Comment l’abandon du statu quo d'Al-Aqsa a ravivé le conflit israélo-palestinien

Le complexe de la mosquée Al-Aqsa, sur le Haram al-Charif, revêt une grande importance pour les trois religions abrahamiques, l'islam, le judaïsme et le christianisme (Photo, AFP).
Le complexe de la mosquée Al-Aqsa, sur le Haram al-Charif, revêt une grande importance pour les trois religions abrahamiques, l'islam, le judaïsme et le christianisme (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 18 octobre 2023

Comment l’abandon du statu quo d'Al-Aqsa a ravivé le conflit israélo-palestinien

  • Le Haram al-Charif, ou le Noble Sanctuaire, a été le théâtre de visites provocatrices de la part d'extrémistes religieux juifs
  • Le juriste israélien Daniel Seidemann affirme que l'occupation «sape les fondements moraux de la société israélienne»

LONDRES: Le vendredi 29 septembre, Daniel Seidemann, avocat israélien spécialisé dans les relations israélo-palestiniennes à Jérusalem, a apporté la touche finale à un document de recherche qui lui avait été commandé par l'unité de recherche et d'études d'Arab News.

Le sujet était l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa sur le Haram al-Charif, connu des juifs et des chrétiens comme le Mont du Temple, qui revêt une grande importance pour les trois religions abrahamiques, mais où seuls les musulmans peuvent prier et où les autres religions ne peuvent que visiter.

C'est en tout cas le statu quo qui prévaut sur le site depuis 1967.

Une vue générale de Jérusalem-Est et du Dôme du Rocher dans l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa, troisième lieu saint de l'islam, le 15 octobre 2023 (Photo, AFP).

Mais en tant que fondateur de Terrestrial Jerusalem, une organisation non gouvernementale dont l'objectif est de trouver une solution à la question de la ville qui soit compatible avec la solution des deux États, Seidemann est devenu, au cours des derniers mois, de plus en plus conscient et préoccupé par le fait que l'équilibre délicat qui a été maintenu sur le site au cours des cinquante-six dernières années était en danger d'être rompu.

Il a compris que c'était la recette d'un désastre et, dans l'espoir de l'éviter, il a tenu à «familiariser à la fois les dirigeants et le grand public avec les faits pertinents».

Un peu plus d'une semaine plus tard, Seidemann s'est réveillé le matin du samedi 7 octobre en apprenant que le groupe militant palestinien Hamas avait lancé son attaque dévastatrice contre Israël depuis Gaza.

En écoutant les informations, il n'a pas été surpris d'apprendre que le commandant du Hamas, Mohammed Deif, avait qualifié l'assaut d’«opération déluge d’Al-Aqsa», lancée, selon lui, en représailles à la «profanation» de l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa par Israël.

Que l'attaque ait été motivée ou non par les récents événements survenus à la mosquée – et le Hamas avait certainement déjà lancé des avertissements concernant les violations de plus en plus fréquentes du statu quo établi de longue date sur le site – Seidemann savait qu'une chose était certaine.

Le ministre israélien et chef du parti Puissance juive, Itamar Ben-Gvir (au centre), marche dans la cour de la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, connue par les juifs sous le nom de Mont du Temple, tôt le 3 janvier 2023 (Photo, AFP).

«Il ne fait aucun doute qu’Al-Aqsa a été un facteur contributif», a-t-il indiqué. «On en revient toujours à Al-Aqsa, et Jérusalem a toujours le dernier mot.

«Nous devons familiariser le public israélien et le monde arabe avec l'idée d'une Jérusalem qui permette la cohabitation de ces récits conflictuels. Ce n'est pas une utopie, mais Jérusalem sait le faire.

«Et que cela aboutisse ou non, nous serons toujours confrontés à la question d'Al-Aqsa, et personne dans le monde arabe ou musulman ne peut se permettre de l'ignorer», a-t-il exliqué.

Le caractère sensible du site a été mis en évidence le 27 septembre lorsque Nayef al-Sudairi, le nouvel ambassadeur saoudien auprès des Palestiniens, a accepté de reporter une visite prévue à la mosquée Al-Aqsa pour répondre à des préoccupations palestiniennes non précisées.

On pense que ces préoccupations sont liées à l'augmentation malvenue de la présence des forces de sécurité israéliennes sur le site, qui a favorisé une série de visites provocatrices de la part d'extrémistes religieux juifs dont le but ultime est de construire un temple juif sur le site.

