Sénatoriales: À Paris, la gauche rafle la mise, le camp présidentiel sorti

Un électeur saisit un bulletin de vote lors des élections sénatoriales françaises à Paris (Photo, AFP).
Un électeur saisit un bulletin de vote lors des élections sénatoriales françaises à Paris (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 25 septembre 2023

Sénatoriales: À Paris, la gauche rafle la mise, le camp présidentiel sorti

  • La liste réunissant les composantes de la majorité municipale, le PS, EELV, le PCF, Paris en commun et Génération.S a raflé les deux tiers des sièges au Sénat
  • Ce résultat marque «une victoire historique des écologistes à Paris»

PARIS: Pari gagné pour le rassemblement à gauche issu de la majorité municipale d'Anne Hidalgo : la principale liste à gauche envoie au palais du Luxembourg huit des douze sénateurs parisiens, la droite divisée obtenant quatre sièges, quand la majorité présidentielle sort, selon des sources à l'Hôtel de Ville de Paris.

La liste réunissant les composantes de la majorité municipale, le PS, EELV, le PCF, Paris en commun et Génération.S a raflé les deux tiers des sièges au Sénat de la capitale y envoyant notamment trois écologistes dont l'ancien candidat à l'élection présidentielle Yannick Jadot.

Ce résultat marque "une victoire historique des écologistes à Paris", a souligné auprès de l'AFP Yannick Jadot selon qui elle "dit la montée en puissance des écologistes sur ce territoire", soulignant également la "réussite de l'union".

LFI critique la «vieille gauche» qui a «refusé tout accord»

La France Insoumise a critiqué dimanche soir la "vieille gauche" qui a "refusé tout accord d'union" avec LFI aux sénatoriales et "empêché l'élection d'un seul sénateur ou une seule sénatrice insoumise".

"Le refus de l'union autour de la Nupes aura coûté à la gauche près de 10 sièges", a dénoncé LFI dans un communiqué.

"Nous étions rejetés de tout accord par les partis traditionnels de la gauche", pointe le parti mélenchoniste, au moment où la coalition Nupes (LFI, PS, EELV, PCF) traverse une nouvelle période de tensions.

"Le choix de la division fait par les socialistes, écologistes et communistes et l'éparpillement des listes coûtent aux composantes de la Nupes une demi-douzaine de sièges et aident à la progression de l'extrême droite au Sénat", où le RN a obtenu trois sièges dimanche, poursuit La France Insoumise.

M. Jadot a également décrit "une nouvelle gaufre pour le gouvernement quand il s'agit d'élection locale", alors que le sénateur sortant de la majorité présidentielle Julien Bargeton, ancien adjoint socialiste, n'a pas été réélu.

"Déçu de ne pas être réélu au Sénat alors que nous avons fait une belle campagne", Julien Bargeton a estimé auprès de l'AFP avoir néanmoins obtenu "un bon score (171 voix) au regard des municipales de 2020", relativisant le résultat dans son ensemble : "une traduction de la composition du conseil municipal".

C'est "une excellente nouvelle pour la gauche et les écologistes parisiens et pour mon équipe", a salué quant à elle la maire de Paris Mme Hidalgo: "c'est une belle leçon que lorsque le rassemblement est là (..) on marque les points".

Malgré des divisions à droite - trois listes concourraient - celle officielle de LR, soutenue par la maire du VIIe arrondissement et cheffe de l'opposition à Paris Rachida Dati a obtenu trois sièges: la sénatrice sortante Catherine Dumas, le maire du XVIe arrondissement Francis Szpiner et l'élue du XIVe arrondissement Marie-Claire Carrère-Gée.

Agnès Evren, patronne de la fédération parisienne qui avait été éjectée de la liste a obtenu un score lui permettant de faire confortablement son siège.

