Les économies des pays arabes peuvent-elles supporter une extension du conflit?

Les civils palestiniens de Gaza ont vu leurs maisons dévastées depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, le 7 octobre (Photo, AFP).
Les civils palestiniens de Gaza ont vu leurs maisons dévastées depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, le 7 octobre (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 24 octobre 2023

Les économies des pays arabes peuvent-elles supporter une extension du conflit?

  • L'essentiel de l'impact devrait être ressenti par des économies déjà en crise, notamment la Syrie, le Liban et l'Irak
  • La distance géographique par rapport à la zone de guerre à Gaza offre potentiellement une marge de manœuvre à certains pays arabes

LONDRES: Les médias occidentaux ont beau mettre en garde contre les «conséquences dramatiques» pour l'économie mondiale d'un débordement du conflit à Gaza dans les pays voisins, les spécialistes du Moyen-Orient estiment que le poids économique de la propagation du conflit sera porté par les pays de la région touchés par la crise.

Un certain nombre de développements sont perçus comme un présage des événements à venir. Au Liban, le Hezbollah et les factions palestiniennes alliées échangent quotidiennement des tirs transfrontaliers avec Israël. Un navire de la marine américaine a intercepté des missiles lancés par la milice houthie au Yémen. Deux bases américaines en Syrie ont essuyé des tirs. En Irak, des drones et des roquettes ont tiré sur les forces américaines.

Plusieurs pays, dont l'Arabie saoudite, le Koweït, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France et le Canada, ont incité leurs ressortissants à éviter de se rendre au Liban ou à quitter le pays tant que des vols sont encore disponibles.

Ali Metwally, expert basé à Londres, estime que les économies de l'Irak, du Liban et de la Syrie sont les plus menacées, prévoyant une probabilité de 60% de «conflit prolongé» et une «implication croissante» des acteurs régionaux, y compris des milices soutenues par l'Iran.

«Si le Hezbollah entrait en conflit avec Israël, le Liban subirait probablement des conséquences économiques importantes en raison de son association étroite avec le groupe et de la possibilité d'un engagement militaire direct», a-t-il déclaré à Arab News.

Une fillette palestinienne transporte une couverture tandis qu'elle passe devant le site d'une explosion meurtrière à l'hôpital Al-Ahli, dans la ville de Gaza (Photo, AFP).

Les secteurs du tourisme et de l'hôtellerie du Liban, qui contribuent largement à son économie axée sur les services, seraient les plus touchés, tandis que ses chaînes d'approvisionnement seraient perturbées par «tout dommage ou fermeture du port de Beyrouth», ce qui entraînerait des «pénuries de biens essentiels» et «alimenterait l'hyperinflation actuelle».

Compte tenu de l'effondrement financier de 2019 et de la paralysie qui en a résulté pour les banques libanaises, M. Metwally estime que tout nouveau choc ne servirait qu'à effrayer les déposants et les investisseurs restants.

De même, la Syrie, qui a été un terrain d'affrontement par procuration depuis le début de la guerre civile en 2011, a enduré des coûts d'intrants et des taux d'inflation élevés, des pénuries de carburant et de médicaments, un effondrement de la monnaie, des infrastructures dévastées et une pénurie d'eau durant pratiquement une décennie.

Selon les Nations unies, plus de 90% de la population vit sous le seuil de pauvreté et 15 millions de Syriens ont besoin d'une aide humanitaire. Les sanctions actuelles de l'Union européenne et des États-Unis n'ont fait qu'aggraver la situation, notamment en limitant la capacité des gouvernements qui ont rétabli des liens diplomatiques avec la Syrie à investir dans la reconstruction du pays.

Selon M. Metwally, si un conflit plus large venait à s'ajouter à ce mélange, les flux d'aide pourraient être interrompus en raison de la «possibilité que la communauté internationale réoriente les efforts d'aide à la reconstruction et à la stabilisation de la Syrie vers la résolution du nouveau conflit, laissant ainsi le pays avec moins de ressources pour la reconstruction d'après-guerre».

Depuis le Liban, le Hezbollah et leurs alliés parmi les factions palestiniennes échangent quotidiennement des tirs avec Israël (Photo, AFP).