Les extrémistes bénéficient du soutien de nombreux membres du gouvernement israélien. Le 3 octobre, Itamar Ben-Gvir, ministre israélien de la Sécurité nationale (de l’extrême droite), a demandé à la Knesset et au cabinet de sécurité de l'État d'envisager d'urgence «l'ouverture du mont du Temple aux Juifs 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7».

Un Palestinien prie alors que les forces de sécurité israéliennes escortent un groupe de colons juifs visitant l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa, le 2 juin 2019 (Photo, AFP).

Ce jour-là, 500 membres du mouvement des colons israéliens sont entrés sur le site. Le lendemain, cinquième jour de la fête juive de Souccot, plus de 1 000 personnes ont pénétré de force dans l'enceinte, répétant un spectacle qui, ces derniers mois, s'est répété de plus en plus souvent.

Cette fois, l'incursion, à laquelle ont assisté des membres des forces de sécurité israéliennes, a valu au gouvernement israélien une réprimande de la part de la Jordanie qui, depuis 1924, est le gardien universellement reconnu du site, sous les auspices du département des affaires du Waqf de Jérusalem et de la mosquée Al-Aqsa, nommé par la Jordanie.

Dans une lettre de protestation adressée à l'ambassade d'Israël à Amman, le ministère jordanien des Affaires étrangères a condamné «les incursions de partisans radicaux, de colons et de membres de la Knesset dans la sainte mosquée Al-Aqsa sous la protection de la police» et «la restriction de l'accès des fidèles à la mosquée, la profanation de tombes islamiques et les attaques croissantes contre les chrétiens à Jérusalem occupée».

Selon Seidemann, la pensée idéologique qui sous-tend les incursions dans Al-Aqsa par «ce qui a commencé comme une petite frange, peut-être lunatique, est devenue plus courante».

« Le parti national religieux, la droite idéologique, notamment les ministres, considèrent Israël comme une continuation de l'histoire biblique ancienne. Pour eux, il s'agit du “troisième Commonwealth juif”, après le premier et le deuxième temples», a-t-il ajouté.

Le «premier temple» est le temple de Salomon. Les Juifs pensent qu'il a existé sur le site du Mont du Temple du XXe au VIe siècle avant notre ère, lorsqu'il a été détruit par le roi babylonien Nabuchodonosor II en 587 avant notre ère. Le «second temple», qui l'a remplacé, a été détruit par les Romains en 70 de notre ère.

«Du point de vue de la droite religieuse, la plus grande erreur commise par Israël depuis 1967 a été la décision de Moshe Dayan (alors ministre de la Défense) d'enlever les drapeaux israéliens sur le Mont du Temple et de remettre les clés au Waqf», a révélé Seidemann.

La police des frontières israélienne monte la garde près des détecteurs de métaux nouvellement installés à l'entrée du complexe d'Al-Aqsa dans la vieille ville de Jérusalem, le 16 juillet 2017 (Photo, AFP).

Après la victoire de la guerre des Six Jours en 1967, Israël a occupé Jérusalem-Est, notamment le Haram al-Charif, et l’occupe depuis lors.

Le 7 juin 1967, peu après que les parachutistes israéliens ont pris d'assaut l'enceinte, leur commandant, le colonel Motta Gur, a transmis par radio au quartier général un message qui, depuis lors, a fait vibrer la corde sensible des Israéliens de droite: «Le Mont du Temple est entre nos mains.»

Controversé, parce qu'il ne resterait pas longtemps entre leurs mains.

L'histoire raconte que Dayan observait la scène à l'aide de jumelles lorsque, à sa grande horreur, il vit que l'un des parachutistes était monté au sommet du Dôme du Rocher et avait hissé le drapeau israélien.

Dayan, parfaitement conscient de l'impact de ce symbolisme grossier sur le monde islamique, ordonna le retrait immédiat du drapeau. Plus tard, debout près du Mur occidental, au moment de la victoire d'Israël, Dayan fit une déclaration remarquablement conciliante.

«À nos voisins arabes, nous tendons, surtout en ce moment, la main de la paix», a-t-il déclaré. «Aux membres des autres religions, chrétiens et musulmans, je promets fidèlement que leur pleine liberté et tous leurs droits religieux seront préservés.

«Nous ne sommes pas venus à Jérusalem pour conquérir les lieux saints des autres», a-t-il assuré.

