FMI/Banque Mondiale : une économie mondiale résiliente, mais beaucoup d’incertitudes

Le débat sur l’économie mondiale a vu la participation d’imminents responsables économiques : Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Dr Ngozi Okonjo-Iweala présidente de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), Joyce Chang, Présidente de la recherche mondiale chez JP Morgan et Gita Gopinath, Première directrice général adjointe du Fond monétaire international (FMI). (Photo, imfconnect)
Le débat sur l’économie mondiale a vu la participation d’imminents responsables économiques : Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Dr Ngozi Okonjo-Iweala présidente de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), Joyce Chang, Présidente de la recherche mondiale chez JP Morgan et Gita Gopinath, Première directrice général adjointe du Fond monétaire international (FMI). (Photo, imfconnect)
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Publié le Lundi 30 octobre 2023

FMI/Banque Mondiale : une économie mondiale résiliente, mais beaucoup d’incertitudes

  • L'une de ces conférences était particulièrement attendue car elle consistait en un débat sur l'économie mondiale, réunissant des personnalités éminentes du monde économique
  • L'une des observations qui est revenue fréquemment lors de ce débat concerne le protectionnisme qui a marqué le commerce mondial à la suite des différentes crises que le monde a traversées ces dernières années

MARRAKECH: Les assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), qui se sont déroulées du 9 au 15 octobre à Marrakech, ont accueilli de nombreuses conférences sur des sujets divers et variés liés à l'économie et la finance.

L'une de ces conférences était particulièrement attendue, car elle consistait en un débat sur l'économie mondiale, réunissant des personnalités éminentes du monde économique.

Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE); le Dr Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC); Joyce Chang, présidente de la recherche mondiale chez JP Morgan; et Gita Gopinath, première directrice générale adjointe du FMI ont pris part à ce débat qui devait apporter des réponses à la question suivante question: quelles mesures les décideurs politiques devraient-ils prendre pour stimuler le dynamisme économique et la durabilité à moyen terme en gérant les risques et en saisissant les opportunités technologiques, y compris les progrès dans le domaine de l'intelligence artificielle, tout en capitalisant sur la transition verte?

Le débat, auquel Arab News en français a assisté, devait compter sur la participation très attendue de la ministre marocaine de l'économie et de la Finance, Nadia Fettah. Cependant, elle s'est finalement rétractée en raison de l'ouverture de la première session de la troisième année législative au Maroc ce jour-là.

 

Gita Gopinath, première directrice générale adjointe du FMI

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Gita Gopinath est la première directrice générale adjointe du Fonds monétaire international (FMI). À ce titre, elle supervise le travail du personnel, représente le Fonds dans les forums multilatéraux, entretient des contacts de haut niveau avec les gouvernements membres et les membres du Conseil d'administration, les médias et d'autres institutions. Elle dirige egalement  les travaux du Fonds en matière de surveillance et de politiques connexes, et supervise la recherche et les publications phares.

Résilience économique

Les quatre responsables économiques se sont réunis dans le but d'analyser la conjoncture économique mondiale et se sont accordés à dire que malgré les apparences, les marchés économiques mondiaux ont fait preuve d'une certaine résilience.

Gita Gopinath a ainsi déclaré que «l’inflation a baissé par rapport à l'année dernière et on doit reconnaître cette résilience», même si le taux croissance de l'économie mondiale sur le moyen terme a ralenti, «passant de 3,8% au cours des dernières décennies à 3% dans les années à venir. Selon la responsable du FMI, l’inflation est certes en baisse, «mais nous sommes encore loin de la normale et cela représente un défi à relever par les décideurs politiques».

 

Dr. Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l'OMC

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Dr. Ngozi Okonjo-Iweala est directrice générale de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Économiste et experte en développement international, elle a plus de 30 ans d'expérience. Elle a été présidente du conseil d'administration de Gavi, l'Alliance du vaccin (2016-2020), de l'African Risk Capacity (2014-2020) et coprésidente de la Commission mondiale sur l'économie et le climat.  Auparavant, elle a été conseillère principale chez Lazard et a siégé aux conseils d'administration de Standard Chartered PLC et de Twitter Inc. Mme Okonjo-Iweala a été nommée envoyée spéciale de l'UA pour le projet COVID-19 et envoyée spéciale de l'OMS pour le projet COVID-19.