Les préoccupations de M. Metwally sont partagées par Ammar Abdulhamid, un analyste politique basé aux États-Unis, qui a déclaré qu'une guerre plus étendue «signifie que les deux pays – la Syrie et le Liban – deviendront des champs de bataille, et que tous les dirigeants dans les deux pays seront décimés. Les deux États s'effondreront en tant que tels, et pas seulement leurs économies».

Notant qu'il est probable que diverses milices et groupes irakiens prennent parti dans toute crise qui s'ensuivrait, M. Metwally a souligné que le pays ne manque pas de conflits internes, où les «tensions sectaires» sont une source d'inquiétude permanente.

Étant donné que «l'Irak dépend fortement du secteur pétrolier pour générer des revenus et créer des emplois, l'aggravation des problèmes de sécurité pourrait entraîner des attaques contre les infrastructures pétrolières ou entraver l'acheminement du pétrole par des voies de transport essentielles, ce qui réduirait les recettes pétrolières de l'Irak et creuserait le déficit budgétaire du pays après une période d'excédent convenable».

Compte tenu de tout ce qu'il a traversé, l'Irak a trouvé un degré de stabilité sans précédent au cours des deux dernières décennies, et l'économie se redresse progressivement depuis 2021, selon un rapport de la Banque mondiale.

En chiffres

- 270,36 milliards de dollars: PIB de l'Irak (2022)

- 22,4 milliards de dollars: PIB de la Syrie (2019)

- 20,48 milliards de dollars: PIB du Liban (2021)

Source: Statista

En 2022, le pays a engrangé environ 115 milliards de dollars (1 dollar = 0,94 euro) de recettes pétrolières, grâce à la hausse des prix de l'énergie qui a suivi la guerre de la Russie contre l'Ukraine et les sanctions occidentales qui en ont découlé pour la Russie. Fort de cette manne pétrolière, le gouvernement irakien a alloué 153 milliards de dollars pour le budget 2023.

Alors que M. Abdulhamid pense que la distance géographique de l'Irak par rapport à la Palestine lui offre potentiellement «une certaine marge de manœuvre», M. Metwally craint que «tout détournement» des ressources financières pour traiter les questions de sécurité ne grève le budget du gouvernement, limitant ainsi les services publics essentiels.

Les économies de l’Irak, du Liban et de la Syrie sont particulièrement en danger, selon les experts (Photo, AFP).

M. Abdulhamid a reconnu l'existence d'un volant budgétaire, mais a déclaré que le Corps des gardiens de la révolution islamique, «agissant par l'intermédiaire de ses mandataires et de ses milices loyalistes, en siphonnera la majeure partie et tentera d'utiliser les richesses irakiennes comme trésor de guerre. Ainsi, si la guerre dure trop longtemps (plusieurs mois), les risques de conflits intercommunautaires et interrégionaux augmenteront à mesure que l'économie irakienne implosera. L'Iran suivra le mouvement».

Si cela se produisait, tous deux ont déclaré que même les économies régionales les plus robustes, y compris les pays du Golfe qui bénéficient actuellement d'une manne pétrolière, en subiraient les conséquences. Selon M. Metwally, bien que le risque soit actuellement faible, si les expéditions de pétrole dans le golfe Arabique et la mer Rouge étaient interrompues, les recettes pétrolières de ces pays pourraient en pâtir.

M. Abdulhamid a déclaré que le sort des autres pays de la région, en particulier les États du Golfe, dépendrait en grande partie de «la mesure dans laquelle les États-Unis sont prêts à les aider à sécuriser leurs frontières». Il explique: «Certaines parties, en particulier l'Iran et ses mandataires, mais aussi la Russie et la Chine, ont tout à gagner d'un conflit sanglant prolongé à Gaza, car elles peuvent marquer des points contre Israël, les États-Unis et l'Europe.»

Si les analystes sont tous d'accord sur la question de savoir qui sera le plus durement touché sur le plan économique, ils sont moins unanimes sur les perspectives d'extension du conflit. M. Abdulhamid est convaincu que les combats seront contenus, soulignant que «tout le monde a beaucoup à perdre, mais il y a une possibilité limitée que les parties s'embourbent.»