Des personnes se tiennent près des Palestiniens tués lors des frappes aériennes israéliennes sur l'hôpital Ahli Arab dans le centre de Gaza après avoir été transportés à l'hôpital Al-Chifa, le 17 octobre 2023 (Photo, AFP).

Les clés des portes et la responsabilité du maintien de l'ordre et du contrôle de l'enceinte d'Al-Aqsa ont été rendues au Waqf.

Au cours des décennies suivantes, les Juifs ont été autorisés à pénétrer dans l'enceinte certains jours, par la porte des Maghrébins. C'était la seule entrée par laquelle les non-musulmans pouvaient accéder à l'esplanade.

Selon Seidemann, tout cela a commencé à changer après 2003, lorsque le gouvernement israélien a imposé unilatéralement de nouvelles dispositions qui ont de plus en plus marginalisé le Waqf.

Aujourd'hui, c'est la police israélienne qui décide qui peut ou ne peut pas visiter l'enceinte, qui voit un nombre croissant de colons et d'autres activistes revendiquer le site.

«Ils croient que la raison d'être de ce gouvernement est de revenir sur la décision de Dayan parce qu'elle entrave le déroulement du plan divin qu'est Israël», a précisé Seidemann. «Cela est devenu un courant dominant.»

Ceci est également devenu un article de foi pour de nombreux membres du Cabinet israélien, malgré la déclaration de Benjamin Netanyahou (Premier ministre actuel) en 2015, à la demande du secrétaire d'État américain, John Kerry, selon laquelle «Israël continuera d'appliquer sa politique de longue date: Les musulmans prient sur le Mont du Temple; les non-musulmans visitent le Mont du Temple.»

À l'époque, le secrétaire général de l'OLP, Saeb Erekat, avait rejeté les assurances de Netanyahou.

Des soldats israéliens positionnés à l'extérieur du kibboutz Beeri près de la frontière avec la bande de Gaza, le 17 octobre 2023 (Photo, AFP).

«Avant l'an 2000, les touristes entraient dans le Haram al-Charif sous la garde des employés du département du Waqf et les non-musulmans n'étaient pas autorisés à y prier», a déclaré Erekat, cité par le Jerusalem Post.

«Mais aujourd'hui, les Israéliens ont changé les réglementions et les touristes peuvent visiter le site après avoir reçu un permis des autorités israéliennes et sous la protection de la police israélienne», a spécifié Seidemann.

Depuis lors, les provocations se sont multipliées. En janvier de cette année, une visite du ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite, Ben-Gvir, dans l'enceinte d'Al-Aqsa a été qualifiée de «provocation irresponsable de plus» par le journal israélien Haaretz.

Il s'agissait, selon Seidemann, d'une «visite triomphale, pour leur montrer qui est le patron».

Encouragés par des hommes politiques tels que Ben-Gvir, les membres des groupes de colons, du mouvement du Mont du Temple et du parti national religieux se pressent de plus en plus à Al-Aqsa, même si, en vertu d'une loi rabbinique établie de longue date et liée à des concepts de pureté rituelle, les Juifs n'ont pas le droit d'entrer sur le site.

«En mai dernier, des milliers de jeunes Israéliens religieux d'extrême droite célébrant la victoire de 1967 ont défilé dans le quartier musulman en criant “Mort aux Arabes”.  C'était tout simplement horrible. Je pense que c'est le pire jour dont je me souvienne à Jérusalem», a déclaré Seidemann.

Avant la marche, des centaines d'ultranationalistes sont entrés dans l'enceinte d'Al-Aqsa.

«Ils auraient pu emprunter toutes sortes d'autres voies, mais ils sont passés par le quartier musulman, pour leur montrer que “vous êtes chez nous, nous sommes les propriétaires et vous êtes les locataires”», a-t-il éclairci.

Un garde-frontière israélien intervient alors que des participants à un rassemblement annuel de l'extrême droite israélienne, brandissant des drapeaux, battent des Palestiniens pendant l'événement dans la vieille ville de Jérusalem, le 18 mai 2023 (Photo, AFP).

Et les musulmans ne sont pas les seuls à subir cette nouvelle vague d'intolérance religieuse, a affirmé Seidemann.

«Au cours des derniers mois, il y a également eu une forte augmentation des crimes de haine contre les chrétiens, inspirée, je pense, par certains membres du gouvernement, qui ne l'a condamné que la semaine dernière, pour la première fois après huit mois. Entre-temps, ni le maire de Jérusalem ni le Conseil municipal ne l'ont condamné.»