Mme Okonjo-Iweala a été deux fois ministre des Finances du Nigeria (2003-2006, 2011-2015), première femme à occuper ce poste, et a passé 25 ans de carrière à la Banque mondiale, où elle a atteint le poste de deuxième directrice générale.

De son côté, la directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, a estimé que durant les dernières crises, on a pu se rendre compte de la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement du fait de la concentration de ces dernières dans certaines zones géographiques. Dans ce sens, «il faut déconcentrer et diversifier les chaînes d'approvisionnement», déclare-t-elle.

Le constat est le même pour Christine Lagarde, présidente de la BCE, qui explique que les trois crises majeures que nous avons traversées au cours des trois dernières années ont perturbé la base des fournisseurs et entraîné une grande volatilité des prix de l'énergie.

Lagarde a exprimé ses préoccupations quant au «temps de latence» entre la prise de décision et son impact sur le terrain. Elle a cité l'exemple de l'ajustement des salaires par rapport à l'inflation, soulignant l'incertitude quant au moment où cela se produira.

«Ramener l’inflation à 2% sur le moyen terme» reste l’objectif principal de la présidente de la BCE, qui assure que «nous sommes d’y œuvrer et que c’est en train de se produire». Il faut être «solide et prêt à prendre des mesures supplémentaires si nécessaire», souligne-t-elle.

De son côté, Joyce Chang, présidente de la recherche mondiale chez JP Morgan, a estimé qu'il faudrait «cinq ans pour ramener l'inflation à 2,5%», alors que les spécialistes prévoient un délai de dix ans. Selon elle, les économies mondiales doivent se concentrer sur la fiscalité et la gestion de la dette, et les pays en développement doivent suivre le rythme des économies avancées pour assurer une reprise stable.

 

Christine Lagarde, présidente de la BCE

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Depuis novembre 2019, Christine Lagarde est présidente de la Banque centrale européenne. Entre 2011 et 2019, elle a été la onzième directrice générale du Fonds monétaire international (FMI). Auparavant, elle a été ministre français de l'Économie et des Finances de 2007 à 2011, après avoir été secrétaire d'État au Commerce de 2005 à 2007. Avocate de formation, elle a exercé pendant 20 ans au sein du cabinet d'avocats international Baker McKenzie, dont elle est devenue présidente mondiale en 1999. Elle est la première femme à avoir occupé tous ces postes.

En 2020, Christine Lagarde a été classée deuxième femme la plus influente du monde par Forbes et a été désignée par TIME comme l'une des 100 personnes les plus influentes du monde. 

Ouvrir le commerce

L'une des observations qui est revenue fréquemment lors de ce débat concerne le protectionnisme qui a marqué le commerce mondial à la suite des différentes crises que le monde a traversées ces dernières années (Covid-19, invasion de l'Ukraine et conflit entre Israël et les Palestiniens).

«Il ne faut plus que le commerce se fasse entre amis et avec ceux qui nous ressemblent», déplore Ngozi Okonjo-Iweala. Cette «fragmentation», selon ses propres termes, ne fait que fragiliser le commerce international.

Elle affirme que la première vague de la mondialisation n’a pas pris en compte les pays en développement, et plaide en faveur d’un nouveau concept, celui de la «remondialisation».

La directrice générale de l’OMC souligne que «le commerce des biens a chuté de 1,7% à 0,8% selon les dernières prévisions». Elle insiste sur la nécessité de décentraliser et de diversifier les zones de production pour éviter une fragmentation plus profonde du commerce international. Un exemple concret de cette fragilité est le blocage de 8% du commerce maritime international lorsque, par exemple, un navire s'échoue dans le canal de Suez.

Ngozi Okonjo-Iweala met en avant le commerce numérique comme l'un des principaux leviers de transformation, soulignant qu'il affiche un taux de croissance annuel de 8%.