De même, l'analyste canadien d'origine syrienne Camille Alex Otrakji ne croit pas que la guerre soit inévitable malgré la montée de la rhétorique belliqueuse. «Il est fort probable qu'Israël, les États-Unis, l'Iran et le Hezbollah peaufinent et réévaluent constamment un large éventail de plans d'urgence, englobant à la fois des stratégies défensives et des stratégies offensives proactives», a-t-il affirmé.

Selon l’ONU, plus de 90% de la population syrienne vit sous le seuil de pauvreté et 15 millions d’entre eux nécessitent de l’aide humanitaire (Photo, AFP).
Selon l’ONU, plus de 90% de la population syrienne vit sous le seuil de pauvreté et 15 millions d’entre eux nécessitent de l’aide humanitaire (Photo, AFP).

«Toutefois, la mesure dans laquelle chaque partie est prête à une escalade reste une énigme pour les observateurs internationaux.»

«Les expressions de confiance et de détermination sont nombreuses sur tous les fronts, associées à des revendications de monopole incontestable sur la clarté morale. Pourtant, tous les acteurs ne cessent de lancer des avertissements à l'autre partie: “Si vous choisissez d'entrer dans ce conflit, soyez prêts à en supporter un coût incommensurable”, un sentiment qui découle souvent d'un désir commun d'éviter une nouvelle prolifération du conflit.

Néanmoins, M. Otrakji a présenté ce qu'il a décrit comme un échantillon des «scénarios inquiétants qui circulent jusqu'à présent», dans lesquels toute tentative d'Israël de s'emparer de Gaza aurait pour conséquence que le Hezbollah ciblerait les villes israéliennes avec des dizaines de milliers de missiles de haute précision, ce qui à son tour conduirait Israël et les États-Unis à viser la destruction de Damas, créant ainsi un vide de pouvoir en Syrie.

«Si les États-Unis entrent dans le conflit, les milices alliées de l'Iran, qui s'étendent de l'Irak au Yémen, pourraient lancer des attaques contre les bases américaines dans tout le Moyen-Orient», a-t-il ajouté. «Chaque fois que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, ou l'un des principaux penseurs stratégiques de Washington annonce l'avènement d'un “nouveau Moyen-Orient”, l'ancien Moyen-Orient refait surface et rappelle avec force sa complexité persistante.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


L’Égypte exhorte toutes les parties à exercer davantage de pression pour mettre fin au conflit à Gaza

De la fumée s’élève après qu’une frappe aérienne israélienne a touché des bâtiments situés près du mur séparant l’Égypte et Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le lundi 6 mai 2024. (Photo AP)
De la fumée s’élève après qu’une frappe aérienne israélienne a touché des bâtiments situés près du mur séparant l’Égypte et Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le lundi 6 mai 2024. (Photo AP)
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  • Le président Abdel Fattah al-Sissi salue les progrès réalisés lors des récents pourparlers
  • Le Caire avertit Israël que l’attaque de Rafah menace plus d’un million de personnes à Gaza

LE CAIRE: Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a salué les progrès réalisés lundi lors des pourparlers de paix visant à conclure une trêve dans la guerre menée par Israël à Gaza.

M. Al-Sissi a déclaré suivre «de près les développements positifs relatifs aux négociations en cours pour parvenir à une trêve globale dans la bande de Gaza».

Il a appelé toutes les parties à redoubler d’efforts pour parvenir à un accord qui mettra fin à la tragédie humaine du peuple palestinien et finalisera l’échange d’otages et de prisonniers.

Le Hamas a accepté lundi une proposition de cessez-le-feu sous la médiation de l’Égypte et du Qatar. Les démarches diplomatiques à fort enjeu et les manœuvres militaires ont fait naître une légère lueur d’espoir concernant la conclusion d’un accord. En effet, un accord pourrait au moins permettre de marquer une pause dans cette guerre qui dure depuis sept mois et qui a ravagé la bande de Gaza.

Un conflit entre l’armée israélienne et les groupes armés palestiniens dirigés par le Hamas se déroule principalement à l’intérieur et autour de la bande de Gaza depuis le 7 octobre. La guerre a commencé lorsque le Hamas a lancé une attaque surprise sur le sud d’Israël depuis la bande de Gaza, tuant environ 1 200 personnes et prenant 150 otages.