Les extrémistes font également pression pour la construction d'un parc national sur le Mont des Oliviers, un site d'une importance capitale pour la foi chrétienne.

«C’est le reflet de ce qui se passe à Al-Aqsa», a déclaré Seidemann. «Un lieu saint chrétien est transformé par les colons en un lieu saint judéo-chrétien partagé, de la même manière que le mouvement du Mont du Temple veut transformer Al-Aqsa d'un site musulman en un site judéo-musulman partagé.»

Ce n'est pas que les hommes politiques qui tentent de saboter le statu quo à Jérusalem «soient nécessairement racistes par nature», estime Seidemann.

«C'est qu'ils comprennent que parler avec empathie et respect de l'égalité des autres, musulmans, arabes ou chrétiens, est un handicap électoral et qu'ils perdront des voix au sein de leur base», a-t-il expliqué.

«Personnellement, j’aurais préféré qu’ils soient racistes parce qu’autrement, ceci est un reflet de ce que nous sommes devenus.

«En 1967, Israël a annexé Jérusalem. Tous les premiers ministres israéliens, jusqu'à Netanyahou, ont dit: «Nous ne devons pas forcer les choses, surtout en ce qui concerne les sites religieux. Nous sommes également les gardiens des sites les plus importants du christianisme et de l'islam, nous traiterons cette question avec sensibilité et respect.»

La famille d'un enfant palestinien tué lors d'une frappe aérienne israélienne pleure devant l'hôpital de Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 17 octobre 2023 (Photo, AFP).

Aujourd'hui, Seidemann craint qu'Israël, de plus en plus sous l'emprise de groupes religieux et d'hommes politiques extrémistes, ne se perde.

«L'occupation n'est pas ce que nous faisons», a-t-il déclaré. «L'occupation, c'est ce que nous sommes devenus, et ceci sape les fondements moraux de la société israélienne.»

Al-Aqsa, «est en train de devenir l’arène de conflit par excellence entre Israéliens et Palestiniens, juifs et musulmans. Cela n'ennoblit l'âme d'aucun d'entre nous et, dans une certaine mesure, a souillé un lieu très sacré», a-t-il ajouté.

Le 6 septembre, Tamir Pardo, ancien chef du Mossad, l'agence de renseignement israélienne, a déclaré à l'Associated Press qu'Israël appliquait un système d'apartheid en Cisjordanie. «Il a annoncé cela avant le début de la guerre, mais je pense qu'il le dirait encore aujourd'hui», a jugé Seidemann.

«Il a souligné qu'il n'y avait qu'une seule menace existentielle pour Israël dans cette génération. Ce n'est pas la menace nucléaire iranienne – nous pouvons y faire face. Il ne s'agit pas non plus de 100 000 roquettes du Hezbollah – c'est horrible, mais nous pouvons y faire face.

«Mais Israël ne peut survivre en tant que puissance d'occupation perpétuelle. Israël mettra fin à l'occupation, ou c’est l'occupation qui sera notre fin», a soutenu Seidemann.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Comment l’initiative diplomatique saoudo-française a rapproché la Palestine d’un pas vers la reconnaissance d’un État

Le résultat du vote sur une résolution approuvant la Déclaration de New York est affiché à l'écran lors de la deuxième séance plénière de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la question de la Palestine au siège de l'ONU à New York, le 12 septembre 2025. (Photo de l'ONU)
Le résultat du vote sur une résolution approuvant la Déclaration de New York est affiché à l'écran lors de la deuxième séance plénière de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la question de la Palestine au siège de l'ONU à New York, le 12 septembre 2025. (Photo de l'ONU)
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  • Les deux pays ont obtenu un large soutien à l’Assemblée générale de l’ONU : 142 nations ont approuvé leur déclaration en faveur de la solution à deux États
  • La Déclaration de New York, issue d’une conférence saoudo-française en juillet, exige un cessez-le-feu à Gaza, le désarmement du Hamas et la reconnaissance d’un État palestinien

DUBAÏ : Lors d’un vote historique vendredi, 142 pays ont soutenu une déclaration saoudo-française à l’Assemblée générale de l’ONU appelant à la création d’un État palestinien indépendant, signalant que l’offensive diplomatique menée par Riyad mobilise un consensus mondial sans précédent en faveur d’une solution à deux États pour résoudre un conflit vieux de plusieurs décennies.