 

Joyce Chang , présidente de la recherche mondiale chez J.P. Morgan

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Joyce Chang est présidente de la recherche mondiale pour la banque de financement et d'investissement de J.P. Morgan. Elle a passé plus de 30 ans à travailler dans la recherche mondiale, avec une expertise dans la recherche macro, les revenus fixes, marchés émergents, géopolitique, et la recherche stratégique et thématique. Joyce était dernièrement responsable mondiale de la recherche, fonction qu'elle a occupée pendant plus de cinq ans (2014-2019). Elle était auparavant responsable mondiale de la recherche sur les titres à revenu fixe et a commencé sa carrière en tant que stratège des marchés émergents. . En 2022, J.P. Morgan a été nommée meilleure équipe de recherche mondiale, première équipe de recherche sur les actions mondiales et première équipe de recherche sur les titres à revenu fixe mondiaux par Institutional Investor.

Contexte géopolitique

Les quatre responsables économiques s’accordent sur un point: à savoir le contexte géopolitique explosif dans le monde offre peu de visibilité sur l'avenir de l'économie mondiale.

Que ce soit l’invasion de l’Ukraine ou plus récemment l’embrasement à Gaza, ces événements auront inévitablement des répercussions sur l'économie mondiale.

Pour Gita Gopinath, «il y a de nombreux éléments à surveiller attentivement et la situation peut basculer à n'importe quel moment».

«Les événements géopolitiques, les conflits au Moyen-Orient et leurs retombées sur les prix de l'énergie» constituent des sources d'incertitudes majeures, a-t-elle expliqué, rappelant que le niveau d'endettement des États a atteint des niveaux records.

D’ailleurs elle pointe une “inadéquation imminente entre ce que les pays dépensent, ce qu’ils empruntent pour dépenser et entre leur capacité à rembourser”.

Pour Christine Lagarde les crises qui ont frappé le monde ont conduit à un “resserrement des conditions financières comme jamais vu auparavant” (plus de 3000 restrictions commerciales en 2022 selon Gita Gopinath) assurant que l’impact suivant une crise n’est visible qu'après un certain temps de latence.

 


L’intelligence artificielle, levier d’émancipation pour les femmes selon la directrice de la DCO

Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. » (Photo fournie)
Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. » (Photo fournie)
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  • Pour la directrice générale de la Digital Cooperation Organization (DCO), Hajar El Haddaoui, l’intelligence artificielle (IA) représente une opportunité considérable pour les femmes sur le marché du travail, à condition toutefois de réduire les fractures
  • Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré

PARIS: Pour la directrice générale de la Digital Cooperation Organization (DCO), Hajar El Haddaoui, l’intelligence artificielle (IA) représente une opportunité considérable pour les femmes sur le marché du travail, à condition toutefois de réduire les fractures numériques, de renforcer la coopération internationale et d’intégrer cette technologie au cœur des stratégies nationales de développement.

Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. »

« On voit de plus en plus de femmes s’intéresser à l’IA et aux algorithmes dans différents domaines ; il faut s’en saisir comme d’une opportunité », souligne El Haddaoui, dont l’organisation, fondée à Riyad en 2020, regroupe 16 États membres et compte plus de 40 partenaires issus des secteurs technologique et financier.

Œuvrant essentiellement autour de deux axes stratégiques — la résilience technologique et la prospérité numérique —, la DCO s’est vu accorder un siège d’observateur à l’Assemblée générale des Nations unies en 2022.

L’accès à l’intelligence artificielle n’est cependant pas uniforme à l’échelle mondiale, plaide El Haddaoui, dont l’organisation œuvre pour l’inclusivité numérique et technologique.
« Non, il n’y a pas d’égalité entre les pays, affirme-t-elle sans détour. Certains ont énormément investi dans l’IA et disposent des ressources nécessaires, tandis que d’autres en sont encore loin. »

Elle insiste sur l’importance de la coopération régionale pour réduire ces écarts : « Il faut échanger les bonnes pratiques et, surtout, soutenir les pays en retard par de grands investissements », souligne-t-elle, rappelant que « certains pays n’ont même pas la 5G, ce qui rend toute avancée en IA très difficile ».