Les frappes israéliennes ultérieures contre Gaza ont contraint environ 80% des 2,3 millions d’habitants du territoire à fuir et elles ont causé des destructions massives d’appartements, d’hôpitaux, de mosquées et d’écoles dans plusieurs villes.

Selon les autorités sanitaires locales, le nombre de Palestiniens morts à Gaza s’élève à plus de 34 500.

Par ailleurs, le ministère égyptien des Affaires étrangères a rappelé qu’il avait mis en garde contre les dangers d’une éventuelle opération militaire israélienne dans la région de Rafah, à Gaza, «étant donné que cette escalade entraîne de graves dangers humanitaires qui menacent plus d’un million de Palestiniens résidant dans cette région».

Le ministère a appelé Israël à faire preuve de «la plus grande retenue» et à «s’abstenir de toute nouvelle escalade à ce moment extrêmement critique des négociations de cessez-le-feu, afin d’épargner la vie des civils palestiniens qui subissent une catastrophe humanitaire sans précédent depuis le début de la guerre».

Il a assuré que l’Égypte continuait à discuter avec toutes les parties pour éviter que la situation ne se détériore.

Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a évoqué la situation à Rafah avec son homologue émirati, le cheikh Abdallah ben Zayed al-Nahyane, lors d’un appel téléphonique.

Les deux ministres ont échangé sur la possibilité que l’armée israélienne mène une opération militaire dans la ville assiégée.

M. Choukri a réitéré sa mise en garde contre les dangers d’une escalade militaire israélienne à Rafah, qui est considérée comme la dernière zone relativement sûre de la bande de Gaza et le refuge de plus d’un million de Palestiniens.

Les ministres égyptien et émirati ont insisté sur l’urgence de parvenir à un accord de trêve qui permette l’échange d’otages et de détenus et garantisse un cessez-le-feu permanent.

Ils sont convenus de poursuivre les négociations avec les différentes parties afin d’éviter que le conflit ne s’étende à d’autres pays de la région.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Gaza : près de 60% des bâtiments endommagés ou détruits

Une vue générale montre la destruction dans la zone entourant l'hôpital Al-Shifa de Gaza après le retrait de l'armée israélienne du complexe abritant l'hôpital le 1er avril 2024 (AFP)
Une vue générale montre la destruction dans la zone entourant l'hôpital Al-Shifa de Gaza après le retrait de l'armée israélienne du complexe abritant l'hôpital le 1er avril 2024 (AFP)
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  • D'après les analyses satellites des chercheurs américains Corey Scher et Jamon Van Den Hoek, au 21 avril, 56,9% des bâtiments de la bande de Gaza avaient été endommagés ou détruits, soit 160 000 en tout
  • Dans le nord, la ville de Gaza, qui comptait 600 000 habitants avant la guerre, n'est que désolation avec près des trois quarts (74,3%) de ses bâtiments touchés.

PARIS: Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien il y a sept mois, l'offensive israélienne a causé, outre un lourd bilan humain et une grave crise humanitaire, des destructions d'une ampleur "énorme et sans précédent" dans la bande de Gaza.

La ville de Gaza aux trois quarts détruite

D'après les analyses satellites des chercheurs américains Corey Scher et Jamon Van Den Hoek, au 21 avril, 56,9% des bâtiments de la bande de Gaza avaient été endommagés ou détruits, soit 160.000 en tout. Et c'est au cours des deux/trois premiers mois du conflit que les destructions ont été les plus importantes, précise à l'AFP Corey Scher.

Depuis le 7 octobre et l'attaque sans précédent menée par le Hamas sur le sol israélien, qui a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes, l'armée israélienne pilonne sans relâche ce territoire exigu de 365 km2 et densément construit.

L'offensive israélienne a fait jusqu'à présent 34.789 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas dans le territoire palestinien assiégé par Israël. A 70% des femmes et des enfants, précise l'ONU.

Dans le nord, la ville de Gaza, qui comptait 600.000 habitants avant la guerre, n'est que désolation avec près des trois quarts (74,3%) de ses bâtiments touchés.