Le vote en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », qui appelle à une solution à deux États sans implication du Hamas, représente une nouvelle étape dans la pression internationale croissante sur Israël pour qu’il mette fin à sa guerre à Gaza. Ce conflit a fait plus de 64 000 morts, selon les autorités sanitaires locales, des dizaines de milliers de blessés, et provoqué des conditions de famine dans un contexte de catastrophe humanitaire croissante.

Le président français Emmanuel Macron a déclaré que l’adoption de la déclaration par l’Assemblée générale de l’ONU montre que la communauté internationale est en train de « tracer une voie irréversible vers la paix au Moyen-Orient ».

« Un autre avenir est possible. Deux peuples, deux États : Israël et Palestine, vivant côte à côte en paix et en sécurité », a-t-il écrit vendredi dans un post sur X.

Le ministère saoudien des Affaires étrangères a salué l’adoption de la déclaration, affirmant qu’elle « confirme le consensus international pour avancer vers un avenir pacifique dans lequel le peuple palestinien obtient son droit légitime à établir un État indépendant sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale ».

La « Déclaration de New York », issue d’une conférence internationale organisée par l’Arabie saoudite et la France en juillet au siège de l’ONU, appelle à un cessez-le-feu à Gaza, à la libération de tous les otages, au désarmement du Hamas et au transfert de ses armes à l’Autorité palestinienne sous supervision internationale, ainsi qu’à la création d’un État palestinien indépendant.

Elle aborde également la normalisation des relations entre Israël et les pays arabes, et propose le déploiement d’une « mission internationale temporaire de stabilisation » en Palestine, sous mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, afin de soutenir la population civile palestinienne et de transférer les responsabilités sécuritaires à l’Autorité palestinienne.

Ce vote ouvre désormais la voie à une conférence d’une journée à l’ONU sur la solution à deux États, coprésidée par Riyad et Paris, prévue pour le 22 septembre, au cours de laquelle plusieurs pays — dont la France, le Royaume-Uni, le Canada, la Belgique et l’Australie — se sont engagés à reconnaître formellement l’État de Palestine.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été adoptée vendredi avec un soutien massif : 142 pays ont voté pour, seuls 10, dont Israël et son principal allié, les États-Unis, ont voté contre, tandis que 12 nations se sont abstenues.

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La liste des nations qui ont voté en faveur de la résolution approuvant la Déclaration de New York est affichée à l'écran lors de la deuxième séance plénière de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la question de la Palestine au siège de l'ONU à New York, le 12 septembre 2025. (Photo de l'ONU)

La déclaration, qui incarne les efforts diplomatiques croissants de l’Arabie saoudite en faveur d’un État palestinien, avait déjà été approuvée par la Ligue arabe et cosignée en juillet par 17 États membres de l’ONU, dont plusieurs pays arabes.

Le résultat du vote de vendredi a été fermement condamné par les États-Unis et Israël. Le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Oren Marmorstein, a qualifié l’adoption de la déclaration de « honteuse », affirmant que son pays la « rejette catégoriquement » et qualifiant l’Assemblée générale de l’ONU de « cirque politique déconnecté de la réalité ».

De même, Morgan Ortagus, vice-envoyée spéciale américaine pour le Moyen-Orient, a dénoncé l’action de l’Assemblée générale comme « une nouvelle opération de communication malavisée et mal chronométrée », accusant l’ONU de récompenser le Hamas et de saper les efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre à Gaza. Elle a ajouté que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé pour mettre un terme au conflit.

Le Hamas, de son côté, a déclaré qu’il refusait de déposer les armes tant qu’un État palestinien souverain ne serait pas établi.

Ces appels croissants en faveur d’un État palestinien interviennent alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou continue d’intensifier le conflit. Mardi, il a autorisé des frappes aériennes contre des cibles du Hamas au Qatar, lors d’une réunion examinant une proposition de cessez-le-feu américaine — une décision largement condamnée au Moyen-Orient et au-delà, pour avoir sapé les efforts de paix et violé la souveraineté du Qatar.

Sous son autorité, Israël poursuit une offensive militaire majeure à Gaza-ville, malgré l’indignation internationale. Jeudi, la veille du vote à l’ONU, Netanyahou a déclaré qu’« il n’y aura pas d’État palestinien », en signant un accord pour avancer sur le projet controversé d’expansion des colonies dans la zone E1, qui diviserait la Cisjordanie et compromettrait davantage la possibilité d’un État palestinien.