Pour elle, la réduction de cette fracture nécessite des partenariats solides entre États, des échanges d’expériences et un appui financier ciblé, afin « de permettre à davantage de pays d’intégrer l’intelligence artificielle dans leurs priorités nationales ».

Cependant, les disparités ne sont pas seulement internationales, souligne El Haddaoui : elles sont également internes, car « dans certains pays, les zones rurales n’ont même pas accès à Internet, alors que d’autres régions abritent des hubs d’innovation très avancés », observe-t-elle.

Cette fracture numérique interne constitue, selon elle, un défi majeur. La solution passe par une stratégie globale d’éducation et d’inclusion : « Il faut prendre en compte l’éducation dès le plus jeune âge, développer des applications accessibles dans les langues locales et former les talents nationaux pour diffuser les connaissances liées à l’IA au sein même du pays. »

Ce n’est qu’une fois ces bases posées que la réduction de la fracture pourra s’étendre aux niveaux régional et mondial.

Interrogée sur le risque de voir le financement de l’IA se faire au détriment d’autres secteurs essentiels, El Haddaoui se veut rassurante : « Si l’intelligence artificielle est intégrée dans la stratégie numérique nationale et appliquée à tous les secteurs — santé, finance, économie ou éducation —, elle ne concurrence pas les autres investissements, elle les renforce », explique-t-elle.

Elle met toutefois en garde contre une approche sectorielle trop étroite : « Dans les pays où l’investissement est concentré uniquement sur l’IA sans vision transversale, le risque existe. Il ne faut pas répéter les erreurs commises lors de la transformation digitale dans certaines régions. L’IA doit être pensée comme une stratégie cross-industry, présente dans tous les secteurs et non en silo. »

Pour cette raison, ajoute-t-elle, la DCO travaille avec de nombreux États membres, dont le Maroc : « Nous sommes présents sur le terrain dans plusieurs pays membres afin d’accompagner le développement numérique local », précise-t-elle.


La ministre de la transition numérique marocaine: l’IA une opportunité pour l’émancipation des femmes

L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail. C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni. (Photo fournie)
L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail. C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni. (Photo fournie)
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  • Le Maroc multiplie les initiatives pour démocratiser l’accès à ces technologies
  • En juillet dernier, les Assises nationales de l’intelligence artificielle ont réuni 2 500 acteurs publics et privés

PARIS: L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail.
C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni, qui voit dans cette technologie une opportunité majeure pour réduire les fractures sociales et économiques, à condition de s’y préparer dès maintenant.

Nommée ministre en 2024, Seghrouchni est une pionnière de l’intelligence artificielle. Elle est même décrite par certains comme « l’Elon Musk du Maroc », mais elle se distingue de ce dernier par son engagement éthique et son attachement à l’inclusion et à la justice sociale liées à l’avènement des nouvelles technologies.
Dans le cadre de ses fonctions et responsabilités, elle poursuit sa quête d’une utilisation raisonnée de l’intelligence artificielle, au profit de tous.

Présente à Paris à l’occasion de la 16ᵉ édition des Rencontres économiques, organisées par l’Institut du monde arabe, la ministre a insisté, en réponse à Arab News en français, sur la nécessité d’intégrer les femmes dans cette révolution technologique.
« Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est utilisée dans tous les secteurs de la vie professionnelle : la santé, l’agriculture, l’art, la culture, le droit ou encore la fintech », indique-t-elle. « Et si les femmes maîtrisent l’intelligence artificielle, elles peuvent accéder à un marché de l’emploi beaucoup plus vaste. »

Selon la ministre, l’IA permet aux femmes d’améliorer leur productivité et d’accéder à des ressources jusqu’ici moins accessibles, comme la traduction automatique, les calculs complexes ou la recherche d’informations ciblées : « autant d’usages concrets qui peuvent faciliter leur insertion professionnelle ».
Elle met également en avant le potentiel des outils d’IA pour les femmes entrepreneures, dirigeant des petites ou moyennes entreprises, qui peuvent ainsi s’appuyer sur le commerce électronique pour dépasser les limites des marchés locaux.
« Il existe aujourd’hui des plateformes qui permettent aux femmes d’accéder à un marché global grâce à l’intelligence artificielle », explique-t-elle.