Saluant le "témoignage de confiance qui m'est fait par les grands électeurs (...) pour une liste de rassemblement", Mme Evren, qui était soutenue par le maire LR du XVe arrondissement de Paris Philippe Goujon et les élus Centristes de Paris, rappelle avoir mené "une liste de rassemblement qui incarne une stratégie gagnante".

"Je fais gagner un siège à ma famille politique", a-t-elle souligné, rappelant ne pas être "à l'origine de la division".

Sénatoriales: le point dans les régions

Dans un scrutin marqué par une grande stabilité, voici les principaux changements intervenus parmi les sénateurs à l'issue des élections de dimanche région par région, hormis en Île-de-France.

HAUTS DE FRANCE

Deux élus Rassemblement national font leur entrée au Sénat: Joshua Hochart dans le Nord et Christopher Szczurek dans le Pas-de-Calais, respectivement âgés de 36 et 38 ans. Le LR Marc-Philipe Daubresse est réélu malgré sa mise en examen pour prise illégale d'intérêts. Au sein de la majorité présidentielle, le philippiste Franck Dhersin s'octroie le siège du Renaissance Frédéric Marchand, battu.

Le président des socialistes au Sénat, Patrick Kanner, est reconduit et fait entrer la première adjointe de Martine Aubry à la mairie de Lille, Audrey Linkenheld. Evincée au profit de cette dernière et exclue du PS, la sortante Martine Filleul échoue à conserver son siège.

Dans le Pas-de-Calais, c'est la majorité présidentielle qui recule. Alors que Michel Dagbert ne se représentait pas, l'ex-éphémère ministre de la Santé Brigitte Bourguignon, N.2 sur la liste Ensemble, échoue à lui succéder.

GRAND-EST

Les sénateurs sortants candidats à leur réélection ont tous été réélus dans la région Grand-Est. La gauche a gagné un siège en Meurthe-et-Moselle, pour Silvana Silvani. Dans la Marne, le candidat Horizons Cédric Chevalier va lui aussi découvrir le Palais du Luxembourg.

En Meuse, le sénateur LR et ancien ministre Gérard Longuet, n'a pas brigué de mandat supplémentaire. Mais la droite conserve le siège avec Jocelyne Antoine (DVD), 62 ans, maire de Senon. L'autre sénateur sortant, Franck Menonville (groupe les Indépendants) est reconduit.

NOUVELLE AQUITAINE

Peu de mouvement en Nouvelle-Aquitaine : la seule nouvelle figure se trouve dans le Lot-et-Garonne, où l'outsider Michel Masset (divers gauche) a doublé le centriste sortant Jean-Pierre Moga, qui n'avait jamais perdu une élection, pour s'adjuger le deuxième siège derrière Christine Bonfanti-Dossat (LR).

Pour le reste, rien ne bouge. Les Landes restent aux mains des socialistes Monique Lubin et Eric Kerrouche, et dans les Pyrénées-Atlantiques, ce sont les mêmes trois sénateurs qui ont été reconduits : Frédérique Espagnac (PS), Max Brisson (LR) et Denise Saint-Pé (MoDem).

GRAND OUEST

Pas de changement en Mayenne, où les deux candidats sortants du centre (Elisabeth Doineau, UDI) et de la droite (Guillaume Chevrollier, LR) ont été réélus.

En Loire-Atlantique, la répartition reste la même, trois sièges à gauche, et deux sortants de droite réélus.

Dans le Maine-et-Loire, la liste soutenue par Emmanuel Capus (Horizons), soutenue par le ministre Christophe Béchu, a remporté deux des quatre sièges en jeu. Stéphane Piednoir (LR) est reconduit. La gauche conserve un siège avec le nouvel élu Grégory Blanc.

Dans le Morbihan, la sénatrice LR sortante Muriel Jourda est arrivée en tête du scrutin. Le centre conserve un siège, avec l'élection d'Yves Bleuven et la gauche remporte le troisième, avec l'élection du socialiste Simon Uzenat.