Des analystes ont averti que, bien que symbolique sans mesures concrètes immédiates, l’adoption de la déclaration à l’ONU représente une défaite diplomatique stratégique pour Israël, même si ce dernier revendique des victoires militaires.

Hani Nasira, écrivain, universitaire et analyste politique égyptien, estime que le large soutien à la déclaration reflète le rejet international croissant des pratiques du gouvernement d’extrême droite de Netanyahou, ainsi que l’embarras grandissant pour les États-Unis, son principal allié.

« Israël a perdu son image sur la scène internationale, et l’opposition au gouvernement Netanyahou s’est intensifiée tant à l’échelle mondiale qu’au sein même du pays. Ceux qui le soutiennent aujourd’hui se retrouvent dans une position profondément embarrassante », a déclaré Nasira à Arab News.

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Des Palestiniens déplacés évacuant la ville de Gaza vers le sud se déplacent à pied et en véhicule le long de la route côtière à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 13 septembre 2025. (AFP)

Il a déclaré que la décision de Netanyahou de persister dans cette voie semble intenable pour les citoyens israéliens, la région et le monde dans son ensemble.

« L’inquiétude aujourd’hui ne concerne pas seulement la Palestine, mais la menace s’est étendue à la sécurité du Golfe. Les dernières attaques ont compromis le rôle du Qatar comme médiateur et ébranlé l’image de Washington en tant qu’allié fiable » », a affirmé Nasira, avertissant que les actions d’Israël sont facteurs de déstabilisation régionale.

Si la création d’un État palestinien est considérée comme la solution, cette perspective reste hors de portée à court terme.

Nasira a souligné que l’agression continue d’Israël dans la région, le discours provocateur de Netanyahou, y compris sa vision d’un « Grand Israël », ainsi que les profondes divisions internes au sein des factions palestiniennes, constituent des obstacles majeurs au plan de paix.

Il a averti que la région se trouve à un « tournant » nécessitant l’exploration d’alternatives réalistes, « sans se laisser entraîner par l’extrémisme de Netanyahou, qui menace non seulement le processus de paix, mais toute la région ».

Nasira a conclu en affirmant que les violations commises par Israël à Gaza mettent en lumière la nécessité d’un ordre mondial multipolaire, plutôt qu’un ordre dominé par les États-Unis — en particulier sous une seconde présidence de Donald Trump.

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Des manifestants participent à une manifestation sur la "place des otages" à Tel Aviv le 13 septembre 2025, appelant Israël à un cessez-le-feu dans sa guerre contre Gaza afin de ne pas mettre en danger la vie des captifs encore aux mains des militants palestiniens. (AFP)

La lourde défaite diplomatique d’Israël à l’Assemblée générale de l’ONU reflète un net changement de ton de plusieurs pays européens à l’égard de sa conduite à Gaza et dans les territoires occupés.

Cinq pays européens, dont l’Espagne, les Pays-Bas et l’Irlande, ont désormais interdit toutes les importations en provenance des colonies israéliennes illégales, tandis que les institutions de l’UE appellent à la suspension de certaines parties de l’accord d’association UE-Israël et envisagent des sanctions.

La Slovénie, l’Allemagne et l’Espagne ont commencé à imposer un embargo sur les armes à destination d’Israël. Cette vague de soutien en faveur de la reconnaissance de la Palestine est également perçue comme un moyen d’accroître la pression sur Israël pour qu’il mette fin à sa guerre à Gaza, déclenchée par l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023.

Nasira a déclaré que ce vote historique reflète aussi l’influence diplomatique croissante de l’Arabie saoudite, tant sur le plan régional qu’international, en particulier concernant la cause palestinienne.

« L’influence de l’Arabie saoudite repose sur son statut mondial, sa puissance économique, son symbolisme islamique, la notoriété du prince héritier Mohammed ben Salmane sur la scène internationale, ainsi que sur une diplomatie équilibrée et efficace du Royaume, qui résonne au niveau régional et international », a déclaré Nasira à Arab News.

Les efforts diplomatiques du Royaume ont été salués par les observateurs et analystes pour avoir relancé l’élan mondial en faveur de la solution à deux États, après des années de moindre attention avant la guerre à Gaza.