La formation à l’IA représente un investissement, concède la ministre, mais celui-ci reste accessible et rentable. De nombreux programmes, soutenus par des organisations internationales ou des initiatives nationales, visent à réduire cette barrière financière.
« Nous avons lancé un programme qui s’appelle Elevate pour le commerce électronique : il aide gratuitement des femmes à accéder à ces plateformes », précise-t-elle. Et même si certaines formations sont payantes, les coûts restent modérés « au regard du retour sur investissement potentiel ».

La ministre reconnaît cependant l’existence de plusieurs niveaux de fracture : alphabétisation, numérique, et désormais intelligence artificielle.
Mais elle estime que « la question n’est pas de savoir s’il va y avoir une fracture, mais si nous allons pouvoir maîtriser ces technologies pour ne pas rester sur le bord du chemin », car il ne s’agit pas de subir ces transformations, mais « de les utiliser comme leviers de réduction des inégalités ».

Le Maroc multiplie les initiatives pour démocratiser l’accès à ces technologies. En juillet dernier, les Assises nationales de l’intelligence artificielle ont réuni 2 500 acteurs publics et privés.
Le pays a lancé des plateformes de formation, un programme de soutien aux start-up, ainsi qu’un vaste réseau d’instituts de recherche et de développement baptisé Jazari.

« Rien n’arrive tout seul », rappelle la ministre. « Le coût est là, mais aussi la volonté d’apporter les moyens humains, financiers et techniques nécessaires. C’est un grand chantier que nous voulons mener à bien, avec la détermination des femmes à monter dans ce que j’appelle le train de l’IA. »

La métaphore est claire : l’intelligence artificielle avance rapidement, et il faut savoir monter à bord au bon moment. En misant sur la formation, l’accès aux outils et l’accompagnement des femmes, la ministre entend faire de l’IA non pas une nouvelle ligne de fracture, mais une voie d’émancipation et d’ouverture.


Les Rencontres Économiques de l’IMA: la place des femmes dans l’économie à l’ère de l’IA

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  • Quatre tables rondes, réunissant le temps d’une journée des personnalités féminines éminentes du monde arabe et de la France, ont échangé sur la manière de mettre en lumière le rôle des femmes dans la transformation numérique
  • Parmi la trentaine de participantes figuraient notamment la ministre marocaine de la Transition numérique Amal El Fallah Seghrouchni, l’ancienne ministre française de la Culture Rima Abdul Malak, aujourd’hui à la tête d’un média francophone libanais

PARIS: Organisée par l’Institut du Monde Arabe à Paris autour du thème « Femmes, business et innovation », la 16ᵉ édition des Rencontres économiques du monde arabe a décortiqué tous les aspects de l’économie au féminin.

Quatre tables rondes, réunissant le temps d’une journée des personnalités féminines éminentes du monde arabe et de la France, ont échangé sur la manière de mettre en lumière le rôle des femmes dans la transformation numérique, l’entrepreneuriat et la création, ainsi que sur les moyens de favoriser des synergies franco-arabes.

Parmi la trentaine de participantes figuraient notamment la ministre marocaine de la Transition numérique Amal El Fallah Seghrouchni, l’ancienne ministre française de la Culture Rima Abdul Malak, aujourd’hui à la tête d’un média francophone libanais, des femmes d’affaires telles que Hajar El Haddaoui, directrice générale de Digital Cooperation Organization (Maroc–Arabie saoudite), ou encore Olfa Zorgati, membre du conseil d’administration d’Ubisoft, ainsi que des ambassadrices comme Delphine O, et Shayna Al Zuhairi, directrice générale du Iraq Business Women Council.

IA et leadership

Parmi les temps forts figuraient un fireside chat sur l’intelligence artificielle et le leadership, plusieurs tables rondes réunissant cheffes d’entreprise et responsables d’institutions, ainsi qu’une keynote consacrée à la transformation des médias.

