Une nouvelle star émerge à l'Est

Le drapeau chinois arboré par un partisan du régime, à Hong Kong (Photo, AFP).
Le drapeau chinois arboré par un partisan du régime, à Hong Kong (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 21 décembre 2020

Une nouvelle star émerge à l'Est

Une nouvelle star émerge à l'Est
  • Selon de nombreux économistes, l'économie chinoise, mesurée par son PIB, devrait dépasser celle des États-Unis d'ici 2024
  • Alors comment l'Amérique et son nouveau président feront-ils face à cette nouvelle réalité qui se profile à l'horizon ?

L’évènement marquant du XXIe siècle sera l'ascension de la Chine et le déplacement de la puissance économique et politique de l'Ouest vers l'Est.

Cette évolution se dessine depuis bien longtemps, mais nous frôlons à présent un certain paroxysme.  Selon de nombreux économistes, l'économie chinoise, mesurée par son PIB, devrait dépasser celle des États-Unis d'ici 2024. Peu importe l'année exacte à laquelle ces prévisions se réaliseront. Ce qui compte, c'est que l'économie chinoise détrônera celle des États-Unis au cours de la décennie actuelle. Certes, ce changement entraînera également d'énormes ramifications géopolitiques. Demandez à n'importe quel champion de sport ce qu'il ressent lorsqu'il est détrôné de la première place. Il vous parlera des difficultés psychologiques à accepter la nouvelle réalité. Alors comment l'Amérique et son nouveau président feront-ils face à cette nouvelle réalité qui se profile à l'horizon ?

Donald Trump avait raison lorsqu'il a remis en question certaines pratiques de la Chine, mais les mesures qu'il a prises en matière de droits de douane n'ont sans doute fait qu'encourager Pékin. A titre d'exemple, l'interdiction de Huawei, bien que probablement justifiée, a amené la Chine à aspirer à  l’autosuffisance dans le domaine de la technologie des semi-conducteurs. Le plan économique de Pékin place la technologie et la quête de l'autosuffisance au premier rang des priorités. En effet, la Chine cherche à devenir un acteur mondial de premier plan dans les domaines de l'intelligence artificielle, de l'informatique quantique et de la robotique, au cours des 15 prochaines années.

Joe Biden a fait savoir très clairement qu'il entend maintenir une attitude ferme à l'égard de la Chine, et il le faut, dans la mesure où le discours des États-Unis, au sein des deux partis principaux, est devenu ouvertement sceptique à l'égard de Pékin. Il faut s'attendre que Joe Biden adopte une approche plus cohérente que celle de Trump.

En politique, Biden reviendra au mantra américain de la démocratie et des droits de l'homme. Par conséquent, il faut s'attendre à ce qu'il se prononce plus ouvertement au sujet de la détention massive des Ouïgours et des autres violations des droits de l'homme en Chine - pas uniquement à Hong Kong.

Biden, qui est étroitement lié aux syndicats, abordera le commerce dans une optique qui vise à préserver les emplois des Américains. Cette question figurera parmi ses priorités puisque l'économie américaine est actuellement confrontée à un chômage massif, dans le sillage de la pandémie. Il incombera à Biden de protéger son pays contre la menace du virus et de contrer les inégalités de plus en plus importantes. Ce dernier objectif ne peut être réalisé sans remettre la nation au travail. C'est quand les gens recevront à nouveau leur paie que les longues files d'attente devant les centres de distribution de nourriture diminueront.

Indépendamment de la manière dont nous abordons cette histoire, la Pax Americana qui s'est développée après 1945 est sur le point de prendre fin et Pékin s'est imposée comme une force avec laquelle il faut composer.

Cornelia Meyer

Autre priorité pour Biden : le changement climatique. Il traitera ce problème parce qu'il le concerne tout autant mais aussi parce que l'aile gauche de son parti le gardera sur la sellette à ce sujet.

C'est dans ce contexte que les États-Unis pourront jouer un rôle de premier plan, notamment sur des questions telles que la taxe universelle sur le carbone, qui serait appliquée à l'échelle mondiale. Si la Chine s'est engagée par le passé à atteindre un niveau zéro de carbone d'ici 2060, elle ne tient pas nécessairement sa promesse sur ce point, à en juger par le nombre de nouvelles centrales électriques au charbon qui ont été inaugurées dans le pays.

Que tout soit clair : Un grand nombre de ces batailles ne seront engagées ni en Chine ni aux États-Unis, mais dans des pays tiers. Les États-Unis devront composer avec la traduction des engagements pris par la politique étrangère de la Chine sur plusieurs dossiers: en mer de Chine méridionale, dans le détroit de Taïwan, dans les pays membres de l'initiative Ceinture et route en Asie du Sud-Est et en Asie centrale, au Moyen-Orient et en Afrique. Certains pourraient dire que les États-Unis ont négligé les ramifications géopolitiques de cette initiative et de la poussée de la Chine vers l'Afrique et l'Amérique latine en termes de matières premières et d'investissements, qui se préparaient depuis plusieurs décennies.

L' « offensive de charme » que mène la Chine ne ressemblera en rien à la Pax Americana. Cette dernière comportait certes une dimension de puissance économique et géopolitique, mais elle reposait sur le souci de la démocratie et des droits de l'homme et avait pour objectif de créer des alliés plutôt que des États vassaux. L'approche chinoise est davantage centrée sur l'économie, et son objectif ultime est de favoriser son économie et sa position de force plutôt que de créer des conditions de concurrence équitables. À l'avenir, cette approche entraînera des répercussions dans les zones géographiques évoquées ci-dessus.

Dernier point, il s'agit toujours de l'argent : les principaux gestionnaires d'actifs souhaitent tous élargir leurs activités en Chine. Le développement économique qui a fleuri à l'Est et à l'Ouest du bassin de Suez pendant la pandémie a plutôt renforcé cette tendance. Par ailleurs, la Chine a été le premier pays à être touché par la Covid-19. Cependant, elle a été le premier pays à sortir relativement indemne de la pandémie, sur le plan économique. Cette réalité attire de façon inimaginable l'argent des gestionnaires.

En effet, Pékin a en quelque sorte élargi les marchés des capitaux en autorisant, par exemple, les établissements financiers étrangers à prendre le contrôle majoritaire des divisions. Désormais, plus de marchés monétaires ouverts fonctionnent dans les deux sens. Ils attribuent une plus grande liberté aux investisseurs étrangers et, de ce fait, en attirent davantage. C'est une démarche astucieuse de la part des Chinois de plusieurs points de vue, compte tenu de I'influence considérable que les lobbyistes de Wall Street exercent sur la colline du Capitole.

Indépendamment de la manière dont nous abordons cette histoire, la Pax Americana qui s'est développée après 1945 est sur le point de prendre fin et Pékin s'est imposée comme une force avec laquelle il faut composer. Toutefois, cela ne signifie pas que Washington et son influence géopolitique sont condamnés à disparaître. Cela montre plutôt que Pékin est un nouveau joueur qui a rejoint le groupe et qui n'hésitera pas à affirmer sa position.

Cornelia Meyer est une économiste titulaire d'un doctorat, avec trente ans d'expérience dans le domaine de la banque d'investissement et de l'industrie. Elle est présidente et PDG de la société de conseil aux entreprises Meyer Resources.

Twitter : @MeyerResources 

NDRL : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com