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Cette photo prise le 16 octobre 2024 montre le président français Emmanuel Macron (G) et le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman à Bruxelles. La France et l'Arabie saoudite ont initié ce qui est désormais connu comme la Déclaration de New York, appelant à un État palestinien indépendant, que l'Assemblée générale de l'ONU a adopté vendredi. (AFP)

L’élan s’appuie sur l’Initiative de paix arabe menée par l’Arabie saoudite, adoptée lors du sommet de la Ligue arabe à Beyrouth en 2002, qui proposait la normalisation entre les États arabes et Israël en échange d’un retrait complet d’Israël des territoires occupés — notamment la Cisjordanie, Gaza et le plateau du Golan — la création d’un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale, ainsi qu’une résolution juste de la question des réfugiés palestiniens.

La « Déclaration de New York » est perçue comme un consensus mondial autour de cette initiative, la positionnant efficacement comme la base d’un dialogue international renouvelé sur la solution à deux États.

Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza, le Royaume a mené une action internationale pour obtenir un cessez-le-feu et jeter les bases d’une paix durable et stable en Palestine.

Au cours des deux dernières années, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal, a porté l’engagement diplomatique du Royaume en parrainant des conférences internationales, en construisant de larges alliances avec des nations partenaires, et en fournissant un financement crucial pour l’aide alimentaire et médicale aux Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie.

En septembre 2024, le prince Faisal a annoncé la création de l’Alliance mondiale pour la mise en œuvre de la solution à deux États, mobilisant 90 États dans le but de mettre fin au conflit israélo-palestinien de longue date.

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Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Faisal bin Farhan Al-Saud, (G) et le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, président une conférence sur la Palestine et la solution à deux États à l'ONU, le 29 juillet 2025 à New York. (AFP)

Le Royaume a tenu des réunions de suivi à Riyad, Bruxelles et Oslo dans les mois suivants, se concentrant sur des points d’action concrets identifiés par les participants.

Ce même mois, le prince héritier Mohammed ben Salmane a exclu tout accord de normalisation saoudien avec Israël sans la création d’un « État palestinien indépendant ».

Ces efforts diplomatiques ont culminé lors de la conférence saoudo-française à l’ONU en juillet, qui visait à établir un cadre politique clair, au-delà des simples déclarations, pour mettre fin à la guerre à Gaza et faire pression en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien conformément aux résolutions de l’ONU.

Le succès de cette initiative a été souligné par le prince héritier Mohammed ben Salmane lors de son allocution mercredi devant le Conseil consultatif saoudien (Shoura), où il a déclaré que « la conférence internationale sur la mise en œuvre de la solution à deux États, tenue à New York, a permis une mobilisation sans précédent et renforcé le consensus mondial » autour de l’Initiative de paix arabe.

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Des manifestants brandissent des drapeaux palestiniens et tiennent une banderole sur laquelle on peut lire "Arrêtez d'affamer Gaza" au Palais de Westminster, qui abrite les Chambres du Parlement, dans le centre de Londres, le 4 juin 2025, lors d'une manifestation de soutien à Gaza. (AFP)

Il a déclaré que les efforts du Royaume ont porté leurs fruits en incitant davantage de pays à reconnaître la Palestine et en recueillant un soutien international accru en faveur de la mise en œuvre d'une solution à deux États, appelant d'autres pays à suivre cet exemple.

Condamnant les « crimes de famine et de déplacement forcé » d’Israël à Gaza, il a réitéré la position du Royaume selon laquelle « la terre de Gaza est palestinienne, et les droits de son peuple sont inébranlables, ne pouvant être ni ôtés par l’agression ni annulés par les menaces », tout en soulignant un soutien indéfectible au Qatar suite aux attaques israéliennes.

La région attend désormais les résultats du sommet d’urgence arabo-islamique, organisé par le Qatar dimanche, pour discuter d’une réponse collective à l’attaque israélienne contre Doha.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Sommet à Doha pour discuter de la riposte arabo-islamique à l’attaque israélienne contre le Qatar

Une photo prise le 15 octobre 2022 montre une vue de la ligne d'horizon de la capitale qatarie Doha. (AFP)
Une photo prise le 15 octobre 2022 montre une vue de la ligne d'horizon de la capitale qatarie Doha. (AFP)
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  • Un sommet arabo-islamique extraordinaire discutera de l’attaque israélienne contre l’État du Qatar ciblant des hauts responsables du Hamas

DUBAÏ : Le ministère des Affaires étrangères du Qatar a déclaré samedi qu’un sommet arabo-islamique d’urgence, qui se tiendra dans la capitale Doha, discutera d’un projet de résolution concernant l’attaque israélienne contre l’État du Golfe, selon l’Agence de presse du Qatar (QNA).