A la lisière sud du territoire, Rafah --devenue un refuge pour 1,4 million de Palestiniens, habitants et déplacés, selon les derniers chiffres de l'ONU-- est pour l'instant la ville la moins détruite (avec 33,9% de bâtiments touchés) mais l'armée israélienne y a déployé des chars mardi et l'a bombardée.

Cinq hôpitaux totalement détruits

Les hôpitaux sont souvent pris pour cible par l'armée israélienne, qui accuse le Hamas d'utiliser les civils comme boucliers humains. Le plus grand, celui d'al-Chifa dans la ville de Gaza, a été visé par une opération de l'armée israélienne. L'OMS a indiqué début avril qu'il avait été réduit à une "coquille vide" jonchée de dépouilles humaines.

Au cours des six premières semaines de la guerre, "60% des établissements de santé ont été déclarés endommagés ou détruits", détaille à l'AFP l'universitaire Corey Scher.

Aujourd'hui, cinq d'entre eux sont complètement détruits (selon des données OpenStreetMap, du ministère de la Santé du Hamas via l'Ocha, le bureau des Affaires humanitaires de l'ONU, et de l'Unosat, le centre satellitaire des Nations unies, compilées par l'AFP) et 28% fonctionnent partiellement, selon l'ONU.

Plus de 70% des écoles endommagées

Les bâtiments scolaires, qui servent de refuge aux déplacés notamment ceux sur lesquels flottent le drapeau bleu de l'ONU, payent également un lourd tribut : l'Unicef comptabilise, au 25 avril, 408 écoles endommagées (soit au moins 72,5% des 563 établissements qu'il a répertoriés). Parmi elles, 53 ont été totalement détruites et 274 directement touchées.

L'ONU estime que les deux tiers des établissements auront besoin d'une reconstruction complète ou de travaux de réhabilitation importants pour être à nouveau fonctionnels.

Pour les lieux de cultes, en combinant des données de l'Unosat et de OpenStreetMap, il ressort que 61,5% des mosquées ont été endommagées ou détruites.

Dresde

Une étude militaire américaine datant de 1954 reprise par le Financial Times indique que le bombardement de Dresde en 1945 avait endommagé 59% des bâtiments de la ville allemande. Un niveau de destruction largement dépassé dans le nord de la bande de Gaza. Et ce n'est que quarante ans plus tard, que la "Frauenkirche", l'église emblème de la ville, a vu sa reconstruction entamée, faute de financement. Le Havre, rasé à 85%, est la ville française la plus touchée à l'époque.

Alors que la guerre en Ukraine se poursuit depuis plus de deux ans, il y avait, fin avril, plus de débris et de gravats à déblayer à Gaza que dans le pays attaqué par la Russie, selon un responsable de l'ONU. L'organisation a estimé début mai à entre 30 et 40 milliards de dollars le coût de la reconstruction à Gaza. "L'ampleur de la destruction est énorme et sans précédent", a-t-elle affirmé.

"Le rythme des destructions enregistrées ne ressemble à rien de ce que nous avons étudié auparavant, il est beaucoup plus rapide et plus important", analyse Corey Scher.

 

 

 


L'ONU interdite d'accès au point de passage de Rafah par les autorités israéliennes

Une pancarte accueille ceux qui arrivent à Gaza, avant d'être démolie par un véhicule militaire israélien, alors qu'Israël revendique le contrôle du poste frontière de Rafah dans la bande de Gaza lors de son conflit avec le groupe islamiste palestinien Hamas (Photo, Reuters).
Une pancarte accueille ceux qui arrivent à Gaza, avant d'être démolie par un véhicule militaire israélien, alors qu'Israël revendique le contrôle du poste frontière de Rafah dans la bande de Gaza lors de son conflit avec le groupe islamiste palestinien Hamas (Photo, Reuters).
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  • Quant au point de passage d'Erez, donnant accès au nord de la bande de Gaza et récemment rouvert par Israël, toute l'aide qui pourrait y passer doit être soumise au contrôle des autorités israéliennes à Kerem Shalom
  • L'armée israélienne a déployé des chars mardi dans Rafah et pris le contrôle de la partie palestinienne du point de passage avec l'Egypte

GENEVE: L'ONU s'est vue interdire par Israël l'accès au point de passage de Rafah dans la bande de Gaza, a-t-elle indiqué mardi, soulignant que l'aide ne pouvait plus entrer dans le territoire palestinien, y compris le diesel indispensable pour l'aide humanitaire.