Dans le fireside chat dédié à l’IA et au leadership, Amal El Fallah Seghrouchni et Anne Bouverot (envoyée spéciale pour l’IA en France) ont croisé leurs visions, soulignant l’importance d’une gouvernance responsable et partagée de l’IA entre l’Europe et le monde arabe, conciliant innovation et protection des droits.

Elles ont également mis en avant la place centrale des femmes et de l’éducation dans la formation, pour réduire la fracture numérique et encourager l’industrialisation de solutions locales.

La programmation, détaillée par l’IMA, a alterné débats sur l’intelligence artificielle et le leadership, sessions sur les industries culturelles et créatives (ICC), et interventions consacrées au financement et à la coopération institutionnelle.

Les intervenantes issues du monde de la tech et du secteur privé (start-up, entreprises, écosystèmes) ont discuté des opportunités de co-développement entre acteurs français et arabes, ainsi que du besoin d’écosystèmes favorables (financement, cadres réglementaires, formation) pour transformer le talent féminin en entreprises viables.

La transformation des médias à l’ère des transitions

Une autre table ronde, réunissant un panel mixte de diplomates et de femmes actives dans les secteurs des financements publics, du droit et de l’IA, a insisté sur la nécessité d’aligner les réponses aux défis climatiques, énergétiques et numériques à travers des partenariats bilatéraux et multilatéraux.

Rima Abdul Malak a prononcé une courte keynote sur la transformation des médias à l’ère des transitions, montrant comment innover avec l’IA tout en préservant la déontologie et la diversité culturelle.
Elle a également souligné le rôle des femmes dirigeantes dans la recomposition du paysage médiatique.

Les tables rondes de l’après-midi ont porté sur les industries culturelles et créatives, les synergies franco-arabes pour la création artistique, les modèles de financement (fondations, philanthropie, fonds publics) et la médiation culturelle à l’ère de l’IA.

Sur le fond, deux lignes directrices ont traversé les discussions. D’abord, l’idée que l’émancipation économique des femmes constitue un levier stratégique de développement. Les intervenantes, issues des secteurs public et privé, ont insisté sur la nécessité de traduire les discours en dispositifs concrets : accès au financement, incubateurs dédiés, formations techniques et réseaux de mentorat.

Ensuite, la nécessité d’une coopération pratique à travers des partenariats, des centres d’excellence et des mécanismes de financement conjoints, plutôt que de simples déclarations d’intention.

Tout au long de la journée, les intervenantes françaises et arabes ont appelé à bâtir des cadres éthiques communs et des programmes de formation destinés à réduire la fracture numérique.
L’enjeu n’est plus seulement technique, a-t-il été rappelé, mais également politique. Il concerne la régulation, la souveraineté technologique et la capacité des pays du Sud à développer des solutions adaptées à leurs usages.

La table ronde dédiée aux industries culturelles et créatives a insisté sur l’importance des modèles hybrides — mécénat, fonds d’impact, structures de coopération publique-privée — permettant de soutenir la création sans l’enfermer dans des logiques purement marchandes.

Les intervenantes issues du monde de l’art et des fondations ont partagé leurs retours d’expérience et proposé des pistes concrètes pour professionnaliser les filières tout en préservant la diversité culturelle.

Plusieurs participantes ont également souligné l’importance d’instruments financiers adaptés : garanties publiques, fonds de capital-risque dédiés aux entrepreneures et dispositifs de venture philanthropy pour accompagner les premières étapes des projets culturels et technologiques.

Ces rencontres confirment la maturation d’un agenda franco-arabe centré sur l’économie du savoir et la création, et réaffirment que la question du genre ne peut demeurer un simple enjeu symbolique, mais doit se traduire par une véritable architecture d’accompagnement (financement, formation, incubateurs, réglementation).

Pour que les promesses tiennent, les participantes ont appelé à une feuille de route opérationnelle, assortie de calendriers, de budgets et d’indicateurs, afin de transformer l’énergie du plaidoyer en actions mesurables.