« Le sommet examinera un projet de résolution sur l’attaque israélienne contre l’État du Qatar, présenté par la réunion préparatoire des ministres des Affaires étrangères arabes et islamiques, prévue demain dimanche », a déclaré à la QNA le porte-parole du ministère, Majid ben Mohammed Al Ansari.

Le ministère avait annoncé plus tôt que Doha accueillerait un sommet arabo-islamique extraordinaire pour débattre de l’attaque israélienne contre l’État du Qatar visant des dirigeants de haut rang du Hamas.

Al Ansari a souligné que « la tenue de ce sommet arabo-islamique à ce moment précis revêt une importance particulière, car elle reflète la large solidarité arabe et islamique avec l’État du Qatar face à l’agression israélienne lâche ».

La réunion préparatoire des ministres des Affaires étrangères se tiendra dimanche. Le sommet débutera lundi.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Gaza : Israël affirme que 250 000 habitants ont fui la ville, 32 morts dans de nouvelles frappes

Les habitants de Gaza ont déclaré que le coût du voyage vers le sud était prohibitif et qu'il n'y avait plus d'espace pour planter des tentes dans les zones désignées. (AFP)
Les habitants de Gaza ont déclaré que le coût du voyage vers le sud était prohibitif et qu'il n'y avait plus d'espace pour planter des tentes dans les zones désignées. (AFP)
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  • Plus de 250 000 habitants auraient fui Gaza-ville ces dernières semaines, selon l'armée israélienne qui multiplie les frappes et ordonne des évacuations massives, malgré les risques humanitaires
  • La guerre, déclenchée après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, a causé plus de 64 000 morts à Gaza selon le ministère de la Santé local

Jérusalem: L'armée israélienne a affirmé samedi que plus de 250.000 habitants avaient quitté ces dernières semaines la ville de Gaza vers d'autres secteurs du territoire palestinien, après une intensification des bombardements et raids israéliens.

De son côté, la Défense civile dans la bande de Gaza a fait état de cinq Palestiniens tués depuis l'aube dans les bombardements israéliens, au lendemain de la mort selon elle d'au moins 50 personnes à travers le territoire assiégé et dévasté par 23 mois de guerre.

"Selon les estimations de l'armée, plus d'un quart du million d'habitants de la ville de Gaza l'ont quittée pour leur propre sécurité", a déclaré le porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee, sur X.

Selon des estimations récentes de l'ONU, environ un million de Palestiniens vivent dans et autour de la ville de Gaza, la plus grande du territoire.

Compte tenu des restrictions imposées aux médias à Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les informations des différentes parties.

L'armée dit vouloir prendre le contrôle de Gaza-ville, qu'elle présente comme l'un des derniers bastions du mouvement islamiste palestinien Hamas.

Samedi, l'armée de l'air israélienne a largué des tracts exhortant les habitants des quartiers ouest de la ville à les évacuer, alors que la Défense civile locale a fait état de frappes aériennes continues.

"L'armée agit avec force dans votre secteur et est déterminée à démanteler et à vaincre le Hamas", pouvait-on lire dans le tract. "Pour votre sécurité, évacuez immédiatement via la rue al-Rachid vers le sud (du territoire). Vous avez été prévenus."

Les forces israéliennes ont détruit plusieurs tours d'habitation à Gaza-ville ces derniers jours, l'armée affirmant son intention d'"intensifier le rythme (de ses) frappes ciblées (...) afin de nuire aux infrastructures terroristes du Hamas (...) et réduire la menace pour (ses) troupes".

De nombreux acteurs humanitaires jugent que le déplacement une nouvelle fois de la population du nord vers le sud du territoire est impossible et dangereux.

La guerre à Gaza a été déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël, qui a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des sources officielles israéliennes.

L'offensive israélienne menée en riposte à fait au moins 64.756 morts dans la bande de Gaza, selon des données du ministère de la Santé de Gaza, placé sous l'autorité du Hamas. Elle a aussi dévasté le territoire palestinien et provoqué un désastre humanitaire.

L'ONU a déclaré la famine à Gaza. Israël, qui assiège le territoire, dément.