Nina Khrouchtcheva, professeure à The New School, une université de New York, et arrière-petite-fille du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev.

"Pendant une guerre sainte, on ne vole pas (...) on se serre la ceinture et on travaille 24 heures sur 24", résume-t-elle.

Signe des temps, plusieurs généraux et responsables de la Défense ont été arrêtés pour des affaires de détournement de fonds ces dernières années. Début juillet, l'ancien vice-ministre de la Défense Timour Ivanov a été condamné à 13 ans de prison.

Cette ambiance, selon Mme Stanovaïa, a créé un "sentiment de désespoir" au sein de l'élite politique à Moscou, qui est peu susceptible de s'atténuer.

"À l'avenir, le système sera prêt à sacrifier des figures de plus en plus en vue," avertit-elle.

 


Un trafic de stupéfiants démantelé entre Espagne et France, 13 arrestations

reize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police. (AFP)
reize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police. (AFP)
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  • 2,4 tonnes de résine de cannabis ont été saisies par les enquêteurs de Office anti-stupéfiants (OFAST) de la police judiciaire de Lyon, qui ont mené ces opérations
  • Dans cette première phase, les 11 suspects ont été mis en examen et sont, depuis, en détention provisoire, selon la DIPN

LYON: Treize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police.

Onze suspects ont été interpellés entre décembre 2023 et juillet 2024, notamment grâce à l'interception par les policiers de deux poids-lourds et d'un convoi de voitures "entre la région lyonnaise et le Gard", "au moment où les stupéfiants étaient remis à des équipes locales", explique la Direction interdépartementale de la police (DIPN) du Rhône dans un communiqué.

Dans le même laps de temps, 2,4 tonnes de résine de cannabis ont été saisies par les enquêteurs de Office anti-stupéfiants (OFAST) de la police judiciaire de Lyon, qui ont mené ces opérations.

Dans cette première phase, les 11 suspects ont été mis en examen et sont, depuis, en détention provisoire, selon la DIPN.

Puis l'enquête a permis l'interpellation, le 30 juin dernier, d'un homme "soupçonné d'être le donneur d'ordres" et, le lendemain, d'un autre suspect, "fugitif condamné en 2016" à sept ans de prison pour trafic de stupéfiants. A son domicile dans l'Ain, "54 kg de cocaïne et plusieurs dizaines de milliers d'euros" ont été saisis, précise le communiqué qui n'en dit pas plus sur le profil de ces hommes. Ils ont été mis en examen le 4 juillet et placés en détention provisoire.

La police considère ainsi avoir réussi le "démantèlement de ce groupe criminel organisé (...) réalisant des importations de stupéfiants depuis l'Espagne vers la région Auvergne-Rhône-Alpes" pour des "quantités importantes".