"Nous n'avons actuellement aucune présence physique au point de passage de Rafah car le Cogat (organisme israélien chargé de coordonner la politique israélienne dans les territoires palestiniens occupées, NDLR) nous a refusé l'accès à cette zone", qui est le principal point de passage de l'aide humanitaire, a déclaré Jens Laerke, le porte-parole du Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), lors d'un point de presse régulier à Genève.

"On nous a dit qu'il n'y aurait pas de passage de personnel ou de marchandises dans les deux sens pour le moment... Pour combien de temps ? Je n'en sais rien", a-t-il ajouté.

"Cela a un impact considérable", a-t-il souligné. Aucune aide ne peut plus entrer non plus par le point de passage de Kerem Shalom fermé depuis dimanche par l'armée israélienne après des tirs de roquette.

"Actuellement les deux principales artères pour acheminer l'aide à Gaza sont bloquées. Ce matin est l'un des plus sombres de ce cauchemar qui dure depuis sept mois", a-t-il poursuivi. Si le carburant est bloqué, "ce serait une manière très efficace d'enterrer l'opération humanitaire", a jugé le porte-parole.

Quant au point de passage d'Erez, donnant accès au nord de la bande de Gaza et récemment rouvert par Israël, toute l'aide qui pourrait y passer doit être soumise au contrôle des autorités israéliennes à Kerem Shalom, a indiqué un porte-parole du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), James Elder, lors du point de presse. Kerem Shalom étant "fermé", rien ne peut être contrôlé, a-t-il dit.

L'ONU bientôt à court de carburant 

Israël a lancé une vaste opération militaire contre le Hamas dans la bande de Gaza après l'attaque massive du mouvement islamique sur le territoire israélien le 7 octobre.

L'armée israélienne a déployé des chars mardi dans Rafah et pris le contrôle de la partie palestinienne du point de passage avec l'Egypte, et affirmé mener une opération de "contreterrorisme" dans "des zones spécifiques" de l'est de Rafah.

L'ONU est d'autant plus préoccupée qu'il n'y a pas de réserves importantes d'aide dans Gaza: toute celle qui entrait jusqu'à présent a été immédiatement distribuée.

Pour le carburant, selon M. Laerke, il n'entre que par Rafah, la réserve "est pour l'ensemble" de l'opération humanitaire à Gaza et est "très, très courte, environ une journée (...) principalement de diesel, pour faire fonctionner les camions et les générateurs".

A ses côtés, une porte-parole de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Margaret Harris, a confirmé que le point de passage de Rafah est fermé depuis lundi sans exception: "Pas de personnel entrant ou sortant, pas d'évacuations, rien. Et je crois savoir qu'il en va de même aujourd'hui".

«Pire qu'à Rafah»

Pour le porte-parole de l'Unicef, il est "difficile de voir comment les agences d'aide peuvent éviter la famine dans la bande de Gaza si cette porte est fermée pendant une longue période".

L'armée israélienne (IDF) a largué des tracts appelant les habitants à évacuer "vers la zone humanitaire élargie d'al-Mawasi", à une dizaine de kilomètres de Rafah.

"Les IDF ont facilité" à al-Mawasi "la construction d'hôpitaux de campagne, de tentes" ainsi que l'arrivée d'eau, de nourriture et de matériel médical, a assuré un porte-parole de l'armée, Nadav Shoshani, lors d'un briefing mardi.

"La situation dans les zones où les gens ont reçu l'ordre de se rendre est incroyablement pire qu'à Rafah", a souligné le porte-parole de l'Unicef. Des habitants et des organisations humanitaires y décrivent des secteurs déjà surpeuplés ou détruits par la guerre tandis que Rafah abrite le dernier grand hôpital de Gaza, l'hôpital européen, qui, selon M. Elder, "est l'une des dernières bouées de sauvetage pour les civils".