Dans la Manche, deux sénateurs sortants de la liste d'union des droites ont été réélus, Philippe Bas et Béatrice Gosselin. Le maire socialiste de Cherbourg, Sébastien Fagnen, remporte sans surprise le troisième siège.

Dans l'Orne, la sortante Nathalie Goulet a été confortablement réélue dès le premier tour. Olivier Bitz, candidat Horizons, a éliminé le LR sortant, Vincent Segouin.

En région Centre-Val de Loire, huit sièges étaient en jeu sur trois départements. En Touraine, la droite LR fait élire le président du conseil départemental Jean-Gérard Paumier mais se fait croquer un siège par la gauche. Le socialiste Pierre-Alain Roiron est élu, dans le sillage du passage du basculement écologiste de la mairie de Tours. Le centre conserve sa place, avec un élu Horizons, Vincent Louault.

AUVERGNE-RHONE-ALPES

Dans les quatre départements concernés, le scrutin a offert peu de surprises et l'équilibre des forces est maintenu.

En Isère, les quatre sénateurs qui se représentaient ont été réélus. Il s'agit de Didier Rambaud (Divers centre, majorité présidentielle), Michel Savin (DVD), Frédérique Piussat (DVD) et Guillaume Gontard (Union de la gauche).  Pas de suspense en Haute-Loire, où les deux sénateurs sortants Olivier Cigolotti (UDI) et Laurent Duplomb (LR) ont été réélus dès le premier tour.

Dans le Puy-de-Dôme, les deux sortants qui se représentaient sur trois, Eric Gold (sans étiquette, désigné par LREM en 2017, tendance centre gauche) et Jean-Marc Boyer (LR) sont réélus.  Dans la Loire, les deux élus sortants de la gauche sont réélus.  À droite, le maire LR de Saint-Chamond Hervé Reynaud a été élu ainsi que le maire DVD de Boën-sur-Lignon Pierre-Jean Rochette.

OCCITANIE

En région Occitanie, les deux sénatrices des Hautes-Pyrénées, Viviane Artigalas (PS) et Maryse Carrère (PRG) ont été réélues sans surprise dès le premier tour.

Dans le Lot, la sénatrice PS sortante Agnès Prévile a dû céder sa place face au maire de Cahors – PS lui aussi –, Jean-Marc Vayssouze-Faure, élu dès le premier tour, et au radical Raphaël Daubet.

Dans les Pyrénées-Orientales, où le RN a gagné l’an dernier les quatre sièges de député et la mairie de Perpignan en 2020, c’est la prime au sortant qui a finalement joué: les votes se sont portés vers Les Républicains, avec le sortant Jean Sol et Lauriane Josende, héritière désignée du sortant François Calvet.

OUTRE-MER

Surprise en Nouvelle-Calédonie avec l'élection de l'indépendantiste Robert Xowie au deuxième tour au détriment de la secrétaire d'Etat Renaissance Sonia Backès. Le LR dissident Georges Naturel a été élu dès le premier tour, au détriment du sénateur LR sortant Pierre Frogier.

A Saint-Pierre-et-Miquelon, c'est la favorite, l'ancienne ministre Annick Girardin qui fera son entrée au Sénat.

A La Réunion, où quatre sièges étaient à pourvoir, la droite perd un fauteuil, avec deux élus, tandis que la gauche y fait son entrée. Avec 35,9% des voix rassemblées par sa liste, Viviane Malet, sénatrice LR sortante, retrouve son siège, accompagnée de Stéphane Fouassin, maire de Salazie, qui fait son entrée au Sénat.

À gauche malgré une division des forces, les deux tête de liste, Audrey Belim (25,3%) et Evelyne Corbières (21,6) sont élues.

A Mayotte, les 540 grands électeurs ont élu un nouvel entrant sans étiquette, Saïd Omar Oili (293 voix), et reconduit Thani Mohamed Soilihi (Renaissance) pour un troisième mandat.


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.